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| Prisons et prisonniers militaires de la IIIe République, 1889-1928 | |
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Nombre de messages : 1257 Date d'inscription : 13/01/2014
| Sujet: Prisons et prisonniers militaires de la IIIe République, 1889-1928 Dim 19 Jan 2014 - 23:28 | |
| Prisons et prisonniers militaires de la IIIe République, 1889-1928. Étude du système pénitentiaire de l'armée française (titre provisoire). source document pdf : http://www.crid1418.org/doc/textes/sujet_milloz.pdf
La réflexion engagée il y a deux ans et demi dans le cadre d'une thèse au sein de l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne sous la direction de Monsieur le Professeur Dominique Kalifa porte sur le rôle du système pénitentiaire de l'armée de terre française durant la IIIe République, et plus précisément, entre 1889-1928. La loi de 1889 est fondamentale dans la relation qui unit la République à l'armée : le service militaire obligatoire personnel, qui existe depuis la loi de 1872, n'est plus pensé avant tout comme un outil de défense nationale, mais d'abord comme l'école de la citoyenneté1. La République confie à l'armée le rôle de fabrication des citoyens et lui donne par là-même une fonction fondamentale au sein de la société. Tous les jeunes Français2, qui passent, dès lors, obligatoirement, à un moment de leur vie, sous les drapeaux, dépendent pendant ce temps du Code de justice militaire. Celui-ci prévoit que quelques actes délictueux ou criminels qu'ils commettent, au civil ou au militaire, les soldats seront jugés par un conseil de guerre et subiront leur peine dans une des composantes du système pénitentiaire de l'armée3 (prisons, pénitenciers et ateliers de travaux publics, essentiellement implantés en Afrique du nord). Ainsi, paradoxalement, devenir citoyen implique, à la période étudiée, de dépendre temporairement d'une justice différente de celle dont relève le reste de la société. Ce passage au service militaire obligatoire confère au système pénitentiaire de l'armée un rôle différent et beaucoup plus étendu que celui qu'il avait auparavant. D'un système de punition, d'exclusion et d'amendement de soldats dans le cadre d'une armée qui est peu ou prou une armée de métier – en tout cas une armée basée sur un recrutement qui n'est pas démocratique et ne touche pas tous les hommes –, il devient un système de punition, d'exclusion et d'amendement de citoyens-soldats. La dette n'est plus seulement une dette envers l'armée mais aussi envers la société, l'exclusion est un éloignement de la société entière et le relèvement que doit permettre le séjour carcéral doit rendre un citoyen à la société, et plus seulement un soldat à l'armée. Ce déplacement du rôle et de la fonction de l'armée ne s'accompagne pas avant 1928 d'une réforme du code de justice militaire. Pourtant, durant la IIIe République, la justice militaire est une véritable « juridiction d'exception 4 », dont les travers et les écarts ne cessent d'être dénoncés sur la place publique et au sein des Chambres parlementaires5. L'armée est alors perçue comme un « monde à part6 », situation inadmissible dans le cadre de la République, et son système pénitentiaire est un des éléments qui attise la critique.
Peu à peu, par réformes éparses et au gré des événements qui la mettent en cause – affaire Dreyfus, affaire des fiches, jugements expéditifs de la Grande Guerre, pour ne citer que trois événements majeurs –, la justice militaire subit quelques sensibles modifications qui visent à la rapprocher de la justice civile7. Il faut cependant attendre le nouveau Code de justice militaire de 1928, pour que ses prérogatives soient restreintes. Les soldats sont désormais jugés par des « tribunaux militaires » uniquement pour leur crime ou délit militaire, pour le reste, ils dépendent de la justice civile. Le système pénitentiaire pour sa part ne connaît que quelques modifications avant 1925, et il faut également attendre longtemps, 1925 et 1928 surtout, pour qu'il subisse de véritables réformes. Ainsi, entre l'avènement de la nation-armée, à la fin du XIXe siècle, et 1928, la IIIe République ne parvient pas à réformer une institution pourtant de plus en plus critiquée par les contemporains et en inadéquation avec certains de ses principes. L'objet de la thèse est donc de comprendre pourquoi la IIIe République peine autant à réformer l'institution alors qu'elle en fait un objet central de sa construction, ou pourquoi l'armée résiste aussi longtemps à la réforme. Ceci pose la question du statut du soldat-citoyen dans le cadre d'une république démocratique et d'une nation armée, et plus largement amène à questionner la fonction, le statut et la légitimité d'une justice d'exception dans le cadre d'un régime républicain démocratique. Dernier maillon de la justice militaire, cas extrême du pouvoir que possède l'armée sur un citoyen8 et du même coup sur la société, le système pénitentiaire militaire, au moment de son histoire où il concerne statistiquement le plus de citoyens, mérite une étude historique. A chacune des échelles du système correspond un niveau d'acteurs. L'analyse par échelles, de l'espace carcéral à celui, national, des décisions politiques, permet de mesurer le rôle de chacun des acteurs du système et de saisir comment chaque niveau s'articule. La forte empreinte territoriale de l'objet étudié, justifie d'autant mieux cette approche multiscalaire. Trois échelles se dégagent : 1° A petite échelle, au sommet de la République, le gouvernement, particulièrement les ministères de la guerre, et les parlementaires définissent théoriquement le rôle du système, en débattent et déposent des propositions de réformes. L'étude de ces débats et productions permet de comprendre les raisons de la lenteur des réformes du système et de postuler son autonomie par rapport aux pouvoirs politiques. A cette échelle, il faut également interroger la double implantation du système (métropole et Afrique du nord), âprement débattue, en comprendre la logique et l'évolution puisque des établissements ouvrent et que d'autres ferment tout au long de la période. 2° A l'échelle locale, le travail porte sur le rôle des établissements au sein des territoires sur lesquels ils sont implantés en questionnant leur régime de visibilité. Rapprocher la focale à ce niveau implique de définir le rôle colonial du système pour sa partie nord africaine. Contrairement à la métropole, où les détenus travaillent en ateliers dans des établissements, ils sont employés, en Afrique du Nord, à des travaux en chantiers extérieurs, parfois au coeur même des villes. Quelles sont les interactions entre les membres des établissements (personnel ou détenus) et la population locale (colons ou colonisés)? Comment se passe la cohabitation? Celle-ci a-t-elle un impact sur le fonctionnement du système? 3° A plus grande échelle encore, il y a les établissements (les pénitenciers d'Avignon, Albertville et Fort Gassion, ou ceux de Douéra, Aïn Beida et Bossuet, les ateliers de travaux publics Bougie et Orléansville, ou encore les établissements mixtes de Téboursouk et Dar Bel Hamrit, par exemples ) où tester l'hypothèse de l'autonomie du système en essayant de voir comment les directives ministérielles sont appliquées, comment se déroulent les inspections, comment les membres du cadre assument leurs fonctions, saisir, en somme, l'écart entre ce que veut le ministère et ce qui se passe au sein des établissements. Pour cela, un travail de recherche sur le quotidien à l'intérieur de certains d'entre eux (notamment l'établissement mixte de Dar bel Hamrit, à propos duquel les sources sont plus nombreuses), à partir des individus qui le peuplent (détenus ou membres du cadre), permet à la fois de saisir ces écarts, mais aussi de dresser un tableau vivant d'un système encore pratiquement inconnu de l'historiographie. Pénétrer les établissements, c'est aussi savoir qui les peuplent, ce que révèle une sociologie des détenus. Ce travail comprend une analyse des carrières militaires, judiciaires et pénales des détenus permettant ainsi de savoir qui l'armée de la IIIe République incarcère, mais aussi pour quelles fautes elle punit le plus fréquemment et durement, quels sont les écarts entre les peines prononcées et les peines véritablement subies, quelles remises, amnisties, grâces sont accordées, dans quels cas et à qui. Et encore quels sont les corps d'armée les plus pourvoyeurs de détenus ? Quel est le taux de mortalité des détenus militaires ? Enfin, interroger le système, à toutes les échelles, dans une perpective comparatiste, permet de dégager les particularités, dors et déjà apparentes, de sa partie nord africaine. Ce travail multiscalaire se double d'une attention particulière à la chronologie. La Première Guerre Mondiale joue ici un rôle clé. Ce moment est étudié en lui-même : comment l'armée parvient-elle à absorber l'afflux de prisonniers inégalé jusque-là, comment gère-t-elle la cohabitation des prisonniers de guerre avec les prisonniers de sa propre armée? Quels efforts de guerre les prisonniers ont-ils fourni sur les chantiers extérieurs qui s'implantent à ce moment-là sur le territoire métropolitain ? A qui et pourquoi l'armée n'accorde-t-elle pas de sursis de peine ? Et il est analysé pour ses répercutions sur le système à partir d'une question centrale : quel est l'impact de la guerre dans la modification de la physionomie générale du système de 1928 ? Les archives convoquées ont guidé les choix méthodologiques. La sous-série 13J des archives du Service Historique de la Défense, ouverte très récemment et jamais étudiée jusque-là dans son ensemble, constitue le fonds principal grâce auquel le projet est mené. Il contient d'une part environ 900 registres d'écrou de soixante et un établissements (pour la période concernée) qui sont traités selon les méthodes de l'histoire quantitative renouvelée et grâce à des outils informatiques efficaces (Open Office pour la création de la base de données et les méthodes développées au sein du Pôle Informatique de Recherche et d'Enseignement en Histoire de Paris 1 pour leurs traitements) afin de dresser entre autre la sociologie des détenus. Il renferme, d'autre part, plus de cinquante cartons d'archives dont le contenu est issu pour partie des établissements et pour l'autre du ministère, notamment du service du contentieux et de la justice militaire. L'ensemble de cette documentation est étudiée avec une attention particulière aux conditions de production des documents. D'autres cartons appartenant à d'autres fonds du Service Historique de la Défense sont aussi convoqués de façon plus ponctuelle notamment le 8N175 qui contient des rapports d'inspections des établissements par le corps de contrôle de l'administration centrale de l'armée, ainsi que certains cartons des sous-séries 3J et 2I qui contiennent par exemple des dossiers sur les réactions et instructions suite aux campagnes de presse contre Biribi du ministre aux personnels des établissements. L'ensemble de la documentation officielle du ministère est convoqué de façon à reconstituer le cadre administratif, réglementaire, organisationnel et cartographique du système. Il s'agit de différentes éditions augmentées du Code de justice militaire pour l'armée de terre de 1857, des règlements successifs des établissements pénitentiaires publiés en édition méthodique à partir de 1901 et réédités souvent avec les différentes circulaires ou instructions promulguées depuis l'édition précédente ainsi que des Annuaires Militaires et les différentes éditions du Compte général de l'administration et de la justice militaire (publié jusqu'en 1913). Les débats et documents parlementaires et gouvernementaux concernant le système pénitentiaire de l'armée ont été recherchés puis étudiés selon une méthode d'histoire politique classique et chacun des individus qui a pris la parole, rédigé des proposition ou participé à des commissions, a fait l'objet, autant que possible, d'un travail sommaire d'identification. Les écrits des contemporains sur le « bagne militaire » (presse, témoignages, littérature pittoresque, écrits de médecins militaires…) ayant déjà été abondemment étudiés9 servent seulement très ponctuellement à titre de comparaison ou de complément, notamment dans la tentative de restitution de la vie quotidienne des établissements. Ce travail est guidé, dans son ensemble, par les méthodes de l'histoire sociale, enrichie par les apports conceptuels de la sociologie interactionniste et par l'oeuvre de Michel Foucault. Enfin, la réflexion est enrichie de méthodes (le travail par échelle en autre) et concepts (« l'antimonde » de Roger Brunet10 par exemple) empruntés à la géographie.
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1 Annie CRÉPIN, Histoire de la conscription, Malesherbes, Gallimard, 2009, p.300. 2 Selon Annie CRÉPIN, idem, p.312, avec la loi de 1889, deux tiers d'une classe d'âge effectuent son service militaire, avec la loi de 1905, les chiffres n'augmentent pas sensiblement. 3 Si cette peine est carcérale, bien sûr, et si elle n'emporte pas la destitution, situation dans laquelle le détenu est remis à l'administration pénitentiaire civile. 4 Jean-Louis GAZZANIGA, « À propos du privilège militaire de juridiction. L'évolution de la compétence des juridictions militaires en France (1789-1928) » , in Mélanges offerts à Pierre Vigreux, Toulouse, Institut de préparation aux affaires. Institut d'administration des entreprises,1981,tome 2,p. 429-444. 5 Voir notamment : Odile ROYNETTE, « les conseils de guerre en temps de paix, entre réforme et suppression (1898-1928) », Vingtième siècle, Revue d’histoire, n° 73, janvier-mars 2002, p. 51-66 et Jean-Louis GAZZANIGA, op. cit. 6 Madelaine RIBÉRIOUX, citée par Michel AUVRAY, Objecteurs, insoumis, déserteurs : histoire des réfractaires en France, Stock, 1983, p.126. 7 Cf. Odile ROYNETTE, op. cit. 8 En dehors de la peine de mort. 9 Dominique KALIFA, Biribi. Les bagnes coloniaux de l'armée française, Paris, Perrin, 2009. 10 Voir notamment : Roger BRUNET, « antimonde », dans BRUNET (R.), FERRAS (R.), THÉRY (H.) (dir.), Les mots de la géographie, dictionnaire critique, Montpellier-Paris, Reclus, 1997 [3° édition], p.35-38. | |
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| Sujet: Re: Prisons et prisonniers militaires de la IIIe République, 1889-1928 Dim 19 Jan 2014 - 23:28 | |
| Bagne de Tataouine Période Militaire Destination initiale Bagne (?-1938) Destination actuelle Caserne de l'armée tunisienne Coordonnées 32° 56′ 47″ Nord 10° 26′ 33″ Est Le bagne de Tataouine est un ancien bagne militaire français ouvert jusqu'en 1938, année de l'abolition des bagnes français, à Tataouine (sud de la Tunisie). Historique . Il est réputé pour accueillir, dans des conditions particulièrement difficiles, des condamnés de droit commun et des soldats punis pour indiscipline. Ils intègrent alors les bataillons d'infanterie légère d'Afrique plus connus sous le surnom de bat’ d'Af’ ou de Joyeux. Deux explications peuvent être avancées concernant ce dernier surnom : l'une, positive, valorise un fort esprit de corps et distingue leur clique qui était particulièrement joyeuse. L'autre, négative et la plus répandue, ironise sur la réputation dure de soldats inspirant la terreur autour d'eux. Ces soldats y subissent, outre un soleil implacable, le poids d'une double hiérarchie : celle des militaires et celle officieuse des caïds. De plus, ils sont affectés à la surveillance des tribus toujours promptes à s'agiter. Ainsi, le bagne a très mauvaise réputation et sa notoriété fait qu'il est à l'origine d'expressions populaires telles que « aller à Tataouine », qui signifie aller se perdre au bout du monde, et « Tataouine-les-Bains » pour évoquer un endroit méprisé et sans intérêt. Aujourd'hui, l'emplacement du bagne est occupé par une caserne de l'armée tunisienne qui peut être observée au sommet d'une colline depuis la route qui traverse Tataouine. Il a servi de décor pour le tournage des films de Star Wars réalisé par George Lucas. | |
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