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| Sujet: jean Graziani Lun Juil 13 2009, 20:58 | |
| Cette année, nous commémorons le 50ème anniversaire de la mort du Capitaine Graziani, un de ces centurions qui contribua par sa forte personnalité, son anticonformisme, son courage et son charme à remplir quelques pages de l'histoire des parachutistes français.La jeunesse, la guerreJean Antoine Toussaint Graziani, est un Pieds-Noirs, de Mondovi comme Albert Camus. Sa mère meurt en lui donnant le jour en 1926, c'est donc son père, grand invalide de guerre, qui l'élève jusqu'à son décès, quand Jean atteint l'âge de neuf ans. Ce dernier est envoyé chez une tante à Alger.Il y suivra des études moyennes, plus intéressé par le jeu et la bagarre. A quinze ans, il fait partie des Compagnons de France, organisation vichyste de jeunesse.Rapidement, il y deviendra chef d'équipe. En 1942, juste après le débarquement américain en Algérie, il s'engage dans l'US Army. Il a seize ans. C'est là qu'il fait connaissance avec la guerre. Les Américains le détachent à la 1è Armée Britannique avant de le libérer. Mais jean ne veut pas en rester là, il rejoint les FFI à Alger et se voit affecté au 3ème Bataillon de l'Infanterie de l'Air. Embarqué pour l'Ecosse, Jean Graziani y suit l'entraînement très dur des SAS. Il se spécialise dans les explosifs avant de suivre le stage de sauts de Ringway et d'être nommé lère classe. Le 3è SAS (3ème RCP) commandé par le Commandant Chateau Jobert doit former un cordon de Nantes à Besançon, chargé de ralentir la retraite des troupes allemandes après le débarquement de Provence. Graziani saute du côté de Savigny s/Grosne, sabote des ponts, 84 lignes et cabines d'aiguillages et décroche, emmenant avec lui ses huit compagnons blessés. il a dix-huit ans. Il reçoit une citation à l'ordre de l'armée comportant l'attribution de la croix de guerre 39/45, la médaille militaire et se voit nommé sergent. Le 3è RCP est regroupé, réembarqué, puis envoyé en Hollande dans le cadre de l'opération Amherst, semer la confusion chez l'ennemi, empêcher la destruction des ponts, effectuer des missions de renseignements et de repérage d'objectifs. Le 7 avril 1945 au soir, à cause d'une mauvaise météo, le largage des hommes se passe mal ; ils atterrissent près d'un convoi allemand. Jean Graziani, même isolé dans la forêt, se débrouille plutôt bien puisqu'il fait quatre prisonniers et parvient à rejoindre, le 11 avril, les Canadiens pour participer avec eux à des attaques. Il est récompensé d'une citation à l'ordre de la division. L'opération Amherst dure six jours et sera un succès si on déplore la perte de vingt-cinq pour cent de l'effectif des SAS. La guerre se termine et Jean Graziani est désigné pour intégrer Coëtquidan. Il est de la promotion "Victoire", la première d'après guerre et obtient un rang honorable qui lui permet de choisir la Coloniale. Sous-Lieutenant, il dédaigne l'École d'Application d'infanterie et se porte volontaire pour l'Indochine.La guerre d'Indochine, la captivitéC'est en juin 1946 que jean Graziani débarque à Saïgon, son unité le 3è SAS, participe à l'opération lancée sur Nam Dinh, en janvier 1947. Sitôt au sol, Graziani regroupe sa section, rejoint le capitaine Ducasse et engage le combat de rues. L'opération réussit, mais les pertes sont lourdes.Quand il est en ville, Graziani sort souvent avec un autre SAS, Paul-Alain Léger qu'il continue d'appeler par son nom de code "D'Arzemont". Ce dernier lui présente la fille d'un banquier avec laquelle il se marie. Durant l'année 1947, Graziani participe à tous les coups de main en Cochinchine et mène deux violentes attaques contre l'ennemi, qui lui valent une nouvelle citation et le grade de lieutenant. Ainsi le bataillon SAS devient demi-brigade et ainsi naissent les 1er, 3è, 5è et 6è BCCP. Le lieutenant Graziani en fin de séjour, rentre en France, puis gagne Alger pour voir naître sa fille Claude. En octobre 1948, il rejoint la demi-brigade à Vannes où il retrouve son copain Léger. En fin d'année, récompensé de ses mérites par l'attribution de la Légion d'Honneur, il fête l'évènement pendant huit jours et y laisse plus de deux soldes. Mais l'Indochine le rappelle. Muté au 3è BCCP, il est affecté au Groupement Commando 1(GCI) et participe à l'opération, vraisemblablement mal préparée, de Pho Lu. Les 135 hommes largués sont censés tenir tête à plus de deux mille viets. Le capitaine Dubois tué, c'est le lieutenant Planet qui prend le commandement. Pressés par les viets, ils doivent abandonner le corps du capitaine. Cet acte est jugé sévèrement par le commandement. Un chef d'escadron s'exclame : "Quand le capitaine est tué, on fait tuer tout le monde mais on ramène le capitaine". "Qui ramène le capitaine si tout le monde est tué ?" lui réplique cinglant Graziani. Cela illustre bien le caractère anticonformiste et irrévérencieux de Graziani qui, entre deux opérations, participe à de grandioses beuveries, joue, se bat et fait l'amour. Il est soldat, guerrier plus que militaire. Il a un succès inouï auprès des femmes, et Sung la jolie chinoise qui fréquente le gratin d'Hanoï, n'est pas insensible à son charme. En mai 1950, le 3è BCCP aux ordres du capitaine Cazaux reprend le poste de Dong Khé aux viets de la brigade 308, puis sera engagé à Lung Phaï, That Khé, Lang Son, Cao Bang, puis à Sam Teu et Sam Neua au Laos. Epuisé par tant de combats, le bataillon attend son rapatriement en France fixé au 15 octobre. Beaucoup d'hommes sont malades, fatigués, blessés. Et pourtant le 8 octobre, le 3è BCCP saute sur That Khé. Graziani à la tête d'un commando recueille vingt-trois rescapés du 1er BEP dont le capitaine Jeanpierre et de nombreux marocains de la colonne Lepage anéantie du côté de Dong Khé dans la tragédie de la RC 4. L'ordre de repli donné, le 3è BCCP assure l'arrière-garde. Plusieurs divisions viets les talonnent, les encerclent, les submergent. Graziani est légèrement blessé. Dans la nuit du 11 au 12 octobre, avec ses hommes et son chef, le capitaine De Braquilanges, ils réussissent à percer l'étreinte mais ils sont faits prisonniers à l'aube. Seuls, neuf hommes du 3è BCCP pourront rejoindre le poste français de Dong Dang. Graziani, De Braquilanges et Planet réussissent à s'évader, mais ils sont repris trois jours plus tard, battus et envoyés au Camp n°1. Là, le lieutenant Graziani se montrera à la hauteur de sa réputation de frondeur et de gouailleur. Éternel mauvais élève des séances d'autocritique, il est de toutes les corvées. Il ne renonce pas, au contraire, et pendant ces quatre années de captivité, il fera montre d'un courage exceptionnel et sera un exemple pour tous.Graziani, Planet et Aubouin, jeune lieutenant du 1er BEP, s'évadent en septembre 1953, juchés sur un vieux radeau sur la rivière Song Gain.Ils sont repris à Cheim Hoa, à environ soixante-dix kilomètres, ramenés au camp et placés pour quelques mois en isolement. En février 1954, le capitaine Ducasse, nouveau prisonnier, arrive au camp et retrouve Graziani qui sort de l'isolement. Ils seront tous libérés en septembre et soignés, à l'hôpital d'Hanoï où Graziani voit, stupéfait, mais heureux, la jolie Sung entrer dans sa chambre lui apporter le "repos du guerrier". Il a aussi la désagréable surprise de constater la retenue sur ses quatre ans d'arriérés de solde d'une somme équivalente à la prime d'alimentation, l'intendance jugeant qu'il avait été nourri par le Viëtminh. Son aventure indochinoise se termine le 31 octobre. Il arrive à Alger pour pendre ses congés au cours desquels il a l'occasion de présenter à Loulou Martin, jeune officier de la légion, une jeune fille que ce dernier épousera quelque temps plus tard.L'Algérie, la fin d'un hérosEn août 1955, Jean Graziani est affecté à l'Etat-Major du général Cogny à Rabat. Un jour, il est au mess des officiers et voit venir vers lui, la main tendue, G... officier prisonnier du camp n°1, mais surtout ancien partisan communiste, libéré rapidement du camp pour bonne conduite, c'est à-dire pour avoir lâchement "mouchardé" ses camarades. Graziani le saisit par le col et le jette dehors, à travers une fenêtre. Quinze jours d'arrêt qui ne l'empêchent heureusement pas d'être promu capitaine peu après. "Cela m'a soulagé" dira-t-il ensuite. En janvier 1957, il décroche enfin sa mutation au 2è Bureau de la 10ème DP à Alger, adjoint du commandant Lemire, en pleine bataille. Graziani doit centraliser les informations venant des régiments qui quadrillent la ville, interroger les suspects et exploiter rapidement les renseignements pour éviter d'autres attentats. Le 9 avril à l'aube, une patrouille arrête une jeune fille de 21 ans, Djamila Bouired, une poseuse de bombes, blessée au cours de sa tentative de fuite par son chef,Yassef Saadi, qui voulait éviter qu'elle ne parle. Transportée, à l'Hôpital Maillot, elle est ensuite interrogée par le capitaine Graziani. Elle l'injurie, il lui répond par une paire de gifles bien appliquées. Puis leur relation s'améliore jusqu'à atteindre une certaine ambiguïté. Est-ce le charme naturel de Graziani qui opère sur la jeune fille ? Toujours est-il que c'est à lui seul qu'elle livre l'adresse d'une cache contenant 13 bombes, 23 pistolets ou revolvers, des détonateurs et du matériel divers. Le 13 mai 1958, la population d'Alger se révolte. Le capitaine Graziani se rend au bâtiment du Gouvernement Général (GG) avec le général Massu. Il y retrouve les capitaines Léger et Planet fort occupés à tenter de refouler des manifestants qui s'en prennent au matériel. Le général Massu le charge d'éloigner Maître Biaggi qui veut organiser le retour de Jacques Soustelle à Alger.Le célèbre avocat se retrouve ainsi dans un avion en partance pour le Sahara. Le 4 juin, le général De Gaulle arrive à son tour à Alger qui l'ovationne. Il est accompagné de deux ministres, Louis Jacquinot et Max Lejeune, qui avaient déjà été ministres sous la IVè République et dont l'un porte le titre de ministre du Sahara. "un ministre du Sahara, pourquoi pas un ministre de la Bretagne ou de la Corse" tonne Graziani en se précipitant sur eux. Malgré leurs protestations, ils se retrouvent enfermés à double tour dans un bureau, ce qui les empêche de parader sur le balcon du GG aux côtés du général. Quand De Gaulle s'en aperçoit, il le reproche vertement à Massu qui gronde à son tour sur tout subordonné à sa portée. Mais Graziani s'en est déjà allé ... Au mois de juillet, il est affecté au 6è RPC, sous les ordres du colonel Ducasse bien connu en Indochine et qui lui doit la vie. Ce dernier lui confie la 4èCompagnie. "Criquet", son nom de code dans les SAS, très vite sait se faire adorer de ses hommes. En Octobre 1958, il est blessé par un éclat de grenade à la poitrine lors d'une opération à Paestro. Hospitalisé à Tizi-Ouzou, il quitte l'hôpital "à l'anglaise", laissant un mot au médecin et chargeant son ami Oudinot d'envoyer des fleurs à l'infirmière. Participant à l'opération "Kabylie 16", le 6ème RCP accroche le 6 janvier 1959 trois katibas d'Amirouche et un commando zônal. Vers 15 heures, 600 fells lancent l'assaut pour trouver une sortie. Ils se heurtent à la 4è compagnie dans un furieux corps à corps. Graziani en tête de ses hommes tombe touché d'une rafale de PM au foie. On l'évacue par hélicoptère sur Tizi-Ouzou. Avant d'être embarqué, il confie à son adjudant de compagnie sa montre Breguet et un P 08 pour les remettre à son vieil ami Planet. Prémonition ? Mal remis de sa blessure à la poitrine et cruellement touché, le capitaine Graziani meurt le lendemain. Ses obsèques auront lieu en présence de sa femme, de sa fille, des généraux Allard et Massu, du colonel Ducasse et de nombreux compagnons d'armes. Dans cette opération, les fells ont laissé près de 300 cadavres et plus de 100 armes sur le terrain, mais le 6 è RPC a eu 21 tués et 32 blessés. Au moment de l'élévation, le colonel Romain-Desfossés prend la parole pour un dernier adieu : "Salut enfin au capitaine Graziani. Héros au sens propre du mot. Violent, ardent, passionné, sans détour et sans calcul, parfois excessif, toujours droit, cherchant sans cesse à reculer les limites de ce qu'on peut exiger de soi-même. Il est un symbole, le symbole de cette jeunesse qui a la foi, le symbole de ces jeunes capitaines qui sont le symbole de notre armée". Le capitaine Jean Graziani fut élevé au grade d'Officier de la Légion d'honneur à titre posthume. Il était titulaire de sept citations. En 1988, on vit une promotion "Graziani" à Saint-Cyr. Même si les temps ont changé, même si à l'heure actuelle un capitaine Graziani ne pourrait plus faire carrière dans l'armée, les jeunes officiers doivent s'inspirer de son courage à toute épreuve, de sa noblesse de coeur et de son esprit d'abnégation.Jean-Claude Sanchez |
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