Jean SASSI est né à Tunis le 11 juin 1917 dans une famille d'origine corse, Jean Henri Sassi est le fils d'Antoine Sassi, receveur des postes et de Catherine Nicolaï, institutrice. Il passe la majeure partie de son enfance et de son adolescence en Tunisie puis à Menton. Désirant faire carrière dans le sport de haut niveau, il participe à la fin des années 1930 à plusieurs compétitions dont les championnats de France de natation. La seconde guerre mondiale va changer son destin tout en lui permettant de mettre à profit ses qualités physiques exceptionnelles.
Il participe d'abord à la campagne de France en 1940. Démobilisé, il rejoint l'Afrique du Nord. Il travaille comme opérateur-radio dans le Sahara algérien quand, en novembre 1942, a lieu le débarquement des Alliés. Il intègre la Légion, puis les corps francs d'Afrique. Lors d'une tournée d'inspection d'un chef du bureau central de renseignements et d'action (le service d'espionnage de la France libre), il se porte volontaire pour se battre sur le territoire national occupé. Il arrive à Londres début 1943 et est rapidement affecté au BCRA.
En dépit d'une personnalité parfois rebelle à l'autorité, il est remarqué pour son courage et on lui propose à l'automne 1943 de participer à l'opération Jedburgh. Cette opération est directement supervisée par le Commandement suprême interallié. Elle vise à constituer des unités d'élite qui devront, le moment venu, assurer la liaison entre les forces de la Résistance et les armées alliées.
Après un passage en "Patriotic School", les candidats au projet Jedburgh doivent subir des épreuves de sélection extrêmement sévères visant à tester leur endurance physique et psychologique.
Pendant plusieurs mois, trois cents hommes (Américains, Britanniques, Français mais aussi Belges et Néerlandais) suivent un entraînement intense à Milton Hall, au nord de Londres. Il apprend le maniement de toutes les armes, le combat au poignard ou à main nue, les techniques de sabotage, l'utilisation d'explosifs et d'appareils radios, l'envoi et le chiffrage de messages codés, le saut en parachute dans les pires conditions (stage à Ringway). Il est breveté parachutiste le 28 février 1944. Peu avant le débarquement, les commandos français sont réunis par leur chef, le commandant Saint-Jacques, qui leur annonce que les trois quarts d'entre mourront dans quelques semaines et que ceux qui survivront n'auront droit à aucune reconnaissance officielle. Il est alors sous-lieutenant, chargé de mission de 3ème classe.
Les commandos Jedburgh entrent en action à la suite du débarquement en Normandie. Les équipes du projet Jedburgh étant constituées de trois officiers, il est alors officier radio au sein de la sienne. Il
est parachuté à Dieulefit (Drôme) le 29 juin 1944. Avec deux coéquipiers (le Capitaine Martino, un français et le Lieutenant McIntosh, un américain), il rejoint le Vercors puis les Hautes-Alpes et prend dans la clandestinité le nom de Jean Nicole. Sa mission, baptisée Chloroform, a pour but de préparer le terrain aux troupes alliées, à la veille de leur débarquement en Provence, le 15 août 1944. Aux côtés des maquisards, avec ses coéquipiers tendent des embuscades aux convois allemands et détruisent matériels et véhicules, favorisant par leurs succès une avancée rapide des forces alliées qui peuvent remonter des côtes provençales jusqu'à Lyon. Il participe ainsi notamment à la libération de Gap, Briançon, Barcelonnette. Au cours de ces derniers combats de
la Libération, il est décoré de la Légion d'Honneur au feu.
Il était prévu qu'il participe comme volontaire dans une autre mission Jedburgh en Allemagne. Il s'agissait de travailler avec des SS retournés. Cependant cette mission fut abandonnée, les précédentes missions de ce type ayant été des échecs, pour cause de non fiabilité des Allemands sélectionnés.
Déçu par l'ambiance de la Libération (exécutions sommaires, humiliations publiques de femmes, règlements de comptes etc.), ce patriote pur et totalement désintéressé souhaite s'éloigner tout en continuant le combat, cette fois contre le Japon. Il est volontaire pour la Force 136, unité interalliée basée à Calcutta, émanation du Special Operations Executive britannique. Après un entraînement intensif au Military Establishment 25de Colombo (trois mois de stage) et après un transport de plus de 16 heures sur le Liberator, il est parachuté au Laos le 4 juin 1945, dans la région de Paksane, en compagnie du Capitaine de Wawrant et du Lieutenant Pénin.
La mission est de lever des guérillas et de préparer une aide à un éventuel débarquement allié sur le côte de Vinh (Annam). Durant plusieurs mois, il affronte avec son équipe non seulement les Japonais mais également les pirates chinois et le Vietminh. Calcutta ayant mis fin à la mission Vega des calcaires, l'équipe s'exfiltre du Laos en passant par la Thaïlande et la Birmanie. Ili se rend alors à Saïgon où il assiste à la reprise en main de
l'administration française et aux premiers agissements américains en faveur du vietminh. Il est finalement rappelé en France début 1946, quelques mois après la capitulation japonaise.
De retour en Métropole, après un passage à l'ETAP (Ecole des troupes aéroportées) puis dans un bataillon de transmission, il est affecté au 11ème Bataillon parachutiste de choc (Bat Choc AP 11) à compter du 1er novembre 1949 comme officier transmission adjoint. Le 1er juin 1950, il est promu capitaine. Il est ensuite nommé chef du 2ème Commando du 8 avril 1951 au 9 août 1953. Le Bat Choc AP11 ou 11ème Choc est le bras militaire du service action du SDECE (ancêtre de la direction générale de la sécurité extérieure, DGSE).
Il retrouve l'Asie avec le début de la Guerre d'Indochine. Il s'embarque à bord l'Athos II le 10 août 1953. Sur les hauts plateaux laotiens transformés en maquis, au sein du GCMA (groupement de commandos mixtes aéroportés) puis du GMI (groupement mixte d'interventions) dirigés par le Colonel Roger Trinquier, il participe à ce que l'on appelle alors une "guerre non conventionnelle", faite de sabotages et d'actions ciblées contre les indépendantistes du Vietminh. Basé à Xieng Kouang, il a en charge plusieurs maquis tenus par des sous-officiers
remarquables.
Il recrute plusieurs maquis au sein du peuple montagnard des Hmongs qui portent des coups très rudes aux régiments vietminh par des embuscades et des coups de main sur leurs arrières. Son fait d'armes le plus éclatant a lieu en 1954. Contre l’avis de l’Etat-Major et des politiciens qui se méfient de ce soldat idéaliste, il mobilise 2 000 combattants Hmongs et lance l'Opération D (pour Desperado), dont l'objectif est de soutenir les
soldats français postés à Dien Bien Phu. A la tête de ses partisans, pieds nus, vêtus de leur traditionnelle tenue noire, ceintures de soie rouge mais armés jusqu'aux dents, il traverse à marche forcée un pays aux montagnes
inhumaines. Son unité arrive au lendemain de la chute du camp retranché le 8 mai 1954 mais l'opération n'est pas vaine et se transforme en mission de sauvetage. Environ deux cents combattants français auraient ainsi été exfiltrés à travers la jungle. Dans la foulée, avec et ses combattants barrent la route aux forces du Vietminh qui cherchaient à se porter sur le Laos et leur infligent des pertes considérables. Avant de quitter les haut-plateau du Tranninh et malgré les restrictions de la Commission Internationale, il laisse un grand nombre d'armes aux mains des Hmongs, armes qui leur serviront lorsqu'ils combattront le Vietcong.
Il combattra également en Algérie où il sera affecté au commandement des transmissions de la 27ème Division d'Infanterie Alpine et de la zone Est-Algérois. Nommé commandant le 2 février 1960, il est rapatrié pour cause de maladie et traité au cours de plusieurs congés de longue durée.
Il quitte l'armée à l'âge de 54 ans avec le grade de colonel puis rejoint la direction du personnel de Citroën.
Pendant les années qui suivent, cette figure mythique des Services Spéciaux, choisit de se taire, fidèle à la loi du secret qu’on lui avait enseignée lors de l'opération Jedburgh. Acteur des épopées les plus emblématiques de l’armée française, il accepte cependant dans ses dernières années de répondre aux questions de journalistes venus l'interroger pour raconter l'extraordinaire aventure que fut sa vie de combattant au service de son pays.
Le Colonel Sassi meurt le 9 janvier 2009 à Eaubonne dans le Val-d'Oise. Parmi les hommages qui ont suivi sa disparition, on peut citer le général Christian Piquemal, président de l'Union nationale des parachutistes (UNP), qui évoque un "extraordinaire serviteur de la France, véritable icône, soldat exceptionnel, un grand parmi
les plus grands, légende et monument des parachutistes".
Jean Sassi a reçu treize titres de guerre, dont cinq étrangers. Il était notamment commandeur de la Légion d’honneur, titulaire :
- De la Croix de guerre 1939-1945
- De la Croix de guerre des TOE
- De la Croix de la Valeur militaire
- De la Croix du combattant volontaire
- Médaillé de l'ordre du Million d'éléphants.
- Membre fondateur de l'Association nationale des anciens parachutistes du 11ème Choc, il en a assuré la présidence de 1977 à 1989.
"Opérations spéciales, 20 ans de guerres secrètes" Colonel Sassi, avec Jean-Louis Trembais. Nimrod, 336 pages, 21 euros.