« Je ne suis pas abattu, je n'ai pas perdu courage. La vie est en nous et non dans ce qui nous entoure. Être un homme et le demeurer toujours, Quelles que soient les circonstances, Ne pas faiblir, ne pas tomber, Voilà le véritable sens de la vie ».
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Sujet: Re: BRUNO ne répond plus Dim Juin 18 2023, 22:42
Un parcours glorieux, pour l'un des plus Grands Généraux que la France ait connu. Mon père avait servi sous ses ordres en Indochine.
« Lorsque dans notre pays on parle de courage et de grandeur, c’est vers les croix de guerre que se tournent les regards » Alphonse JUIN Maréchal de France
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Sujet: Re: BRUNO ne répond plus Lun Juin 19 2023, 22:10
Je n'ai pas vu le général BIGEARD, mais je connaît ses combats ayant plusieurs livres sur Lui; j'ai toujours apprécié son langage direct et sa clairvoyance. Cette "trempe" est hélas disparue dans nos armées. Chaque fois que je passe au rond-point près de mon domicile je le salue,car il y à une stèle, et je pense à Lui.
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Sujet: Re: BRUNO ne répond plus Lun Juin 19 2023, 22:34
Merci mon Jean-Michel .
Le voici ce magnifique monument :
Plusieurs centaines d’anciens paras s’étaient donné rendez-vous à Lagord pour inaugurer le rond-point Marcel-Bigeard.
46 drapeaux et la plupart des associations patriotiques ont participé à cette cérémonie émouvante.
La Vendée était largement représentée par une quinzaine d’adhérents, son drapeau et son nouveau président Georges Thomas.
Le colonel Bernard Jean, initiateur de cette cérémonie rappela les mérites de ce grand soldat qui de la guerre 39/45 à la guerre d’Algérie fût un grand défenseur d’une certaine idée de la France.
Son attitude héroïque à Dien Bien Phu reste encore dans tous les esprits.
Aimé de ses soldats, il savait aussi les préserver quand cela était possible.
Ministre, écrivain il eut en permanence un franc-parler et resta jusqu’au bout fidèle à ses convictions.
Il est parti un 18 juin date symbolique dans notre histoire.
« Je ne suis pas abattu, je n'ai pas perdu courage. La vie est en nous et non dans ce qui nous entoure. Être un homme et le demeurer toujours, Quelles que soient les circonstances, Ne pas faiblir, ne pas tomber, Voilà le véritable sens de la vie ».
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Sujet: Re: BRUNO ne répond plus Mar Juin 20 2023, 17:47
BIGEARD Marcel
Né le 14 février 1916 à Toul (Meurthe-et-Moselle). Décédé le 18 juin 2010.
Après quatre mois de captivité consécutifs à la chute de Dien Bien Phu (1954) et un stage à l’Ecole Supérieure de guerre (1955), il part pour l’Algérie. Promu colonel, il commande le 3e Régiment de Parachutistes Coloniaux (R.P.C.) de 1956 à 1958. Puis il est chef de secteur opérationnel de 1959 à 1960.
Paroles : “Honte au Général Bigeard, qui conserva sur les harkis le même mutisme que Massu” (colonel Argoud).
Œuvres :
Contre guérilla, Alger, Baconnier, 1957
Aucune bête au monde..., Éditions Pensée Moderne, 1959
Piste sans fin, Éditions Pensée Moderne, 1963
Pour une parcelle de gloire, Édition Plon, 1975,
Ma Guerre d'Indochine, Éditions Hachette, 1994,
Ma Guerre d'Algérie, Éditions du Rocher, 1995,
De la brousse à la jungle, Éditions Hachette-Carrère, 1994
France, réveille-toi !, Éditions no 1, 1997,
Lettres d'Indochine, Éditions no 1, 1998-1999, Tome 1 ISBN, Tome 2
Le siècle des héros, Éditions no 1, 2000,
Crier ma vérité, Éditions du Rocher, 2002,
Paroles d'Indochine, Éditions du Rocher, 2004,
J'ai mal à la France, Éditions du Polygone, 2006,
Adieu ma France, Éditions du Rocher, 2006,
Mon dernier round, Éditions du Rocher, 2009,
Ma vie pour la France, Éditions du Rocher, 2010
Ma Guerre d'Indochine, documentaire de 52 minutes Réalisation: Jean-Claude Criton - Production L. Salles/Carrère (1994)
Ma Guerre d'Algérie, documentaire de 52 minutes Réalisation: Jean-Claude Criton - Production L. Salles/Carrère (1994)
Portrait de Bigeard, documentaire de 52 minutes Réalisation: Jean-Claude Criton - Production L. Salles/Carrère (1994)
Biographie : Bigeard par Erwan Bergot, Perrin, 1988.
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Sujet: Re: BRUNO ne répond plus Mar Juin 20 2023, 17:49
Octobre 1955: le lieutenant-colonel Bigeard est nommé à la tête du 3e BPC
Novembre-décembre: opération dans le massif de l'Edough, à l'ouest de Bône.
Décembre 1955-février 1956: opération Eventail, massif d'El-Milia et PC 701.
Février 1956: opération 744, à l'ouest de Bougie, Bigeard, pionnier de l'appui héliporté.
8 mars 1956: Près de Guelma, réduction d'une compagnie de déserteurs (poser de 150 hommes commandé depuis un Bell d'observation, durée de l'opération 3 heures).
Courant mars 1956: sécurisation de la Seybouse: utilisation combinée des paras, des hélicos et des T6 (la France vient d'en commander 300 aus USA).
Avril à mai 1956: le 3e RPC passe à 5 compagnies; opérations au sud de Guelma (115 rebelles tués, aucune perte au 3).
Début juin 1956: Opération dans les Némentchas (Tébessa).
16 juin: Bigeard est grièvement blessé lors d'un assaut.
Septembre 1956: nouvelle blessure grave pour le chef du 3. (attentat de Bône).
Janvier-février 1957: première bataille d'Alger. 610 arrestations. (25 bombes récupérées le 25 février)
Mars 1957: opérations dans l'Atlas, puis région de Médea.
Mai 1957: opération Agounennda (atlas blidéen): une colonne de 300 fellagha bloquée par une compagnie du 3 est détruite grâce à un héliportage de 3 compagnies et l'intervention terrestre de 3 autres compagnies de paras.
Juillet-août 1957: seconde bataille d'Alger, reconstitution de tout l'organigramme adverse.
Septembre 1957: opération en Kabylie depuis Sidi-Ferruch: destruction du commando FLN local.
Octobre 1957: opération à Miliana: démantèlement de l'OPA adverse.
Fin octobre-début novembre 1957: opérations dans le Grand Erg occidental près de la frontière marocaine: destruction des bases logistiques au Maroc.
Novembre-décembre 1957: opérations Timimoun: dans une région désertique couvrant les 2/3 de la France, recherche d'une compagnie de méharistes déserteurs qui menace l'infrastructure pétrolière de la région, et destruction de l'OPA entière d'une région immense, grâce à une coordination étroite entre des équipes distantes et variées: paras, légionnaires, commandos de l'Air, méharistes, moyens aériens complexes (junkers 52, noratlas, T6, hélicos, opération aéroportée d'envergure à Bou-Krelala). Au total, 1600 hommes dirigés par un organisateur remarquable... Réussite totale. Bigeard devient le plus jeune colonel de l'armée.
Janvier 1958: retour dans les Nementchas: c'est l'époque de la bataille des frontières, des gros bilans... et de l'approvisionnement international massif de la rébellion par les filières communistes, sans que les bases logistiques tunisiennes puissent être détruites...
Fin mars 1958: Bigeard est remplacé par Trinquier: il quitte le 3 avec un tableau de chasse enviable: 1600 adversaires tués, 1600 prisonniers, 2000 armes saisies... 76 paras du 3 ont donné leur vie, et 220 ont été blessés...
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Sujet: Re: BRUNO ne répond plus Mar Juin 20 2023, 17:56
Bigeard après le 3: petite chronologie 1958-1959.
Début avril 1958: Bigeard quitte le 3 sans discours et sans sa casquette. A Paris, le ministre de la Défense Chaban lui confie la direction de la nouvelle école d'état-major.
Le CEGS Centre d'Entraînement à la Guerre Subversive est installé à Jeanne d'Arc près de Philippeville; l'équipe: Lenoir, Petot, Bourgevin, Chevalier, et pour la protection, Grillot et ses appelés de secteur... les formateurs sont des anciens d'Indochine rompus à la guerre contre-révolutionnaire: Martin, Robin, Trapp, Clédic...
Sous la flamme noire "Croire et Oser", les stages de capitaines de 4 semaines sont physiques, "révolutionnaires": ponctués de sauts en parachute symbolisant la force de l'engagement personnel, rythmés par le sport quotidien et les opérations de terrain. L'esprit est "fana", rustique et volontaire: ne pas subir mais précéder; les panneaux affichés n'évoquent aucun compromis: Sentenac, Dien Biên Phu...
Avec cette "école qui aurait pu tout changer" pour la France et l'Algérie,
Bigeard se révèle à nouveau novateur...trop audacieux pour ses contemporains: ce Triomphe de l'Esprit n'est pas pour cette France-là.
Mai 1958: la première promotion de 80 quitte le CEGS; resté en retrait du mouvement algérois, Bigeard, bientôt remplacé par Buchoud, est renvoyé en France par Salan... qui ne le rappelle qu'en décembre.
Janvier 1959: plutôt que les paras, c'est le commandement du difficile secteur de Saïda qui échoit finalement à Bigeard: 70000 km2, 90000 habitants presque tous musulmans: un coin perdu de l'Oranie du sud, sans paras, sans moyens ni financements importants. 5000 hommes, des appelés, 8e RIM, 14e BTA, 23e Spahis, 1 régiment d'artillerie, 1 groupe d'artillerie anti-aérienne, des groupes de supplétifs et un millier de fellaghas maîtres de la nuit...
Février-aout 1959: en rupture avec la lourde organisation du quadrillage, trois commandos spécifiques sont formés, Georges, Cobra et Maurice, sur les principes "bigeardiens", rustiques, sportifs, disciplinés, sachant recueillir l'information et la partager, aptes au dialogue interarmes.
Dans le cadre du plan de Constantine et des directives Challe, les commandos formés par Grillot sous l'impulsion de Bigeard se battent pour une Algérie indépendante, débarrassée du FLN, amie de la France:
27 août 1959: "de Gaulle ne traitera jamais avec les assassins, et le drapeau FLN ne flottera pas sur Alger".
Décembre 1959: dans le secteur de Saïda, la rébellion est quasiment détruite, les 2 katibas ont perdu 520 tués, 430 prisonniers, 18 ralliés; 1800 cellules civiles du FLN ont été prises, 30 se sont ralliées, la willaya 6 n'existe plus. 16 tués de notre côté.
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Sujet: Re: BRUNO ne répond plus Mar Juin 20 2023, 18:10
Marcel
Dans une étable de Bethlehem, un enfant vient de naître. Ses parents, Marie et Joseph, ne se rendent certainement pas compte qu’il va changer la face du monde.
D’ailleurs, les parents en général ont-ils la moindre idée, penchés sur le berceau de leur progéniture, de l’influence que ce dernier va avoir, sur la marche de l’histoire ?
Qu’ont dû penser cet aiguilleur de la SNCF, et son épouse La Sophie, ce 14 février 1916, penchés sur le berceau du petit Marcel, alors que la bataille de Verdun, débutait à quelques kilomètres de là.
Quatorze années plus tard, ils seront fiers de le voir, brillamment passer son certificat d’études, mais n’est ce pas là, la vie commune de tout un chacun?
Il trouvera ensuite un emploi à la Société Générale de sa petite ville de Lorraine, et s’entichera de sa voisine, la jeune Gaby qui sera l’amour de sa vie, et deviendra plus tard sa compagne pour toujours.
Mais hélas, comme dit la chanson, les beaux jours sont si courts.
À vingt ans, Marcel, est appelé au service militaire, deux ans c’est long, surtout lorsque l’on est pas trop militariste. Je cite Marcel « En 36, appelé pour le service militaire, si on m’avait demandé mon avis, j’aurais dit que je ne tenais pas à y aller. À vingt ans, j’avais mon boulot à la banque, j’avais Gaby qui avait seize ans et nous étions follement amoureux. J’étais parfaitement heureux. »
Il partira donc vers Haguenau pour être, affecté au 23éme RI, duquel il sera libéré, en 1938 avec le grade de caporal chef. Il retrouvera alors, sa Gaby et son emploi.
Hélas la chanson dit aussi :
Le bonheur dure peu sur la terre
Entends-tu tout là bas le tambour ?
Mon doux cœur je m’en vais à la guerre…
Marcel est rappelé en 1939, au 79e Régiment d'Infanterie de Forteresse, dans le sous-secteur fortifié de Hoffen de la Ligne Maginot.
Promu sergent il se porte volontaire pour les groupes francs. Patrouilles sur les lignes de combat et embuscades, lui valent d’être nommé sergent-chef, puis adjudant à vingt-quatre ans.
Pourquoi ce revirement, ces volontariats alors que Marcel n’est pas pour l’armée ?
Une fois encore je le cite : « Après deux années, [de service militaire] j’étais heureux de m’être fait de bons copains mais braqué contre un encadrement sans âme, j’étais même plutôt antimilitariste. Et quand on m’a rappelé pour défendre la patrie, là ça a été autre chose. »
Malgré ces durs combats, les Allemands envahissent la France, le 22 juin 1940 l'Armistice est signé.
Marcel, alors Adjudant, une blessure et trois croix de guerre à son actif, est fait prisonnier et envoyé au camp de Limbourg, d’où il tentera par trois fois de s évader. La troisième tentative, en novembre 1941 sera la bonne. Il retourne à Toul, sa ville natale, non sans croiser dans le train, à Rémilly, sa sœur qui lui dit émue, qu’il ressemble tant à son frère prisonnier des Allemands.
Etant encore en zone occupée, il ne pourra se faire reconnaître d’elle, et continuera son périple en direction Nice en zone libre où il séjournera jusqu’en 42.
Marcel, est un patriote, la France, et surtout sa Lorraine est à nouveau occupée par les Allemands, il faut les combattre. Après de multiples péripéties, il passe en Afrique et rejoint Dakar, où il est nommé adjudant, chef de section d'une compagnie de coloniaux.
En octobre 1943 il rallie Mekhnès et est promu sous-lieutenant.
Il se porte alors volontaire, pour suivre un entraînement au saut à Alger, afin d’être parachuté en France, pour des missions de sabotage avec les résistants.
Il sera parachuté le 8 août 1944 en Ariège, où - après quelques démêlés avec des résistants républicains Espagnols - sous le nom de code "commandant Aube", ses actions lui vaudront une citation à l'ordre de la division et une nomination dans l'ordre national de la Légion d'honneur. À vingt-huit ans il est chevalier de la Légion d'honneur, titulaire de la Distinguished Service Order anglaise et de cinq citations et aura reçu une blessure de guerre.
Marcel sera désigné, pour créer et diriger une école de cadres, au Pilat près de Bordeaux, où se mélangeront Saint-cyriens et anciens FFI/FTP. Il finira la guerre en Allemagne, avec le grade de capitaine au 23e régiment d'infanterie coloniale.
Beau parcours pour un antimilitariste, me direz vous.
Oui certes, mais alors, pourquoi nous parler de lui? Le fait d’avoir été parachuté, n’en fait pas un parachutiste…
C’est exact, ce n’est pas un parachutiste, pas encore, à ce moment du récit je me rends compte que j’ai oublié de vous préciser le patronyme de Marcel.
En fait, le petit saute ruisseau de la société générale, s’appelle Marcel…Bigeard.
C’est à présent que son destin l'attend. Il aurait pu comme beaucoup d’autres se faire démobiliser. Mais non, il veut servir…
En septembre 1945 il part pour l'Indochine, affecté Gia-Dinh près de Saigon, il va parcourir la Cochinchine de long en large. Les Viets n’en sont alors qu’à leurs débuts et en mars 1946, à Haiphong, un cessez-le-feu est signé entre le général Leclerc et Ho Chi Minh.
Il ne sera pas respecté par les Viets…
A cette époque, Bigeard est affecté à Ban Chiieng Puoc, sur la RC 41 à la tête d’une centaine d’hommes dans un poste avancé au contact des Viets. Avec cet effectif, il forme quatre groupes de commandos, qui effectuent, durant quatre mois, des raids payants sur les arrières des ennemis. Les coloniaux de ce poste étant rapatriables, il reste en pays Thaï, avec quatre cent cinquante Thaïs encadrés par des officiers et sous officiers français. D'octobre 1946 à octobre 1947 Bigeard et ses hommes refouleront les Viets à 120Km de la RC 41.
Son premier séjour touchant à sa fin il est rapatrié en métropole.
1948 le voit toujours capitaine, chevalier de la Légion d'honneur, la Distinguished Service Order anglaise, cinq citations, onze fois la croix de guerre, deux blessures de guerre.
Dans le cadre de la rotation-formation des bataillons parachutistes vers l’Indochine, il partira, durant huit mois, former une compagnie du 3e bataillon para à Saint-Brieuc en Bretagne.
Puis ce sera le départ pour un deuxième séjour indochinois, le Tonkin, Haiphong, le Delta,
En pays Thaï le poste de Yen Chau sur la route 41 vient d'être attaqué, il saute de nuit, avec sa compagnie, sur le poste. En deux mois de combats, il perdra 30 paras dans cette mission, 200 Viets seront tués.
Le 15 mars 1949 dans une jeep sur la RC 41 lors d'une patrouille, sa section en camions, il échappe à une embuscade, son chauffeur et un médecin lieutenant sont tués.
Entre mars 49 et avril 50, il forme et commande le 3e bataillon thaï, qui ne comptera pas moins de 2530 hommes, encadrés par des officiers et sous officiers paras français, ce bataillon éliminera les Viets du pays Thaï.
En avril 50 toujours capitaine, Bigeard retourne à Hanoi, pour commander le bataillon de marche indochinois basé à Haiduong. Sans cesse en opération jusqu'en novembre 50 dans le Delta, le bilan se comptera en centaines de Viets tués, ainsi qu’en armes et munitions récupérées.
Rapatriable fin novembre 50, il passe quatre mois de permission à Toul. A la suite de quoi, il est affecté en avril 51 à Vannes Meucon – La BETAP de l’époque- afin de commander la demi-brigade para qui forme des bataillons paras pour l'Indochine.
Septembre 51, il est à Saint Brieuc, occupé à former le 6e bataillon para. Il est enfin nommé commandant en janvier 1952.
Son troisième séjour en Indochine débute le 20 juin 52, à la tête 6e Bataillon de Parachutistes Coloniaux.
En opération dans le Delta, le 15 octobre 52 il sera parachuté en catastrophe, avec le 6, sur Tulé en pays Thaï, du 16 au 23 octobre avec 800 paras il fera face à la division Viet 312 qui compte 12000 hommes.
Après un repli, légendaire, de quatre jours et plus de cent kilomètres de marches forcées et d’accrochages incessants, il rejoint, alors que son bataillon était considéré comme perdu, une zone plus calme derrière la rivière noire.
« La rivière noire, c’est le Thalassa du 6e », dira le parachutiste Combes, qui avait lu Xénophon
Cet exploit vaudra au 6 le surnom de « Bataillon Zatopek »
Quatre cents citations seront accordées aux hommes du bataillon, et Marcel reçoit la cravate de commandeur de la légion d’honneur. Sa maman, La Sophie, peut en être fière.
Suite à cette offensive, tout le pays Thaï noir est aux mains des Viets à l’exception du terrain de Nasan, Bigeard est parachuté avec ses hommes le 25 décembre 52 à Ban Som à 30km au sud de la base, il effectue un raid sur Chien Dong et Sonla pour défendre la zone de Nasan jusqu'en mars 53.
En mai de la même année le commandement décide d’abandonner Nasan. L’aide de l'URSS et de la Chine aux Viets, est de plus en plus importante, et tout le pays Thaï est maintenant aux mains du Vietminh.
C’est l’époque où, d’après son indicatif radio, Bigeard est devenu Bruno.
L’époque il le dit : « nous vivions les plus belles années de notre vie. Les plus belles parce que les plus dures. Elles étaient aussi les années les plus amicales, les plus orgueilleuses, et les plus solitaires :
Les plus amicales parce que nous étions, à la vie, à la mort, entre camarades ;
Les plus orgueilleuses parce que jamais autant nous n'aurions la fierté de notre tenue et de notre uniforme.
Les plus solitaires enfin, parce que nous menions en des terres lointaines un combat d'idéal, aussi ignoré de la métropole que celui des Croisés de la première croisade, il y a neuf cents ans, quand le moine Bruno, mon saint patron à la guerre, fondait l'ordre des Chartreux.
Oui, les camarades parachutistes, les solitaires parachutistes, les orgueilleux parachutistes étaient alors portés par un destin semblable à celui des Croisés ou à celui des moines, des moines guerriers, des Templiers. »
17 juillet c’est l’affaire de Langson, tenu par les Viets, où il saute sur avec son 6e et 8e GCP de Tourret Afin de détruire des dépôts d'armes, camouflés dans les grottes que le génie fera sauter.
Les fuites étant nombreuses, le général Navarre, décide, afin de camoufler l’opération de faire défiler les paras à Hanoï. Le lendemain c’est le départ pour Bach Mai où attendent les Dakotas. Puis ce sera le saut, la phase active de l’opération « Hirondelle » vient de commencer. Le bilan sera estimé à trois mois des approvisionnements ennemis, dans les grottes on trouvera même six camions Molotova, fournis par « le grand frère soviétique ».
Parlant d’une grotte, Bigeard écrira dans son bilan : « Deux F.M. Skoda récupérés. Mille F.M. Skoda détruits. » Seront également détruits cinquante mortiers, ainsi qu'un important stock d’essence et de munitions.
Puis ce sera l’opération « Castor ». Le 20 novembre 53, le 6 est parachuté sur la cuvette de Diên-Biên-Phu. Hélas, pour eux, les Viets occupent la DZ Natacha, des combats au corps à corps seront nécessaire pour les faire décrocher.
Le bataillon retiré de Diên-Biên-Phu, rejoint la base de Séno où il reçoit mission le 29 décembre, de situer l'avance des sept bataillons du Vietminh sur Diên-Biên-Phu. Il décrochera, devant deux divisions, après un combat épique où Allaire avec ses mortiers et Trapp avec sa voltige, mettront cinquante Viets au tapis et récupéreront autant d’armes dont deux FM. Le
6 restera à Séno, jusqu’au 20 février 54, mais le Viet ne débouchera pas. L’offensive sur le moyen Mékong est stoppée.
16 mars 54 "Béatrice et Gabrielle deux points d’appui de Diên-Biên-Phu sont tombées" Bigeard et son bataillon sautent dans la cuvette. Ils y resteront jusqu’à la fin des combats.
L’affaire est trop connue, pour qu’ici je la raconte, Bigeard y sera promu Lieutenant Colonel,
Des années plus tard, il me dira, à l’occasion d’une de nos conversation, assis devant la cheminée de sa maison de Toul, un verre de whisky à la main : « Vous savez, Mon adjudant chef, les galons ne coûtaient pas cher, et, bon sang, ils ne pouvaient faire moins, j’avais comme chef de bataillon, un commandement de général de division. » Amer ? …Je ne sais pas.
7 mai 1954, 17h30 la bataille cesse à Diên-Biên-Phu, Allaire à demandé un ordre écrit à Bigeard, qui le lui à remis, Langlais à brûlé son béret rouge et mis un chapeau de brousse, Bigeard en casquette, a roulé autour de sa cheville une carte en nylon du haut Tonkin …
Sur 15000 officiers sous officiers et soldats qui ont constitué la garnison, 2000 morts et autant de disparus auront été dénombrés. Un millier de blessés ont été évacués au début de la bataille, 1100 auront déserté et iront grossir les rangs des 8900 combattants survivants faits prisonniers.
Le 19 août, soit à peine trois mois après la chute de Diên-Biên-Phu, les échanges de prisonniers commencent.
Sur les, exactement, 11 721 prisonniers faits dans la cuvette, 3 290 seulement seront rendus, soit 8 431 morts en captivité.
Et la France n’a dit mot. Mendés France qui a signé la paix à Genève, le 20 juillet, n’a pas eu un mot d’indignation au nom de son gouvernement, personne non plus à la Croix Rouge, si tatillonne d’habitude, surtout à propos des conditions d’incarcération des Viets prisonniers. Les bonnes consciences en métropole, elles aussi, se sont tues…
Bigeard, est du lot des survivants, de retour en France, sur le quai de la gare à Toul, lui , le plus jeune des Colonels de l’armée française - il n’a que 37 ans- devra s’expliquer devant sa mère, La Sophie : « Pourquoi as-tu été fait prisonnier ». Les plus hauts gradés ne lui avaient pas posé la question, par contre sa mère peu impressionnée par sa légion d’honneur et toutes ses décorations, veut qu’il lui rende compte. Il lui faudra de longues explications pour regagner sa confiance.
Après une convalescence dans le Var, Bigeard demande une affectation en Algérie, où comme on le sait « des évènements » viennent de se faire jour à la toussaint 54.
En réponse, au mois de février 55, il est nommé à l’école d’état major !
Fatigué d’apprendre à faire la guerre sur des bancs d’école, il rencontre Massu qui vient de prendre le commandement de la 10e division parachutiste, et à force d’insistance, obtient de prendre le 3e régiment de parachutistes coloniaux.
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Sujet: Re: BRUNO ne répond plus Mar Juin 20 2023, 18:37
Marcel
Le 24 octobre 55 il rejoint le 3e RPC, la « boutique » ne lui plait guère, les hommes n’ont pas d’allure et ne sont pas motivés. En un mot, et il le dit «Ils ne sont pas beaux »
Il fait un tri, parmi les hommes et surtout les gradés qui « ne peuvent pas suivre », il convoque les commandants de compagnies et après le « savon règlementaire, exige que les hommes soient :« Beaux, souples, félins et manœuvriers… ».
Il fait retailler les tenues fournies par l’intendance et, avec le tissu en excédent fait tailler une casquette semblable à celle que le 6 portait déjà en Indochine.
Elle n’avait pas de nom, elle deviendra désormais la fameuse casquette Bigeard. En portant cette casquette - dit-il – nos hommes n’auront pas le choix. Ils seront obligés de redresser la tête, sinon, ils seront ridicules….On se bat mieux lorsque l’on à quelque chose à prouver.
Il fait aussi créer pour le régiment un insigne avec la devise « Etre et Durer ».
L’entraînement se fera quant à lui, au contact des rebelles dans le massif de l’Edough à l’ouest de Bône. Le 3e RCP restera en zone opérationnelle du 27
octobre au 5 décembre et son travail lui vaudra une citation élogieuse du général Beaufre. Pourtant Bigeard dit : « Je ne suis pas satisfait de ma boutique. Nous n’en sommes qu’au début. Il y a encore beaucoup à faire pour être parmi les meilleurs ».
Le bilan pourtant est éloquent : pertes amies, 1 mort, 1 blessé, pertes ennemies 11morts, 3 blessés, 60 prisonniers, 64 armes saisies.
Le 7 décembre est projeté l’opération « éventail ».
Une belle opération comme on les aime dans l’armée française : 5000 hommes, des camions, des chars, de l’aviation…Tout ça pour coxer un chef rebelle, Si Messaoud !
À la fin du briefing Bigeard propose d’infiltrer le 3, avant le déclenchement de l’opération, par une progression de nuit de 20 Km, stupeur, le cas n’est pas prévu par l’école de guerre…
Toujours est-il que, le 8 à 4h du matin, le 3 est en place au cœur de la zone rebelle, après une marche à la boussole, et la traversée, en canots pneumatiques, de l’Oued Kébir.
Au loin dans un bruit infernal démarre l’opération.
Le 3 accroche l’arrière garde de Si Messaoud, lui fait 4 tués pour 1 blessé léger. Mais le chef a déguerpi depuis longtemps.
Ce sera le seul bilan - ridicule – de cette opération, l’armada retournera dans ses quartiers, laissant les rebelles réinvestir le terrain.
Jusqu’en février 56, l’entraînement s’intensifiera, dans la région d’El Milia, ce sera la chasse au confort autant qu’aux rebelles, le pitonnage et la boîte de ration tous les jours…
En moins de trois mois la zone d’El Milia est pacifiée, bilan : 500 rebelles arrêtés 24 tués pour des pertes très faibles 2tués et 6 blessés.
La preuve est faite : La sueur épargne le sang.
Pas de relâchement pourtant, plus d’ennemis ? Le temps est mis à profit pour insister sur la formation. Tous les paras, y compris les officiers doivent être des athlètes qui suivent tous le même entraînement. Sport tous les matins, saut en parachute, marche forcée de jour comme de nuit, roulés et sauts divers avec le PM chargé et armé, traversée de ronces métalliques avec tout le barda, et repartir tout naturellement vers des briefings d’étude de cas concrets….Les officiers redeviennent de simples soldats, sans distinction de grade, des hommes parmi les hommes. Tous à égalité dans l’entraînement intensif. Tous propres, nets et bien rasés, pour rester beaux jusque dans la mort.
Fin février, Bigeard estimera enfin le régiment « fin prêt »
On signale, à l’ouest de Bougie des bandes de rebelles, pour la première fois Bigeard dispose de 4 hélicoptères H55 destinés au ravitaillement et au transport de blessés.
Sans renseignements sur l’ennemi, Bigeard envoie ses compagnie ratisser le terrain, il s’agit de foncer de piton en piton sans s’attarder.
A la fin de la matinée la 1e compagnie a, sur la cote 577, accroché et fixé une katiba… il faut des renforts.
Bigeard appelle les pilotes des hélicos : « Changement de mission : vous allez acheminer la 3e compagnie sur les lieux mêmes de l’accrochage… » Stupeur ! C’est la première fois que l’on utilise ainsi les hélicos. Bigeard insiste : « Il n’y à pas deux armées, celle qui crapahute et celle qui attend. Vous êtes avec nous, dans le même bain. Et vous avez une occasion unique de participer à la même guerre que nous… ».
Une petite heure après la 3 est au contact, la katiba sera anéantie. Bilan : 47 rebelles au tapis, 96 prisonniers, 112 armes récupérées, pertes amies néant.
Mais surtout, pour la première fois dans l’histoire militaire, on a utilisé l’hélicoptère comme une aviation d’assaut. Dans quelques mois dans toute l’Algérie, des années plus tard au Vietnam, l’hélicoptère deviendra l’auxiliaire de toutes les troupes de choc.
Là aussi, Bigeard aura tracé la voie.
Au mois de mars, le 13, sale affaire du coté de Souk Ahras. Des éléments de la 3e compagnie du 3e régiment de tirailleurs algériens, ont déserté, emmenant des armes après avoir massacré leurs camarades.
Les mutins, commandés par le sergent chef Bensalem Abderrahmane, ont de
nombreuses heures d’avance. De fait, à 4 heures du matin, ils ont fait la jonction avec la katiba de Si Lounés qui les attendait pour les convoyer vers la Tunisie.
Le plus dur est fait, pensent-ils, et de toute façons, ils sont maintenant deux cents, et bien armés…
Sous les ordres de Lenoir, commandant en second, le 3 a fait route vers Villars. La 203 de Bigeard est déjà là, les cartes étalées sur le capot, les ordres sont prêts : « Fouiller les deux itinéraires praticables à partir de la ferme Degoul. Deux compagnies pour trouver des traces dans la zone sud de la ferme; la 1e de Datin, la 2 de Corre, ne pas faire de détails, foncer. Les fells ont 11heures d’avance.
Il faut leur couper la retraite avant la Tunisie.
Florès, avec la 4, déposez de petits éléments autour de la ferme Degoul, même mission. La 3 reste en réserve héliportée. »
L’opération démarre, il est 14h00. À 14h05 exactement le navigateur du Siko annonce à Florès qu’ils sont arrivés à la cote 856, et se met en stationnaire à deux mètres du sol. Les paras débarquent, ils sont aussitôt pris à partie et ont un tué, une balle en plein cœur.
« Ces cons d’aviateurs se sont gourés de piton » ; en fait la 4 a été larguée sur la cote 952, sur la mechta Besbessa, pile là où les fellaghas de si Lounés se sont tapis.
Dans son Bell de commandement, Bigeard a tout compris, il appelle Lenoir :« Bruno2 de Bruno : fais embarquer le reste de la 4 et envoie les sur 952. J’y serai moi-même et je ferai baliser la DZ »
A la suite de la 4, la 3e compagnie sera héliportée en renfort. Le combat sera rude, et le bilan parlant : 126 rebelles jonchent le sol, 15 tirailleurs, pris en otages, sont libérés, plus d’une centaine d’armes sont ramassées. 1 mortier de 81, 2 mortiers de 60, 4 fusils mitrailleurs et 38 pistolets mitrailleurs sont récupérés.
Bigeard dispose maintenant de deux formidables outils : Le 3e RPC, qui est une mécanique bien huilée et qui fonctionne à plein régime, et sa formidable Baraka.
Paris match titrera « Bigeard frappe comme la foudre »
Juin 56, le régiment est mis à la disposition de la zone des Nementchas, un
paysage lunaire, des précipices vertigineux, des grottes, des pics et des labyrinthes déchirant les montagnes. L’endroit est réputé impénétrable c’est le domaine de Laghour Abbés et de sa centaine de Chaouïas.
Ce sont des adversaires redoutables, nés dans la montagne, ils savent se confondre avec elle, utiliser les grottes et les éboulis. Ils ont une longue tradition de guérilla et jamais personne n’en est venu à bout.
L’accrochage aura lieu dans la nuit et ce sont les Chaouïas qui attaquent !!!
Cherchant à rompre le bouclage qui se met en place. 3 paras sont blessés les hors la loi perdent 6 tués et 10 blessés.
Bigeard ordonne une contre attaque immédiate.
Le 8 juin au petit matin, les paras ont pris l’avantage, mais les combats s’éterniseront encore durant deux jours. Il faut déloger les fells « à la fourchette » de leurs caches et des trous dans lesquels ils se planquent.
Le bilan sera lourd : 2 morts et 16 blessés parmi nous, 56 tués une centaine de blessés et 6 prisonniers chez eux.
Le 16 juin, nouvel accrochage. Bigeard sera de nouveau blessé, d’une balle
en pleine poitrine, en donnant l’assaut à un marabout fortement tenu.
Retour en Lorraine pour une convalescence, le 14 juillet à Paris, il est nommé grand officier de la légion d'honneur par le président Coty.
Arrivé à ce moment du récit, je me rends compte que je deviens long, je vais donc essayer d’être plus bref. Mais comment résumer en quelques phrases, ces heures de crapahut, sous un soleil de plomb ou au contraire dans une neige et une bise glaciale. Ces moments de souffrance, où l’on ne marche que parce qu’il faut marcher, ces moments de combats, brefs, furieux et intenses, faits de bruit et de poussière…
Août 56, de retour à Bône avec son régiment dans les Nementchas, nouvelles missions, nouveaux accrochages avec les rebelles, nouvelles victoires.
Le 5 septembre en faisant son footing quotidien sur les quais du port de Bône, il est victime d’un attentat.
Trois terroristes lui tirent dessus, par derrière, le bras droit éclaté, une douleur au foie, et à la tête, il se relève, pas armé, fait face à ses adversaires et fonce sur eux, qui préfèrent détaler. La baraka Bigeard continue. Mais il ne fera pas la campagne de Suez.
De janvier à mars 57 ce sera, la grève brisée, la guerre aux tristes assassins poseurs de bombes, dans Alger. La sécurité de la ville restaurée, il repart dans les massifs du sud de Blida. Avril verra les opérations "Atlas et Agounnenda".
Au mois de juillet, retour à Alger où les attentats ont repris, tout le travail est à refaire. Au mois d’août 90% des terroristes auront étés arrêtés.
Septembre, retour aux opérations héliportées.
Novembre sera la découverte du désert à Timimoun, 1750 hommes, 11 avions, 6 hélicos, et la destruction des rebelles qui tentaient une attaque contre les compagnies pétrolières.
Ce sera aussi la mort de Sentenac le 21
Février 58 c’est avec le grade de colonel et avec tristesse qu’il quitte son «
Barnum Circus » en le laissant aux mains de Trinquier.
« Je vous quitte…La vie est ainsi faite…On a toujours très mal lorsque l’on perd un être cher. Inutile d’épiloguer : vous savez la place que vous occupez dans mon âme et dans mon cœur. Vous étiez ma vie, ma joie, mes espoirs…76 de vos camarades ont été tues, 22 ont été blessés, que leur sacrifice ne soit pas vain Où que nous soyons, restons dignes d’eux.
Sans perdre une arme, le régiment a obtenu les résultats les plus brillants,
1600 rebelles tués, 1600 prisonniers, 1920 armes saisies dont 950 de guerre. Il a effectué le cycle complet de ce que l’on peut demander à une unité en AFN.
Je n’entendrai plus vos chants au lever du jour. Je ne vous verrai plus défiler conscient de votre force tranquille… Je m’arrête, vous allez me faire pleurer … » Fut son discours d’adieu.
Le 1er avril départ pour Toul, le 20 retour en Algérie où, à la demande de
Chaban Delmas il crée le Centre d'Entraînement à la Guerre Subversive à
Jeanne d’Arc, près de Philippeville.
Vint le 13 mai 58… Et le fameux « Je vous ai compris »…
En juin, une interview donnée à Lartéguy le fait sanctionner, pour avoir critiqué l’armée, Bigeard est « viré » d’Algérie.
En décembre 58 il rejoint Saida dans le sud oranais. Sous ses ordres le 8e régiment d’infanterie motorisé, le 14e bataillon de tirailleurs algériens, le 23e spahis. Rien à voir avec son 3. Bigeard fait venir quelques « pointures » de son ancien régiment pour « remuer tout ça »
Le lieutenant Grillot constituera un commando de fells ralliés sous le nom de « Commando Georges ».
Le 27 août 59, il reçoit De Gaulle à Berthelot, lorsqu’il quitte le secteur en fin d’année, les rebelles ont perdu 540 tués et 430 prisonniers.
Il prend le commandement de trois secteurs Ain-Sefra-Méchéria-Géryville 15000 hommes sont sous ses ordres et le général Gambiez le propose pour le grade de général de brigade…
Lors des barricades en 60, il fait peur et est muté à Oran pour prendre un Nord direction Paris, bien qu’il ne fasse partie d’aucun complot, même s'il comprend les mutins.
Après cinq mois de permission forcée à Toul, il prend le commandement du 6e régiment interarmes outre-mer (RIAOM) en Centrafrique de juillet 1960 à janvier 1963 où le président Dako le fait commandeur du mérite Centrafricain.
De juin 63 à juin 64 il est auditeur libre à l’école supérieure de guerre…Il faut bien qu’il apprenne un jour à la faire…
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Sujet: Re: BRUNO ne répond plus Mar Juin 20 2023, 18:43
.
En Août 64, il prend le commandement de la 25e puis de la 20e brigade
aéroportée.
Sa nomination au grade de général de brigade intervient en 66
En février 68 il devient commandant supérieur des forces terrestres de Dakar, où il relève Langlais
Octobre 70, il est mis à la disposition du chef d’état major de l’armée de terre à Paris,
D’août 71 à février 73 il prend le commandement supérieur des forces françaises du sud de l’océan indien, le 1er décembre on lui accroche sa troisième étoile.
Le 11 février accident de parachute, fautif le général Bigeard. Lors d’un saut en mer, s’est dégrafé et accroché à la fessière à cinquante mètres – interdit, lui avait dit son moniteur, lors de son brevet- et ce fut la chute. Résultat : 3 côtes cassées, un poumon touché, une cécité temporaire partielle, et surtout le commandant en chef au tas, pour au moins un mois.
C’est pas sérieux, mon général, si je puis me permettre…
Il occupe ensuite la fonction de deuxième adjoint du général d'armée Usureau, gouverneur militaire de Paris au camp des Loges à Saint-Germain.
Et est nommé général de corps d’armée, Commandant de la 4° région militaire à Bordeaux le 1er mars 74.Jusqu’en février 75 il aura donc sous ses ordres, 40 000 hommes dont 10 000 paras. Il visitera de nombreux régiments, particulièrement à la 11e division parachutiste qui lui teint à cœur.
En septembre 1975 il est fait grand-croix de la légion d'honneur.
Mars 1975 à août 1976 il sera nommé secrétaire d'état à la défense par le président M. Giscard d'Estaing
Le 4 août 1976, il donne sa démission de général de corps d'armée. À l'âge de 60 ans
Député de Meurthe-et-Moselle de 1978 à 1988,
Président de la commission de la défense nationale de 1978 à 1981
Il vit désormais en retraité dans sa maison de Toul, tout en restant attentif aux événements de notre époque et à la vie des armées.
Le Général Bigeard est l'officier le plus décoré de l'Armée Française :
Grand -croix de la légion d'Honneur
Vingt cinq citations dont 17 palmes sur les croix de guerres 39/45, des TOE et de la valeur militaire.
Médaille de la Résistance
Médaille des blessés (cinq blessures de guerre)
La Distinguished Service Order Anglaise
Grand Officier du Mérite Sénégalais
Grand Officier du Mérite Togolais
Grand Officier du Mérite Comorien
Grand Officier du Mérite Saoudite
Commandeur Américan Légion
Officier du Million d’éléphants du Laos
Pour les principales
J'espère ne pas avoir été trop long, mais il aurait encore tant à dire sur ...Marcel
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Sujet: Re: BRUNO ne répond plus Mar Juin 20 2023, 18:59
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Sujet: Re: BRUNO ne répond plus Mar Juin 20 2023, 19:06
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Sujet: Re: BRUNO ne répond plus Mar Juin 20 2023, 20:04
Il y a quelques titres dans la biographie qui sont intéressants. Je crois que Pour une parcelle de gloire est son meilleur. Des spécialistes pourraient nous donner leur avis.
« Je ne veux pas me faire ficher, estampiller, enregistrer, ni me faire classer puis déclasser ou numéroter. Ma vie m’appartient ». N°6 Le Prisonnier
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Sujet: Re: BRUNO ne répond plus Mar Juin 20 2023, 20:32
Alexderome a écrit:
Est-ce que quelqu'un a des informations sur Février 1956: opération 744, à l'ouest de Bougie, Bigeard, pionnier de l'appui héliporté.
Au temps pour moi, il en est question plus loin
Fin février, Bigeard estimera enfin le régiment « fin prêt »
On signale, à l’ouest de Bougie des bandes de rebelles, pour la première fois Bigeard dispose de 4 hélicoptères H55 destinés au ravitaillement et au transport de blessés.
Sans renseignements sur l’ennemi, Bigeard envoie ses compagnie ratisser le terrain, il s’agit de foncer de piton en piton sans s’attarder.
A la fin de la matinée la 1e compagnie a, sur la cote 577, accroché et fixé une katiba… il faut des renforts.
Bigeard appelle les pilotes des hélicos : « Changement de mission : vous allez acheminer la 3e compagnie sur les lieux mêmes de l’accrochage… » Stupeur ! C’est la première fois que l’on utilise ainsi les hélicos. Bigeard insiste : « Il n’y à pas deux armées, celle qui crapahute et celle qui attend. Vous êtes avec nous, dans le même bain. Et vous avez une occasion unique de participer à la même guerre que nous… ».
Une petite heure après la 3 est au contact, la katiba sera anéantie. Bilan : 47 rebelles au tapis, 96 prisonniers, 112 armes récupérées, pertes amies néant.
Mais surtout, pour la première fois dans l’histoire militaire, on a utilisé l’hélicoptère comme une aviation d’assaut. Dans quelques mois dans toute l’Algérie, des années plus tard au Vietnam, l’hélicoptère deviendra l’auxiliaire de toutes les troupes de choc.
« Je ne veux pas me faire ficher, estampiller, enregistrer, ni me faire classer puis déclasser ou numéroter. Ma vie m’appartient ». N°6 Le Prisonnier
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Sujet: Re: BRUNO ne répond plus Mer Juin 21 2023, 08:05
Alexderome a écrit:
J’ai lu avec une attention particulière ce post retraçant la carrière de Bruno. Merci pour ce passionnant fil.
Bonjour, ALEX,
Faut suivre depuis le début cher ami, même si j'ai qq peu inversé la chronologie de son parcours dans le sujet
C'était pour mieux vous rappeler le tout début de sa carrière militaire et ne pas vous endormir sur le sujet mais de rester sur le qui vive pour suivre la Piste sans fin de Bruno sans se tromper de Chemin en cours de Route
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Sujet: Re: BRUNO ne répond plus Mer Juin 21 2023, 12:32
Alexderome a écrit:
Il y a quelques titres dans la biographie qui sont intéressants. Je crois que Pour une parcelle de gloire est son meilleur. Des spécialistes pourraient nous donner leur avis.
Hello,
J'ai qq livre sur Bigeard dont "Pour une parcelle de gloire",
Pour moi, c'est le livre culte qui retrace toute sa carrière militaire, bien sûr il y a aussi les autres qui sont plus orienté, de mon point de vue, sur l'actualité politique de l'époque, mais intéressant à lire car ce cher Bruno était aussi un visionnaire à son époque.
Nous n'aurons plus jamais des hommes de sa trempe, aujourd'hui en France, d'abord à cause des conflits qui ne sont plus les mêmes qu'à son époque, plus de Service militaire, une Armée composée de militaire qui s'engage pour la "gamelle", par ailleurs, si l'Armée est Républicaine, pour autant, ont fait la part un peu trop belle aux personnels de religion musulmane, choix d'affectation etc.
Pour moi, c'est tout simplement inadmissible, je n'ai pas souvenir dans mes lectures sur les conflits divers et variés de l'époque, que j'avais lu dans un livre ou un magazine, qu'un militaire refuse de combattre dans un conflit qui l'opposerai à un combattre un autre musulman.
Aujourd'hui, c'est malheureusement le cas dans l'Armée française et ce n'est pas une invention ou un constat utopique, voire une vue d'esprit de ma part, suivez un peu l'actualité militaire et politique et vous serez encore surprit de la réalité des faits....
Encore une chose, pourquoi toutes ces ruptures de contrat des engagés dans l'Armée ? Quand le ver et dans le fruit pourquoi s'engager pour se battre pour la France ???
Pour en revenir à Bruno qui est le sujet central ici, en 1964, Bigeard accompagné du Gal Langlais avait rendu une visite à Carcassonne à son ancien régiment para en AFN, aujourd'hui le 3è RPIMa. De même, lors d'une manœuvre du régiment en Ariège, le régiment avait eu l'honneur de la visite du Général Langlais sur le terrain
Et bien plus tard, j'ai eu l'honneur de rencontrer plusieurs fois le Gal Bigeard au cours des manifestations de ma section UNP à Thionville et de lui serrer la main, soit dit en passons, il a une sacré poigne Bruno !
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Sujet: Re: BRUNO ne répond plus Mer Juin 21 2023, 12:59
J'ai vue en 2021 lors de l'AG du 9éme RCP en Ariège la DZ ou il a sauté en 44 et passé la journée à la ferme ou il a dormis.
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Sujet: Re: BRUNO ne répond plus Mer Juin 21 2023, 16:00
Voici donc un lot photos de notre Général, alors secrétaire d'Etat à la Défense, prise en Nouvelle Calédonie en 1976.
Ces photos sont originales Les photos sont prises à la Caserne de gendarmerie MEUNIER
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Sujet: Re: BRUNO ne répond plus Mer Juin 21 2023, 16:13
Publié le 28 novembre 2011 dans Politique Société
par François Miclo
Général Bigeard.
Le général Bigeard avait exprimé une volonté : que ses cendres fussent, à sa mort, répandues au-dessus de Diên Biên Phu. Le Vietnam, dont les autorités ont toujours été aussi humaines que les gars du 25e RIC étaient maniérés, a refusé. La France a donc choisi de porter la dépouille de celui que De Gaulle appelle dans ses Mémoires « l’héroïque Bigeard » aux Invalides. Quand on sait que le Général était peu enclin à complimenter à tout bout de champ et qu’il cultivait une secrète aversion envers les militaires, il n’y a plus qu’à se taire. Respect. Fermez le ban !
L’Hôtel national des Invalides fait partie de ce que Fernand Braudel appelle les « permanences françaises ». Passent les ans, les modes et les régimes : au bord de la Seine, les Invalides recueillent nos grands soldats depuis Louis XIV. On les y soigne, on y remplace leurs membres déchiquetés par un éclat d’obus ou une salve ennemie, on y porte en terre les plus valeureux d’entre eux. Balzac a écrit de belles pages sur la redingote fripée de ces anciens soldats faits pour la guerre et perdus, désemparés, en temps de paix. Sous le Dôme, l’Empereur. De part et d’autre, le grand Turenne y côtoie Rouget de Lisle. Quant au maréchal Foch, c’est un voisin d’immortalité de Lyautey. On y enterra Mangin, mais également Nivelle, dont l’offensive d’avril 1917 demeure, pour l’histoire, comme la plus stupide et la plus meurtrière persévérance dans l’erreur. On croise de tout aux Invalides. Le meilleur, beaucoup. Et le pire, parfois. Ainsi va la France, grand pays qui se refuse, dans sa mémoire, à faire définitivement le tri.
Un jour, je me souviens être descendu à la crypte des gouverneurs – elle est fermée au public – pour aller m’incliner, aux côtés des anciens de la IIe DB, devant la dalle de Leclerc. Dans cet endroit confiné, où chaque murmure, même le plus infime, résonne outre-mesure, un tambour et un clairon de la Garde républicaine sonnèrent aux morts, avant d’entonner la Marseillaise. Et nos tympans froissés par un écho puissant entendirent alors monter, presque silencieuses, les anciennes prières prononcées par l’aumônier de la IIe DB. Un psaume, un Ave, un Pater.
Le visage de ces vieux hommes, dont rien ne laissait supposer qu’ils avaient eu un jour vingt ans, mais qui les avaient eus, plus que nous, mieux que nous, les armes à la main, l’amour sacré de la patrie chevillée au corps, tout cela c’était la France. Un pays qui vit sans se demander si, un jour, il a été chrétien ou non, si la laïcité tolère qu’on prononce une prière catholique dans un lieu républicain ou si quelques-uns, sacrifiant à d’autres obédiences ou sacrifiant à l’esprit de l’époque qui réclame qu’on ne se sacrifie à rien, ne vont pas s’en retrouver tourneboulés dans leur for intérieur. Chez ces gens-là, Monsieur, quand on est devant la tombe du chef, on ne se pose pas de questions. On prie. Ainsi soit-il. Amen.
Voilà donc ce lieu où la Nation s’apprête à porter, avec les cendres de Bigeard, l’un de ses plus grands soldats. Il fut un héros. Ce n’est pas un endroit où l’on cause philosophie le petit doigt levé. Peigne-cul et blancs-becs n’y sont pas des masses. Ils n’y sont pas même les bienvenus. Ça sent plutôt la sueur et les larmes, le sang et les corvées de chiottes. Que voulez-vous ? L’histoire de France n’a pas été écrite par des ronds-de-cuir, mais par des soldats.
Et c’est justement ce que Ian Brossat et Catherine Vieu-Charier refusent et réfutent. Excusez du peu : l’un et l’autre sont, respectivement, président du groupe PCF-PG au Conseil de Paris et adjointe (PCF) au maire de Paris chargée de la mémoire. Ils se sont fendus, le 25 novembre, d’une tribune dans Le Monde pour dénoncer le transfert des cendres de Bigeard aux Invalides.
« Bigeard n’a pas sa place aux Invalides », disent-ils. Et leur argumentaire tient à peu de choses : le général Bigeard a reconnu que l’armée française a pratiqué la torture pendant la guerre d’Algérie. Ils ne nous disent pas si Bigeard a ordonné la torture, l’a pratiquée lui-même et s’y est livré avec une cruelle délectation. Ce qui les chagrine, c’est l’aveu de Bigeard : oui, la torture, ça existait. Ouh là là, le méchant vilain que voilà !
J’éviterai les blagues à deux sous sur le « Gna gna gna, on n’est pas contents. Nous ce qu’on veut c’est le transfert des cendres de Maurice Thorez aux Invalides et de Robert Hue au Panthéon ! » Le premier le mériterait eu égard à ce qu’il fut toujours un bon petit soldat du stalinisme, le second je ne vois pas.
Qu’on y prenne garde : je n’utiliserai pas, non plus, les arguments habituels et un peu sordides qu’on pourrait avancer face à deux éminents représentants du Parti Communiste Français en pareilles circonstances. Je ne convoquerai donc pas le maréchal Staline, qui a été louangé jusqu’à très tard par le PCF, et dont l’amour des droits de l’Homme est très bien connu de tous, notamment de ses 40 millions de victimes. On ne prend pas sa carte impunément dans un parti qui a incarné, dans le monde, l’une des expériences les plus radicales du totalitarisme, sans devoir un jour devoir assumer une part de cet héritage-là. On ne choisit pas sa famille, d’accord. Mais on choisit ses amis, ses fréquentations et ses références.
Je me refuse également à rentrer dans de mesquines considérations et à regarder les états de service de M. Brossat, dont la rumeur publique propagée par ses propres camarades de cellule, lui accorde d’être davantage parachuté que parachutiste.
Mais s’il faut tout mettre sur la table, allons-y. Ce qu’ignorent nos deux édiles parisiens ou ce qu’ils feignent de ne pas connaître, c’est ce que fut la guerre d’Indochine. Comme une idée de l’enfer. C’est d’abord la première guerre d’Indo, celle qui se déroule sous domination japonaise. Ce fut, tout simplement, barbare. Les nouvelles des puissances de l’Axe ne sont peut-être pas parvenues jusqu’aux oreilles de nos amis du groupe PCF de la Ville de Paris, mais ne désespérons pas : peut-être ouvriront-ils un jour un livre d’histoire. Quant à la seconde guerre d’Indochine, l’ignominie vint s’ajouter à la barbarie. Nous y avons laissé plus de 30 000 soldats français. Disparus au bataillon et internés dans les « camps de rééducation » qui ont consacré l’allant humanitaire de la gauche viêt-minh.
Ah ! C’est cela donc. Le général Bigeard n’était pas un ardent soutien de leur Cause du Peuple, mais poussa l’abjection jusqu’à devenir un ministre de Giscard. En Indochine, il avait eu un peu de mal, en fait, à voir ses hommes affamés, avilis et, au final, massacrés par l’armée du Lao Dong. J’oubliais : l’armée viêt-minh ne torturait pas, puisqu’elle était communiste. Et un communiste, par nature, c’est bon, grand et généreux. Bref, ça vous présente le visage avenant de Marie-George Buffet, même lorsqu’il vous enterre vivant.
Quant au second reproche que nos caciques du Parti communiste parisien formulent à l’encontre de Bigeard, il aura laissé pantois plus d’un être raisonnable. Que lui veulent-ils à ce cadavre ? Il n’a pas, de son vivant, porté les valises du FLN. Il n’a pas financé, en Algérie, l’assassinat aveugle de femmes, d’hommes et d’enfants.
Parce que, voyez-vous, l’histoire maintenant, selon nos deux amis du Parti communiste parisien, n’est plus qu’une célébration perpétuelle du terrorisme. Poser, à Oran, à Tamanrasset ou à Alger, une bombe dans une école et faire péter la gueule à une trentaine d’enfants : voilà ce qui à leurs yeux qualifie désormais l’honneur et la bravoure pour la postérité. Comme les couilles de nos bidasses, retrouvées dans leur bouche, alors que ces gosses de vingt ans agonisaient, à la petite aube, et que le planton fut obligé de les achever, parce qu’ils n’étaient même pas morts et qu’ils souffraient davantage qu’un bobo-coco parisien en mal de visibilité : bien entendu, tout cela est de l’humanisme FLN. Et tout cela relève très certainement de ce mouvement d’idée qui a su cultiver, en Algérie, les valeurs humaines jusqu’à les faire poindre avec le GIA. Mais défendez-la, chers amis du Parti communiste parisien, cette vision du monde : sous ses dehors iréniques, c’est la guerre de tous contre tous. Elle vous convient. Pas moi. J’ai rompu avant d’y avoir adhéré avec votre stalinisme morbide, c’est-à-dire votre vision du monde qui justifie l’abjection dès lors qu’elle est encartée.
Ne retournons pas le couteau dans cette plaie. Mais combien étaient-ils les instituteurs et les professeurs, communistes et compagnons de route du PCF, qui enseignaient à l’époque en Algérie et se réjouissaient chaque fois que l’armée déjouait un attentat ? Quand vous êtes militaire et que vous mettez la main sur les protagonistes d’un futur attentat, vous leur contez risette ou vous leur branchez la gégène pour obtenir des renseignements ? Oui, c’est un cas de conscience. Et nul ne peut y répondre. Même au nom des grands principes. Mais un cas de conscience que l’on règle autre part que sous les lambris dorés de la Mairie de Paris.
C’est très gentil de juger un homme pris dans la tourmente de l’histoire quand on a le cul bien au chaud. Moi, Bigeard m’impressionne. Parce qu’il était un gamin de 17 ans quand il rejoignait le maquis. Et que je ne suis pas sûr que j’aurais eu son audace, ses couilles et son courage. Nous vivons en temps de paix. Et ce qui est réclamé à tous les bleu-bites que nous sommes, c’est juste un peu d’humilité devant l’histoire.
Mais là où Ian Brossat et Catherine Vieu-Charier décrochent le pompon, c’est en sortant l’argument imparable : l’entrée du général Bigeard aux Invalides va faire monter Marine Le Pen. Et vous savez pourquoi ? Parce que l’OAS, parce que Nicolas Sarkozy. Et ta sœur ? Elle bat le beurre. Audacieuse démonstration, qui montre combien la dialectique marxiste n’est plus, au PCF, que de l’histoire ancienne.
La guerre est dégueulasse. On le sait depuis Thucydide. Nous, nous avons eu l’insigne chance d’apprendre ça dans les livres d’histoire, sans jamais le vivre, heureusement. Et nos deux amis communistes parisiens voudraient que la dentelle de nos maréchaux ne fût jamais tachée de sang ? Elle l’est, elle le doit. « La France fut faite à coups d’épée. Nos ancêtres entrèrent dans l’histoire avec le glaive de Brennus. » Voilà ce que De Gaulle écrivait en 1938 dans La France et son armée. Un glaive pénétrant un corps : l’idée est abstraite. Sans doute. Relisons alors Bronislaw Baczko et son Comment sortir de la terreur pour voir jusqu’où l’idéologie Bisounours peut, finalement, aimer se repaître du sang des innocents.
Bienvenue donc, Marcel Bigeard, aux Invalides, cimetière définitif de nos gloires immortelles ! Mon général, nous voilà ! Merci à vous.