Les pigeons au combat
Par Fabrice Thery
La seule photo connue du pigeon Vaillant, au fort de Vaux.
Pendant le siège de Paris en 1870, 64 ballons chargés de pigeons quittèrent la ville. Ils étaient destinés à rapporter à la capitale, assiégée par les troupes allemandes, des nouvelles du Gouvernement.
Les dépêches étaient miniaturisées par un procédé mis au point par le photographe Dragon, qui s'était fait remarquer en réduisant une photo représentant 400 députés sur une pellicule de 2 millimètres carrés.
Grâce à ce procédé, chaque pigeon pouvait transporter jusqu’à 3.000 dépêches sur une pellicule minuscule de 3,5 mm2.
Pendant cette sombre période, les pigeons ont ainsi acheminé 115.000 dépêches officielles et plus de 1.000.000 dépêches privées. Les 25 premiers pigeons furent emportés par le ballon « Le Washington ».
Ils furent ensuite amenés à Tours où s'était installé le Gouvernement. Le 17 octobre, on leur confia leur première mission, qu'ils accomplirent fidèlement. L'expérience fut renouvelée avec le même succès et fut si concluante que le 4 novembre, on les chargea de la correspondance privée.
Les pellicules étaient projetées sur un écran et recopiées à la main. Ainsi, Paris recevrait-il régulièrement un véritable journal qui le tenait au courant des opérations militaires et de la vie du pays. Les pigeons étaient chassés par les Uhlans, lanciers de l'armée allemande et par les paysans qui avaient déclaré la guerre aux pigeons. Leur action avait pris une telle ampleur que Gambetta avait édicté la peine de mort contre quiconque serait surpris tirant sur l'un d'eux. Suite à cette expérience, l'armée française, à Coëtquidan et Montoire décide de créer de nouveaux centres d'instruction colombophile militaire. Ceux-ci seront utiles et utilisés de 1914 à 1919. Dix ans avant leur utilisation sur le champ de bataille, l'hebdomadaire Les nouvelles illustrées dans son n°38 du jeudi 12 février 1903, consacrait déjà un article aux pigeons de guerre dans l'armée allemande, illustré de deux photographies.
Le pigeon fut-il l'ancêtre du drone ? (DR)
Le pigeon dans la grande guerre
Avec l’avènement à la fin du 19ème siècle, de toutes les inventions modernes et plus tard, le déclenchement du premier conflit mondial, on vit naître des technologies militaires modernes qui développèrent grandement la puissance de feu, les techniques du Génie, la logistique et les communications.
Avec l’apparition progressive des moyens radios et l’utilisation accrue de l’aviation dans des rôles de reconnaissance, on aurait pu croire que l’utilisation du pigeon voyageur, en tant que messager, serait rapidement dépassée. L’organisation colombophile militaire en France était rudimentaire au début du 20ème siècle. Les colombiers militaires installés dans les places fortes de l’Est étaient uniquement destinés à assurer les liaisons avec l’intérieur en cas d’investissement. Mais, dès 1915, l’emploi des pigeons voyageurs s’amplifia sous l’impulsion des colombophiles civils. Les pigeons furent transportés depuis Paris vers la ligne de front par ces amateurs bénévoles et ramenèrent des renseignements sur la progression allemande.
Les différentes fractions de l’armée française : les 2e, 3e, 4e, 5e et 6e armées se munirent également de colombiers dits de « l’arrière » et de « l’avant ».
Au cours de la guerre 1914-1918, l'armée française améliore sa technique.
Au lieu de faire usage de colombiers fixes se trouvant parfois très loin du front, ou souvent trop proche, les poilus utilisent « l'araba », qui avance et recule selon le retrait ou la progression de l'adversaire.
L'araba était un autobus à impériale de marque Berliet, transformé en pigeonnier. Le bas servait de réserve de nourriture et de logement pour le soigneur. Les soldats qui s'occupaient des pigeons avaient un rôle très important dans l’éducation des pigeons car ceux-ci revenaient au bercail surtout pour eux.
Pigeon équipé en 1914 par l'armée allemande d'un appareil photo à obturateur programmé (DR)
Dès décembre 1915, dans le nord de la France, pays des « coulonneux », sous occupation en grande partie, le « Bulletin de Lille » rappelle aux Lillois qu'il est interdit, sous peine de mort, de lâcher des pigeons voyageurs, et précise que les personnes « qui trouveraient des pigeons voyageurs » sont tenues de les remettre à l'autorité militaire la plus proche, faute de quoi elles seront suspectées d'espionnage et s'exposeront à des poursuites. Les infractions commises par négligence seront systématiquement punies d'un emprisonnement pouvant atteindre 3 ans ou d'une amende pouvant s'élever jusqu'à 10 000 marks.
Le bus "Araba" (DR)
Vers le milieu de l’année 1915, trois premiers colombiers mobiles ont déjà été réalisés par la transformation d’autobus à impériale. L’ennemi n’ignore pas l’utilisation prépondérante des pigeons dans les communications des armées françaises. Dans les régions envahies, il organise la destruction systématique des ressources colombophiles afin d’éviter que les pigeons ne puissent assurer la transmissions de précieuses indications sur l’ennemi. Côté allié, lors des offensives, on savait que la destruction des ressources colombophiles dans les régions envahies, par ordre de l’ennemi allemand, donnait la certitude de ne retrouver aucun pigeon vivant lors de la conquête d’un hameau ou d’un village. Seuls les pigeons voyageurs fonctionnaient régulièrement en toutes circonstances pour permettre les communications et cela malgré les bombardements, la poussière, la fumée ou la brume. Ils apportaient dans un délai relativement court des précisions sur la situation des troupes engagées.
En 1916, l’Armée française fait fabriquer par son créateur Mr Léon Beague, 16 pigeonniers sur remorque, afin d'améliorer la mobilité. Certains pigeons deviendront de véritables héros. Le plus connu d'entre eux est "Le Vaillant", matricule 787.15, qui fut lâché du fort de Vaux le 4 juin 1916 à 11 heures 30 pour apporter à Verdun le dernier message du Commandant Raynal. Celui-ci écrivait :
"Nous tenons toujours, mais nous subissons une attaque par les gaz et les fumées très dangereuses.
Il y a urgence à nous dégager. faites-nous donner de suite toute communication optique par Souville, qui ne répond pas à nos appels. C'est mon dernier pigeon.
Signé : Raynal."
Ce célèbre pigeon a obtenu la citation suivante à l'ordre de la Nation avec attribution de la croix de guerre :
"Malgré les difficultés énormes résultant d'une intense fumée et d'une émission abondante de gaz, a accompli la mission dont l'avait chargé le commandant Raynal, unique moyen de communication de l'héroïque défenseur du fort de Vaux, a transmis les derniers renseignements qui aient été reçus de cet officier fortement intoxiqué, est arrivé mourant au colombier."
Pigeonnier de la Cie de transmissions australienne,
état-major du Corps australien, Bertangles, juillet 1918 (DR)
L'utilisation du pigeon soldat a permis de sauver de nombreuses vies humaines. C'est ainsi que le Capitaine René écrit dans son ouvrage : Lorette, une bataille de 12 mois, octobre 1914 - septembre 1915 :
- "Une unité de chasseurs à pied, engagée à fond, s'est trouvée en pointe et coupée des autres unités.
Tous les moyens pour aviser le commandement de cette situation étaient fauchés par les bombardements ou le tir des mitrailleuses. Le téléphone était coupé et la liaison optique impossible en raison de la fumée des éclatements. C'est alors que les chasseurs qui avaient emportés quelques pigeons voyageurs obtinrent de les lâcher avec le message suivant :"Sommes sous le Souchez. Subissons lourdes pertes, mais le moral est très élevé. Vive la France !"Du colombier, le message fut transmis à l'artillerie qui allongea le tir, protégeant ainsi nos chasseurs d'une contre-attaque allemande. Ainsi Souchez fut libéré."
Entre 1917 et 1918, il fut fait un emploi intensif des pigeons. Les unités commencèrent à chiffrer leurs messages afin d’éviter les indiscrétions dans le cas où les oiseaux tomberaient entre les mains de l’ennemi.
La France se maintenait ainsi en permanence informée de la position de ses troupes. Au début de 1918, l’armée disposait de 24 130 pigeons, dont plus de 15 000 parfaitement éduqués à la mobilité et entraînés. Les demandes de pigeons, formulées par les troupes en ligne, les chars d’assaut, l’aviation, devenaient de jour en jour plus pressantes et plus nombreuses. L’emploi des messagers volants était très varié : à titre d’exemple, les aviateurs en détresse pouvaient faire connaître leur position grâce au lâcher de messagers ailés.
20 000 morts au champ d’honneur
Les alliés utilisèrent même le pigeon en tant qu’espion : des agents transportaient les oiseaux en Angleterre, puis en Hollande et les introduisaient enfin en territoire occupé en traversant la Belgique. Les pigeons étaient ensuite remis entre les mains de personnes de confiance qui communiquaient des renseignements précieux à la France. Lors de l’armistice, le 11 novembre 1918, l’armée française disposait de nombreux colombiers fixes et plus de 350 colombiers mobiles pour un total de 30 000 pigeons. Un monument à Lille commémore les quelques 20 000 pigeons tués du côté français durant la grande guerre.
Monument au pigeon soldat, Charleroi, Belgique (DR)
Monument "aux pigeons morts pour la France" sur le champs de mars à lille, inauguré en 1936
http://www.histoquiz-contemporain.com/Histoquiz/Lesdossiers/premiere/pigeons/Dossiers.htm
Réglementation concernant les pigeons voyageurs, 20 janvier 1915Titre Réglementation concernant les pigeons voyageurs, 20 janvier 1915
Publication 20 janvier 1915
Description 48 x 60 cm.- Cote physique : A1b15
Type Affiches
Établissement Médiathèque
Cote AFF_001_B_1_015
Fait partie de La Grande Guerre - Fonds Ducourant ; Affiches au moyen format
Affiches de la Guerre 1914-1918 ; 1914-1918 ; 166 affiches imprimées sur papier.
Ces affiches donnent une image de la première guerre mondiale et de l'occupation du nord et de la France dans son ensemble sous l'angle de la vie politique, économique et de la vie quotidienne.
Affiches de la médiathèque et des Archives municipales
Mots-clés Guerres
1914-1918
Pigeons voyageurs