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Sujet: Général Philippe RONDOT Sam Mar 04 2023, 18:58
Général Philippe RONDOT
5 octobre 1936 - 26 décembre 2017
Le général, mort à l'âge de 81 ans, souhaitait garder le silence sur sa disparition le plus longtemps possible. Retour sur son parcours hors norme.
(MARTIN BUREAU / AFP) Hervé Brusini France Télévisions publié le 31/12/2017
Philippe Rondot avait laissé des instructions précises en cas de décès : ni fleurs, ni couronnes et surtout garder le silence sur sa disparition le plus longtemps possible.
Voilà qui lui ressemble bien. Intransigeant jusqu’avec lui-même, l’homme de l’ombre, inhumé samedi 30 décembre à Fléty (Nièvre), a voulu s’effacer sans tambour ni décoration. Il fut pourtant l’un des seuls agents des services secrets français réellement connu. Et pour cause : terrorisme, guerre, il a accompagné toute la violence du monde durant près de trente ans. Celui qu’on surnomma "maître espion" était tout en rectitude, tant physique que morale.
Cet agent secret était hors norme. Rien à voir avec ces personnages de l’ombre qui ont jalonné l’histoire de la Ve République, avec valises de billets et grosses commissions pour cause de frais somptuaires. Rien à voir non plus avec les turpitudes d’une "Françafrique" ou d’une barbouzerie avide de coups tordus et de microtage de canard.
Un pédagogue Philippe Rondot était un homme complexe, silencieux et disert, discipliné et désobéissant, discret mais propulsé au centre de l'actualité et de ses fulgurances. Un gaulliste pur et dur, volontiers collaborateur des gouvernements de gauche. Bref, un maître espion à la française. Précisément, un Saint-Cyrien entièrement fait de rationalité, de sens du devoir. Un étrange mélange de discipline et de rébellion, capable de dire son fait à un ministre, de loger une balle en cœur de cible à 100 mètres, d’aimer l’adrénaline d’un saut en parachute ou de garder irrémédiablement le silence sur quelques secrets d’Etat.
Ce silence lui-même était hors norme. Ils sont rares, en effet, les agents secrets à avoir écrit des ouvrages dans la collection "Que sais-je ?". Philippe Rondot en a rédigé deux, l’un sur l’Irak et l’autre consacré à la Syrie. Ils sont encore plus rares à avoir tenu une chronique sur France Culture en pleine vague d’attentats à Paris, dans les années 1980. Philippe Rondot expliquait alors, à la radio, la complexité des Proche et Moyen-Orient. Il est vrai qu’à l’époque, l’homme se présentait comme un spécialiste, un expert et rien de plus. Un mensonge par omission dont il pouvait être friand, l’œil gourmand. Métier oblige, surtout lorsqu’il s’accompagne d’une réelle volonté d’expliquer. Décidément, ils sont rares les agents secrets qui affectionnent ainsi la pédagogie en temps réel de la violence du monde. Et cela dans tous les médias. Même à la télévision, on vit Philippe Rondot exposer les tenants et aboutissants de l’écheveau libanais à la fin des années 1970. Toujours en tant que simple spécialiste. Il est vrai qu’il était aussi universitaire. Mais il appartenait pourtant bel et bien au monde du renseignement, celui où l’on ne parle pas.
Agent secret de père en fils
Pierre Rondot a marqué, guidé, orienté la vie de son fils Philippe. Arabophone, remarquablement cultivé, il avait en quelque sorte mis en place la structure du renseignement français au Proche-Orient. En Palestine, chez les Kurdes, en Turquie… le nom de Pierre Rondot était connu. L’homme était respecté et son ouvrage consacré à l’islam reste encore aujourd’hui une source documentaire de premier ordre.
Avec un tel père, on n’échappe à son destin de soldat, de serviteur de l’Etat, mais avec cette dose de désobéissance qui définit la singularité d’un caractère.
Alors que Philippe était encore un tout jeune garçon, son père entreprit de lui offrir un jeune chiot. Mais le cadeau ne s’arrêtait pas là. "Désormais, tu devras écrire chaque jour les pages de ta vie. Tu peux commencer avec l’arrivée de ton nouveau compagnon", ajouta le paternel. Et c’est ainsi que le jeune Philippe devint l’écrivain des fameux carnets qui, bien des années plus tard, lui ont valu de gros ennuis.
Pour Pierre, c’était une évidence de la profession. Une sorte d’archives de soi. Il fallait toujours savoir avec qui l’on avait conversé, ce qui s’était dit et dans quel climat s’était tenu l’échange. Comme un b.a.-ba. Une mémoire de ses faits et gestes consultable à tous moments, écrite en pattes de mouche et à grands coups d’abréviations où un président de la République devient un PR.
Près de quarante années de tensions
Des années 1970 au début des années 2000, il eut à connaître à peu près toutes les tensions de l’époque. Cette sorte d’omniprésence est probablement due à une étrangeté de son parcours. Il fut le seul militaire au service de la DST (la Direction de la surveillance du territoire, devenue la DGSI), une institution civile. Mais contraint et forcé. En effet, en 1965, Philippe Rondot était chez les militaires. Il avait fait son entrée au service action du SDECE, l’ancêtre de la DGSE.
Le grand patron, Alexandre de Marenches, le remarque et bientôt de nombreuses missions lui sont confiées. Dans les années 1970, un certain Ilich Ramirez Sanchez, alias Carlos, se fait connaître à coups de bombes et d’armes de poing à Paris, en Allemagne aussi. Rondot et son meilleur ami dans le service avaient pourtant été chargés de repérer celui qui fut surnommé "Le Chacal" à Caracas, afin de l’éliminer. Mais, au dernier moment, un contreordre était tombé depuis l’Elysée, de Valéry Giscard d’Estaing. L’opération fut stoppée.
Ce n’était que partie remise. D’autant que deux inspecteurs de la DST avaient été tués lors d’une fusillade rue Toullier, à Paris, le 27 juin 1975. Un troisième policier était grièvement blessé. De quoi nourrir pour longtemps le désir de vengeance du service de la sécurité intérieure. Ainsi que la détermination de celui dont la mission avait été interrompue.
Ce sera la veille d’un 15 août, en 1994, que l’agent Rondot finira par arrêter sa proie. Après l’avoir suivi, presque escorté dans des boîtes de nuit, après avoir mis en place un stratagème incluant les Américains de la CIA et le leader soudanais Hassan Al-Tourabi, Philippe Rondot s’entend dire par Carlos, au décollage de Khartoum : "Good job."
Un homme à la une de la presse
Vingt ans plus tôt, en 1975, Rondot se trouve à Bucarest. Il est chef de poste adjoint du SDECE. Et voilà qu’il disparaît des écrans radar de son service. Cela lui vaudra d’être mis à l’écart. On le suspecte d’avoir été "retourné" par la Securitate roumaine. Une embrouille demeurée longtemps sans réelle clarification. Rondot racontait parfois qu’il s’était certes évaporé, mais pour trouver en toute discrétion un appartement pour lui et sa compagne Michelle.
Après quelque temps passé au CAP (le Centre d’analyse et de prévision), une structure de réflexion du Quai d’Orsay, Philippe Rondot rejoint la DST. Ou comment un militaire débarque chez les policiers, au moment même où Paris va connaître d’incessantes vagues d’attentats, venus pour la plupart du Proche-Orient. C’est le début d’une succession de crises, de drames humains. Le nom de Philippe Rondot, acteur central de l’antiterrorisme, apparaît peu à peu à la une.
Abou Nidal fait mitrailler le restaurant de Jo Goldenberg, rue des Rosiers, le 9 août 1982. L’homme des services connaît grâce à son père le leader sanguinaire du FPLP. Il obtient d’Abou Nidal qu’il cesse ses opérations sur le territoire français.
En 1985 et 1986, la capitale est secouée par des attentats dans le métro et les grands magasins. Philippe Rondot fait partie de l’équipe qui traite le dossier. L’islam radical est à la manœuvre. Celuilà vient d’Iran et recrute tous azimuts. La tension entre les deux pays atteindra son paroxysme avec ce qu’on a appelé la "guerre des ambassades". Le traducteur Wahid Gordji a laissé son nom comme une marque de fabrique attribuée à cet épisode tragico rocambolesque.
... devenu spécialiste des prises d'otages Un autre va suivre, non moins stupéfiant. En 1987, ils étaient huit touristes sans le sou à avoir décidé d’un voyage un peu fou sur une embarcation de fortune, le Silco. Parmi eux, une Française et son compagnon belge. Ils se retrouvent aux mains d’Abou Nidal, encore lui. Dépêché à Beyrouth, Philippe Rondot obtient la libération des otages, en 1990. Parmi eux, Jacqueline Valente est saine et sauve, avec le bébé qu’elle a eu de l’un de ses ravisseurs. Quant à Michelle Rondot, elle s’occupe de la petite famille.
Le Liban sera le creuset de bien des dossiers traités par la recrue militaire de la DST. Des diverses tentatives de récupération du corps de l’otage Michel Seurat aux multiples interventions pour secourir les diplomates et journalistes détenus dans les geôles du Hezbollah, Philippe Rondot fait jouer ses réseaux, va au contact. Et se heurte à un autre émissaire de l’ombre. Un Français : Jean-Charles Marchiani, préfet, ancien des services, homme-lige du ministre de l’Intérieur Charles Pasqua. Ses méthodes sont des plus particulières et parfois assez musclées.
La légende veut qu’un jour, à l’aéroport de Tripoli, l’équipe de Marchiani a fait face à celle de Rondot. On aurait même sorti les armes, histoire de jouer l’intimidation réciproque. Le Corse aurait fini par lâcher prise...
La prise d’otages devint l’une des spécialités de l’agent Rondot. Dans les années 2000, il intervient de façon retentissante pour les journalistes Christian Chesnot et Georges Malbrunot. Il jouera aussi un rôle dans le cas de Florence Aubenas, libérée en juin 2005. L’agent éprouve du respect pour les femmes et les hommes de presse. Après coup, les uns et les autres restent en contact avec lui.
L'émergence d'une légende
D’autres épisodes ont nourri peu à peu une sorte de légende, qui s’est constituée malgré l’intéressé. Avec avion, sous-marin et Zodiac, l’exfiltration du général Aoun de l’ambassade de France à Beyrouth en août 1991 eut des allures de film à la James Bond.
Dans une salle du Quai d’Orsay, le ministre Roland Dumas put suivre en direct toute l’opération. De l’inédit pour la France. Philippe Rondot en fut le concepteur et l’acteur.
Et puis, il y eut aussi l’Algérie et le GIA (Groupe islamique armé). La terrible fin des moines de Tibhirine en mars 1996. Les réunions de toutes sortes et au plus haut niveau se multipliaient alors qu’on ignorait tout du sort des hommes d’Eglise. Philippe Rondot était chaque jour davantage en colère. A ses yeux, on perdait un temps précieux en parlottes inefficaces. Il offrit de remplacer les otages dans une future négociation qu’il entamerait avec les ravisseurs. S'ensuivit un refus compréhensible des autorités… Quatre mois plus tard, en juillet, l’émir du GIA, Djamel Zitouni, était tué. Pour Rondot, c’était bien l’un des principaux responsables de la tuerie qui venait d’être ainsi frappé. Mais des contre-enquêtes se sont fait entendre, des critiques, et finalement une polémique, ont ouvert la possibilité d’une autre version. La mort des moines n’était-elle pas plutôt le résultat d’une épouvantable bavure de l’armée algérienne ? Des tirs d’hélicoptère qui auraient décimé les résidents de Tibhirine ? Philippe Rondot ne croyait guère à cette hypothèse. On l’accusa de collusion avec les services algériens.
De même dans les Balkans. La traque des criminels de guerre serbes restait entachée, selon beaucoup, d’une histoire de relations privilégiées qui visaient en définitive à protéger les personnes recherchées. Les services français étaient là encore sévèrement questionnés. De fait, dès que Philippe Rondot reçut l’ordre d’intervenir à partir de 1997, les événements prirent une autre tournure. Alors en période de cohabitation, Jacques Chirac et son ministre de la Défense savaient que le règlement de la question des criminels de guerre devenait une condition majeure du retour à la paix. Et c’est donc à Philippe Rondot que l’on fit appel. Tâtonnements divers au démarrage, puis mise en œuvre d’un dialogue entre toutes les parties prenantes, l’agent français commença à obtenir de réels succès à partir de 1998. Plusieurs criminels furent arrêtés. Avec les criminels croates recherchés, ce fut encore plus délicat. En particulier, dans le cas du général Ante Gotovina. Ce Croate était également de nationalité française. Il possédait un lourd passé de gros bras évoluant dans les sphères de l’extrême droite. Inculpé par le TPIY, le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, il bénéficia malgré tout d’une aide de la part des Français de l’ambassade.
Après quatre ans de cavale, Gotovina finit par être appréhendé. Un soulagement pour Rondot, qui n’avait pas ménagé ses efforts pour mettre un terme à cette histoire pesante. Là encore, les critiques, les accusations n’ont pas manqué. Mais ce n’était pour Rondot que l’avant-goût d’une tempête baptisée Clearstream.
L'affaire Clearstream
En 2004, Philippe Rondot est filmé sortant de son appartement, encadré par des policiers et une foule de journalistes. Le commentaire s’imposa tout naturellement sous la plume de la presse. Cette fois, "l’homme de l’ombre était exposé au grand jour", et même dans une lumière quasi aveuglante. Le scandale prenait des allures de farce impliquant tout le gratin du personnel politique de l’époque, de même qu’un magistrat réputé et un haut responsable des services. Mais la star du moment, ce fut bien lui, Philippe Rondot.
C’est son ami Jean-Louis Gergorin, un ancien du CAP, qui lui avait remis les "fichiers". De fait, dans cette invraisemblable affaire de listings grossièrement trafiqués, il était le seul à apporter des éléments tangibles. Les fameux "carnets du général Rondot" devenaient à la fois la source à laquelle chacun se référait, mais aussi, la preuve qu’un maître espion pouvait être un maniaque de la prise de notes intempestive. Les perquisitions s’enchaînaient. Dans la maison familiale du Morvan, les enquêteurs cherchèrent à savoir si, par hasard, rien d’important n’était caché dans le caveau des Rondot. Sur les images, celui que l’on présentait comme un général vétéran des services tentait de faire bonne figure, en arborant un sourire forcé. Mais bientôt, le sourire disparut. Seule demeurait la raideur du personnage. Philippe Rondot était sous le choc. Fortement atteint par ce qu’il vivait comme un déshonneur. Le récit du dossier tournait en boucle dans sa tête. Dans les gares entre Paris et le Morvan, il voyait le Rondot des carnets de Clearstream affiché à la devanture des kiosques.
Un officier "au service de l'Etat"
Au procès, le général Rondot affirma clairement ce qu’il avait sur le cœur :"En France, les militaires ne jouissent pas d'une réputation extraordinaire. Mais quand même, je n'ai pas un QI de pétoncle, j'ai agi comme officier de renseignement... Mes méthodes sont peut être atypiques, mais je ne suis pas un électron libre... Je suis un officier de renseignement au service de l'Etat. J'ai toujours été persuadé que [cette enquête] avait été commandé[e] par le chef de l'Etat, sinon je ne l'aurais pas faite." L’expression restait mesurée, malgré la colère et le dépit. Le "pétoncle" avait été préparé de longue date. L’agent au service de la République : le général disait ainsi à sa manière qu’il n’était pas le Rantanplan décrit par certaines caricatures. Oui il s’était laissé berner, oui il avait voulu explorer la piste de l’informaticien Lahoud. Après tout, il était peut être "susceptible d’apporter des explications sur le financement des réseaux islamiques". Philippe Rondot avait alors à l’esprit tous les moyens permettant de stopper les activités de Ben Laden. Finalement, la justice n’eut rien à retenir contre lui.
Désormais, il ne lui restait qu’une issue, comme une retraite au sens militaire : le Morvan, le berceau familial. Là-bas, un gigantesque travail l’attendait. Il se l’était fixé. Il lui fallait reconstituer les carnets saisis par la justice. Jour après jour, année après année, Philippe Rondot rafraîchissait ses archives, il retrouvait sa mémoire. Un peu à la façon du héros de Légendes, le livre de Robert Littell : Martin Odum ne sait plus trop qui il est parmi tous les personnages qu’il fut durant sa carrière d’espion. En fait, pour Rondot, il s’agissait seulement de retrouvailles avec tous ces événements qui avaient fait son histoire. C’était pour lui comme un impératif. En rassemblant les dates, les souvenirs, les coupures de presse, il se reconnaissait. Il voyait à nouveau ce qui avait constamment guidé les choix de sa vie, le choix d’une rectitude qu’il était seul à définir à chaque instant.
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Sujet: Re: Général Philippe RONDOT Sam Mar 04 2023, 19:02
Un article du Figaro qui révèle un des faits de ce Général très discret - il date du 05/10/2009
Rondot, un maître espion au procès Clearstream
Ancien de la DGSE et de la DST, le général qui a arrêté le terroriste Carlos en 1994 fête lundi son 73e anniversaire au palais de justice de Paris.
Longtemps, on n'a connu de lui que la photographie en noir et blanc, pas très nette, d'un homme brun, nez fort et joues pleines, qui lui ressemble si peu qu'on dirait un leurre. Mais à l'époque, en 1994, le nom du général Philippe Rondot, qui vient d'arrêter le terroriste Carlos au Soudan, est révélé au grand public et il faut bien mettre une tête dessus? Un peu plus tard apparaît un second cliché, qui n'a rien à voir avec le premier : une capture d'écran montre, sur un plateau de télévision, un homme aux traits émaciés qui évoque un peu François Mitterrand jeune.
Philippe Rondot fut longtemps un fantasme sans visage fixe, et il faudra attendre 2006 pour découvrir la véritable physionomie du général de division âgé de 70 ans, gloire des services secrets français sous le pseudonyme de Max - comme Jean Moulin -, qui apparaît au cœur de la calamiteuse affaire Clearstream. Sa déposition en tant que témoin, aujourd'hui, peut faire basculer le destin de Dominique de Villepin. Car le maître espion, l'un des rares à avoir brillé à la DST comme à la DGSE, avait une petite manie : il notait tout et archivait méticuleusement ses carnets secrets. Lorsque la justice perquisitionne son domicile de Meudon et s'apprête à repartir bredouille, une greffière écarte sans le vouloir une tenture, découvrant la porte blindée d'une chambre forte.
Bingo : les fiches du général proposent une chronologie complète de la manipulation avortée. Sans elles, pas d'affaire - en tout cas, pas de procès.
Humble et plein d'humour
La graphomanie de l'officier est héréditaire. Son père, prénommé Pierre et disparu à l'âge de 96 ans, fut, lui aussi, l'un des agents français les plus réputés de son temps. Il avait l'habitude de noircir des pages et des pages, que Philippe Rondot a conservées, au premier étage de son manoir nivernais.
Dans le vaste parc, il a planté un cèdre du Liban, souvenir d'un Moyen-Orient qu'il connaît comme sa poche et qui fut son terrain de chasse favori. Ce veuf solitaire a un fils qui suit ses traces dans l'armée. Il a choisi sa nièce comme assistante.
Ses amis le décrivent comme plein d'humour et, surtout, d'une humilité extraordinaire. Il a fréquenté ses homologues et les dirigeants des pays arabes pendant des décennies. Auteur de monographies sur la Syrie, la Jordanie et l'Irak publiées par les Presses universitaires de France, il savait amadouer ses terribles interlocuteurs en partageant, au besoin, leurs hobbies innocents.
Ainsi de cet ancien ministre d'Hafez el-Assad, avec lequel il visionnait des films lestes pour détendre l'atmosphère.
Espion, féru de philosophie, écrivain, professeur, diplomate, polyglotte, le général Rondot se reprochera jusqu'à la fin de ses jours de n'avoir pas pu sauver les moines de Tibéhirine.
Il est intervenu, entre autres, dans la libération des otages du Liban, ou auprès d'Abou Nidal pour juguler la campagne d'attentats palestiniens.
Il faut donc faire un gros effort pour admettre qu'un homme de sa trempe s'est laissé gruger par Imad Lahoud, présenté par l'accusation comme le faussaire des listings Clearstream. Pourtant, une scène ahurissante (parmi d'autres) a bien eu lieu : le général, qui « traite » personnellement le mythomane affublé du nom de code « Typhose », se rend avec lui, en voiture, dans le bois de Meudon. Là, équipé d'un ordinateur et d'un téléphone portables, M. Lahoud persuade le militaire, qu'on imagine peu familier des technologies du XXIe siècle, qu'il peut pénétrer le système informatique de Clearstream.
À sa décharge, le général n'est pas la seule dupe de M. Lahoud qui, sortant de prison, a réussi à le convaincre, ainsi qu'un aréopage des services secrets français et quelques cadres de la CIA, qu'il pouvait le mener jusqu'à Oussama Ben Laden.
Car Imad Lahoud - qui se présente aujourd'hui modestement comme « la chose » de son co-prévenu Jean-Louis Gergorin - a, bien sûr, personnellement rencontré le chef d'al-Qaida dans le bureau d'un ministre libanais. À peine s'il ne prétend pas que le terroriste lui a laissé un double des clés de sa grotte ?
150 heures d'audition
Cet après-midi, le général se tiendra droit à la barre de la XIe chambre correctionnelle. Il ne redoute, paraît-il, aucune question. La seule chose qu'il ne supporterait pas, c'est qu'on lui manque de respect. Il a gardé de ses quelque 150 heures d'audition par les juges d'instruction un fort mauvais souvenir, mais n'entend pas régler de comptes.
En particulier avec Dominique de Villepin, qu'il a connu au début des années 1980, lorsque le futur premier ministre travaillait comme lui sous les ordres de Jean-Louis Gergorin, au sein du Centre d'analyse et de prévision du Quai d'Orsay.
Reste que l'exégèse de ses propres carnets risque d'embarrasser, qu'il le veuille ou non, son ancien collègue.
Ce dernier le fait volontiers passer, quand cela l'arrange, pour un espion fatigué au stylo incontinent, ce qui n'est guère aimable pour quelqu'un qui lui fut jadis si précieux.
Voilà pourquoi le procès Clearstream est suspendu à la parole d'un homme qui a passé sa vie à se taire mais n'a pu s'empêcher d'écrire, qui n'aime rien tant que la solitude et les grands espaces mais devra fêter, ce lundi, son 73e anniversaire dans un prétoire bondé.
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Sujet: Re: Général Philippe RONDOT Sam Mar 04 2023, 19:06
Philippe Rondot Saint Cyr et l’Algérie
L’expérience algérienne
Formés à la « doctrine de la guerre révolutionnaire » Après leur « triomphe » de juillet 1960 et leur congé d’été, les fantassins de la Bugeaud rejoignent en septembre le camp des Garrigues, près de Nîmes. Le lieu a été spécialement choisi car il permet de s’entraîner dans un décor qui ressemble à certains paysages montagneux d’Algérie où ils vont devoir combattre. Ils y restent trois mois, jusqu’en novembre, pour parfaire leur préparation physique, mais aussi « psychologique ».
Si à Coët, il s’agissait essentiellement d’un enseignement théorique, aux Garrigues, les choses sérieuses commencent. Dès Saint-Cyr, des « pointures » sont venues leur exposer la doctrine de la guerre révolutionnaire (DGR). L’un d’entre eux, le colonel Pierre Buchoud, joue un rôle important dans la formation plus directe des « biffins » de la Bugeaud.
Pierre Buchoud est né en 1913 à Épinal. Saint-Cyrien comme eux (promotion Albert 1er, 1933 1936), il est engagé dans la Résistance et déporté, avant de combattre ensuite en Indochine où il a été cité à de multiples reprises. Comme beaucoup d’officiers, c’est là-bas qu’il se convainc que la guerre menée contre des mouvements tels que le Viêt-minh ou, plus tard, le FLN doit prendre en compte la dimension psychologique. La DGR est donc née en grande partie de la défaite de Ðien Biên Phu et du contexte de guerre froide, dans lequel l’ennemi principal est le communisme.
L’historien Denis Leroux, qui a étudié le parcours de ces officiers, précise que selon eux « l’objectif de l’adversaire n’était plus la conquête du territoire, comme dans les guerres conventionnelles, mais le contrôle de la population ». Il explique qu’ils « construisirent peu à peu l’instrument de leur riposte : un répertoire de techniques de persuasion politique, d’ingénierie et de coercition sociale s’appuyant sur la vision d’une lutte irréductible opposant l’Occident et le communisme ».
Dans le rôle du théoricien, on retrouve le colonel Charles Lacheroy (1906 2005) qui, dans ses nombreux cours, notamment à Saint-Cyr, « présentait une modélisation des phases de la guerre révolutionnaire : l’ennemi frappait d’abord les esprits par des actions terroristes puis il constituait des maquis, conquérait une portion de territoire pour finalement attaquer les forces de l’ordre adverses dans une bataille conventionnelle ». Face à cela, l’armée ne doit pas hésiter quant aux moyens employés, dont la torture. Denis Leroux rappelle, à propos de Lacheroy, que « sans ambiguïté, il concluait ses conférences par cette affirmation : “On ne fait pas une guerre révolutionnaire avec le code Napoléon.” ». Le même affirmait « qu’à la guerre révolutionnaire, nous ne pouvons concevoir qu’une riposte révolutionnaire ! ».
Le colonel Roger Trinquier (1908 1986), organisateur de contre-maquis en Indochine, est l’autre figure majeure parmi ces officiers. Il y fait la connaissance de Pierre Rondot (NDLR :père de Philippe Rondot), qui a commandé en Indochine à la fin des années 1940. Ce dernier invite aussi Lacheroy à intervenir au CHEAM. Outre sa formation à Saint-Cyr, Philippe Rondot a donc déjà entendu parler de la DGR par son père.
Les bases théoriques que les biffins ont apprises à Saint-Cyr vont être consolidées lors des mois qui précèdent leur affectation sur le terrain.
Aux Garrigues, ils sont entre les mains du colonel Buchoud. Celui-ci, après l’Indochine, s’est illustré dans les Aurès au cours du plan Challe, au sein du 9e RCP (régiment de chasseurs parachutistes). Fort de son expérience contre l’Armée de libération nationale (ALN), bras armé du FLN, il a d’abord dirigé l’école Jeanne-d ’Arc, près de Philippeville (l’actuelle Skikda), où il forme des centaines d’officiers à la contre-guérilla.
Ce « centre d’entraînement à la guerre subversive » a été inauguré par le ministre des Armées, Jacques Chaban-Delmas, le 10 mai 1958. Inspirée par les idées de Lacheroy, sa conception a été confiée à Marcel Bigeard qui venait de publier un manuel de contre-guérilla.
Lors de l’ouverture, Bigeard a annoncé le programme : « Il y a vingt ans que nous nous faisons corriger. Il faut que cela change. Je veux vous voir quitter le centre, gonflés à bloc et décidés à casser du fellagha. » Mais ce centre ferme au bout de quelques mois pour devenir un moins politique « centre de perfectionnement des cadres de l’infanterie ». La DGR s’impose en Algérie à partir de 1957 et connaît son apogée au printemps 1958, au moment de la prise de contrôle de l’Algérie par les militaires.
Mais le pouvoir gaullien, qui a bénéficié de l’engagement politique des officiers pour son retour en mai 1958, cherche désormais à circonscrire leurs responsabilités civiles.
De Gaulle se méfie en effet du pouvoir que l’usage de la doctrine donne aux militaires. Il a très rapidement souhaité laisser moins de marges de manœuvre aux cadres de l’armée dans la définition de la politique algérienne comme de la stratégie militaire.
Freinée au plus haut niveau, la DGR n’en continue pas moins d’infuser au sein de l’armée, notamment à Arzew (où se trouvait leCentre d’instruction pacification et contre-guérilla) ou à Jeanne-d ‘Arc. Au moment où les fantassins de la Bugeaud arrivent en Algérie, la DGR a donc perdu son rôle dominant au sein de l’armée, mais les jeunes sous-lieutenants ont eu un contact direct avec elle et ses zélateurs. Leur action sur le terrain en portera inévitablement la marque, singulièrement dans les unités qui cherchent à contrer l’ALN par la contre-guérilla, comme ce fut le cas des commandos de chasse.
Après la fermeture du Centre de Jeanne-d'Arc en décembre 1958, le colonel Buchoud est devenu directeur des études à l’École d’application de l’infanterie de Saint-Maixent où il forme les stagiaires au combat de contre-guérilla. C’est dans ce cadre qu’il inculque aux jeunes sous-lieutenants issus de Saint-Cyr les principes tirés de son expérience. Lors d’une permission passée dans les rues de Nîmes, ceux-ci semblent d’ailleurs chauffés à blanc et s’engagent déjà sur le terrain de la « guerre psychologique » … à coups de poing ! Ne supportant pas les slogans d’une manifestation pour la paix en Algérie, plusieurs en viennent aux mains avec les manifestants…
Avant même d’arriver en Algérie, ils sont déjà convaincus que la guerre ne se gagne pas qu’avec des armes !
Les fantassins de la «Bugeaud» arrivent en Algérie
En quittant les Garrigues, les biffins de la Bugeaud se rendent au port de Marseille pour embarquer vers l’Algérie. Pour beaucoup, c’est la première fois qu’ils prennent le bateau. La traversée de la Méditerranée se fait à bord du Ville d’Alger le 28 novembre 1960.
Quelques-uns, dont Philippe Rondot et Philippe Debas, font une dernière fois la fête avant l’arrivée à Philippeville, dans l’est de l’Algérie. Les petits cos, accueillis sur le port par une musique de parachutistes, vont effectuer la dernière étape de leur formation avant d’aller combattre. Ils sont conduits en camion au village de Jeanne-d ‘Arc, dix kilomètres plus à l’est. Avant de choisir et de rejoindre leurs unités respectives, ils passent donc quelques semaines de stage au Centre de perfectionnement des cadres de l’infanterie.
Même si le centre a changé de nom et d’objectifs, dans l’esprit des jeunes officiers subalternes qui y passent fin 1960, il s’agit toujours de « l’école Bigeard ». Logés aux camps Péhau et Morillon, ils y côtoient des régiments de parachutistes. Leur entraînement devient plus intensif et plus concret. Les armes tirent désormais à balles réelles. Les opérations se font grandeur nature. Les biffins font de courts séjours auprès d’unités engagées sur le terrain, effectuent des sauts en parachute. Un des leurs, Jean-Pierre Henry, meurt accidentellement lorsque son GMC tombe dans un ravin. C’est le premier mort de la Bugeaud en Algérie, il y en aura d’autres jusqu’en 1962.
À la fin du stage à Jeanne-d ‘Arc, les biffins doivent choisir leur affectation en fonction de leur classement. Beaucoup rêvent d’intégrer les corps d’élite que sont les troupes aéroportées ou la Légion étrangère.
Mais peu de temps avant l’amphi-corps, une décision tombe : « Les officiers-élèves de la promotion Maréchal Bugeaud choisiront leur corps d’affectation parmi les régiments d’infanterie actuellement stationnés dans les départements algériens à l’exclusion de ceux qui appartiennent aux Troupes aéroportées (TAP) et à la Légion étrangère . »
Même si la « Strasse » (les chefs) promet qu’une fois la guerre finie, cela pourra être rectifié, l’amertume est forte.
Décidément, rien n’est normal pour les fantassins de la Bugeaud ! Après avoir vu le report de leur stage d’application, ils doivent également repousser à plus tard leur intégration dans une troupe d’élite…
La déception est grande pour beaucoup, dont Philippe Rondot, qui se voyaient intégrer les paras. Ils seront nombreux, ce soir-là, à « noyer leur colère » dans les bars de Philippeville ! Les anciens copains de chambrée, Philippe Rondot, Philippe Debas et Christian Xuereb, qui connaît bien la région dont il est originaire, en profitent pour faire une virée de « décharge » …
Au moment de l’amphi-corps, les régiments de tirailleurs apparaissent comme une alternative intéressante pour les déçus. Beaucoup veulent intégrer le 7e RT (ancien régiment de tirailleurs algériens), le plus prestigieux, mais il y aura peu d’élus, dont Jacques Dewatre (classé 9e des fantassins).
Pour Philippe Rondot, ce sera finalement le 3e RT. Une fois fêté Noël à Jeanne-d ‘Arc, les sous-lieutenants rejoignent leur nouvelle unité à partir du 30 décembre 1960...
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Sujet: Re: Général Philippe RONDOT Sam Mar 04 2023, 19:27
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On avait mis les moyens pour le combat antiguérilla !
Le CIPCG centre d’instruction à la pacification et à la contre-guérilla
Le CEMJA (moins connu) centre d’entraînement des moniteurs de la Jeunesse d’Algérie
Le 1er juillet 1957, le centre d’entraînement des moniteurs de la Jeunesse d’Algérie (CEMJA) ouvrait à Issoire dans le département du Puy-de-Dôme, et un premier contingent de 286 stagiaires fraîchement sélectionnés arriva directement d’Algérie le 20 juillet.
(Femmes, armée et éducation dans la guerre d’Algérie)
https://books.openedition.org/pur/154622?lang=fr
Dernière édition par GOMER le Sam Mar 04 2023, 19:30, édité 1 fois
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Sujet: Re: Général Philippe RONDOT Sam Mar 04 2023, 19:29
Superbe post René, je vais finir la lecture ce week-end.
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Sujet: Re: Général Philippe RONDOT Sam Mar 04 2023, 19:33
81/06 a écrit:
Superbe post René, je vais finir la lecture ce week-end.