du beau monde, dont STORA "historien fellagha"
MASSACRES ORAN, AUTRE VERSION
Le cinéaste documentariste Jean-Pierre Lledo a lancé le 5 novembre 2013 sur le site du Huffington
Post une pétition internationale intitulée "5 Juillet 1962 à Oran, Algérie", fondée sur une vision
partielle des événements survenus à Oran le jour où était célébrée l'indépendance de l'Algérie, qui
instrumentalise les massacres d'Européens perpétrés alors dans cette ville.
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Les massacres d'Européens du 5 juillet à Oran ne doivent faire l'objet d'aucun déni. Il apparaît que
les deux États n'ont pas communiqué aux familles des disparus toutes les informations qu'ils avaient
pu réunir sur leur sort tragique et qu'elles étaient en droit d'attendre. Ces crimes méritent d'être
encore davantage étudiés et reconnus.
Le film Algérie 1962. L'été où ma famille a disparu, par exemple, relatant l'enquête honnête et
scrupuleuse que la documentariste Hélène Cohen a menée sur la disparition tragique de cinq
membres de sa famille à Oran ou dans ses environs, mérite d'être davantage diffusé. Mais, en ce qui
concerne les auteurs des ces crimes, tout en n'écartant l'examen d'aucune responsabilité, y compris
au sein du Fln d'Oran ou de l'Aln des frontières, il ne faut pas non plus en venir à mettre en cause de
manière globale et simpliste les indépendantistes algériens, ni négliger les nombreux témoignages
qui relatent des faits de délinquance pure, commis dans un moment d'anarchie, de parcellisation
extrême ou de vacance du pouvoir.
En affirmant que ces crimes sont "passés sous silence", ce sont en réalité les importants travaux
d'historiens effectués depuis vingt ans, en France et en Algérie, sur ces massacres que cet appel
passe sous silence. En isolant ces enlèvements et assassinats de leur contexte, il s'interdit d'en faire
une véritable approche historique.
Or en 1993, l'historien Charles-Robert Ageron, dans sa préface à l'ouvrage du général Joseph Katz,
L'honneur d'un général, Oran 1962, a expliqué comment cet officier français commandant du corps
d'armée d'Oran, qu'il qualifie de "courageux défenseur de la République face à la rébellion de l'Oas
à Oran", a servi la légalité en cherchant à éviter au maximum les victimes civiles parmi les
Européens de la ville qui soutenaient alors majoritairement l'Oas. Il a décrit comment, durant les
mois précédant l'indépendance proclamée le 5 juillet, l'Oas d'Oran, composée et commandée par des
civils armés organisés en "collines", a déployé des actions dont ont été victimes, de manière ciblée,
les éléments minoritaires de la population pied-noire qualifiés par eux de "gaullistes", "socialistes",
"communistes" et autres "traîtres", ainsi que, de manière aveugle, les personnes de la population
musulmane d'Oran.
Des quartiers où vivaient ces dernières furent l'objet de tirs de mortier; le 6 avril, par exemple, 14
Algériens ont été tués dont quatre carbonisés dans leur véhicule. Et la spécificité de ce drame du 5
juillet à Oran qui n'a heureusement pas eu d'équivalent dans les autres villes d'Algérie ne peut se
comprendre si on omet le fait que l'Oas d'Oran, en refusant l'accord de cessez-le-feu que l'Oas
d'Alger avait conclu le 17 juin avec le Fln, a continué pendant deux longues semaines à tuer, à
détruire et à incendier au nom d'une folle stratégie de la terre brulée.
Charles-Robert Ageron a donné le bilan publié officiellement par les autorités françaises, des
victimes de ce terrorisme de l'Oas à Oran entre le 19 mars et 1er juillet 1962: 32 morts parmi les
membres des forces de l'ordre françaises, 66 morts parmi les civils européens et 410 parmi les
Algériens musulmans.
Des historiens algériens tels Fouad Soufi et Saddek Benkada ont publié aussi des travaux sur ce
drame. En novembre 2000, lors d'un colloque à la Sorbonne en l'honneur de Charles-Robert Ageron,
Fouad Soufi a montré notamment qu'à lui seul l'attentat aveugle de l'Oas du 28 février par un
véhicule piégé qui a explosé en plein coeur du plus important quartier musulman d'Oran, la Ville
Nouvelle, avait fait 35 tués dont une petite fille âgée de 10 ans et 50 blessés.
Il a rappelé la véritable guerre livrée par l'Oas à l'armée française, les assassinats par elle au mois de
juin de ses officiers, le lieutenant-colonel Mariot le 12 juin, du général Ginestet et le médecincommandant
Mabille, en plein hôpital, le 15 juin. Ensuite, aux alentours du 27 juin, les commandos
de l'Oas ont quitté la ville sur des chalutiers et autres navires qui les ont conduits en Espagne
franquiste, avec leurs armes et les centaines de millions de francs résultant de leurs hold up faciles
des mois précédents.
C'est dans ces conditions que le 5 juillet des crimes odieux ont été commis contre des civils
européens, dont beaucoup n'étaient pas des extrémistes, se croyaient protégés par leurs bonnes
relations avec des Algériens musulmans et étaient disposés à continuer à vivre là où ils avaient
toujours vécu, dans l'Algérie indépendante.
Ce n'est pas en écrivant une histoire hémiplégique qui ne s'intéresse qu'à une seule catégorie de
victimes, qui occulte le rôle crucial de l'Oas et isole ces crimes sans les replacer dans la longue suite
de ceux qui les ont précédés, que l'on peut écrire réellement l'histoire, ni parvenir à une véritable
reconnaissance réciproque de tous les drames qui ont marqué cette guerre. Les massacres
d'Européens le 5 juillet 1962 doivent assurément être reconnus et éclairés, mais attention à ne pas
s'écarter du nécessaire travail historique et ni à basculer dans une instrumentalisation partisane et
caricaturale de l'histoire.
Les massacres d'Européens le 5 juillet 1962 doivent assurément être reconnus et éclairés, mais à les
renvoyer, comme le fait Jean-Pierre Lledo, à une soi-disant barbarie inhérente aux Arabes, de
l'Algérie d'alors à la Syrie d'aujourd'hui, on s'écarte du nécessaire travail historique et bascule dans
une instrumentalisation partisane et caricaturale de l'histoire.
Les historiens: Dalila Aït-el-djoudi, Omar Carlier, Etienne Copeaux, Ali Guenoun,
Mohammed Harbi, Jean-Robert Henry, James House, Gilles Manceron, Claire
Mauss-Copeaux, Gilbert Meynier, Tramor Quemeneur, Alain Ruscio, Benjamin
Stora.
et
Lhaouari Addi, sociologue,
Sanhaja Akrouf, militante associative,
Tewfik Allal, Manifeste des libertés,
Sidi Mohammed Barkat, enseignant-chercheur,
Yahia Belaskri, journaliste et écrivain,
Ali Bensaad, géographe,
Abderrahmane Bouchène, éditeur,
Alice Cherki, psychanalyste,
Hélène Cohen, auteur du documentaire Algérie 1962. L'été où ma famille a disparu,
2011,
Ahmed Dahmani, universitaire,
Pierre Daum, journaliste, auteur de Chronique d'un massacre annoncé Oran, 5
juillet 1962, Le Monde diplomatique, janvier 2012.
Abdelkader Djemaï, écrivain, auteur de Une ville en temps de guerre, récit, Seuil,
2013.
Sadek Hadjerès, responsable en 1962 du PCA clandestin, rédacteur au site Socialgérie,
Aziz Mouats, Université de Mostaganem, l'un des quatre personnages du film de Jean-
Pierre Lledo, Algérie, histoires à ne pas dire, 2008.
François Nadiras, webmestre du site LDH Toulon,
Jacques Pradel, président de l'Association nationale des pieds-noirs progressistes et
leurs amis (ANPNPA),
Brahim Senouci, universitaire et
Michèle Villanueva, auteur de L'écharde, Maurice Nadeau, 1992.
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