Tarbes. Stéphane, rescapé d'une attaque des Talibans
Le 27 septembre, le brigadier-chef Stéphane Rouffet, auxiliaire de santé au 35e RAP, a été blessé lors d'une embuscade en Afghanistan. Malgré tout, il a continué à secourir ses camarades. Témoignage.
Touchés, le brigadier-chef Stéphane Rouffet, comme le commandant Boniface, médecin du 35e RAP, se sont d'abord occupés des autres blessés. Croquis en main, l'auxiliaire de santé raconte l'embuscade, dans un village au nord-est de Kaboul. Photo Laurent Dar
Sur le pas de la porte, il le répète une dernière fois… « Ne me faites pas passer pour un héros, j'ai juste fait mon boulot. Et heureusement, ça s'est bien passé… » Le genou gauche toujours bandé, une paire de béquilles pour marcher, le brigadier-chef Stéphane Rouffet est rentré d'Afghanistan le 5 octobre dernier. Et dans sa mémoire, ce qui restera surtout, c'est la journée du 27 septembre…
Ce jour-là, ils sont 58 hommes du 8e RPIMa et du 17 RGP arrivant dans ce village de la vallée de la Kapissa, à 60 km au nord-est de Kaboul. Auxiliaire sanitaire, Stéphane Rouffet marche en tête, indissociable de son médecin, le commandant Boniface, le 35e étant en charge des secours… « Nous nous étions divisés en deux colonnes. Notre mission : reconnaître les puits pour y trouver d'éventuelles caches d'armes et de munitions. Nous étions méfiants car il y avait déjà eu des tirs. En arrivant au coin d'une maison, nous nous sommes retrouvés face à un homme, une femme et deux enfants en train de faire leur prière. Ils nous ont fait un petit geste en nous disant de partir. Comment l'interpréter ? On ne peut pas repartir sur un simple signe comme ça… Nous avons continué en progression lente et sommes sortis du village. Le chef de section a posé une question à un paysan et c'est au moment où l'interprète s'est mis à traduire que les premiers coups de feu sont partis. On s'est replié pour se mettre à l'abri puis deux groupes sont repartis à l'avant. Avec le médecin, notre mission étant d'être au plus proche des hommes engagés, on s'est alors jeté devant, avec eux. J'ai vu d'où partaient les coups, je suis revenu le dire à l'arrière. À ce moment-là, le capitaine se lève à côté de moi, je lui donne la direction des tirs, c'est alors que la première roquette de RPG7 est tombée à 5 m. J'ai été blessé dès le début de l'engagement, avec le capitaine et le médecin qui ont tous les deux eu la hanche criblée. Moi, j'ai ressenti une vive brûlure. Je savais que j'avais été touché, mais c'est de retour au camp que j'ai su que j'avais un éclat dans le genou, juste entre les deux tendons. Au moment du combat, l'urgent, c'était de continuer la mission, en restant le plus serein possible pour accueillir les autres blessés. Ils sont arrivés juste après, avec la deuxième roquette qui est tombée un peu plus loin touchant deux hommes. Le premier avait pris un gros éclat au front, saignant abondamment, et d'autres sur les bras. Il avait très mal, le médecin préparait la morphine, je m'occupais d'arrêter les hémorragies et de perfuser le soldat… »
C'était votre premier contact avec le feu en Afghanistan ?
« Le troisième, nous avions déjà essuyé des tirs, mais c'était le premier avec des blessés. »
Pense-t-on à la mort, à ce moment-là ?
« Non. C'est d'abord un grand vide. On pense surtout à rester le plus calme possible pour être à 100 %. Même si l'on est blessé, il faut en faire abstraction. On serre les dents. La mort, elle m'a effleuré l'esprit une seconde, quand j'ai commencé à soigner le premier blessé, parce que nous avions peur de nous faire prendre à revers. Mais immédiatement après, on est tellement entraîné, qu'on passe en « mode automatique », on se concentre sur les gestes à faire. Chacun fait ce pour quoi il est là. »
Une peur rétrospective néanmoins ?
« On s'est occupé des blessés jusqu'à la dernière évacuation et on a encore subi des tirs de roquettes. Mais à aucun moment je n'ai ressenti la peur, on était vraiment plongé dans notre travail. C'est plutôt le sentiment d'avoir bien fait notre boulot qui a prévalu, après l'engagement. Et un peu de sourire, car nous n'avions perdu personne ».
Les leçons de l'embuscade du 18 août, avec la mort de 10 hommes du 8e RPIMa, ont-elles été tirées ?
« Elles ont été tirées. Il faut dire qu'on a, dans notre zone, une certaine facilité car nous sommes dans un secteur américain avec tous les moyens américains donnés dans les bons délais. On a eu ce jour-là l'appui aérien d'un avion A10. L'engagement a débuté à 14 h 50, à 15 heures il était là. Comme il ne pouvait pas tirer puisque nous étions très proches, il a lâché des leurres. Nous avons rapidement reçu le soutien d'un blindé AMX10 du 2e REC et des mortiers de 120 mm de nos camarades du 35e. On peut dire qu'aujourd'hui, nous sommes très sereins dans nos missions, les choses sont bien huilées ; l'âge des soldats n'a rien à voir : on est chacun bien à son poste. »