Commandoair40 Admin
Nombre de messages : 29167 Age : 78 Emploi : Français Radicalisé . Date d'inscription : 07/11/2014
| Sujet: Contes de la Légion étrangère . Mar Avr 30 2019, 15:06 | |
| Contes de la Légion étrangère
Aujourd’hui, partout où ils se trouvent, les hommes de la Légion étrangère fêtent la bataille de Camerone, qui eut lieu le 30 avril 1863 au Mexique et où soixante-deux soldats résistèrent jusqu’à la mort à l’assaut de deux mille soldats mexicains.
Un monument s’élève à cet endroit, et le « récit de Camerone » dit que dans toutes les garnisons, en ce moment, un officier dit par cœur devant la troupe rassemblée, « en passant devant ce monument, l’armée mexicaine présente les armes ».
Le sens de ce sacrifice n’est pas immédiatement perceptible.
Il ne s’agissait pas de prendre une crête ou de tenir un point stratégique, simplement d’acheminer une fraction de la solde mensuelle.
Les hommes composant le détachement avaient été groupés un peu par hasard.
L’officier qui les commandait, Danjou, dont chaque année le 30 avril un ancien légionnaire choisi parmi les plus héroïques conduit la main de bois en procession jusqu’au monument aux morts d’Aubagne, la célèbre « boule » rapportée de Sidi Bel Abbès, n’était pas un fier-à-bras, seulement un simple officier d’administration.
Mais la mission avait été donnée, si banale fût-elle, et, dit le code d’honneur :
« la mission est sacrée, et tu l’exécutes à tout prix, si nécessaire au péril de ta vie ».
Célébrant la mission, les légionnaires se confirment dans leur choix.
Mais quel est ce choix ?
Il en est autant que de légionnaires.
Il y a quelques années encore, ils signaient leur contrat dans la salle d’honneur du 1er étranger.
On voyait aux murs les portraits de leurs prédécesseurs les plus illustres, Nicolas de Staël, Cole Porter, Hans Hartung, Blaise Cendrars, le prince Aage de Danemark.
On n’y voyait pas les images des centaines de milliers d’hommes qui étaient venus là-bas, comme dit une chanson de la Légion « chercher l’oubli ».
Une étonnante photographie prise au Fort Saint-Jean en 1947 montre la moitié des candidats à l’engagement cachant leur visage dans leurs mains.
En 1991, au Cambodge, je lisais Valéry Larbaud près du feu.
Un légionnaire de la garde descendante s’est arrêté près de moi.
Il m’a demandé ce que je lisais puis, après un long silence, il m’a récité la dernière phrase de Fermina Marquez.
À la Légion, on n’interroge personne sur sa vie d’avant, et je suis resté silencieux.
Alors il a dit :
« Je vais répondre à la question que vous ne posez pas. J’étais professeur de lettres, j’avais une femme et des enfants. Je fais partie de ceux qui un jour sont descendus acheter des cigarettes au tabac du coin et qui ne sont jamais revenus. »
Dans notre société qui ne connaît pas plus le pardon que l’oubli, et dans un monde déchiré par les guerres et le malheur, la Légion reste pour beaucoup l’ultime refuge.
On peut s’y refaire une autre vie.
C’est pourquoi, alors même que ses cadres se proposent de réaliser l’idéal d’une troupe française dans sa puissante banalité, elle est, aussi, beaucoup plus que l’armée.
Je crois que chaque année, en regardant passer sur les Champs-Élysées « les hommes sans nom », les Français ne s’y trompent pas.
Hier un jeune homme venu de Bakhtiar, Afghanistan, s’est présenté au fort de Nogent.
Je l’appellerai Hachem.
Il était venu dans notre association pour les réfugiés parce qu’il avait entendu dire que plusieurs d’entre nous connaissaient la Légion étrangère.
La fondatrice de notre association, qui connaît en effet la Légion mieux que personne, l’a reçu, et comme il est d’usage, a entrepris de le décourager.
C’est un dur métier.
Il faut dire oui à tout jusqu’à ce que, après bien des années, on puisse enfin dire non.
Il faut se taire et obéir.
Il faut parfois creuser « d’ici jusqu’à minuit ».
Il la regardait d’un beau regard vert et tranquille et a répondu simplement :
« J’y suis prêt », et tous ceux qui étaient là se sont pris à l’aimer.
Alors elle lui a demandé pourquoi il voulait tant s’engager et il a répondu :
« Dehors, c’est trop difficile. »
Par dehors, il ne voulait pas dire « dans la rue ».
Il s’en fichait.
Il avait dormi dans la rue et n’en avait pas souffert.
Il voulait dire :
« dehors, hors de la Légion étrangère, là où il n’y a pas d’ordre, pas d’amitié, pas d’autorité, pas de dévouement. Dehors, là où on ne sait jamais ce que vaut un homme ».
Dans la mesure même où la Légion étrangère, ce « monastère des incroyants », est un asile, ces mots tout simples que Hachem a prononcés ce matin portent sur notre société inamicale et cynique une forme de condamnation.
Et chaque année à Camerone, c’est cela auquel les légionnaires pensent avec une émotion retenue.
Ils se souviennent de ce qu’ils ont espéré en franchissant la porte, en prononçant la phrase rituelle, « je désire m’engager à la Légion étrangère ».
De leur désir d’oubli et d’amitié, de leur recherche, fût-ce au prix des épreuves les plus dures, de cette liberté intérieure qu’on ne trouve que dans l’ordre.
Vive la Légion étrangère.
___________________________________ ____________________________________Sicut-Aquila « Je ne suis pas abattu, je n'ai pas perdu courage. La vie est en nous et non dans ce qui nous entoure. Être un homme et le demeurer toujours, Quelles que soient les circonstances, Ne pas faiblir, ne pas tomber, Voilà le véritable sens de la vie ». | |
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Invité Invité
| Sujet: Re: Contes de la Légion étrangère . Mar Avr 30 2019, 18:53 | |
| C'est si simplement écrit que s'en est formidable !!!!
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