A UN CAMARADE
« Ceci n’a rien à voir avec mes articles habituels, c’est juste un hommage très personnel à un officier parachutiste, un homme libre, un type bien. Mais en cette période décadente, inquiétante, médiocre, vulgaire, rendre hommage a un Français dévoué à son pays, courageux, ou tout simplement normal, me semble parfaitement justifié… »
« J’avais un camarade. De meilleur il n’en est pas
Nous allions comme deux frères, marchant d’un même pas »
(Chant de marche de la Légion Etrangère).
Aujourd’hui, je ne vais pas écrire un de mes articles vachards habituels. Je ne vais pas fustiger la bande d’incompétents qui entoure Macron, le diktat des minorités, l’immigration-invasion, les va-t-en-guerre qui appellent à soutenir Zelensky pour complaire à ce vieux débris de Biden (au risque de déclencher un conflit nucléaire), le terrorisme écologique, les LGBT qui veulent nous imposer leurs déviances sexuelles, la dégringolade de la France dans le classement « Pisa », la disparition de notre industrie, la dégénérescence de ce pays qui fut jadis une grande nation, etc…
Oublions, le temps d’une journée, la médiocrité de notre époque décadente.
Non, aujourd’hui, je veux vous parler d’un ami, un camarade, un « presque frère ». Celui que j’appelais « Messire Mon Cousin », le colonel Bernard Jean, décédé il y a tout juste un an, victime de cette vacherie de Covid 19, dont, sans être le moins du monde complotiste, je reste persuadé qu’il s’agit d’une arme bactériologique fabriquée par l’homme à des fins génocidaires (1).
Aujourd’hui, un peu partout en France, nous serons quelques-uns à lever notre verre et à avoir une pensée pour celui qui fut un ami, un chef, un « vrai » patron ou un modèle, car Bernard Jean c’était le genre de personne qu’on admirait, qu’on respectait, qu’on enviait pour sa solidité morale et mentale. Caractère entier, fort en gueule au sens noble du terme, il était aussi le genre d’homme que détestent les tièdes, les lopes émasculées, les godillots serviles et les larbins zélés.
L’an dernier, juste après ses obsèques, j’écrivais ceci :
« Ce soir, je n’ai pas la tristesse pleurnicharde qui accompagne le panurgisme moutonnier des masses. Je n’aime pas les effusions bruyantes, les « marches blanches » avec bougies, peluches, et slogans niaiseux ou lénifiants. En perdant, petit à petit, la foi chrétienne, notre peuple a adopté des coutumes qui s’apparentent au culte vaudou. Je le déplore mais, hélas, je n’y puis rien.
Nous, qui nous voulons les défenseurs de l’ancienne France, les derniers des Mohicans, on nous a appris à nous tenir et à sauver les apparences avec un minimum de panache… et de pudeur.
Ce soir, en pensant à Bernard, je lèverai mon verre aux hommes libres ; à ceux qui, tout au long d’une vie, ont appris à ne pas lever le doigt mouillé de la prudence pour savoir d’où vient le vent ; à traverser les fleuves de la vie sans jamais se préoccuper du sens du courant ; à traiter les gens au pouvoir, les gens titrés, décorés, cravatés, de la même manière qu’on traite le vulgum pecus…
Je boirai aussi à ceux qui ont délibérément choisi de porter le béret rouge des parachutistes par idéal ; à ceux qui savent encore chanter (fort si besoin) « les Lansquenets », « Fanchon » ou « Etre et durer » à la fin d’agapes ou de beuveries en hommage à leurs camarades disparus… ».
Je suis moins bien placé que d’autres pour parler de la carrière de Bernard, je n’ai pas servi sous ses ordres. Il s’est engagé chez les paras à Bayonne en 1965 ou 1966, puis il a été sous-officier chez les Sapeurs-parachutistes au 17ème RGP (2), Dragon-parachutiste au 13ème RDP (3), puis, devenu officier, il a décroché sa Légion d’Honneur au Liban, à 27 ans.
Il sera ensuite moniteur de saut à l’ETAP (4), puis, plus tard, instructeur des « Chuteurs Ops » des Commandos de l’Air. Une brillante carrière, entrecoupée de nombreuses « Opex » (5) qui en feront l’un des officiers supérieurs les plus décorés de sa génération. Il était titulaire de TOUS les brevets parachutistes militaires français (plus deux ou trois brevets étrangers), deux fois blessés, il était Officier de la Légion d’Honneur et Commandeur de l’Ordre National du Mérite.
Il ne manquait pas une occasion de rappeler qu’il avait été sous-officier et en était fier.
Je me souviens d’une Assemblée Générale de l’UNP (6) où un quidam, jalousant sans doute l’impressionnante « bananeraie » de Bernard, m’avait déclaré : « Il aime les médailles, alors qu’il n’a même pas fait l’Algérie ». Je lui avais répondu : « Peut-être, mais il n’est pas allé les chercher, comme tant d’autres, le pantalon sur les talons et le tube de vaseline à la main. Lui c’est un para, un vrai. Pas le genre à faire six sauts par an pour maintenir sa solde à l’air. Il en totalise plus de 3 000 je crois ? »
Bernard a également été juge au tribunal militaire des pensions et conseiller municipal (ou maire adjoint ?) de Lagord où il résidait. Toute une vie au service de son pays.
Nous nous sommes connus il y a une quinzaine d’années, quand il a accepté la présidence de notre section de l’UNP. Nos premières discussions portaient sur les « voilures souples ».
Nous totalisions l’un et l’autre des monitorats – militaires pour lui, civils pour moi – et quelques milliers de sauts ou de vols. Nous nous autorisions donc, sans le moindre mépris, une certaine condescendance envers quelques spécimens de « rouleurs de mécanique » qui n’avaient été que des « colis largables » parachutés en ouverture automatique et qui en tiraient gloriole.
Par la suite, nous nous sommes trouvés des tas d’atomes crochus : l’histoire de nos guerres coloniales ; les romans de Jean Lartéguy ou Pierre Schoendoerffer ; la belle langue de Jean Raspail ou d’Hélie Denoix de Saint-Marc ; les maîtres du nationalisme français ; et nos champs de tradition ou… de Corps de Garde (que nous ne chantions jamais devant les chastes oreilles féminines).
Nous avions aussi la même admiration pour les beaux sabreurs de l’Empire : Antoine-Fortuné de Brack ou Antoine Charles Louis de Lasalle, celui qui disait « un hussard qui n’est pas mort à 30 ans est un jean-foutre » (7). Ajoutons à cela de fortes convergences politiques et/ou idéologiques…
Bernard, c’était l’archétype – presque caricatural – de l’homme d’action car, dans notre monde aseptisé, il y a deux sortes de gens : ceux qui vont faire les choses et ceux qui les font.
Je me souviens, par exemple, du 18 juin 2010, jour du décès du général « Bruno » Bigeard.
Des tas de politicards voulaient baptiser qui une rue, qui une place, qui un boulevard, du nom de Marcel Bigeard. Devant le tollé de la gauche – qui accusait à tort Bigeard d’avoir pratiqué la torture pendant la bataille d’Alger – la plupart d’entre eux faisaient machine arrière en serrant les dents, les fesses ou les deux. Bernard, de son côté, réussit à convaincre le maire de Lagord, Jean-François Douard. Il lança une souscription auprès des adhérents de l’UNP pour financer une stèle et, le 8 octobre 2011, nous étions 200 ou 300 paras, béret rouge sur la tête, lors de l’inauguration du rond-point Marcel Bigeard de Lagord. Une cérémonie qui avait une sacrée gueule !
Pour conclure, une anecdote qui me concerne. Fin 2009, lors d’un repas avec quelques amis, j’ai parlé à Bernard de l’ingratitude de l’UNP envers ceux qui lui consacraient du temps. Je lui ai dit :
« De 1987 à 1997, soit durant dix ans, j’ai été moniteur bénévole, directeur-technique puis président d’un para-club de l’UNP, et je n’ai jamais eu le moindre remerciement… ».
Un mois plus tard, je recevais un mail de Bernard m’annonçant que je serais décoré du mérite para, échelon bronze, lors de la prochaine Saint Michel à Paris. Ce n’est certes qu’un hochet, mais il m’a été remis, dans la cour des Invalides, par le général Christian Piquemal, président national de l’UNP à l’époque. C’est par de tels gestes que Bernard Jean avait su fédérer autour de lui une garde prétorienne solide et un noyau d’amitiés indéfectibles.
En 2018, Bernard et moi nous avons démissionné de l’UNP en même temps.
J’en étais adhérent depuis… 38 ans, lui depuis plus de 40, sauf erreur. Nous ne supportions pas que son nouveau président national ne trouve rien de choquant dans les propos de Macron qualifiant l’œuvre française en Algérie de « crime contre l’humanité », et qu’il aille faire repentance auprès de la veuve du traître Maurice Audin pour un crime (soi-disant) commis par les paras. C’était considérer nos anciens d’Algérie comme des criminels de guerre, nous ne pouvions le tolérer.
Dans quelques jours, le tribunal administratif, à la demande des ayatollahs de la « Libre pensée » vendéenne, va se prononcer pour ou contre (à mon humble avis, pour) l’enlèvement d’une statue de Saint-Michel aux Sables d’Olonne car sa seule présence offense leur athéisme militant.
Je me demande ce qu’en pense Bernard, vu de là-haut, du paradis des paras ?
Je vais terminer cet article par un extrait d’une lettre humoristique écrite par Bernard il y a quelques années pour convier ses amis à un repas bien arrosé, à l’occasion de son anniversaire.
« Le Royaume de France est, de par le fait de quelques monarques successifs issus de familles différentes, fort mal en point et à la limite de s’effondrer. Affaibli par l’occupation des Teutons qui ne laissèrent que ruines et désespoirs ; tiraillé entre les guerres des partis aux emblèmes curieux, les uns exhibant la Croix de Pologne dite de Lorraine, les autres, une faux courte et un martel, d’autres encore une rose sans que l’on sache s’ils tiennent pour un quelconque parti anglois.
Chacun bien sûr se nommant héritier légitime de Charles le fourbe, baron de Montcornet, sénéchal de Lorraine. Le pays a perdu ses lointaines possessions d’Asie, d’Afrique, puis de la Côte de Barbarie d’où nous venait l’huile de naphte qui fait fonctionner nos charriotes ferrées.
Ajoutez à cela, Messire, que les esclaves que nous avions achetés, ont été libérés par un officier, député de Martinique, qui a tout simplement oublié de les ramener chez eux et que, les chaines tombées, ils se vautrent dans les délices du pôle emploi, de l’aide médicale d’état et d’autres prébendes que vous et moi payons de nos deniers, sesterces, louis et maravédis. Se reproduisant comme des lapins et les rats, il y a fort à craindre qu’ils ne nous submergent si nous ne trouvons pas, comme en cette bonne ville de Hamm, un joueur de flute pour les conduire au fleuve, où ne sachant nager, ils se noieront prestement.
Savez vous, Messire, qu’il est désormais interdit de faire bastonner puis pendre les voleurs de gibier, que l’on ne peut plus castrer les esclaves évadés et repris, que l’on ne peut plus appeler un Noir un nègre malgré la source latine, que les Turcs, Maures, Sarrazins et Perses qui nous envahissent sont protégés par les lois de la Gueuse, et que leurs nombreux descendants sont aussi Français que vous ; que dire des Manouches, Roms, Gitans et Yémiches à qui on ne peut même plus ébouillanter la main qui a volé ! Ah, qu’il est loin le temps des forçats et des galères ! C’est grande pitié de voir en quel état est le Royaume de France. Las, Messire, las, ce n’est point notre monarque actuel qui va nous tirer de ces embuches. En d’autres temps, il y aurait eu fort à faire pour messieurs les bourreaux ; la question simple puis double pour commencer, l’estrapade, les fers ardents puis le soufre, peut être un bain dans l’huile fort bouillante, ensuite la roue bien sûr pour y être rompus de coups, l’écartèlement par quatre solides destriers, le démembrement par quelques coups de couteaux, et enfin, car il faut bien en terminer, la décollation du chef et la mise au bucher. Quel beau spectacle qui aurait esbaudi les gens de qualité et la populace ! Mais que voulez-vous, Messire, tout se perd en ce Royaume… ».
Bernard Jean, c’était cela aussi : un humour décapant, une grande culture et un amour du vieux français. Cette capacité à rire de tout qui cache, en réalité, la tristesse de voir disparaitre un monde qu’on a aimé, le désarroi de vivre la fin de notre civilisation.
J’ai fait mienne la citation de Chris Marker – qu’on attribue souvent à Victor Hugo, Oscar Wilde, Boris Vian, Paul Valéry, voire Winston Churchill – : « L’humour est la politesse du désespoir ».
Ce soir, « Messire Mon Cousin » beaucoup de vos amis lèveront leur verre et boiront – peut-être plus que de raison – en pensant à vous, à votre épouse Patricia, à vos enfants.
Et comme eux, je boirai à l’amitié, à la vie, à la mort.
Au revoir « Messire Mon Cousin » ; au revoir Bernard ; mes respects mon colonel.
Nous ne vous oublions pas ! In memoriam.
Éric de Verdelhan
26 Août 2022
N.B. : Veuillez me pardonner pour les initiales et sigles militaires mais cet article est lu aussi, est lu surtout, par mes amis majoritairement civils.
1)- Je ne sais pas, en revanche, si sa propagation est due à une erreur humaine ou une volonté délibérée. J’opterais plutôt pour la première hypothèse…
2)- 17ème RGP : Régiment du Génie Parachutiste.
3)- 13ème RDP : Régiment de Dragons Parachutistes.
4)- ETAP : Ecole des Troupes Aéro-Portées (aéroportées).
5)- Opex, pour Opération Extérieure.
6)- UNP : Union Nationale des Parachutistes.
7)- Il est mort à 34 ans à la bataille de Wagram, le 6 juillet 1809.