C'est rarement raconté dans les livres, faire partie d'un peloton d'exécution n'est pas forcément la mission à laquelle un militaire est préparé.
Donc, je vous livre le témoignage du légionnaire italien de la 13
Un soir, l'instruction finie et sortis de la classe, nous fûmes étrangement appelés au rassemblement. Le
garde à vous fut ordonné et présentés au capitaine commandant la compagnie, lequel, après nous avoir salués, demanda des volontaires pour un service sans davantage d'explications.
Même ceci était insolite, nul besoin de demander des volontaires, nous l'étions tous et il suffisait de donner un ordre pour l'exécuter sans hésiter. Et comme le voulait la tradition,
tous les trente fîmes un pas en avant. Il nous remercia, nous mit au repos et nous expliqua de quoi il s'agissait. Le service pour lequel nous nous étions présentés n'était certes pas un des plus appréciés et il le savait : l'exécution par fusillade de deux terroristes condamnés à mort par le tribunal français. L'un avait lancé une grenade dans un bistrot bondé de civils occupés à jouer aux cartes et siroter du bon vin. L'autre avait placé une bombe dans un autobus, dans les deux cas causant de nombreux morts et blessés parmi les civils, femmes et enfants compris.
Le peloton d'exécution était composé de douze hommes plus deux en réserve afin de remplacer un éventuel désistement. Une feuille de papier fut remise à chacun d'entre nous pour y inscrire notre numéro de matricule, nous la pliâmes en quatre parties égales et la remîmes au sergent dans son
képi. Puis il prit un autre
képi, le superposa au sien et mélangea le contenu comme pour le jeu de loto. Après cela, le capitaine prit quatorze feuillets au hasard.
Mon matricule sortit en quatrième ou cinquième position. Le tirage terminé, le
rompez les rangs fut commandé et les «chanceux» se rendirent dans la salle d'études pour des informations supplémentaires sur le sujet.
Le peloton devait être commandé par la Gendarmerie qui fournissait aussi les fusils MAS 36 pour la circonstance, lesquels devaient être déjà approvisionnés avec un seul projectile (un des douze fusils était chargé à blanc comme le voulait le règlement). Il était rigoureusement interdit d'ouvrir la culasse (de manière à ne pas connaître l'arme chargée à blanc), en outre il était interdit de lire le numéro matricule du fusil et en aucun cas de tirer à la tête le condamné.
Le lendemain matin, réveil à 5h, une heure plus tard deux camions GMC de la Gendarmerie vinrent nous prendre (deux camions pour quatorze légionnaires, un véritable luxe!) et nous transférèrent au polygone de tir de
Khamisis, jadis une lande désolée, désormais transformée en un bois immense (trente-quatre kilomètres de côté) et où la Légion avait planté des dizaines de milliers d'arbres et utilisé pour l'instruction des futurs caporaux et sergents.
Arrivés sur place la procédure fut expliquée à nouveau. Peu après, un fourgon cellulaire arriva avec les deux condamnés accompagnés des autorités civiles. Nous prîmes les fusils déjà chargés d'un camion de la Gendarmerie
. Tout se déroula comme prévu et expliqué. L’un mourut dignement, l'autre pleurant et suppliant. Il avouait le délit et sollicitait la clémence, mais quand il faisait sauter en l'air femmes et enfants, leur avait-il demandé leur accord ?
De retour à la caserne, un petit-déjeuner copieux nous fut servi, nous fûmes dispensés d'aller en cours et on nous accorda quartier libre pour toute la journée.