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Sujet: Opération CASTOR Sam Nov 18 2023, 07:15
En cette fin d’année 1953, le général Navarre, commandant en chef des forces françaises en Indochine, comprend rapidement l'intention de Giap. Devant la nécessité de défendre le Laos et sachant Lai Chau indéfendable de par sa situation, il décide de prendre de vitesse le Vietminh.
Il coupe la route du Laos et permet le repli de la garnison de Lai Chau… Il confit cette opération cruciale au général Gilles…
Opération Castor
Hanoi, novembre 1953, pluie et froid sur la ville ; dans les villas aux abords de la Citadelle, on filme en double 8 Kodak les enfants, au chaud, les pieds secs, loin des Larmes.
A Gia Lam, les bottes de saut arpentent les plaques PSP luisantes
La section Dartancey, du 1e BPC, est de garde, à la protection des avions : les pistes sont toutes proches de Hanoi et du pont Doumer, seulement séparées du Fleuve Rouge par une énorme digue où les viets creusent des tunnels pour tenter des incursions sur les hangars et les appareils.
Il y a de quoi faire, en ce moment : beaucoup de matériel dans les hangars, beaucoup d'appareils en rotation, les Dakotas bien sûr, et à la CRA, on ne compte pas les heures sup !
L'adjudant Dartancey et son adjoint, Collard, sont des anciens du II/1e RCP, arrivés au Tonkin dès septembre 48, ils ont beaucoup combattu, Vinh Yen, Annam, Cambodge, tant d'opérations... Le 1e BPC est à leur image, un bataillon para d'élite, plus de 900 hommes, peut-être le plus puissant bataillon présent en Indochine, avec cet extraordinaire amalgame franco-vietnamien (plus de 400 autochtones), si redoutable au combat.
Un défilé du 11 Novembre a trempé les tenues de parade ; des gardes statiques, Hanoï-by-night, ça ne peut pas plaire longtemps à des paras, même dans cette ville unique, immuable ; d'ailleurs, on "sent" le gros coup, des dizaines de C-47 arrivent, sur lesquels les mécanos travaillent d'arrache-pied, de nouveaux équipages aussi, et puis les collègues qui déboulent, le 6 de Bigeard, des artilleurs para, le Génie...
Et la nouvelle tombe : le 20 novembre à 06h30, rassemblement des chefs et adjoints de section chez le commandant Souquet ; dossier photos à l'appui, il explique qu'on saute l'après-midi même, sur un gros village d'une centaine de maisons, à 300 km à l'ouest, en Haute-Région, dans une petite vallée de montagne tenue par un bataillon viet de valeur ; ça s'appelle Dien Bien Phu...
Une petite plaine à la frontière laotienne, un pays froid, très froid même à cette saison dès que le soleil disparaît, -1° la nuit : il faudra ajouter un pull dans la musette.
Les montagnes, la jungle d'altitude, juste à côté, partout, 2 km à l'est, 4 à l'ouest.
C'est un grenier à riz, très fertile, en bas, la rizière, en damiers de diguettes, avec de la broussaille, de l'herbe à éléphants sur les points élevés ; en altitude, on récolte la graine de pavot, les viets sont là depuis un an, ils ont déjà bien organisé leur ligne logistique sur Bangkok : opium contre armes et médicaments: ils ne lâcheront pas facilement le morceau...
L'ennemi : le régiment 148, unité d'élite, bien acceptée par la population, 4 bataillons, mais un seul présent sur zone, le 910.
Le saut : en seconde rotation seulement, début d'après-midi ; sont largués à 10h30 le 6e BPC, qui protégera la DZ, et le II/1e RCP, plus au sud, qui remontera vers le PC ennemi, localisé à Dien Bien Phu même.
Dans cette optique, le 1e BPC, avec 722 hommes disponibles, peut constituer l'élément de la décision.
La DZ : "Natacha", 200 mètres au nord-ouest du village de Dien Bien Phu, aisément reconnaissable par ses maisons et boqueteaux ; la DZ fait 1300 mètres de long, 450 de large, axe Nord-Sud ; ce sont des rizières avec de la jungle à son extrémité en hauteur ; à 300 mètres à l'est, la piste d'aviation, sabotée, et une rivière un peu encaissée, la Nam Youm.
Consigne : sortir le plus vite possible, 5 secondes maxi par para, 2 mn par avion pour limiter la dispersion, la DZ étant trop courte.
Pour mémoire : la DZ du II/1e RCP, "Simone", est à 400 mètres Sud-est de Dien Bien Phu, de l'autre côté de la Nam Youm. La DZ pour le matériel, au sud, c'est "Octavie".
Mission : s'emparer du point haut de la DZ "Natacha", s'y installer défensivement ; regroupement le long de la route de DBP, du nord au sud : 1e Cie, 3e Cie, CCB et PC, 2e Cie, 4e Cie. Nouvelles consignes sur le terrain.
Embarquement dans les camions : 9h, direction Bach-Mai.
10h : essayage des parachutes.
12h : équipement.
13h : embarquement dans les avions: le Bataillon disposera de 30 Dakota.
Pas le temps d'aller boire un coup en ville. Il faut se préparer vite fait.
81/06 et marienneau jean-michel aiment ce message
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Sujet: Re: Opération CASTOR Sam Nov 18 2023, 07:26
Citation de mes sources.
Question bien difficile... pour rester digne du travail de mémoire, il faudrait savoir de quoi on parle et ne pas trafiquer l'information comme ça se fait couramment, dans les médias, à l'école, dans les livres d'histoires.
Il faut contrôler chaque mot, chaque info, tenter de dire le moins de c....ries possible ; par exemple sur ce sujet, j'ai passé des heures sur les "plaques summerfield": Fleury est le seul à parler de ces plaques... bizarre n'est-ce pas ? Tapons donc sur google.fr pour voir, puis google usa ; en fait on finit par comprendre qu'il s'agit des plaques PSP ( Pierced Steel Planking ) que nous avons tous connues à Pau ou ailleurs, et non des rouleaux Sommerfeld anglicisés en Summerfield...
Bon on va fermer cette parenthèse, revenir à Hanoï où Marie-Suzon n'inscrira pas de ligne supplémentaire sur son cai but, l'ardoise tonkinoise, pour cause de saut ops ce 20 novembre 53...
Après la longue préparation de l'équipement sur les PSP, l'embarquement s'est organisé vers 13 h dans les trente Dakotas du 1er BPC suivi de l'attente, interminable, casqués et serrés dans les gaines ; enfin les paras sont soulagés d'entendre tourner les moteurs des Dakotas : il est 13h 50.
(juste pour info, voici un aperçu contemporain de l'ambiance dans le poste de pilotage
Nos Anciens chantent tous ensemble pour aider au décollage, puis les avions tournent au-dessus de la ville jusqu'à ce que les vagues de trois correctement espacées se soient formées.
Dans le vacarme des moteurs, chacun s'enferme dans son silence, en regardant le paysage 400 mètres plus bas...
81/06, Michel et marienneau jean-michel aiment ce message
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Sujet: Re: Opération CASTOR Sam Nov 18 2023, 09:30
14h30 : Le paysage a changé; les avions ont atteint la jungle d'altitude
15h : signes "debout - accrochez ", on arrive à proximité de la zone de largage ; en s'avançant un peu le long du câble, on aperçoit la vallée : qu'elle est étroite...
L'adjoint vérifie les accrochages; regards tendus, directs ; voilà, c'est le signal... ça pousse... go
Les premières vagues essuient des coups de feu ; un para abat acrobatiquement un tireur F.M. Viet, au P.A., à l'atterrissage ; les corolles emplissent le ciel déchiqueté.
Un peu partout, des colonnes de fumée noire ; la rivière qui se tord en scintillant, les hommes boulent dans la rizière, se dépêtrent, débouclent en cherchant à s'orienter : le point de regroupement, vite...
Par là ; les paras courent, récupèrent progressivement les nouveaux arrivés, franchissent un cours d'eau à moitié asséché, se font la courte-échelle pour atteindre le sommet de la berge escarpée ; le point de regroupement est là-bas, les premières maisons du village ; au-dessus, le largage se poursuit, il est 15h15.
Les coups de feu s'espacent ; un peu partout, des corps de Bo-dois désarmés : le 6 a tout raflé... d'ailleurs les gars de Bigeard sont là, occupant Dien Bien Phu, et accueillent leurs collègues avec les plaisanteries d'usage ; passant sous leurs quolibets, les paras du 1e BPC se regroupent à la corne est du village en attente de nouvelles instructions. Il est 16h.
Je viens de trouver cette vidéo réalisée avec des images d'archives:
Belle recherche et montage très intéressant à partir d'archives diverses et de reconstitutions Viets, d'abord sur Castor, puis sur la suite de la Bataille.
On devine l'aspect de DBP, au début des combats du 20 novembre, les nombreuses paillotes et les maisons en dur sur la colline à l'est, siège de la préfecture de Déo Van Dan: tout cela va être détruit par les violents combats menés par le 6 au début de l'opération; plus tard, on aperçoit les feux de défrichement des futurs points d'appui... on imagine les bouleversements que la guerre apporte à la population Thai de la région...
J'essaie d'approfondir ce dernier point avant de reprendre le fil du sujet et notamment l'articulation entre les opérations Castor et Pollux...
81/06 et marienneau jean-michel aiment ce message
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Sujet: Re: Opération CASTOR Sam Nov 18 2023, 09:36
16h30, le 20 novembre : alors que deux hélicos H-19 venus de Lai-Chau avec du matériel trans repartent chargés de blessés, le Bataillon quitte progressivement Dien Bien détruit en empruntant le petit pont de la Nam Youm (à ne pas confondre avec le pont Bailey construit quelques jours plus tard) direction le nord-est, et la RP 41.
Tandis que le 1 et la 3 demeurent en lisière nord de Dien Bien avec les mortiers, la 4e compagnie, suivie du PC et de la 2 progressent sur la route provinciale ; lorsqu'elle vire à l'est et commence à monter, c'est là qu'il faut s'installer, sur les deux croupes qui encadrent la route : on domine le bourg, le terrain d'aviation et la piste vers Laï Chau, comme le montre ce croquis ultérieur :
Ici la route est un vrai coupe-gorge, la jungle est partout ; il faut commencer un vrai défrichage immédiatement, tant qu'il fait jour !
Les paras travaillent avec acharnement, et ce n'est que tard dans la soirée qu'ils peuvent ouvrir les musettes et entamer la première des deux rations qu'ils y ont stockées ; il fait déjà froid, il faut vite éteindre les feux avant la nuit, et s'enrouler dans le peu qu'on a.
La section Dartencey est postée en surveillance auprès de la route, en surplomb, face au nord-est ; les premières sentinelles sont juste au bord ; dans la nuit, un coup de feu claque, en face : le chef de section ordonne une reconnaissance, la patrouille part en tâtonnant dans le maquis inextricable qui avale le ruban plus clair de la RP41.
Le sergent est en tête, de la main qui tient le canon et sa lampe-torche, il balaye par à-coups le fouillis végétal : un casque Viet apparaît, un bras qui lance une grenade, elle rebondit sur le Français, et n'explose pas ! Incroyable : c'est une DF et le Viet a oublié de dégoupiller...
Ils sont là... tout autour.
Les points rouges des rafales Viets, les copains qui ripostent, après un moment, les F.M de la compagnie Edme qui entrent en jeu, puis l'ordre de repli vers le bas de la colline tenue par le Bataillon, les Viets n'insistent pas ; le silence et un brouillard épais tombent sur la nuit.
Les paras grelottent en écoutant les injures et les plaintes d'un blessé ennemi, en bas, vers la route.
21 novembre : dans le brouillard matinal, la section Dartencey part reconnaître l'embuscade de la nuit: les traces mènent au travers d'un épais fouillis végétal sur une large piste camouflée :
très bien protégée des vues aériennes, elle dessert en fait Muong Thanh et remonte au nord vers Tuan Giao. La reconnaissance est rapidement stoppée sur ordre du PC Bataillon, les paras regagnent leur emplacement de départ pour participer au déboisement et à l'aménagement de leurs collines de part et d'autre de la RP41 ; les brumes se sont levées, et les parachutages de renforts se succèdent, tandis que les corvées d'approvisionnement s'allongent, pour collecter les pépins et récupérer dans les décombres de quoi aménager des emplacements de 105.
Les feux de déboisement semblent monter à la rencontre des premiers largages de matériel par les C-119; il semble qu'un énorme chantier se mette en place, bouleversant la vie des Thaïs et transformant durablement l'aspect millénaire de la Vallée sacrée...
Alexderome, 81/06 et marienneau jean-michel aiment ce message
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Sujet: Re: Opération CASTOR Sam Nov 18 2023, 09:43
Les jours suivants, la section Dartancey abandonne les points d'appui de part et d'autre de la RP41 aux collègues du Bataillon ; elle se consacre à la surveillance de la DZ, puis à des reconnaissances vers le nord et l'est, à partir du radier ; sur la piste Pavie, les Thaïs Noirs affluent : l'énormité des moyens déployés ici les a convaincus que les Français allaient les aider pour de bon. Ils viennent s'engager, pour les chantiers, pour la guerre, contre les Viets.
Les Viets eux se sont volatilisés temporairement ; la piste d'aviation est presque retapée, des Morane d'observation se posent le 23 ; le même jour, les paras saluent l'arrivée des premiers éléments de l'armée de la Fédération Thaï, 500 hommes, partis de Laï Chau par la piste Pavie. Menés par des commandos très expérimentés, les 4 compagnies de Thaïs Blancs formant le 1e Groupement Mobile Thaï avancent sous le drapeau de la Fédération.
Dans cette vallée, ils iront jusqu'au bout de la fidélité, derrière leur chef le chiao muong Deo Van Dan...
Pendant que le GMT1 du capitaine Bordier va prendre ses emplacements de combat plus au sud,
la section Dartencey poursuit ses activités quotidiennes, travaux, surveillance et reconnaissances dans son secteur.
A l'intérieur du camp, une fourmilière s'active, mais à l'extérieur un calme trompeur s'est instauré ; les nouvelles des maquis du capitaine Hébert ne sont pas bonnes : les Montagnards sont submergés par des bataillons de Viets remontant par la Rivière Noire...
C'est pourquoi le 4 décembre, le Commandement envoie le 1e BPC tout entier tâter le terrain à Ban Him Lam, sur l'axe de la RP41 en direction de Tuan Giao. La 1ere Compagnie est en tête, colonne par un, et larges intervalles, la section Dartencey suit à 200 mètres. Une jungle épaisse et escarpée borde la piste. Brutalement des dizaines d'armes automatiques rafales les paras de la 1, puis une marée de Viets hurlants les submerge sans cesser les tirs, et disparaît en contrebas sous les ripostes de la section Dartencey : ils ont très bien préparé leurs retraite ; des armes collectives sont échelonnées, ordre est donné de revenir vers la piste s'occuper des camarades et identifier les adversaires ; les paras comptent de nombreux morts et blessés, en tout l'effectif d'une compagnie... quant aux adversaires, c'est le 176e régiment de la 316...
Le 6, la Compagnie Edme est aéroportée sur Laï Chau, dans le cadre de l'opération Léda ; toute la garnison régulière doit être évacuée par Dakota pour renforcer Dien Bien Phu, les quatre GMT, chacun à l'effectif d'un bataillon léger, accompagnant la population vers le camp retranché sur l'axe de la piste Pavie...
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Sujet: Re: Opération CASTOR Sam Nov 18 2023, 09:48
La zone d'atterrissage est trop courte pour les Dakota : les pilotes doivent se faufiler avec maîtrise sous les versants et jouer des freins avec détermination.
Indifférente aux drames humains, la Rivière Noire roule ses eaux vives dans la belle vallée.
Sous la montagne sombre, la petite cité se vide de ses habitants ; un âge d'hommes et de Paix Française vole en éclats, les Kinh innombrables, impitoyables, arrivent.
Dans la ville, des compagnies entières de Thaïs Blancs prennent la route vers Dien Bien Phu, en longues colonnes où poneys lourdement chargés et civils encombrés de baluchons se mêlent aux supplétifs : parviendront-ils à gagner les Viets de vitesse ? Par quelles pistes leur faudra-t-il passer avec tous ces gens ?
Aux abords du terrain d'aviation, les troupes régulières attendent l'embarquement, parmi une cohue de bagages et de civils : une promesse de place vaut de l'or, un peuple tente de sauver son avenir dans les larmes.
Laï Chau disparaît, les Thaïs prennent la longue route d'exil.
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Sujet: Re: Opération CASTOR Sam Nov 18 2023, 09:52
La compagnie Edme s'est répartie entre la garnison, le fort, la piste, la route et les abords de la Rivière Noire ; tout ce qui ne pourra être emporté devra être détruit, les Viets sont à deux jours par la Rivière.
Léda est une opération délicate : 183 rotations de Dakotas évacuent en 48 heures les troupes régulières et coloniales, notamment le 2e Bataillon Thaï du CB Chenel, le 2e Tabor, et l'ancien bataillon de la Garde Thaï, devenu 301e Bataillon Vietnamien, vers Dien Bien Phu.
Le palais mandarinal est vidé de ses beaux meubles, qui s'entassent au bord de la piste.
C'est un bouleversement pour la population: la famille Deo est ici depuis si longtemps, elle luttait déjà contre le roi annamite Le Loi il y a cinq siècles. Auguste Pavie avait fondé là une alliance fraternelle, concrétisée par les liens du sang, ainsi le mariage Bordier.
Deo Van Long part avec sa suite vers Hanoi, quand reviendra-t-il ?
Deux jours ont passé ; les dernières sections embarquées, la compagnie Edme, qui a fait sauter le plus de postes possibles avec les dernières jeeps, vient de quitter Lai-Chau le 8 en fin de journée. Il ne reste plus qu'un ultime C47 du groupe Anjou surchargé de civils et de leur petit bagage.
Un des moteurs peine à partir ; enfin, il prend. Freins débloqués, à plein régime, le Dakota s'élance, salué par les premiers tirs Viets, depuis les crêtes.
C'est fini : la dernière compagnie de supplétifs quitte les abords du terrain, suivie par la foule de tous ceux qui n'ont pu embarquer ; à leur tour ils prennent la piste vers le grand camp des français ; un peu plus tard, ils sont rejoints par la garde mandarinale abandonnant le palais Deo.
Il n'y a plus qu'un amoncellement de bagages intransportables...
Plus tard, une compagnie muletière, deux compagnies de montagnards, à marche forcée depuis les postes frontières, traversent Lai Chau déserte.
Ici, il n'y a plus que des chiens et quelques mulets perdus ... Là-haut, au-dessus du Fleuve, restent des groupes de partisans Hmongs : ils attendent les Viets pour les combattre à leur manière...
Le 9, l'aviation française détruit les dépôts du fort.
Le 13, les viets entrent dans une ville fantôme. Leur effort principal s'est porté sur les colonnes Thaï qui descendent à Dien Bien, des milliers ont quitté Lai Chau, seuls 200 parviendront au camp retranché vers la fin décembre, au terme de terribles et interminables combats retardateurs, épuisés, finis...
Que reste-t-il aujourd'hui de Lai Chau ?
Rien : la cité Thaï a d'abord été "rebaptisée": Muong Lay, et pour brouiller les pistes, on a renommé Lai Chau une autre ville plus au nord. Mais ça ne suffisait pas, on a ensuite noyé l'ancienne Lai Chau sous des dizaines de mètres d'eau dans le cadre d'un projet hydraulique grandiose.
Et comme les Viets ont une forme d'humour, ils n'ont laissé au-dessus de l'eau que l'ancien cimetière.
C'est tout ce qui reste, avec les ruines du palais Deo.
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Sujet: Re: Opération CASTOR Sam Nov 18 2023, 09:57
Ce petit "Castor" m'a demandé beaucoup, même s'il n'est pas tout-à-fait terminé... Bien délicat de retrouver la piste de nos Anciens ... quoi de plus charmant que la danse des éventails à Son-La... les gars à Bruno ont dû apprécier!
Les "gars de Bruno" (et les autres) n'ont pas manqué d'apprécier la beauté et la grâce des femmes de cette Indochine dont ils ont gardé la nostalgie, aussi surprenant que cela puisse paraître....
Il faut admettre qu'elles sont superbes...
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Sujet: Re: Opération CASTOR Sam Nov 18 2023, 10:02
- Tu nous protégeras sur la route?
Dans le tapin qui les ramène à Dien Bien Phu, un para se souvient de la fille de Lai Chau. Elle avait un joli petit nez, des boucles d'oreille en argent...
- Tu ne me laisseras pas? Je porterai tes affaires...
Il avait promis... il était sincère... il aimait ses gestes, la manière qu'elle avait d'arranger son sinh...
Le 10 décembre, la colonne de civils et les deux CSM qui l'accompagnent à marche forcée atteignent Muong Pon, gardé par les trois compagnies laissées en recueil par le Groupement Bordier.
Après quelques heures de repos, la cohorte repart en pleine nuit.
Le 11, à trois heures du matin, elle est anéantie quatre km plus loin, à Ban Co Chay, les viets de la 316 ont été plus rapides.
Le 13 décembre, le 1e BPC participe à la tentative de sauvetage de Muong Pon ; les paras arrivent trop tard, les hommes de l'adjudant Vallet ont succombé à leur tour.
Le 18, les gars de la section Dartencey et tout le Bataillon sont rappelés à Hanoï, pas fâchés de quitter le coin...
Quand le souvenir de nos Anciens et le destin des Minorités croisent l'avenir en préparation, voici une intervention récente du fils de Touby Lyfoung, au fil de laquelle sont évoqués quelques Noms...
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Sujet: Re: Opération CASTOR Sam Nov 18 2023, 10:18
Dien Bien Phu : faute stratégique ou bonne idée qui a mal tourné ?
Par Jean-François DAGUZAN , le 23 novembre 2014 Imprimer l'article lecture optimisée Télécharger l'article au format PDF
Directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS)
Quelles sont les leçons de la bataille de Dien Bien Phu, voici 60 ans ? Directeur adjoint de la Fondation pour la Recherche Stratégique, J-F Daguzan offre aux lecteurs du Diploweb.com une étude remarquable. A la fois fresque historique et analyse stratégique, voici un texte de référence pour guider la réflexion, la décision et l’action.
« Messieurs, c’est pour demain 17h »
Colonel Henri de Castries.
LA BATAILLE de Dien Bien Phu [1] qui s’est achevée le 8 mai 1954 par la défaite des armes françaises a vu son soixantième anniversaire un peu occulté par celui de la Première guerre Mondiale et du débarquement en Normandie. Pourtant, cette bataille épique (13 mars-8 mai 1954) est un des grands happenings psychologiques dont raffolent les Français. Ce Cameron, ce Waterloo du vingtième siècle enflamme encore les imaginations et concentre les fantasmes de toutes origines – va-t-en guerres, anticolonialistes, pacifistes, nostalgiques, romantiques, etc. Cette bataille a, avec le retour dramatique des survivants des camps de prisonniers vietminh, marqué et façonné les esprits d’une génération de militaires qui s’attachèrent à transposer en Algérie les « acquis » de la guerre d’Indochine. Un vétéran de Dien Bien Phu – le général Maurice Schmitt - fut même chef d’état-major des armées. [2] En réalité cet événement tragique mérite mieux que des fantasmes.
En trois jours Giap a détruit le centre de gravité français qui en l’occurrence sont les défenses de l’aérodrome et donc l’aérodrome lui-même.
Sa survenue soixante ans plus tôt, est le fruit d’un continuum politico-stratégico-tactique dont les leçons potentielles retentissent encore jusqu’à nous. Que peut-on retirer de cet événement vieux de soixante ans qui s’est déroulé au fin fond de l’Asie du Sud-Est dans un coin perdu (« un coin d’enfer ! » comme dira Bernard Fall [3]) aux confins du Vietnam et du Laos ?
Le général Navarre, puisqu’il avait perdu, a assumé le poids de la défaite et, d’une certaine manière, tout le monde s’est déchargé sur le perdant. Cependant, la décision de combattre à Dien Bien Phu fut un choix tactique plausible ab initio qui s’appuyait sur un écheveau complexe de relations nationales et internationales imbriquées auquel tout le monde participa et de contradictions qui se révélèrent au final insurmontables. Au plan théorique cette affaire confirme la théorie de Clausewitz des « centres de gravité » (Schwerpunkte), tant au plan tactique que stratégique. Raymond Aron, qui étudie Clausewitz, met en évidence ce moment dans la bataille qui décide de sorts multiples. « Il y a dans la guerre comme dans la mécanique, des centres de gravité « dont le mouvement et la direction décident des autres points. [4] » Ces centres de gravité sur lesquels il s’agira de faire porter l’effort pour modifier le sort de la guerre peuvent se trouver dans la bataille même (cela peut-être un homme, groupement ou un lieu) ; être la bataille elle-même (choisir ou pas d’engager) ; et se jouer aussi au niveau politique. Comme le rappelle également Aron, « Clausewitz l’emploie aussi en un sens politique pour traduire en terme réel la notion de renversement. » « Dès lors que la manœuvre de destruction du centre de gravité a été amorcée », note le général Vincent Desportes, « elle doit être poursuivie sans relâche, car par effet de cascade, elle doit entraîner l’effondrement de la volonté adverse. » [5] Et le stratège prussien conclut lui-même « Dans l’élaboration du plan de guerre, il faut donc tout d’abord chercher à reconnaître quels sont les centres de gravité de la puissance de l’ennemi et les réduire autant que possible à un seul. Il faut ensuite s’efforcer de réunir, en vue d’une action décisive contre ce centre de gravité unique, toutes les forces qui y peuvent être employées. [6] » Dien Bien Phu sera l’application à la lettre de ce principe côté Vietminh – côté Français ce sera son double inversé.
Dien Bien Phu : faute stratégique ou bonne idée qui a mal tourné ?
Premier largage opération Castor
Opération Castor
Contingences internationales et nationales : instabilités et incertitudes
L’affaire de Dien Bien Phu (car il y a affaire avant et après d’avoir bataille) se situe à un moment critique des relations internationales de l’après-guerre et à une période où la France enchaîne crise politique sur crise politique. [7]
La situation internationale
Le retour de la France en Indochine après la courte mais très violente occupation de la péninsule (1945) par le Japon agonisant, est décidé par le Général De Gaulle dès son arrivée au pouvoir avant même la libération de la France. Elle correspond à l’obsession de ce dernier de rétablir l’empire dans toute sa plénitude quitte évidemment à faire progressivement évoluer les possessions françaises vers l’autonomie. [8] Cette reprise de l’Indochine est marquée par plusieurs éléments internes et externes qui en conditionneront l’issue fatale : la « décapitation » politique de l’administration vichyste survivante (dont son chef l’amiral Decoux) qui maîtrisait parfaitement le pays et ses arcanes et l’ignorance volontaire des contingents de l’armée française réfugiés en Chine après l’agression japonaise, d’une part ; et d’autre part, l’action des services secrets américains qui faciliteront la montée du Vietminh et le pourrissement du Nord assuré par les seigneurs de la guerre chinois qui en exerceront le contrôle jusqu’à l’arrivée du général Leclerc (octobre 1945-mars 1946).
Plus globalement, c’est une France faible qui défend désespérément ses acquis dans un monde marqué par l’affrontement impitoyable entre les grandes puissances et les deux blocs idéologiques. [9]
La situation politique française
La situation politique est rendue instable en France par le système électoral mis en place par la quatrième République. Le jeu des partis qui fait et défait les majorités rend impossible la mise en place de toute ligne politique de longue durée et cohérente. Les communistes français surpuissants à l’époque, s’alignent sur l’Union soviétique et s’opposent frontalement à la politique indochinoise française (jusqu’à faciliter des actes de sabotage visant l’armement ou les équipements à destination de l’Indochine).
Lorsque le Président du Conseil, René Mayer, nomme le général Navarre, commandant en chef pour l’Indochine, il le fait sur la base de son ignorance de la question : souhaitant « un œil neuf » après le départ des grands anciens de l’équipe de Lattre (Salan, de Linarès, etc…) qui avaient tenus le Vietminh en respect depuis quatre ans. [10] Dans sa feuille de route, Navarre part aussi avec les vagues instructions de faire de son mieux avec les moyens du bord ; c’est-à-dire n’espérer aucune amélioration en hommes et matériels en attendant une vague issue politique dont les contours ne sont pas tracés.
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Sujet: Re: Opération CASTOR Sam Nov 18 2023, 10:26
Aujourd'hui, nous sommes à quelques jours du 70e anniversaire!
Les premières commémorations s'annoncent, comme nous l'indique ROUSSET.
Le samedi 18 novembre prochain auront lieu deux manifestations pour la mémoire de la guerre d'Indochine.
- le matin à 10 heures, se tiendra une messe en la Cathédrale Saint-Louis-des-Invalides (6 bd des Invalides, 75007 Paris).
Cette messe organisée par l'ANAPI sera dite à la mémoire des prisonniers du Vietminh et de tous les combattants d’Indochine.
- l'après-midi à Versailles (invitation jointe), l'UNP VERSAILLES organise la projection du film de Philippe Delarbre "Le sacrifice"* (ou l'histoire de la section des mortiers lourds du 6° Bpc lors de la bataille de Dien Bien Phu.
"Castor" avec la section Dartancey 16990010 "Castor" avec la section Dartancey 16990011
NP : "Le Sacrifice" de Philippe Delarbre est un véritable bijou... d'autant plus émouvant depuis que le colonel Allaire - qui est le narrateur - nous a quittés...
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Sujet: Re: Opération CASTOR Sam Nov 18 2023, 12:39
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Sujet: Re: Opération CASTOR Sam Nov 18 2023, 12:47
L'opération « Castor » : une victoire à Diên-Biên-Phu...
(20 et 21 novembre 1953)
« ....A la guerre, c'est une faute grave de sous-estimer son adversaire ...mais il serait ridicule de le surestimer...Le bilan nous est favorable, logiquement la victoire est certaine. Mais la victoire est une femme qui ne se donne qu'à ceux qui savent la prendre. On ne peut vaincre qu'en attaquant .... »
(Lettre du général Navarre publiée dans le journal « Caravelle » (1))
Diên-Biên-Phu, de sinistre mémoire, sera, dans un premier temps, le théâtre d'une éclatante victoire française, à mettre au crédit des qualités offensives des parachutistes du général Gilles et plus particulièrement ceux du fameux « bataillon Bigeard ».
Un procès verbal de réunion du commandement des forces terrestres du Nord Vietnam, du 17 novembre 1953, indique ceci : « Le général Navarre demanda aux généraux Masson, Dechaux et Gilles s'ils avaient des objections à présenter à l'exécution de l'opération aéroportée sur Diên-Biên-Phu, baptisée « Castor ». Tous furent unanimes pour déconseiller cette opération...Le général Dechaux fit remarquer que l'entretien de cette nouvelle base allait grever lourdement le potentiel de l'aviation de transport et que la météo étant souvent différente sur le delta et au-dessus de Diên-Biên-Phu, on aurait des difficultés certaines pour assurer correctement le ravitaillement de cette base ...Le général Navarre maintient néanmoins sa décision d'exécuter l'opération « Castor » en donnant des arguments : - d'ordre stratégique : couverture du Laos ; - d'ordre économique : mainmise sur les stocks de riz notamment dans la cuvette de Diên-Biên-Phu ... ».
Pour Navarre, Diên-Biên-Phu est une position stratégiquement importante puisqu'elle se situe au carrefour des routes venant du nord et convergeant vers le Laos. Un verrou qui interdira le passage des divisions du général Giap si elles avaient l'intention de déferler vers la vallée du Mékong.
Le 20 novembre 1953, à 4h30 du matin précisément, un « Privateer » de l'Aéronavale qui va sonder la météo décolle en même temps qu'un « Dakota » muni de postes radios pour assurer toutes les liaisons de commandement. Il a, à son bord, un chargement de généraux à qui il appartient de déclencher ou d'annuler la plus grande opération aéroportée de la guerre d'Indochine.
Lorsque, vers 5h45, le jour se lève, le général Bodet et le général Dechaux s'approche du général Gilles, le patron des paras, qui fouille le paysage de son oeil unique. « ...ça va se lever ? » demande Gilles devant l'épaisseur de la brume. Les généraux se regardent et secouent la tête.
Gilles est maussade : un an plus tôt il était enfermé dans le camp retranché de Na-San. Il s'en est tiré et y a gagné ses étoiles de général de brigade. On est revenu le chercher pour diriger l'opération « Castor ». Refaire Na-San mais, cette fois, à une distance deux fois plus grande des bases arrière. A l'échelon de Gilles, on se borne à servir et à exécuter. Il jettera son groupement aéroporté, l'accrochera au sol, puis passera la main car sa santé commence à donner des signes d'inquiétude(2).
A 7h20, le signal de départ est donné. Les chefs de bataillons ne connaissent leur destination que depuis l'avant-veille. C’est sous les ailes des avions que les exécutants apprennent où ils vont, comment se déroulera la manœuvre, et reçoivent l'ordre d'embarquer.
A 8h15, le décollage de l'armada commence. Une soixantaine de « Dakota » prennent l'air et se rassemblent par cellules de trois, leur nez peint en bleu, jaune ou orange, en une longue colonne qui s'étire sur plus de 10 kilomètres. Dans chaque appareil, 24 parachutistes, engoncés dans leur équipement, fument ou chantonnent pour tuer le temps. « L’idée de quitter un avion au bout d'une ficelle n'a jamais laissé indifférents que ceux qui ne sautent pas » a dit un jour un officier d'aviation. Pour avoir souvent sauté « au bout d'une ficelle » puis, sans ficelle du tout, je confirme ses dires !
Dans la cuvette de Diên-Biên-Phu la brume se lève et le petit peuple de la plaine vaque à ses occupations sans se douter que le ciel va lui tomber sur la tête.
Entre 10h30 et 10h45, les premiers avions larguent 2 000 parachutes sur les deux zones désignées. L'une, au nord-ouest du village de Diên-Biên-Phu et baptisée « Natacha », où saute, avec une compagnie du génie, le 6ème Bataillon de Parachutistes Coloniaux, commandé par Bigeard.
L'autre au sud, sur la zone baptisée « Simone », pour le 2/1er RCP(3) de Bréchignac.
Sur la zone « Simone », le bataillon Bréchignac s'étale sur une zone déserte, à 5 kilomètres de « Natacha ». Le saut a été effectué trop au sud et aucune résistance ne se manifeste.
Sur « Natacha », au contraire, les Viets pullulent et se battent durement. Les compagnies du 6ème BPC, prises sous le feu avant même d'atterrir, sont clouées au sol. Un parachute est tombé en torche ; 10 hommes sont tués dont 2 en l'air, 10 gravement blessés, 21 légèrement, 11 en sautant.
Les rafales claquent, les hommes s'appellent, se regroupent comme ils peuvent, tentent de courir à travers les rizières qu'on n'a pas encore moissonnées. Bigeard écrira (4): « Ce jour-là, la surprise était des deux côtés... ». Mais déjà, à Hanoï, on refait le plein des avions pour une nouvelle noria.
A 14h le largage du 1er BPC a lieu sur « Natacha » où Bigeard commence à peine à y voir clair. Vers 16h les Viets s'échappent vers le sud. Le lieutenant Allaire, fidèle bras droit de Bigeard, écrira quelques années plus tard(5): « Le chef de bataillon vietminh stationné à DBP avait probablement décidé d'envoyer deux compagnies à l'exercice sur la portion de terrain qui, pour nous, représentait la D.Z. « Natacha ». Et si nous pensions trouver quelques rebelles dans cette histoire, nous ne pensions pas les trouver si vite ....La dispersion a joué en notre faveur. Car, pour trouver une troupe, encore faut-il qu'elle ait un axe. Or chaque compagnie du bataillon ayant un point de regroupement particulier à l'arrivée au sol, l'éclatement ajoutait à la dispersion. Les équipes qui partaient en tous sens, ou les combattants isolés, contribuaient à décontenancer l'adversaire, toujours préoccupé de chercher notre axe d'effort principal ... ».
En clair, la surprise, la pagaille et la fougue des paras ont permis d'emporter le morceau. La chance aussi car le sort des armes aurait pu être différent. Pour l'anecdote il faut savoir que le lieutenant Allaire, plutôt que de porter plusieurs pulls (ou un survêtement) sous son treillis pour se protéger du froid, avait gardé ... son pyjama.
A 17h30, à la nuit tombante, Bigeard a gagné ; il est maître du terrain et l'ennemi est en fuite, abandonnant ses morts sur place. Il établit son P.C. à Diên-Biên-Phu dont il tient les accès avec ses quatre compagnies. Le bataillon Bréchignac s'installe sur les premières collines de l'est.
Le 1er BPC, deux batteries d'artillerie de 75 sans recul, une compagnie de mortiers de 120 et une antenne chirurgicale, largués dans l'après-midi, restent sur « Natacha ». Un médecin-capitaine, qui sautait pour la première fois, a été tué. Les Viets ont laissé plus de 100 cadavres et quelques blessés sur le terrain.
Le soir même le général Navarre envoie un câble chiffré « secret » à Paris:
« L'opération a débuté ce matin par largage, à 10h30, d'une première vague de deux bataillons parachutistes. Une deuxième vague, composée d'un bataillon renforcé par des éléments d'un groupe de canons de 75 SR a sauté à 15h. Un accrochage dans le centre-ville a été signalé en début d'après-midi et s'est terminé à notre avantage. L'opération aéroportée doit se poursuivre demain par le parachutage de trois nouveaux bataillons… »
Le moins que l'on puisse dire c'est que le général n'est pas trop ému par les pertes humaines subies par nos troupes mais qu'il a, ce jour-là, le triomphe modeste.
Le 21 novembre, le général Gilles saute à son tour sur « Natacha », en même temps que le lieutenant-colonel Langlais. Bigeard, par radio, dirige les « B26 » vers les Viets. L'opération « Castor » ressemble maintenant à un entraînement de routine.
Pierre Langlais écrira :
« Le 21 novembre 1953, vers 8 heures, je regardais, suspendu à mon parachute, monter vers moi le vallée de Diên-Biên-Phu. Cette vallée était l'objectif de l'opération «Castor» déclenchée la veille et mettant en œuvre, aux ordres du général Gilles, 6 bataillons paras articulés en 2 groupements. Je commandais l'un de ces groupements...Le sol, une rizière dure et sèche, approchait rapidement. Je larguai mon sac, pris des tractions et, en me relevant, après un atterrissage assez rude, je constatais que ma cheville gauche refusait tout service. Le lendemain j'étais évacué et, en maudissant ma malchance, je dis à Diên-Biên-Phu un adieu que je croyais bien définitif ... ».
48 heures plus tard, les services de transmissions français qui écoutent et décryptent les émissions radios du Vietminh signalent que la division 308 a reçu l'ordre de se porter à marche forcée sur Tuan Giao, bientôt suivie par la 312 et par la division « lourde » 351.
Pour le général Navarre, cela signifie que les Viets se sont détournés de leur projet d'attaque du delta et qu'ils ont décidé d'engager le combat à Diên-Biên-Phu.
« Castor » n'avait été conçue que comme une opération secondaire. Or, de toute évidence, la plus importante partie du corps de bataille vietminh se préparait à livrer bataille à Diên-Biên-Phu.
Si Navarre accepte le combat, l'enjeu de Diên-Biên-Phu deviendra essentiel. S'il le refuse, il prendra un avantage – certes provisoire mais certain – sur son adversaire, empêtré avec ses divisions sur les mauvaises pistes de la Haute Région. Mais, dans ce cas, le Laos, le seul des états de l’« Union Indochinoise » à avoir accepté d'entrer dans l'Union Française, subira le déferlement communiste.
Navarre s'interroge longtemps. Hésitation de Normand sans doute (6) ! Quelques jours avant Noël, il aurait même été tenté d'ordonner le repli de la garnison et de faire cesser les travaux d'aménagement du futur camp retranché. Le général Cogny, responsable du Tonkin, l'en aurait dissuadé, même si, plus tard, il soutiendra le contraire( 7 ). Navarre accepte finalement l'idée de mener bataille jusqu'au bout…
Erwan Bergot ( 8 ), qui a participé à la bataille, donne un bilan précis de l'opération « Castor » des 20 et 21 novembre 1953 : « La prise de Diên-Biên-Phu a coûté 15 tués aux paras (dont 11 pour le seul 6ème BPC de Bigeard) et 45 blessés » (9). Parmi les morts, le médecin-capitaine Raymond du GAP 1, frappé au bout de son parachute. Coté Vietminh, les pertes (identifiées) se montent à 115 tués, ce qui témoigne de l'acharnement du combat.
Après « Castor » les paras ne perdent pas de temps puisque, en quatre jours, ils remettent en service la piste d'aviation. Désormais Diên-Biên-Phu est relié au reste du monde par une noria aérienne qui fonctionne sans arrêt, apportant des renforts de troupes, un important matériel, et embarquant les blessés et les malades.
Le GAP 2, constitué du 8ème Choc du capitaine Tourret, le 1er BEP (10) du commandant Guiraud et du 5ème BPVN(11), des commandants Leclerc et Bouvery, est venu renforcer les trois premiers bataillons de l'opération « Castor ». Dès le 23 novembre, 4560 parachutistes sont regroupés dans la vallée et ces troupes s'activent comme des fourmis.
Le 1er janvier 1954, un capitaine parachutiste arrive à Diên-Biên-Phu, affecté au GAP 2 du lieutenant-colonel Pierre Langlais. Il sera fait prisonnier le 7 mai et connaîtra la longue marche vers les camps-mouroirs du Vietminh. Il en reviendra pesant…39 kilos. A Diên-Biên-Phu, il aura glané la Légion d’Honneur, la TOE (12) avec palmes, et des ennuis de santé que le suivront toute sa vie.
Ce capitaine, c’était mon père. Je lui ai rendu hommage dans mon premier livre (13).
A travers lui, mon hommage va à tous les combattants de cette bataille de titans, à tous ces soldats qui se sont battus pour l’honneur, et qui ont été sacrifiés pour que la France puisse hâter la signature des accords de Genève et abandonner lâchement aux communistes des populations amies qui lui faisaient confiance…
Eric de Verdelhan
1]- « Caravelle » était le journal du Corps Expéditionnaire français d'Indochine.
2]- Le général Gilles termine son temps en Indochine et souffre de gros problèmes cardiaques.
3]-2ème Bataillon du 1er Régiment de Chasseurs Parachutistes.
4]- « Pour une parcelle de gloire » de Bigeard; Plon; 1975.
5]- Faits relatés dans la revue « Béret rouge », en 1963.
6]-Bien que lui soit natif de Villefranche-de-Rouergue, les Navarre sont d'origine normande.
7]- Après la chute de DBP, Navarre et Cogny n'ont eu de cesse que de s'accuser de ce désastre.
8]- Rien que sur Diên-Biên-Phu, Erwan Bergot est l'auteur de six livres.
9]- « Bigeard » d’Erwan Bergot; Perrin; 1988. Sur le bilan de l'opération « Castor », aucun auteur n'arrive aux mêmes chiffres: Jules Roy parle de 90 Viets tués, Roger Delpey de 11 tués Français ...
10]- Bataillon Etranger de Parachutistes.
11]- 5ème Bataillon de Parachutistes Vietnamiens. Surnommé le « Bawouan ».
12]- Croix de guerre des Théâtres d’Opérations Extérieures.
13]- « Au capitaine de Diên-Biên-Phu » ; SRE-éditions ; 2011.
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Sujet: Re: Opération CASTOR Sam Nov 18 2023, 16:32
La situation stratégique en Indochine et en Asie
Depuis 1946, les choses ont bougé en Asie. La Chine est devenue communiste après la défaite de Tchang Kaï Tchek et des armées nationalistes. Ce nouvel acteur majeur fait bouger le balancier au profit des mouvements révolutionnaires et/ou de libération. Les Britanniques perdent l’Inde et se battent en Malaisie. Mais le grand « moment » stratégique de l’époque est la guerre de Corée (juin 1950-juillet 1953) qui vient de se terminer. Les Etats-Unis, qui viennent de perdre 50 000 hommes dans ce pays pour un gain politique et stratégique limité et au risque d’une guerre totale avec la Chine, viennent de comprendre que le colonialisme à la française (qu’ils avaient combattu au départ) avait du bon - tout du moins dans sa fonction de stabilisation et de contrôle de la péninsule indochinoise. De ce point de vue, Eisenhower, fraîchement élu, est mieux disposé envers Paris que Truman que les Français agaçaient beaucoup. [11] Les Chinois (et les Soviétiques) soutiennent donc le champion vietminh alors que les Etats-Unis appuient le champion français d’abord diplomatiquement puis progressivement en armes et matériels jusqu’à couvrir la totalité du coût de la guerre.
La situation tactique sur le terrain
Une fois la reconquête partielle du pays assurée par le général Leclerc, la défense de l’Indochine devient de plus en plus difficile. Les choses sont gérables tant que la Chine ne représente pas un abri et un soutien pour les communistes indochinois. Mais à partir du moment où Mao Zédong prend le contrôle de l’empire du Milieu (octobre 1949), Ho Chi Minh s’assure une base arrière et un soutien en armement à partir desquels il devient possible de lancer des opérations de grande ampleur sur le Nord et le Delta.
Le désastre de Cao Bang (sorte de Dien Bien Phu avant la lettre mais en rase campagne) en 1949, fruit des aberrations du commandement français, fragilise très gravement la situation stratégique. Le gouvernement fait alors appel à l’homme providentiel, le général de Lattre qui, par son seul charisme et son seul génie militaire rétablit une situation considérée comme perdue. [12]
De Lattre : le magicien de génie
Envoyé en Indochine avec aucun moyen, le général de Lattre, redresse la situation en quelques combats de génie. Giap pense que le temps est venu d’affronter les Français en rase campagne. Il déchantera. De Lattre gagne à Vinh Yen, Dong Trieu, Mao Khé, Ninh Binh et à la rivière Day. Il remonte le moral des troupes, lance l’indochinisation des forces et allie sans relâche défensive (il couvre le pays « utile » d’un cordon de postes et bunkers) et offensive. Mais malade, et très affecté par la mort de son fils au combat, il rentre en France pour mourir.
Salan, l’homme du terrain
Son remplaçant, le général Raoul Salan, n’a pas peut-être pas le génie flamboyant de son ancien patron mais présent en quasi-continu depuis 1945, il connaît parfaitement le pays (dont il parle plusieurs langues) et sait ce qu’il peut obtenir de ses hommes et de ses moyens. [13] Fin tacticien, il sait tenir avec des bouts de ficelle. Avec le camp retranché de Nasan qui fixe les divisions de Giap en haute région vers Son La près de la frontière avec le Laos, la bataille de Hoa Binh (commencée par de Lattre [14]) saigne les corps vietminh en une bataille féroce gagnée sur le fil. Salan est le roi de « l’économie des forces » - le rêve de tout soldat. Il prélève, déplace, manœuvre, contourne, fixe des forces vietminh pourtant combattant « comme un poisson dans l’eau » ; mais il sait aussi, comme son ancien patron, que cela ne peut pas durer éternellement.
Le Plan Navarre
A peine arrivé Navarre constate une situation difficile. Le vietminh est partout et la pression se fait sentir sur le Nord ou l’axe Hanoï-Haiphong, l’axe stratégique qui relie la capitale du Tonkin à la côte, est menacé. Tous les chefs de la période Salan sont en partance. Faute de mieux, il nomme le général René Cogny déjà sur place, commandant en chef pour le Tonkin et doit faire face à une pénurie massive et à l’usure des hommes et du matériel.
Sans indications de la part du gouvernement (qui change en permanence) il élabore une stratégie globale à partir de ce qu’il a retiré d’une visite d’un mois sur le terrain. Il s’agira donc de :
. Protéger le Delta [15] et l’axe Hanoï-Haïphong, priorité 1 ;
. Défendre le centre et Sud Annam pour éviter de voir l’Indochine coupée en deux, priorité 2 ;
. Défendre le Laos car le vietminh a décidé de peser sur le maillon le plus faible de la confédération indochinoise, priorité 3. [16]
Il s’agit au final pour le commandant en chef de gagner du temps ; 1 pour créer une armée indochinoise performante ; 2 pour créer les conditions les plus favorables pour une négociation qui préserverait au mieux la présence française.
Ce plan fut présenté devant le Comité de défense nationale du 24 juillet 1953. La question de savoir s’il fallait défendre le Laos ou pas ne fut pas tranchée. [17]
Au final, Navarre va décider de réunir les priorités 1 et 3 en une manœuvre unique. Sur le papier cette décision est cohérente. Elle répond à deux besoins majeurs voire contradictoires avec un minimum de moyens. Le général décide de créer un abcès de fixation sous forme d’un camp retranché situé entre le Laos et le Delta et loin du sud - môle où viendront se briser les bataillons réguliers de l’armée vietminh. C’est là qu’intervient le choix de la petite ville de Dien Bien Phu (ou « la préfecture du Nord-Ouest ») à la frontière du Laos abandonnée aux mains des insurgés depuis février 1952. Il faudra donc la reprendre avec les bataillons parachutistes (opération Castor), créer un camp retranché lourd inspiré de Nasan, et attirer les bataillons vietminh dans une bataille décisive, s’ils s’y risquent. Mais, d’après les stratèges, Giap ne devrait pas résister à un tel appât ; et, de fait, il n’y résistera pas ...
Avant la bataille : impréparation tactique et contradictions stratégiques
La marche vers la bataille s’est accompagnée d’un ensemble d’erreurs tactiques et stratégiques qui ont fait d’une idée à priori cohérente un désastre majeur.
Confusions stratégiques (Nasan et Hoa Binh)
L’option Navarre s’appuie sur un précédent réussi : le camp retranché de Nasan (novembre-décembre 1952). Installé par le général Salan près de Son La à proximité de la route 41 près du Laos sur un ensemble de pitons, le camp de Nasan va concentrer l’action des bataillons viets qui vont se casser les dents sur une défense serrée. Nasan démontre improprement aux Français que les Viets ne peuvent déplacer une artillerie lourde sur une longue distance face à une organisation tactique appelée « le hérisson », concept de défense constitué d’un poste principal et d’un aérodrome entouré de plusieurs positions armées appelées points d’appui (PA). Une fois le service rendu, le camp est évacué par un pont aérien surprise ne laissant à l’ennemi épuisé que quelques matériels logistiques sabotés. [18] La leçon que tire le commandement français est que ce qui a été fait à une échelle moyenne peut-être tenté à une grande échelle. Le problème est que le commandement vietminh tire aussi ses propres conclusions. Si la situation se reproduit, ils viendront avec l’artillerie !
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Sujet: Re: Opération CASTOR Sam Nov 18 2023, 16:41
[19] Le commandement, dans son enthousiasme, oubliera aussi que l’action de l’aviation a été déterminante dans la bataille de Nasan. Or, à Dien Bien pas Phu, les conditions d’emploi sont beaucoup plus difficiles.
Une autre erreur fut l’oubli des avertissements tactiques. La bataille de Hoa Binh lancée par Salan pour saigner les forces vietminh en février 1952 fut un succès … parce qu’elle ne fut pas perdue. Les forces de Giap avaient au final perdu environ 10 000 hommes et l’évacuation de la zone fut réalisée certes de main de maître ; mais cette dernière fut effectuée in extremis et dans des conditions de dangerosité particulièrement élevées (900 morts et 1800 blessés pour les Français !) [20] Encore une fois, le but tactique d’affaiblir considérablement le dispositif de bataille adverse avait été atteint, mais l’effet stratégique mettait en évidence le retrait français et la « victoire » du vietminh qui demeurait maître du terrain. [21]
Surestimation de ses capacités - sous-estimation de l’adversaire
En installant le camp retranché de Dien Bien Phu, le commandant en chef compte sur un certain nombre d’avantages considérés comme acquis :
. Les capacités offensives et de manœuvre de l’armée française sont son premier atout. Si les vietminh sont les maîtres de la guérilla, ils n’ont jamais pu s’aligner dans une bataille rangée (cf. de Lattre et Salan). Le camp a donc pour vocation initiale, non seulement de fixer le dispositif militaire ennemi, mais de le poursuivre. C’est à cette condition expresse que le colonel de Castries, qui est un cavalier a accepté le poste. Le Général Navarre lui « vend » une « base offensive ». [22] Cette mission s’avèrera dès le début impossible à remplir ; [23]
. La supériorité aérienne est l’autre force française ; le vietminh n’en dispose pas. Les aviateurs de l’armée de l’air et de l’aéronavale prennent tous les risques. Or Dien Bien Phu est loin ; souvent sous la brume et les nuages et, surprise, l’ennemi a une DCA !
. La supériorité de l’artillerie est le dernier élément déterminant. Nasan a démontré que le système des points d’appuis multiples se protégeant mutuellement annihilait les charges vietminh les plus puissantes. Or la zone de Dien Bien Phu est beaucoup plus grande que celle de Nasan et la plupart de ces points d’appuis ne pourront pas se soutenir. [24] (Ainsi le PA Isabelle vivra-t-il séparé du reste du groupe jusqu’au bout.)
La deuxième erreur majeure sera la sous-estimation de l’adversaire :
. Les Français pensent que l’adversaire n’a pas d’artillerie ou ne pourra pas l’acheminer or, celui-ci dispose d’ores et déjà de ces capacités ;
. Ils pensent qu’il n’a pas de DCA or il en a et quand cette information sera connue, on n’en tiendra pas compte ;
. Le vietminh n’est plus seul dans son combat. Il a désormais une artillerie de campagne (notamment des canons sans recul), de la DCA et surtout des compétences d’emploi. Des conseillers soviétiques et chinois l’accompagnent et des déserteurs de l’armée française (légionnaires, Maghrébins ou Africains) servent les armes lourdes.
Enfin, il faut insister sur le fait que Navarre et Cogny (car ces frères ennemis sont au départ liés dans cette affaire) font des choix tactiques contradictoires pour la même mission. Ils voient dans Dien Bien Phu à la fois une base d’opération et un camp retranché : en réalité il ne sera ni l’un, ni l’autre.
Or cette aporie aura un impact sur le destin du camp lui-même. Alors qu’il sera rapidement démontré qu’il ne peut pas conduire d’opérations offensives, Dien Bien Phu n’est pas protégé comme un camp retranché devrait l’être. Les installations ne sont pas dissimulées ; les bunkers sont peu enterrés et en bois ; les abords ne sont pas nettoyés ; il n’y a pas de glacis ; les moyens médicaux et le nombre de lits sont insuffisants ; il manque du barbelé, des réserves et, un comble, même la dotation d’artillerie n’est pas complète ! [25]
Un mal français ? Vantardises et rodomontades :
Les Français ont à l’occasion de cette bataille enfilé un nombre impressionnant de perles dont notre nation à le secret dans les grands moments de son histoire, sur le modèle de « la route du fer est coupée ! » de la seconde guerre mondiale ou du « ils ne passeront pas parce que nous sommes les plus forts ! ». On compte à ce florilège quelques pépites :
. Les Viets ne peuvent pas amener de l’artillerie si loin…
. … Mais si les Viets y parviennent cependant, elle sera détruite par les tirs de contre-batterie. « Des canons, j’en ai plus qu’il m’en faut ! » [26] Cette affirmation péremptoire conduira le colonel Piroth, chef de l’artillerie, au suicide.
. « Dien Bien Phu ce sera Nasan multiplié par dix. Nous n’écraserons pas une division mais quatre. » [27]
. « Qu’attendez-vous pour déclencher cette bataille (…) Venez, je vous attends... » tracts signés du colonel de Castries, adressés au « généralissime » Giap et dispersés début février. [28]
. « Ils ne faudrait pas qu’ils nous privent de la bataille ! » car l’inquiétude de certains est que l’ennemi n’attaque pas. « A quelques jours de l’offensive ennemie, la crainte principale du commandement en Indochine (dont Cogny [29]) restait que le Vietminh renonçât à attaquer le camp retranché. » [30] Il ne sera pas déçu…
. Enfin, Navarre s’illustre devant la presse à Saïgon par un petit chef-d'œuvre de jargon bureaucratie-militaire : « Le Vietminh est arrivé au plus haut point de ses prétentions et vient de donner la preuve qu’il a dépassé ses possibilités logistiques. » [31]
L’extension des lignes de communication
En choisissant Dien Bien Phu, Navarre installe un dispositif majeur à 300 km par avion de son point de ravitaillement dans un pays où les conditions météorologiques sont régulièrement mauvaises. Le camp retranché ne peut survivre que par un approvisionnement régulier et par le soutien de l’appui feu de la chasse et des bombardiers, dont une partie est celle de l’aéronavale croisant sur les côtes du Tonkin. Le colossal pont aérien [32] réalisé après la conquête du site par les bataillons parachutistes, d’une part ne permettra pas l’équipement en matériel lourd (béton, notamment) des casemates mais surtout ne pourra être maintenu au fur et à mesure que le camp perdra sa piste d’atterrissage et que la DCA Viet sera de plus en plus efficace malgré le courage insensé des aviateurs. Plus que par l’assaut, Dien Bien Phu périra par componction !
La dispersion des moyens
Opération Atlante : pendant que l’affaire Dien Bien Phu est en cours, le général Navarre lance l’opération Atlante qui vise à dégager le centre et le sud Annam d’une implantation de longue date des forces vietminh qui menacerai à terme le Cambodge. [33] Cette opération, à laquelle tient beaucoup le commandant en chef, certes mobilise des troupes disparates et/ou fatiguées mais elles consomment en réalité des réserves sur un objectif à l’importance relative. Installé dans cette zone dès 1945, le Vietminh n’a pas fait évoluer son dispositif depuis cette date mais a pu consolider ses défenses et recevra sévèrement les attaquants. De son côté Cogny est obsédé par le Delta et rechigne à prêter la main à Dien Bien Phu à la grande colère de Navarre qui oublie qu’il a aussi ses propres priorités. [34]
Bureaucratie : gagner ou perdre pourvu que ce soit dans les règles de l’administration !
Le soutien logistique et humain organisé à Hanoï va atteindre des sommets de « courtelinisme ». Le chef des parachutistes d’Indochine (le colonel Sauvagnac) exige que les volontaires sautant sur Dien Bien Phu aient leur brevet para et leur fait suivre le stage complet ! [35] Cette obligation ne sera levée qu’à la toute fin du siège et les parachutés survivants n’auront confirmation de leur brevet para que bien des mois plus tard grâce à l’acharnement de Castries. Hanoï exige aussi que les parachutages d’hommes et de matériel soient faits dans les conditions réglementaires de largage. Ce qui s’avérera également impossible dès la moitié de la bataille. Les avions français approvisionneront donc les troupes de Giap en matériel frais dont des obus.
Dien Bien Phu : le mépris du renseignement ?
Comme dans de très nombreuses défaillances ou défaites françaises, dans cette affaire il ne sera guère tenu compte du renseignement, aussi exact soit-il. Comme en août 1914 et en juin 1940 où le deuxième bureau français donnait la date, le lieu et l’endroit des offensives allemandes avec la même absence de résultat, les services français ont suivi au jour le jour, les préparatifs vietminh jusqu’à donner au bout du compte le jour et l’heure de l’attaque. [36] Les Français, qui ont percé les codes de l’ennemi suivent donc la mise en place de l’encerclement, la remontée des divisions d’élite, le nombre des troupes, l’arrivée d’une capacité de DCA massive avec les canons de 37 mm, la disposition et le dessin précis des batteries d’artillerie jusqu’au nombre d’obus disponibles et les cadences de tir théoriques de l’ennemi. [37] De tout cela il n’en sera fait aucun usage alors que Navarre avait fait brillamment la première partie de sa carrière dans le renseignement (mais c’était contre l’Allemagne). [38] A quoi bon puisque l’on espère la bataille !
Dernière édition par GOMER le Sam Nov 18 2023, 16:53, édité 1 fois
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Sujet: Re: Opération CASTOR Sam Nov 18 2023, 16:51
Le centre de gravité stratégique, refuser la bataille ?
Au plan stratégique, en janvier 1954, l’implantation à Dien Bien Phu, avant le déclenchement de la bataille elle-même, ne répondait déjà plus aux objectifs qui lui avaient été affectés. Le Delta subissait toujours la pression ; la pénétration vers le Laos avait été reprise par les hauts plateaux ; les opérations de nettoyage du Centre-Sud Annam (Atlante) ne rencontraient pas de résistance car les divisions ennemies s’étaient effacées. A partir de ce constat – mais qui avait le malheur de faire le bilan de sa propre stratégie - Navarre pouvait donc envisager l’évacuation du camp en réaffectant 10 000 hommes à d’autres tâches tout en les sauvant de la destruction. [39] Si le supposé « piège » de Dien Bien Phu n’avait pas fonctionné comme prévu et se révélait finalement une chausse-trape pour lui-même, il lui avait fait gagner un temps précieux et il avait rempli son troisième objectif : empêcher l’attaque du Laos.
Mais en décembre 1953, l’étau Viet se resserrait déjà dangereusement autour de Dien Bien Phu et le concept de base d’attaque – fonction tactique initialement dévolue à Castries - se révélait définitivement inopérante. Navarre pouvait donc déjouer le « centre de gravité » recherché par Giap en lui refusant la bataille par l’évacuation de la garnison. Cette évacuation, il l’évoque lui-même dans une lettre du 13 décembre 1953 à « son » ministre Marc Jacquet (Secrétaire d’Etat aux relations avec les Etats associés) dans laquelle il révise considérablement à la baisse ses chances de succès et envisage une évacuation (si la présence de moyens d’artillerie lourd et de DCA venaient à être confirmés.) cette lettre restera sans réponse. [40] L’hypothèse de l’évacuation est également formulée par Navarre auprès du général Cogny qui balaye l’argument lui demandant ne pas porter atteinte au moral de la garnison : « exaltée à la perspective par une grande victoire défensive. » [41] Après la défaite, pour se dédouaner, Cogny saura faire entendre un autre son de cloche...
Un peu plus tard, les missions d’inspection sur le site avait corroboré les inquiétudes de certains inspecteurs et non des moindres. Evacuer Dien Bien Phu et redessiner le schéma stratégique autour d’une option resserrée fut débattue et présentée, en l’absence du général Navarre, au ministre Pleven et au Secrétaire d’état de Chevigné par les généraux Ely (président de l’état-major général des armées), Blanc (chef d’état-major de l’armée de terre) et Fay (chef d’état-major de l’armée de l’air) dans une réunion le 10 février 1954, à Saïgon longtemps restée secrète. Ses conclusions demeurèrent sans suite. [42] Le général Ely, rentré à Paris et parlant du camp, suggérera de « s’en débarrasser » ! [43] Blanc reformulera ses préconisations devant le Comité de défense du 9 février. [44] Mais aucune recommandation officielle ne viendra appuyer ce sentiment partagé des militaires de haut rang (à commencer par le Maréchal Juin). Fay, le plus critique sur le site écrira des propos lénifiants une fois rentré à Paris. [45] Sur le terrain Cogny, qui se répandra par la suite dans des « je l’avais bien dit » propres à protéger sa carrière, ne défendra en aucun moment l’option du retrait ; bien au contraire.
Pour le général Blanc, il s’agissait d’abandonner rapidement le Tonkin, indéfendable, et de se replier sur l’Annam et la Cochinchine dans lesquels une véritable défense était possible (ce qui correspondait peu ou prou après les accords de Genève à un peu plus que le Vietnam du Sud).
L’autre option eut été, dans une approche à la Giap, de tout jouer sur la bataille, et de mettre pour quelques jours tous les moyens français disponibles sur la défense de Dien Bien Phu. Selon le général Gras, le Delta et l’Annam aurait pu survivre quelques temps à ce prélèvement provisoire qui aurait pu permettre de couper les lignes de communication vietminh en encerclant les encercleurs. C’était jouer son va-tout mais c’était bien ce qui se jouait déjà dans la cuvette. « Il (Navarre) lui restait cependant la possibilité de reporter tout son effort sur la région la plus importante et la plus menacée du théâtre d’opérations. C’est alors qu’il aurait pu, lui aussi jouer le tout pour le tout avant la conférence de Genève, et tenter, à partir du Delta, de couper les communications de l’adversaire. Il n’est pas douteux qu’il a laissé passer, à ce moment là, la dernière occasion de gagner la bataille de Dien Bien Phu. » [46]
Pendant et après : défaillances, héroïsme et illusions
Centre de gravité tactique : Les trois premiers jours et la faillite du commandement
La bataille est perdue entre le 13 et le 15 mars 1954.
Le continuum de commandement Castries-Langlais-Hanoï-Saïgon commet deux erreurs majeures qui conditionneront la défaite
Il ne s’agit pas ici de d’accabler une fois de plus les responsables dans la conduite tactique de la bataille. Certains s’acharnent sur Castries quand d’autres désignent Langlais, son adjoint opérationnel trop sûr de lui, ou fustigent toute la chaîne. Toujours est-il que le continuum de commandement Castries-Langlais-Hanoï-Saïgon commet deux erreurs majeures qui conditionneront la défaite inéluctable en ne reprenant pas, une fois la surprise et le choc passés, coûte que côute les positions perdues, surtout Béatrice [47], et ensuite Gabrielle et Anne-Marie dont le contrôle conditionne le maintien de la piste d’atterrissage. [48] En trois jours Giap a détruit le centre de gravité français qui en l’occurrence sont les défenses de l’aérodrome et donc l’aérodrome lui-même. Le reste n’est qu’une affaire d’héroïsme. Bigeard, avec son génie tactique évident ne pourra, plus tard, qu’aider à reculer l’inévitable. La bataille est donc perdue entre le 1er et le 3ème jour. On ne reviendra pas sur le déroulement tactique si souvent décrit. Les 77 jours suivants ne seront qu’une lente agonie.
Comme le dit de façon éclairante Henri de Brancion, « ... si la protection de la piste était prioritaire pour les Français, elle constituait, par symétrie, l’objectif n°1 de Giap. De fait elle fut mise hors d’usage la première nuit et ne put jamais reprendre son rôle essentiel dans la bataille ce qui modifia du tout au tout les conditions de l’affrontement. » [49] Effondrement psychologique, mauvaise appréciation de la conduite de la bataille ? Cet objectif prioritaire disparaît du souci tactique français dès le deuxième jour du combat et sonne le glas du camp retranché. Les parachutages et le sacrifice des « paras d’un jour » et des aviateurs ne servira qu’à retarder l’inévitable. Le 7 mai à 17h30 les combats s’achèvent en « laissant mourir le feu » selon les mots de Cogny et sans drapeau blanc. Le camp ne s’était pas rendu, il avait juste cessé de combattre. Giap venait de gagner la première bataille du Tiers-Monde contre une force occidentale depuis le XIXème siècle.
Rêves et illusions
. Les bombardements américains (du raid massif à la bombe atomique !)
La demande française ou la proposition américaine d’utiliser la bombe atomique pour sauver le camp retranché fut un des grands mystères historiques de l’affaire de Dien Bien Phu. [50] On ne peut que rester circonspect voire sceptique sur l’idée qu’ont pu se faire certains Français – y compris de haut rang – sur les intentions américaines. Rappelons que Truman ayant refusé d’utiliser l’arme nucléaire en Corée et mis à pied le général Mac Arthur pour l’avoir exigé. On voyait mal son successeur, le – Président et général Eisenhower, souscrire à cette demande « à l’emporte-pièce » pour une affaire sans commune mesure avec la dimension de la Corée. Le ministre des Affaires étrangères Georges Bidault qui était parti négocier à Washington, a juré qu’elle avait émané d’Allen Dulles lui -même. A-t-il surinterprété des paroles bienveillantes du ministre américain ; s’est-il auto-intoxiqué ; y a-t-il eu erreur de traduction ? On ne le saura pas. La « proposition » qui aurait eu l’aval de certains militaires des deux bords et qui avait pu également être étayée à partir de déclarations « va-t-on guerre » de Richard Nixon alors Vice-Président, sera repoussée par le Président du Conseil Joseph Lainiel et, au final, par Bidault lui-même... [51] Cette histoire acadabrantesque n’en demeure pas moins illustrative d’un état d’esprit général, notamment du côté français en attente d’un « miracle » qui ne viendra pas.
En revanche un bombardement massif des positions vietnamiennes par l’aviation américaine (opération Vautour) aurait pu débloquer la situation en évitant la reddition. Mais personne n’a finalement voulu assumer les conséquences politico-diplomatiques que ce geste aurait entraînées. Pourtant cette option a été à deux doigts de se concrétiser. C’est finalement l’opposition des Britanniques (Churchill !) qu’Eisenhower avait imprudemment consulté qui fit pencher la balance. Qui plus est, pour certains diplomates, l’intervention directe des Américains aurait internationalisé de facto le conflit (en oubliant que Russes et Chinois « conseillaient » déjà le Vietminh sur le terrain.) [52]
Faute d’une évacuation qui aurait pu être menée au bon moment avec les grands moyens, l’idée d’une « évasion » des combattants valides vers les maquis de l’arrière fit son chemin. Cinq options furent étudiées. La première de grande ampleur, Xénophon, dès janvier 1954 envisageait une évacuation avec hommes et matériels. En parallèle était étudiée une simple évacuation des troupes (Ariane). [53] Les autres plans ne furent que des variantes fortement dégradées de la deuxième qui prévoyait d’évacuer par la route l’ensemble des troupes ; mais, dans tous les cas de figure, l’ampleur des moyens nécessaires fit reculer le commandement. Les deux autres, Condor et Albatros furent élaborées au fur et à mesure que la situation empirait pour exfilter les survivants. [54] La dernière fut abandonnée. Fortement suggérées par Cogny mais réfutées par Navarre qui ne s’y résoudra que trop tard, le principe était que les groupements mobiles qui animaient la guérilla sur les arrières de l’ennemi en pays laotien, avec les supplétifs Meos notamment, se rapprochent le plus possible de Dien Bien Phu et accueillent les « évadés » selon un schéma prédéfini. Le capitaine Sassi, le lieutenant-colonel Godard (qui s’illustra plus tard différemment à Alger) et le capitaine Loustau commandaient ces groupements aux origines variées. [55] Mais là aussi cette hypothèse tenait du rêve. Giap tenait sa proie et n’allait pas la laisser s’échapper. [56] Les tentatives « d’offensives » avant la bataille proprement dite avaient toutes tourné court et l’évacuation de Laïchau (autre point d’appui au nord) dont la garnison devait en principe renforcer celle de Dien Bien Phu avait fini en massacre des supplétifs thaïs qui étaient censés rejoindre à pied… Les détachements avancés de ces groupes mobiles et commandos se contentèrent de voir brûler le camp et rentrèrent chez eux en ne ramenant qu’une poignée de survivants chanceux récupérés au hasard.
Le centre de gravité politico-stratégique : la conférence de Genève
La conférence de Genève qui s’ouvre le 26 avril 1954 change la nature de la bataille. De tactique, elle devient stratégique pour les Vietnamiens qui voient dans la conjonction des dates la fusion miraculeuse de leurs objectifs. Ce « détail » majeur n’est pas vu ou ne veut pas être vu par les Français qui s’enferrent eux-mêmes dans la nasse.
De fait, cette conférence que personne n’avait mise à l’agenda international est suggérée par la France même le 25 janvier 1954 lors de la conférence de Berlin, inaugurant ainsi une singulière forme de suicide diplomatique.
La sous-estimation du résultat ou Le syndrome du « Chevalier noir »
Dans le film « Sacré Graal » des humoristes britanniques, les Monty Python, un chevalier en armure noire barre la route des deux héros et les défie en combat singulier. Le Chevalier noir se fait couper un bras, se relève et veut continuer le combat. Il se fait couper un deuxième bras, et il repart à l’assaut. Ayant perdu successivement tous ses membres, le Chevalier noir saute sur son tronc démembré (humour anglais !) en traitant de lâches les chevaliers qui passent leur chemin. Cette parabole peut parfois s’appliquer à quelques généraux qui refusent d’admettre la défaite, mais pas seulement à des militaires : « La guerre n’est pas une catégorie autonome », constate Hervet Guineret, « c’est d’ailleurs ce que les militaires ont parfois du mal à comprendre. Le but de la guerre est d’amener une situation politique » [57]…. « La force de caractère nous conduit à l’obstination qui en est une dégénérescence » rappelle Clausewitz. [58] C’est ce qui différencie pourtant Churchill en 1940 et Hitler en 1945.
De la défaite tactique à la défaite stratégique
Perdre est presque inclus dans l’ADN de la guerre. L’incertitude, « le brouillard » dont parle Clausewitz en est un des principes majeurs – « …le résultat n’est jamais assuré, mais seulement vraisemblable,… » [59]. Les adversaires de Napoléon, sur 15 ans vont perdre presque toutes les batailles ou presque, sauf la bonne ! Cependant, le refus, de la part de certains chefs militaires de ne pas voir qu’une défaite tactique a priori relative signe en réalité le glas d’un désastre stratégique, diplomatique et politique demeure une constante historique.
Autrement dit, le soldat vaincu reproche au pouvoir politique d’avoir manqué du courage minimum qui eût permis de l’emporter au final sur l’adversaire dans un « ultime petit effort » – (« J’ai été trahi par l’arrière » clama le généralissime Gamelin en juin 1940 et le général Westmorland au Vietnam quelques années plus tard pensait qu’on l’avait privé de la victoire en n’envahissant pas le Nord). Parfois, le chef militaire a-t-il raison, mais pas toujours…
Clémenceau disait certes que « celui qui est vainqueur, c’est celui qui peut, un quart d’heure de plus que l’adversaire, croire qu’il n’est pas vaincu. [60] » mais il se plaçait dans le cadre d’une confrontation bilatérale qui se jouait à « armes égales » et à modes de pensée compatibles. Dans le cas particulier des guerres du Vietnam comme d’autres conflits asymétriques qui suivront (dont l’Algérie), il s’agit pour l’adversaire quantitativement le plus faible, de faire plier la volonté de l’autre en comptant sur ses faiblesses psychologiques (justesse de la cause au moment où elle se déploie, opinion publique, nombre de morts, etc.). A Dien Bien Phu nous sommes bien donc au cœur de la guerre clausewitzienne dont le résultat est « soumettre à notre volonté » [61]. Mais elle est aussi la démonstration de ce que le général Gambiez [62] appelle « le style indirect » qui « vise à mettre l’adversaire en état d’infériorité par les actions préliminaires qui le disloquent moralement et matériellement, avant que de l’achever par la reddition ou par la bataille. [63] » Qui plus est, l’adversaire irrégulier dispose d’un avantage concurrentiel majeur : La défaite au sens militaire ne joue que pour l’un des partenaires et pas pour les deux car le temps est l’allié des guérillas. Giap pouvait perdre la bataille, mais pas Navarre ! Ce sont donc deux conceptions mentales de la guerre qui s’affrontent. Ce processus reste encore aujourd’hui incompréhensible pour certains. Ce sont pourtant les limites de la contre-insurrection et de ses théories.
La mise : poker ou roulette russe ?
Le général Navarre dira un jour : "je considère donc que les effectifs réunis à Dien Bien Phu constituent la "mise" qu’il était possible et nécessaire de faire pour la défense du Haut Laos et pour maintenir notre présence en Haute région. Cette "mise" peut donner des résultats considérables si nous gagnons la bataille. Elle pourrait être en grande partie perdue si nous perdions cette bataille. En tout état de cause, Dien Bien Phu aura joué le rôle d’abcès de fixation et aura permis d’éviter la bataille générale du Delta." [64]
Cette notion de « mise » est importante en stratégie. Tout général va faire un choix engageant ses forces et est censé calculé à la fois le gain et le risque. « Napoléon a joué son armée dans la campagne de Russie » note Raymond Aron, « et il a perdu sa mise ; prix payé pour de grandes espérances. [65] » « Enorme enjeu qu’il mit volontairement à cette partie colossale, au gain de laquelle il attachait tant de prix ! » renchérit Clausewitz. [66] Engager la guerre et la bataille est donc miser comme au poker. Mais dans cette affaire Navarre se contente de miser un peu alors que Giap, comme on dit, fait tapis. Et c’est là toute la différence. En refusant de se détourner de ses autres objectifs pourtant secondaires, le général en chef perd tout ; la bataille et l’Indochine.
Navarre - argument qui fut également repris par le général Catroux - tenta de justifier son choix et d’en limiter l’importance en excipant que, dans cette bataille, il n’avait perdu que 5% du corps expéditionnaire et qu’il ne s’agissait que d’un revers tactique qui ne remettait pas en cause la défense globale de l’Indochine. [67] Sur l’analyse froide des chiffres, le général avait raison. [68] Mais c’était oublier le choc psychologique et la dimension stratégique et politique de Dien Bien Phu.
Comme le fit justement remarquer le général Beaufre, « Dien Bien Phu était un épisode de « mécanique rationnelle » dans une campagne menée sous le signe de la stratégie indirecte. [69] » Deux univers mentaux foncièrement différents s’opposaient.
En pleine conférence de Genève, la défaite démontrait l’incapacité française à tenir l’Indochine et légitimait de facto Ho Chi Minh et le gouvernement du vietminh. Elle donnait également en France un argument décisif à ceux qui voulaient, quelle qu’en soit la raison, se débarrasser du fardeau indochinois. [70] Ce n’était pas une défaite tactique marginale ; Genève en avait fait un maelström stratégique.
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Sujet: Re: Opération CASTOR Sam Nov 18 2023, 17:01
Le lien politique entre la conduite de la bataille côté vietminh et les événements internationaux semble être confirmé par le timing du général Giap. D’après les renseignements français (confirmés ensuite par les sources vietnamiennes) Giap avait décidé l’ouverture des combats au 25 janvier. Or il va surseoir à cet engagement en invoquant des raisons prétendument techniques. En réalité, le pouvoir vietminh, très bien renseigné, sait que va s’ouvrir la conférence de Berlin, dans laquelle la question indochinoise sera évoquée. Pour Ho Chi Minh il est donc essentiel que la bataille suive le tempo diplomatique. [71]
Cette coïncidence des combats avec le calendrier international pourrait expliquer un mystère tactique. Pourquoi Giap n’a t-il pas anéanti l’artillerie lourde française dès le début de la bataille alors que malgré ses faiblesses initiales, elle jouera un rôle considérable de retardement ? [72]
Une hypothèse est que Giap fut dépassé par son succès comme l’avait été les Allemands qui, utilisant pour la première fois les gaz de combat dans la Somme, ne surent pas l’exploiter. Une autre pourrait être que le commandement vietminh ait décidé, en l’épargnant, de faire durer le camp retranché pour qu’il tombe juste au moment de la conférence. En conquérant le camp point d’appui par point d’appui et malgré les pertes colossales et les contestations internes qui s’en suivirent [73], Giap créait les conditions d’une bataille épique qui trouvait son apothéose au meilleur moment politique. Une défaite brutale et hors timing en aurait peut-être altérée la dimension et l’impact.
D’une certaine manière les deux hommes jouaient bien au poker. Mais la dimension politique (« l’enjeu colossal » de Clausewitz) sublimait la partie du vietnamien. L’un n’avait pas voulu tout miser ; l’autre si !
Le Crime
Le vietminh captura 5 500 valides et 4 500 blessés.
Français et vietnamiens se sont battus à la loyale dans cet affrontement homérique. L’un a gagné, l’autre a perdu. De cela il n’y a rien à dire. Mais c’est dans l’après que la guerre se transforma en crime de guerre. Pour un effectif de 15 090 hommes au 5 mai (qui inclut les parachutés) et nonobstant les pertes des deux jours suivants, le vietminh captura donc 5 500 valides et 4 500 blessés. 858, les intransportables furent rendus juste après la chute du camp [74]. A la signature des accords, quelques mois plus tard, il en restitua 3 900 sur 10 000 ! [75] Les autres étaient morts d’épuisement dans cette marche de la mort vers les camps, puis de privations et de mauvais traitements – le tout accompagné d’un matraquage idéologique qui marquera définitivement les esprits des survivants. [76]
Conclusion : « celui qui n’a pas clairement conscience de ses objectifs ne sait pas répondre à l’ennemi »
[77]
« Le vaincu médite son sort parce que sa défaite résulte toujours des fautes de pensée qu’il a dû commettre, soit avant, soit pendant le conflit. » dit le général Beaufre. [78]
En ce moment, la mode est à l’uchronie. [79] Le général Ely, qui remplaça Navarre comme commandant en chef, avait un jour posé la question de la victoire et de ses conséquences : et si Navarre avait gagné ? [80] Un peu de chance ; une meilleure défense sur le terrain ; des réactions pertinentes les trois premiers jours ; l’arrivée des Américains, comme la cavalerie dans les Westerns. A l’instar de Waterloo, on refait toujours les batailles perdues. Fuller nous dit que « si Napoléon avait gagné (…) il est presque certain que la septième coalition se serait effondrée. Mais elle aurait été sans doute suivi d’une huitième et peut-être d’une neuvième, et finalement la France aurait été vaincue. » [81] Comme pour Waterloo, il n’est pas sûr qu’à Dien Bien Phu la victoire eût pu changer grand chose à la grande histoire. Peut-être aurait-elle retardée la perte de l’Indochine ? Guère plus. L’abandon du Tonkin et le repli sur le Sud (envisagée par le général Blanc) se profilait comme une option stratégique et, déjà, les Américains pointaient leur nez puisqu’ils assuraient tout le financement de la guerre.
Mais pouvait-on gagner ? L’accumulation d’erreurs tactiques et stratégiques ont conduit inéluctablement à l’échec face à des vietnamiens qui eux disposaient de l’unité tactique et stratégique (un but politique, un but stratégique, un schéma tactique et les moyens pour y parvenir). La conjonction des buts de guerre (Zweck) et des buts dans la guerre (Ziel)- tels qu’identifiés par Clausewitz, produit un avantage déterminant face à celui qui ne l’a pas. De là découle l’impossibilité française – tant pour Navarre que le gouvernement d’utiliser les rares moments stratégiques disponibles pour sortir de la nasse. A aucun moment les Français ne savent ce qu’ils veulent vraiment ! Au delà de ses erreurs personnelles, Navarre ne fut que la victime expiatoire d’un système gangréné – ce que lui reconnut bien volontiers mais en termes voilés et en secret la commission d’enquête. La solitude du commandement et l’orgueil de l’homme seul firent le reste.
Obsédés par questions intérieures et européennes, les gouvernements successifs ne virent l’affaire indochinoise que comme secondaire. Pour le commandant en chef, Dien Bien Phu était un problème – certes important – parmi les autres… [82]
Navarre reconnaîtra plus tard que la conférence de Genève avait changé la nature de la bataille. Mais sur le moment, il n’en tira aucune conclusion concrète. [83] De leur côté, Giap et Ho Chi Minh agiront sur les quatre centres de gravité de l’adversaire : au niveau international, la faiblesse de la position française ; au niveau national, l’indifférence puis l’hostilité de l’opinion publique ; au niveau stratégique, accepter la bataille proposée par les Français ; au niveau tactique, paralyser l’aérodrome. Tout est dit.
Le maître de sabre japonais du XVIIIème siècle, Matsumura Seisan, résume la question de Dien Bien Phu, en une formule éclairante : « Lorsqu’on gagne, il y a des victoires surprenantes mais lorsqu’on perd, il n’y a pas de défaite surprenante. » [84] Sans avoir forcément lu Clausewitz ni peut-être même les stratèges chinois, Giap sût utiliser la notion de « che » ou « le potentiel né de la disposition ». [85] Le commandement français le lui apporta sur un plateau. Restait à agir ensuite sur les centres de gravité ; ce qui fut fait avec un talent consommé. L’affaire de Dien Bien Phu montre bien qu’on ne peut opposer Sunzi et Clausewitz. Les lecteurs hâtifs prennent la lecture philosophique de la guerre qui est faite dans le livre 1 (duel, montée au extrêmes, trinité, non limite de la violence) pour des recettes à appliquer sur le terrain stratégique et tactique. Or la même souplesse se retrouve chez les deux auteurs dans l’emploi. Giap en fera l’éclatante démonstration et la synthèse implicite.
Finalement les Français s’engagèrent dans cette affaire sans tout faire pour la gagner (y compris sur le terrain même) et avec un mélange de légèreté et de morgue envers l’adversaire alors que les Vietnamiens y allaient en faisant tout pour la gagner.
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Sujet: Re: Opération CASTOR Sam Nov 18 2023, 17:08
[1] Il y a plusieurs façons d’écrire Dien Bien Phu. Nous avons choisi la plus simple.
[2] Jeune officier d’artillerie affecté à l’état-major, le général Schmitt fut un parachuté volontaire de la dernière heure. Il a raconté son histoire dans son livre, « De Dien Bien Phu à Koweït City », Grasset, Paris, 1992.
[3] Dien Bien Phu un coin d’enfer, Robert Laffont, Paris, 1968. En Anglais : « The siege of Dien Bien Phu, hell in a very small place ».
[4] Penser la guerre, Clausewitz, tome I L’âge européen, Gallimard, Paris, 1976, p. 258.
[5] Vincent Desportes, « L’impertinente pertinence » de Clausewitz, CESAT – Pensées Mili-Terre ; penseemiliterre.fr/-l-impertinente-pertinence-de-Clausewitz, p. 4.
[6] De la guerre, traduction du Lieutenant-colonel de Vatry, Editions Gérard Lebovici, Paris, 1989, p. 872.
[7] Voir la somme de Georgette Elgey, Histoire de la quatrième République, six tomes, Fayard, Paris, 1965-2012.
[8] « Cette œuvre sera poursuivie par la France qui est et demeurera sa propre mandataire. », discours du 15 février 1945, cité par Philippe Franchini, Les mensonges de la guerre d’Indochine, Editions France Loisir, Paris, 2003, p. 72. « Le général De Gaulle et ses conseillers ont bâti leurs projets sur une analyse idéale de la situation. » in Jacques Valette, La guerre d’Indochine 1945-1954, Armand Colin, Paris, 1994, p. 35
[9] Voir Philippe Maxence, « Géopolitique d’une défaite », in Le Figaro Histoire, décembre 2013-Janvier 2014 n°11.dossier Dien Bien Phu – le piège, le sacrifice, la tragédie, p. 52-55.
[10] Général Henri Navarre, Agonie de l’Indochine (1953-1954), Plon, Paris, 1956, p. 2.
[11] Voir avec intérêt ses démêlés avec le général De Gaulle (« les dictateurs au petit pied » ! sic), Harry S. Truman, Mémoires L’année des décisions, tome 1 L’Amérique continue 1945, Plon, Paris, 1955, p. 193-203.
[12] Pour la « geste » Latrienne voir la somme de Lucien Bodard, La guerre d’Indochine, (cinq tomes 1963-1967), réédition poche Folio, Paris, 1973.
[13] Jeune lieutenant il commande une province au Tonkin et a un fils métis. Il reste 9 ans en Indochine de 1924 à 1933 pour revenir avec Leclerc en 1945 ; Voir ses mémoires, Fin d’un empire, tome 1, et tome 2 notamment pour la bataille d’Hoa Binh, Presses de la cité, Paris, 1970-1972.
[14] Philippe Fouquet-Lapar, Hoa Binh (1951-1952) De Lattre attaque en Indochine, Éditions Economica, Paris, 2006
[15] Zone formée par les eaux du Fleuve rouge et la Rivière noire et leurs affluents formant la zone stratégique entre la capitale du Nord à l’époque et la mer (le port d’Haiphong). Ne pas confondre avec le Delta du Mékong côté Saïgon.
[16] Le texte du plan Navarre est publié dans le livre de Jean Pouget qui fut son chef d’état-major avant de sauter lui-même sur le camp retranché, Nous étions à Dien Bien Phu, Presses de la cité, Paris, 1964, p. 438.
[17] « D’autre part et bien qu’il eût ce même 24 juillet, demandé à être fixé sur la conduite à adopter en cas de menace d’attaque sur le royaume du Laos, le commandant en chef n’a reçu ni instructions, ni directives l’éclairant sur ce point important. Si bien que lorsque le général commandant en chef eut l’impression que l’éventualité se réalisait, il a dû prendre de lui-même la responsabilité de la décision que l’on connaît. » Texte intégral du « Rapport concernant la conduite des opérations en Indochine sous la direction du général Navarre », rédigé par la Commission d’enquête militaire, in Georgette Elgey, Histoire de la IVe République, tome 2, op. cit. p. 616.
[18] Voir Jacques Favreau & Nicolas Dufour, Nasan La victoire oubliée (1952-1953) Base aéroterrestre au Tonkin, Economica, Paris, 1999, 210 pages.
[19] Voir Général Vo Nguyen Giap, Mémoires, tome II le chemin menant à Dien Bien Phu, Anako éditions, Fontenay-sous-Bois, 2004, p. 286-287.
[20] Georges Fleury, Histoire de la guerre d’Indochine 1945-1954, Plon Paris, 1994, p. 504.
[21] Yves Gras, Histoire de la guerre d’Indochine, Plon, Paris, 1979, p451-455.
[22] Jules Roy, La bataille de Dien Bien Phu, Paris, René Julliard, 1963, op. cit., p. 133.
[23] Voir Pierre Rocolle, ¨Pourquoi Dien Bien Phu ? Flammarion, coll. L’histoire, Paris, 1968, p. 224-234.
[24] Ces points d’appui sont passés à la postérité sous des noms féminins : Anne-Marie, Béatrice, Claudine, Dominique, Eliane, Françoise, Gabrielle, Huguette, Isabelle, Junon, Lily ; soit ABCDEFG … et non le nom des filles du général de Castries comme cela a été dit parfois !
[25] Fall, op. Cit. p. 125-131.
[26] In Jules Roy, op. Cit. p. 152.
[27] Castries et Cogny, in Roy op. Cit. p. 165.
[28] Pierre Pélissier, Dien Bien Phu. 20 novembre 1953-7 mai 1954, Perrin, Paris, 2004, op. Cit. p. 214.
[29] Pélissier, op. Cit. p. 209.
[30] Le Haut-Commissaire pour l’Indochine Maurice Dejean qui a en charge les affaires politiques – seul de Lattre cumulera les fonctions civiles et militaires, in Roy, op. Cit. p. 154.
[31] Roy, op. Cit. p. 178.
[32] Qui sera également assuré par les pilotes mercenaires des Tigres volants du fameux général Chesnault qui s’était auparavant illustrés en Chine pendant la deuxième guerre mondiale.
[33] Voir Pierre Rocolle, Pourquoi Dien Bien Phu ? op. Cit. p. 124 & 125 et Pierre Bruge, Les hommes de Dien Bien Phu, Perrin, Tempus, 2003, p. 120.
[34] Roy, op. cit. p. 456 et Navarre, Le temps des vérités, Plon, Paris, 1979, p.334.
[35] Pélissier, op. Cit., p. 361 ; Rocolle, op. Cit. p. 455.
[36] Celle du 26 janvier comme celle du 13 mars ; Voir Henri Jacquin, Guerre secrète en Indochine, Olivier Orban, Paris, 1979, p. 231-327.
[37] Bernard Fall, op. Cit. p. 141-142. Pierre Rocolle, op. Cit. p. 240-256.
[38] « Selon une importante étude émanant de l’Ecole de guerre, l’état-major de Saïgon aurait « substitué aux faits, c’est-à-dire aux renseignements sérieux qui lui parvenaient, l’idée préconçue qu’il se faisait du Vietminh. » in Fall, op. Cit., p. 76.
[39] Gras, op. Cit. p. 527
[40] Delpey, op. c
Alexderome Admin
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Sujet: Re: Opération CASTOR Sam Nov 18 2023, 21:41
L'évacuation de la garnison de Laïchau(opération Pollux) était le "miroir" de l'opération Castor. L'artillerie viet emmeneée du Haut-Tonkin par des bataillons de civils a été la grande surprise de l'attaque du 13 mars, la garnison était habituée au canon "jap".