«Je t'aime mon enfant»: les derniers mots lus par Christian Ranucci avant son exécution .
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Commandoair40 Admin
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Sujet: «Je t'aime mon enfant»: les derniers mots lus par Christian Ranucci avant son exécution . Dim Juin 04 2023, 19:34
«Je t'aime mon enfant»: les derniers mots lus par Christian Ranucci avant son exécution
La touchante missive reposait dans un registre carcéral des Baumettes depuis 1976.
Un simple bout de papier.
Une petite missive écrite à l'encre noire.
La graphie, dense, dévoile une agitation inquiète.
Il s'agit de celle d'Héloïse Mathon.
La mère de Christian Ranucci, l'antépénultième condamné à mort français, exécuté en juillet 1976 à Marseille.
Le document que nous révélons fut conservé quarante-six ans entre les pages d'un registre carcéral.
Intact, il constitue un témoignage exceptionnel d'une époque où la peine de mort était encore pratiquée.
Les ultimes minutes de Christian Ranucci
La carte a une particularité: elle est la dernière à avoir été écrite par Héloïse Mathon à son fils. Nous sommes le 26 juillet 1976.
Deux jours plus tard, le 28 juillet, Christian Ranucci, 22 ans, tient cette lettre entre ses mains dans le couloir de la mort de la prison des Baumettes.
Accusé du meurtre de la petite Maria-Dolorés Rambla, 8 ans, il vit ses ultimes minutes.
Il est 4h du matin.
Depuis la veille, des véhicules de CRS bloquent, sur ordre exprès, les accès du centre pénitentiaire.
Le quartier semble bouclé.
Les avocats du condamné, Mes Paul Lombard, Jean-François Le Forsonney et André Fraticelli, sont déjà sur place.
Impuissants, ils vont assister à la mise à mort légale de leur client.
Le rituel est immuable.
Des tapis militaires sont discrètement disposés dans l'interminable couloir menant à la petite cour d'exécution.
Le cortège funèbre doit être silencieux.
Il faut éviter que les détenus, décelant des bruits suspects, ne se révoltent et donnent l'alerte.
Christian Ranucci ne connaît d'ailleurs pas la date fixée pour sa mise à mort.
Il ignore même que le président Valéry Giscard d'Estaing vient de refuser sa demande de grâce.
Le fils d'Héloïse Mathon dort en chien de fusil, dans sa cellule où règne une lumière diffuse. Au-dessus de lui, le plafond est volontairement taillé en forme de cercueil...
La suite est connue.
Surpris dans son sommeil, Christian Ranucci hurle et se défend.
Il sera conduit à l'échafaud le nez tuméfié et presque ensanglanté.
Peu avant, dans la salle des greffes, le supplicié refuse une dernière gorgée d'alcool.
La pièce, verdâtre, fait face à la cour où se dresse la guillotine.
Devant l'ombre de la lame, les avocats du condamné lui tendent alors une lettre.
Celle de sa mère. «Je t'aime mon enfant» est la dernière phrase que le prisonnier lira avant de mourir.
Peu après la chute du couperet, le sang versé est lavé avec un modeste jet d'eau.
Le directeur des Baumettes, les avocats, ainsi que les surveillants pénitentiaires sont tous d'une pâleur extrême.
Un témoin direct de la scène, rencontré lors d'un colloque au Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée, se rappelle combien les joues étaient blafardes.
Il parle d'yeux vides et de fronts plissés.
Il évoque aussi ce geste si marquant du bourreau.
Assis dans la cour d'exécution, l'homme tire un sandwich de sa besace.
Le sentiment du travail bien fait creuse son estomac.
C'est à cet instant, peut-être, pendant que l'exécuteur dévore son déjeuner, qu'un surveillant pénitentiaire glisse la lettre d'Héloïse Mathon dans le registre carcéral… Elle y sera oubliée durant presque cinq décennies.
«Tu es un bon fils»
Nous avons pu la récupérer en 2021 à l'occasion de notre reportage pour Slate sur le couloir de la mort des Baumettes.
Le lieu, sorte de long boyau, avait subi peu de modifications.
La seule notable était la transformation de la pièce où Hamida Djandoubi, dernier condamné à mort, a reçu le châtiment suprême.
En situation de handicap, il n'avait pas été guillotiné dans la cour mais au sein d'une pièce adjacente devenue, durant les années 1980, la cuisine centrale de l'établissement pénitentiaire.
Pour le reste, rien ne paraissait avoir changé. La cellule du condamné, les grandes grilles blanches, la haute marche séparant la salle des greffes de la minuscule cour d'exécution renvoyaient la même austérité sordide que dans les années 1970.
C'est au milieu de ces vestiges, entre une bouteille de rhum –qui, renseignement pris, n'avait rien à voir avec le dernier verre du condamné– et une carte postale criarde, que dormait le registre pénitentiaire, posé sur une chaise.
Il suffisait de l'ouvrir.
À l'intérieur, la lettre d'Héloïse Mathon gisait, comme neuve.
Nous livrons, pour Slate, l'intégralité de son contenu.
«Le lundi 26 juillet 1976.
Il est 18h. Mon très cher enfant adoré. Je t'écris cette carte, que tes avocats te donneront en cas que ta grace soit refusé, à cette heure j'ignore ?? Pourtant je sais que tu es innocent. Mr le procureur, un jour je te ferais publier tes honneurs. Tu étais mon enfant chéri. Condamnés sache que je peux pour toi. Tu es innocent et tu es un bon fils, ma vie était heureuse à tes côtés et de toutes gentillesses de ta part mon fils aimé. Je vivrais avec le seul fait de te retrouvé.
Sois courageux je t'aime mon enfant.
H. Mathon.»
La manifestation d'un lien universel
L'existence de la missive était connue.
Gilles Perrault la mentionne dans les derniers chapitres de son ouvrage Le Pull-over rouge.
Et le film du même nom, réalisé en 1979 par Michel Drach, lui consacre une scène puissante.
La voix off de Michelle Marquais, incarnant Héloïse Mathon (renommée Louise dans l'œuvre cinématographique), lit ce que l'on croit à l'époque être le contenu de la lettre.
Le texte est, en réalité, reconstitué selon les souvenirs des avocats de Christian Ranucci.
À l'image, les chevilles du condamné sont liées par de faibles bouts de ficelle.
La voix poursuit la lecture supposée du message.
La mère du prisonnier promet de réhabiliter son fils.
Ces mots sont absents de la lettre authentique.
Il est possible que le supplicié soit demeuré mutique jusqu'au bout.
Nul ne sait, en ce sens, si les ultimes paroles prononcée dans le film par Christian Ranucci, «Réhabilitez-moi», sont véridiques.
Mais ce dernier a lu un message chargé d'amour.
Peut-être est-il parti muet, les paroles de sa mère flottant au creux de sa conscience.
Héloïse Mathon, fervente chrétienne, témoigne-t-elle de sa foi lorsqu'elle écrit «Je vivrais avec le seul fait de te retrouvé» (sic)?
Quoiqu'il en soit, les sentiments d'une mère pour son fils sont ici exprimés avec la plus grande force.
Son existence fut orientée vers une seule obsession: conserver intacts la mémoire et l'honneur de son fils.
Elle est ainsi à l'instigation de trois requêtes en révision qui ont successivement été rejetées en 1979, 1987 et 1991.
Si le doute pèse toujours sur la culpabilité ou l'innocence de Héloïse Mathon, fervente chrétienne, témoigne-t-elle de sa foi lorsqu'elle écrit «Je vivrais avec le seul fait de te retrouvé» (sic)?
Si le doute pèse toujours sur la culpabilité ou l'innocence de Christian Ranucci, ce dernier demeure, pour sa mère, ce «bon fils» auprès de qui sa «vie était heureuse».
Reste, en définitive, l'image d'un «enfant adoré».
Reste l'amour inconditionnel d'une mère.
Héloïse Mathon dira plus tard, lors de son passage en 1977 dans l'émission «Les dossiers de l'écran», que la peine capitale est une «arme à double tranchant», car «la mère aussi est condamnée à mort à plus ou moins brève échéance».
Elle s'est éteinte le 11 mars 2013.
Sa vie entière aura été un combat pour la vérité.
La lettre que nous publions n'est rien d'autre, en somme, que la manifestation la plus intime d'un lien universel: celui de l'amour d'une mère pour son fils.
Pour moi , ce brave garçon , était totalement "Innocent" .
« Je ne suis pas abattu, je n'ai pas perdu courage. La vie est en nous et non dans ce qui nous entoure. Être un homme et le demeurer toujours, Quelles que soient les circonstances, Ne pas faiblir, ne pas tomber, Voilà le véritable sens de la vie ».
81/06 aime ce message
Alexderome Admin
Nombre de messages : 8458 Age : 58 Emploi : A la recherche du temps perdu Date d'inscription : 22/10/2010
Sujet: Re: «Je t'aime mon enfant»: les derniers mots lus par Christian Ranucci avant son exécution . Dim Juin 04 2023, 19:43
Parfois les méthodes brutales des policiers auxquels les hommes politiques exigent de trouver un coupable le plus rapidement possible conduisent à des erreurs judiciaires. Pour Ranucci il existe néanmoins des coïncidences étranges, mais pour Dils, que j’aurais aimé voir raccourci à l’époque, il s’est avéré qu'il a été soumis à une pression trop forte et qu'il a avoué ce que voulaient la police.