Commandoair40 Admin
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| Sujet: L’INDOCHINE FRANÇAISE . Dans la tourmente (1940-1950) : De Gaulle l'Assassin (déja) Dim Mar 10 2019, 00:06 | |
| L’INDOCHINE FRANÇAISE
Dans la tourmente (1940-1950)
GARDER LA SOUVERAINETÉ DE LA FRANCE
L'amiral Decoux
L’AMIRAL Decoux, commandant des forces navales d’Extrême-Orient, fut investi par le Maréchal le 20 juillet 1940 des pouvoirs de Gouverneur général de l’Indochine. La situation était alors des moins confortables. L’Empire du Soleil levant aurait occupé sans état d’âme nos protectorats et colonies, si l’Amiral n’y avait mis obstacle en négociant un accord avec Tokyo, le 30 août 1940, par lequel le Japon s’engageait à respecter la souveraineté française et l’intégrité territoriale de l’Indochine, moyennant quelques compensations, somme toute assez légères.
L’arrêt des barbares nippons aux portes de l’Indochine est incompréhensible si l’on ne tient pas compte du sacrifice sauveur du maréchal Pétain en France. Un gaulliste, Claude de Boisanger, conseiller diplomatique du Gouverneur général dès novembre 1941, admet que « la tâche [de l’amiral Decoux] était de maintenir la souveraineté française sur l’Indochine et qu’il ne pouvait y parvenir qu’en demeurant ouvertement, publiquement fidèle au gouvernement du maréchal Pétain ». Cette fidélité était, aux yeux des Japonais, la garantie « de la neutralité du Gouvernement général dans la guerre du Pacifique ». Si l’amiral avait adopté un ton nettement plus réservé vis-à-vis de Vichy, plus mesuré vis-à-vis des Alliés et de la “ France libre ”, « les Japonais, le soupçonnant de mener un double jeu, n’auraient pas, devant la perspective d’une rupture, tergiversé pendant quatre ans » (On pouvait éviter la guerre d’Indochine, Souvenirs 1941-1945, Paris 1977, p. 34).
À Koh-Chang, la Royale a remporté sa seule victoire du 20e siècle.
La Péninsule indochinoise conserva pendant toute la durée de la guerre une paix relative. Et lorsque le Siam, l’actuelle Thaïlande, ambitionna de nous rafler quelque portion de territoire, la marine française s’offrit le luxe d’envoyer sa flotte par le fond. C’était à Koh-Chang, le 17 janvier 1941. (…)
Comment se faire le bouclier protecteur de 24 millions d’Indochinois et de 40 000 Européens, quand on ne dispose que d’une petite armée mal équipée, face à 90 000 soldats japonais aguerris et déterminés, sinon par des négociations ? L’amiral Decoux les mena avec une prudence et une détermination remarquables, dans l’allégeance au Maréchal, son chef légitime, reconnu comme tel par le monde entier. En agissant ainsi, jamais il ne perdit la face, ce qui est essentiel en Extrême-Orient, et conserva ce que les Indochinois appelaient “ le mandat du ciel ”. Perdre la face ou le mandat du ciel, c’eût été perdre toute légitimité.
UNE RÉVOLUTION NATIONALE ET COLONIALE
L’allégeance au gouvernement de Vichy ne fut pas seulement une nécessité diplomatique du moment. Elle exprimait l’adhésion de toute une communauté historique, Annamites et Européens liés par un même destin, à un programme d’unité et de civilisation, « pour qu’au jour de la défaite du Japon, la France ne perdît pas l’Indochine » (Grandjean, p. 70).
IndochineAu plan politique, l’amiral consolida l’unité de la Péninsule. Il créa la “ Fédération indochinoise ”, mettant l’accent sur le rôle fédérateur que la France avait à remplir entre les cinq États formant cette Fédération (Cochinchine, Annam, Tonkin, Laos, Cambodge), fortifiant les patriotismes locaux de façon à évincer tout “ nationalisme ” antifrançais. Les Français d’Indochine avaient en outre le devoir d’oublier leurs préférences personnelles pour opposer aux Japonais un bloc sans fissure. La Légion des anciens combattants était le signe de leur discipline, de leur cohésion.
L’amiral s’appliqua aussi à renouveler le système colonial. Il imposa l’égalité de traitement et de considération pour les fonctionnaires français et indochinois. De 1940 à 1944, le nombre des Vietnamiens occupant des emplois dans l’administration française passa du simple au double. Le climat des relations entre Français et Indochinois s’améliora singulièrement. Les Français étaient tenus à être exemplaires dans l’exercice de leurs fonctions. On écarta les fonctionnaires trop âgés, malhonnêtes ou incapables. On interdit les vexations comme l’emploi du mot “ indigène ”. C’est ainsi que la Garde indigène, composée d’autochtones chargés de la sécurité du territoire, devint la Garde Indochinoise.
Composée d’une vingtaine de milliers de gardes civils, encadrée par des officiers français et placée sous le commandement de l’amiral gouverneur, elle se montra très efficace, en particulier contre les communistes, les “ vietminhs ”, qui se comportaient en véritables barbares. (…)
L’amiral Decoux (photo Archives MEP) Dans sa Revue indochinoise, qui parut tous les mois, de 1940 à 1945, on retrouve les principes d’une vraie colonisation française, débarrassée de tout anticléricalisme, ouvertement favorable à l’Église catholique.
Oui, seule la politique coloniale du Maréchal, relayée par l’amiral Decoux, pouvait non seulement tenir tête à l’occupant japonais mais aussi venir à bout du péril communiste. Encore fallait-il pour cela « tenir bon » jusqu’à la victoire des Alliés, en restant unis contre les ennemis de l’extérieur et de l’intérieur.
LE CRIME GAULLISTE
Tous les historiens sérieux admettent que la politique suivie par l’amiral Decoux était de loin la plus réaliste. Or, cette politique n’était autre que celle du Maréchal. Preuve que c’était la seule efficace.
Dans sa paranoïa, de Gaulle refusa cette politique réaliste. « Il était essentiel, écrit-il dans ses Mémoires, que le conflit ne s’achevât pas sans que nous fussions, là aussi, devenus des belligérants. Si nous prenions part à la lutte, fût-elle près de son terme, le sang versé sur le sol de l’Indochine nous serait un titre imposant. » (…)
Comité Français de Libération Nationale d’Alger
À Alger, en 1943, le CFLN bâtit le mythe d’une guérilla de résistants qui, en Indochine, accueilleraient les Forces expéditionnaires françaises. 65 000 hommes dont 15 000, disait-on, seraient prêts dès l’automne 44, interviendraient dans le cadre d’un débarquement massif sur la Péninsule indochinoise, avec l’appui aérien de la 14e US Air Force basée à Kunming dans le Yunnan (Chine). La “ Résistance ” indochinoise devait appliquer le même schéma qu’en métropole : un Service Action pour collecter du renseignement et créer un climat d’insécurité sur les arrières de l’adversaire, par destructions, sabotages, coups de main, embuscades, à partir de zones refuge en Annam ou des régions montagneuses laotiennes et chinoises. Il fallut pour équiper nos apprentis “ résistants ” parachuter postes radio, armes, munitions, explosifs, mais aussi des instructeurs, opérateurs radio, cadres… La section Indochine FFL, forte de cinq cents hommes, basée à Ceylan sous les ordres du commandant de Langlade, en liaison avec les Britanniques de Calcutta, devait constituer le “ fer de lance de la Résistance en Asie ”. Voilà comment s’édifiait sur du sable le mythe d’une “ résistance indochinoise ”.
À partir du dernier trimestre 1944, les largages de matériel se multiplièrent. Au 4 mars 1945, ils s’élevaient à plus de deux cent vingt. Tout le monde était au courant, à commencer par les Japonais… Des résistants venus de l’extérieur tentèrent de rallier des militaires. Plusieurs se laissèrent prendre, en particulier des officiers de renseignements en poste à la frontière chinoise, qui communiquèrent des informations aux Alliés, en désobéissance formelle aux ordres de Decoux.
Les résistants déployèrent une active propagande dans le milieu civil, en particulier chez les lycéens et les étudiants. (…) Sur les deux mille volontaires, seulement trois cents s’engagèrent…
Des émissions en langue française de la BBC ou d’All India Radio exaltaient la résistance. (…) Cette même radio annonça l’imminence d’un débarquement US, ce qui acheva d’affoler les esprits.
MISES EN GARDE JUSTIFIÉES
Amiral Decoux en grande tenue
L’amiral Decoux, craignant la remise en cause du statu quo dont jouissait l’Indochine, sévit durement jusqu’à l’été 1944 contre les gaullistes qui furent poursuivis pour trahison, excitation à la désertion et atteinte à la sûreté de l’État. Mais, après le 25 août 1944, quand de Gaulle prit le pouvoir à Paris, l’amiral se vit contraint de faire une déclaration publique pour affirmer « sa volonté de maintenir, en toutes circonstances, l’état d’allégeance de la Fédération indochinoise à la France ». Façon discrète de reconnaître le nouveau gouvernement de la France sans éveiller les soupçons du Japon, contre lequel de Gaulle et sa “ France libre ” étaient entrés en guerre dès 1941.
Le 31 août, l’amiral Decoux, Roland de Margerie, notre chargé d’affaires à Pékin, et Henri Cosme, ambassadeur de France à Tokyo, adressaient au Gouvernement provisoire un télégramme, dit “ télégramme à trois ”, dans lequel ils rappelaient que l’Indochine n’était pas à reconquérir, la souveraineté française y étant respectée. Ils insistaient sur les graves périls que toute absence, même provisoire, d’autorité risquait de soulever, principalement au Tonkin, en cas d’immixtion chinoise. Ce télégramme ne reçut jamais de réponse. Mais le délégué du GPRF en Chine tenait les propos suivants : « Nous ne pouvons accepter la politique du Gouverneur général telle qu’elle est définie par le télégramme à trois. La conception toute vichyssoise suivant laquelle l’évacuation de l’Indochine pourra être négociée pacifiquement avec les Japonais est un mythe. D’ailleurs, même si elle ne l’était pas, étant donné les conditions dans lesquelles l’Union a été occupée, nous devons reconquérir son territoire sur l’ennemi […]. (…) »
De Gaulle, sans même prévenir Decoux, nomma le général Mordant délégué général du GPRF. Or, il était de notoriété publique que ce Mordant était un incapable. L’amiral Decoux, voulant éviter tout affaiblissement de l’autorité française face à l’ennemi, prit le parti de couvrir Mordant en le nommant inspecteur général des forces de terre, de mer et de l’air. Ces remaniements ne contribuèrent pas à apaiser les Japonais, qui devinrent de plus en plus nerveux.
LE COUP DE FORCE DU 9 MARS 1945
Le 9 mars 1945, à 21 heures 15, les Japonais déclenchaient un sauvage coup de force, qui abattit l’administration française en quelques heures. L’amiral gouverneur et son entourage furent emprisonnés ou consignés sur place. Du Nord au Sud, tous nos postes, casernes, services administratifs furent attaqués par surprise par 65 000 Nippons. La plupart de nos troupes ne purent tenir plus de vingt-quatre heures. Le fort Brière-de-l’Isle par exemple, près de Langson au Tonkin, se rendait le 10 mars. Le lendemain, ses défenseurs étaient attachés les uns aux autres par le poignet avec la drisse du pavillon, puis conduits sur les superstructures du fort, où ils furent sauvagement massacrés. Le général Lemonnier, commandant la place, fut décapité au sabre.
Général Alessandri
D’autres groupements réussirent à s’échapper dans la forêt, telle la brigade Alessandri, et tentèrent de résister en liaison avec le Vietminh, comme l’avait ordonné de Gaulle, mais l’attitude des communistes devenant rapidement hostile, ils n’eurent que la ressource de se réfugier en Chine après avoir été dépouillés et désarmés aux postes frontières, à la demande du commandement américain !
Sur les deux mille “ résistants ” civils, seules quelques dizaines participèrent aux combats. Les autres se débarrassèrent de leurs armes dans les quatre lacs d’Hanoï. « Il n’est pas surprenant que l’armée nippone ait écrasé l’armée d’Indochine, écrit Grandjean. Car c’est justement l’évidence de sa supériorité qui avait déterminé la politique indochinoise de la France depuis cinq ans. Tous les soldats étaient conscients de cette situation. Leurs chefs [pas tous ! ] ont cru naïvement qu’au jour du choc avec les Japonais, les Alliés allaient débarquer des troupes, en tout cas, écraser l’ennemi de leur supériorité aérienne. » La désillusion fut cruelle.
Pour la colonie française, ce fut tragique. Tout ce qui détenait une autorité, au Gouvernement général, dans l’administration, l’armée, la police, l’Église, fut arrêté, interné ou exécuté. Ce jour-là, les premiers martyrs de la guerre d’Indochine versèrent leur sang. Au Laos, Mgr Ange Gouin, un Breton, fut massacré avec tous les Français de Thakhek. À Langson, au Tonkin, Mgr Hedde était jeté en prison. Dans cette même ville, mère Marie de sainte Jeanne d’Arc, ses sœurs et d’autres femmes qui s’étaient réfugiées auprès d’elles, échappèrent au viol grâce à une protection miraculeuse de la Sainte Vierge. (…)
En 1947, l’état-major du Corps expéditionnaire français dressera le bilan des victimes du coup de force du 9 mars 1945 : 2 119 tués sur 12 000 militaires, soit 20 % de l’effectif engagé, sans compter les blessés, les réfugiés en Chine, les prisonniers des camps de la mort, ainsi que les centaines de civils qui tombèrent entre les mains de la féroce Kempetaï, la “ Gestapo japonaise ”.
De Gaulle pouvait être satisfait, le sang avait coulé en Indochine… et ne devait plus cesser.
LES VRAIS RESPONSABLES
Comment expliquer un tel revirement de la part de l’état-major impérial nippon ? Les travaux de deux universitaires japonais (cités par Grandjean, p. 240) permettent d’analyser les étapes de la décision japonaise :
1° De 1941 à 1944, les Japonais sont favorables au statu quo. Écartons l’interprétation primaire des gaullistes selon laquelle ce statu quo, servant les intérêts du Japon, trahissait par le fait même les intérêts français.
2° Le 14 septembre 1944, de Gaulle ayant pris le pouvoir à Paris le mois précédent, Tokyo continue à envisager le statu quo, mais à condition que les Français le respectent loyalement. Sinon, l’Indochine sera placée sous administration militaire nippone.
3° En décembre 44 et janvier 45, les Japonais sont défaits aux Philippines par les Américains. Dans le même temps, en Indochine, parachutages et messages radiophoniques s’intensifient ; enfin, le 12 janvier, quarante navires japonais sont détruits par l’aviation US, guidée par des officiers de renseignements ralliés à de Gaulle. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
4° Le 1er février 1945, la Conférence suprême, à Tokyo, décide le coup de force, pour le 9 mars suivant.
Il résulte de ce calendrier que l’état-major japonais n’a cru que très tardivement à l’éventualité d’un débarquement allié sur la Péninsule indochinoise. La thèse gaulliste selon laquelle c’est l’approche des Alliés qui a déclenché le coup de force est fausse. « Il suffit à un profane, écrit Grandjean, de regarder la carte du Pacifique pour comprendre que, maître des Philippines au début de 1945, Mac Arthur, commandant en chef des forces US dans le Pacifique, n’a que faire de diversions vers l’Ouest et qu’il ne peut que foncer, droit au Nord, sur le Japon pour y régler directement le sort de la guerre. On sait que, dans la réalité, c’est bien ce qu’il a fait, sans jamais penser à l’Indochine. » (p. 245)
Il a fallu toute l’agitation suscitée par de Gaulle en Indochine pour faire croire aux Japonais, de plus en plus fébriles, que les Américains allaient débarquer. En réalité, ni de Gaulle ni son gouvernement n’ont jamais rien su des intentions stratégiques des Alliés dans le Pacifique : dans quel secteur, chinois ou américain, avait été placée l’Indochine et, par conséquent, à qui il fallait s’adresser pour préparer un débarquement. Quand de Gaulle se rendit à Washington, en juillet 1944, il aurait cru déchoir en interrogeant sur ce point les Américains. On a donc fait des plans à Paris à partir d’une hypothèse fausse.
Si le sacrifice de nos soldats était tellement nécessaire pour les négociations futures, pourquoi la France ne fut-elle pas conviée à la Conférence de Potsdam en juillet 1945, où la question d’Extrême-Orient fut traitée par les trois “ grands ”, Staline, Truman et Churchill ?
L’entrevue que le général Sabattier, de retour d’Indochine, eut en juin 1945 avec de Gaulle est révélatrice de l’état d’esprit de ce dernier : « Le chef du GPRF fume cigarette sur cigarette. Il écoute le récit de ce qui s’est passé en Indochine sans manifester la moindre réaction […]. Demandant des détails sur les pogroms de l’agression du 9 mars, de Gaulle dit négligemment qu’il avait été prévenu de l’attaque. Sur le coup, Sabattier n’y prête pas attention. Mais, un peu plus tard, en vieil officier de renseignements qu’il est, il fera le recoupement : le 5 mars, les écoutes radio de l’état-major australien captent un message japonais annonçant l’attaque. L’attaché militaire français en Australie, le colonel Renucci, transmet aussitôt l’information à Paris, qui ne la retransmettra pas. Pourtant le général Juin dit avoir transmis le message “ à qui de droit ”. Ainsi de Gaulle savait !
] « Quand Sabattier s’étend sur les erreurs de la résistance en Indochine, le chef du GPRF l’invite en souriant d’un petit geste de la main à glisser sur ces “ détails ”. Il n’a pas un mot de gratitude pour les hommes qui ont combattu et souffert, ni pour ceux qui sont morts massacrés ou tués par les Nippons… » (cité par Pierre Quatrepoint, De Gaulle face à l’Indochine, Perrin, 2004, p. 57)
De Gaulle est coupable non seulement d’avoir excité les esprits pour imposer son mythe de la résistance, mais aussi d’avoir provoqué un sanglant coup de force, entraînant la mort de milliers d’hommes, et d’avoir ainsi fait le lit de la Révolution. Cela aurait dû suffire à le conduire en Haute Cour pour trahison et complot contre la sûreté de l’État et l’intégrité du territoire !
LE CONFLIT S’ENVENIME
De Gaulle, auquel la situation en Indochine échappait totalement, n’en resta malheureusement pas là. Le 24 mars 1945 à Paris, il lançait son projet d’Union française qui devait remplacer ce qui existait déjà sous le nom d’Empire français. Cette “ déclaration du 24 mars ” ne sera jamais remise en cause. Contradictoire dans les termes, – on ne peut d’un côté exalter le principe des “ libertés démocratiques ” et de l’autre maintenir l’autorité française –, elle ne fera qu’aggraver l’incapacité du régime à traiter de manière française la question coloniale.
De Gaulle était acquis à l’idée d’indépendance des peuples. Porté par le mythe de la “ Libération ”, il voulait s’en faire le guide éclairé. (…)
Hô Chi Minh ne s’y trompait pas. Le 3 septembre 1945, il déclarait à un gaulliste, François Missoffe : « Vous êtes les nouveaux Français, des Français qui nous comprennent, et puis vous êtes des gaullistes, et il y a eu Brazzaville. »
LE VIETMINH PREND LE POUVOIR
Qui était Hô Chi Minh ? Né en 1890 dans le Nord-Annam, de son vrai nom Nguyen Ai Quoc, cet ouvrier imprimeur avait appris les idées communistes en France. En 1941, poursuivi par la Sûreté, il créait en Chine une “ Ligue pour l’indépendance du Vietnam ”, Vietnam Doc Lap Dong Minh, en abrégé Vietminh, dont le programme était de chasser la France impérialiste et d’instaurer une démocratie de type stalinien.
Le parcours d’Hô Chi Minh
Après le 9 mars 1945, la France ayant perdu la face, l’Indochine se trouva tout à coup dégagée de toute tutelle française. Il y avait là une opportunité formidable pour le Vietminh. Les Japonais tentèrent de confier le pouvoir à Bao-Daï, l’empereur d’Annam, mais l’autorité de ce dernier sur son peuple était quasi nulle. Comprenant que le Japon capitulerait bientôt, Hô Chi Minh voulut imposer à ses compatriotes l’idée d’indépendance, par la persuasion ou par la terreur. Il fit récupérer les armes des Français pour équiper “ l’armée de salut national ” commandée par son lieutenant, Vô Nguyen Giap. Puis, se tournant vers les Américains, il se présenta comme le seul homme capable de réaliser l’unité de son pays. Très peu de gens comprirent sur le moment quels étaient les véritables desseins d’Hô Chi Minh. (…)
Au printemps 1945, Hô Chi Minh s’installa à Hanoï et proclama la fin de la période française. À ses côtés, grenouillaient des agents de l’OSS (Office of Strategic Service), le service de renseignements US. Roosevelt, qui appelait de ses vœux l’indépendance de l’Indochine, lui fournit des conseillers, des mitraillettes, des postes radio, moyens qu’il refusait dans le même temps à l’armée française ! Le Vietminh profitait aussi de l’aide nippone qui laissait s’instaurer le désordre, en fournissant aux rebelles les armes prises aux Français.
Hô Chi Minh et Giap en compagnie des agents américains de l’OSS, en juin 1945
Rusé, Hô Chi Minh fit même parvenir à Sainteny, délégué sur place par de Gaulle, un memorandum sur “ l’Indochine française future ”, préconisant l’élection d’un parlement et la constitution d’un cabinet dirigé jusqu’à l’indépendance par un gouverneur français.
Quand le Japon, mis à genoux par le bombardement d’Hiroshima et de Nagasaki, capitula le 14 août 1945, Hô Chi Minh comprit que l’heure était venue pour lui d’agir. Le 17 août, le Vietminh rassemblait vingt mille manifestants sur la place du théâtre d’Hanoï. Avec la complicité de la Kempetaï japonaise et des officiers américains, les chefs vietminhs apparaissaient au balcon, hissant le drapeau rouge à étoile d’or. En dix jours, ils s’emparèrent de tous les leviers de commande.
Le 2 septembre, jour de la commémoration des martyrs d’Annam, – Hô Chi Minh avait choisi cette date pour rallier les catholiques à sa cause –, le chef vietminh proclamait à Hanoï l’indépendance du Vietnam, avec, à ses côtés, toujours le même major Patti. (…)
L’ÉPURATION DES “ TRAÎTRES ”
Hô Chi Minh
L’épuration suivit de peu la “ libération ”. En Indochine, vietminhs et gaullistes rivalisèrent pour épurer leurs concitoyens. Hô Chi Minh, sans négliger les villes, agit surtout dans les “ communautés villageoises ”. Ordre fut donné d’éliminer les Indochinois francophiles et d’exterminer tous les notables des villages, coopérateurs irremplaçables des Français. Au cours de la seule année 1948, plus de douze mille assassinats furent ainsi perpétrés. Le 21 août 1949, les ondes viets félicitaient leurs soldats d’avoir supprimé 95 % des notables du pays ! Terrorisé, le reste de la population se rallia au Vietminh, tout en gardant le secret espoir que les Français se montreraient plus forts que les forts.
En septembre 1945, débarquaient à Saïgon des Français de Métropole. Ces “ nouveaux Français ”, hautains et intolérants, ignoraient tout du pays. Ils ne savaient pas mais, en débarquant, ils apprirent que la conférence de Potsdam, tenue au mois de juillet précédent, avait confié le désarmement des Japonais aux Britanniques au Sud et aux Chinois au Nord. Dans ces conditions, comment rétablir la souveraineté de la France sur l’Indochine ?
Autre difficulté majeure : pour ces “ résistants ” venus de France, explique Rodolphe-André Benon, lieutenant en Indochine de 1941 à 1946, « le problème indochinois s’identifie au concept métropolitain “ collaboration-résistance ” et s’interprète comme la lutte du peuple contre le fascisme et l’oppression. (…) Les représentants du peuple indochinois (…) ne peuvent qu’accueillir comme des frères les “ résistants ” venant de France pour les “ libérer ”. Tel est le raisonnement ! » Tel est le mensonge importé de métropole.
À Saïgon, le commissaire de la République Cédile laisse consignés dans leurs casernes les 5 000 soldats français, jugés trop vichystes. Mais, le 23 septembre 1945, il fait libérer les 1 200 criminels annamites arrêtés par la Sûreté, sous le gouvernement de l’amiral Decoux. La suite était prévisible : il y eut, dans la nuit du 24 au 25 septembre, un massacre atroce de 276 Français dans la cité-Héraud… La “ libération ”, c’est cela : la mise en liberté des criminels !
Dans ce climat épouvantable, les “ anciens Français ” n’attendaient qu’une chose : l’arrivée d’une armée qui remettrait de l’ordre. Elle débarqua enfin, commandée par le général Leclerc, accompagné de l’amiral Thierry d’Argenlieu, nommé Haut-Commissaire par le chef du gouvernement provisoire. De Gaulle avait déclaré : « Il faut faire du neuf. » D’Argenlieu et Leclerc appliquèrent la consigne à la lettre et épurèrent à tour de bras.
Le général Leclerc et l’amiral Thierry d’Argenlieu
Le lieutenant Benon en constata l’effet immédiat sur les populations : « (…) Les cadres et employés administratifs, les militaires autochtones qui ont servi loyalement sous le régime Decoux comprennent qu’on ne peut pas faire confiance à la France. Ils seront désormais sensibles à la propagande vietminh. » Voilà le beau travail des “ épurateurs ” !
Le renvoi honteux de l’amiral Decoux en Métropole fut considéré par la population indochinoise comme un désaveu de la confiance qu’elle lui avait témoignée. Après passage devant une commission d’épuration, des Français d’Indochine furent rapatriés, de façon souvent brutale et humiliante, par avions et bateaux entiers. Tous nos réseaux d’amitiés furent détruits ; nous n’avions plus de contacts avec la population, donc plus de renseignements pour identifier les terroristes. Hô Chi Minh pouvait agir sans difficulté. La cause militaire de notre échec à venir est dans cette épuration.
L’ÉGLISE SE RALLIE À HÔ CHI MINH
Hô Chi Minh tenta de tuer l’âme de la Chrétienté indochinoise en jouant un double jeu. Officiellement, c’était la politique de la main tendue, mais les consignes données à ses agents de propagande étaient claires :
« L’ennemi numéro 1 du communisme, c’est le christianisme ; mais il faut faire preuve de beaucoup d’adresse. D’abord, séparer les missionnaires étrangers du clergé vietnamien, ce n’est pas difficile : colonialisme, espionnage. Il faudra ensuite séparer les chrétiens du clergé vietnamien, en représentant ce dernier comme l’agent de l’étranger. Enfin, assimilation des chrétiens, ce qui sera alors tout simple. »
On vit le drapeau rouge flotter sur les tours de la cathédrale d’Hanoï. Dans certaines églises, on enleva les statues des “ saints français ” : sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, sainte Jeanne d’Arc… Toutes les vieilles calomnies du temps des persécutions ressortirent perfidement. Les églises furent détruites, des hosties répandues à terre et souillées, des crucifix percés de flèches, des religieuses chassées de leurs écoles ou de leurs hôpitaux, avec interdiction de porter l’habit religieux…
À Nam Dinh, le Père Vacquier vit ses collaborateurs se retourner haineusement contre lui. Comme il avait été aumônier d’un régiment de tirailleurs tonkinois, on l’accusa d’avoir fait « de la politique »; on parla de « déportation » à propos des coolies déplacés avec leurs familles. Il fut arrêté en septembre 1945, et disparut. On ne retrouva que son bréviaire, où il avait souligné la phrase de saint Paul aux Colossiens : « Souvenez-vous de mes chaînes… »
À Saïgon, Mgr Cassaigne dut affronter lui aussi la Kempetaï, la terrible police japonaise, puis le Vietminh. Sa tête fut mise à prix, une première fois 5 000 piastres, quelques jours plus tard 20 000 : « Les enchères montent », remarquait-il en souriant, sans rien changer à ses habitudes. Plusieurs de ses collaborateurs furent assassinés, dont le vicaire de la cathédrale de Saïgon, le Père Tricoire.
Mgr Cassaigne , entouré de ses anciens Montagnards en 1941
Mais le plus douloureux pour Mgr Cassaigne fut de voir certains membres du clergé vietnamien et de nombreux dirigeants d’Action catholique profiter du désordre politique pour prendre avec passion le parti de l’indépendance et soutenir le Vietminh ! Les jeunes gens s’engageaient dans les rangs du Vietminh, au seul mot magique de Dôc lâp, indépendance ! Un groupe de prêtres se réunit même autour d’Hô Chi Minh, avec la caution de l’inquiétant évêque de Phat-Diem, Mgr Lê Hüu Tü, qui se prenait pour le saint Remi des temps nouveaux « passant aux barbares », l’évêque fondateur d’un Vietnam « débarrassé du joug des affreux Français colonialistes ».
Cette déplorable désorientation des esprits, qui divisait les Chrétientés du Tonkin, d’Annam et de Cochinchine, était le fruit empoisonné du nouvel esprit missionnaire imposé par Benoît XV et de l’Action catholique de Pie XI, qui avaient voulu dissocier, à l’encontre de la tradition séculaire de l’Église, mission et colonisation. Pie XII lui-même suivait la doctrine de ses immédiats prédécesseurs. (…)
À ce stade de la guerre, qui n’est pas encore officiellement déclarée, mais que Hô Chi Minh est décidé à mener, le chef vietminh a moralement vaincu la France car les piliers de la Chrétienté d’Indochine sont sapés : plus d’administration coloniale traditionnelle mais des “ nouveaux Français ” acquis à la libération des peuples, plus de missionnaires français pour rappeler les intérêts et la doctrine de l’Église mais un clergé autochtone qui aspire à l’indépendance nationale.
RECONNAISSANCE DE LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU VIETNAM
À Paris, le drame indochinois était loin d’être la préoccupation essentielle du gouvernement. Le 20 janvier 1946, de Gaulle démissionnait à l’occasion d’une dispute autour de la Constitution et livrait ainsi la France au tripartisme, le parti communiste étant majoritaire.
Thierry d’Argenlieu, ne recevant aucune instruction du gouvernement, resta alors figé sur la Déclaration du 24 mars prescrivant l’Union française. Pendant ce temps, Leclerc enrageait de ne pouvoir aller de l’avant, afin de libérer Hanoï et d’en finir avec cette Indochine qu’il n’aimait pas. Profitant d’une absence de son rival, il signa en février 1946 de sa propre initiative un accord avec l’armée chinoise. Puis, estimant qu’il ne pourrait débarquer au Tonkin qu’avec l’assentiment d’Hô Chi Minh, il le prit comme “ interlocuteur valable ” et conclut avec lui le 6 mars un nouvel accord : en échange d’un débarquement de nos troupes à Haïphong, la France reconnaissait la “ République démocratique du Vietnam ” et promettait de se retirer dans les cinq ans !
Ce jour-là, Hô Chi Minh avait atteint l’un de ses principaux objectifs : la reconnaissance officielle de son propre gouvernement par la France républicaine, ce qu’aucun pays jusqu’alors n’avait encore fait, même pas l’urss. C’était la légitimation a posteriori de sa révolte.
À son retour, d’Argenlieu voulut orienter cet accord insensé dans la ligne de la “ Déclaration du 24 mars ”. Il offrit le 25 mars à Hô Chi Minh une entrevue sur le croiseur Émile-Bertin en baie d’Along. Après avoir quitté son hôte, le chef du Vietminh confiait en aparté à Leclerc : « Il a essayé de m’avoir, je l’aurai ! » Comprenant qu’il lui fallait agir maintenant depuis Paris, celui qu’on appelait “ l’oncle Hô ” accepta l’invitation de son vieil ami Marius Moutet, ministre socialiste de la France d’Outre-Mer et vieux militant anticolonial ( !), afin de négocier directement avec le gouvernement français.
Reçu en France avec tous les honneurs en juin 1946, il surveilla de près les travaux de la conférence réunie à Fontainebleau pour régler la question de l’Indochine. Nos missionnaires s’indignaient d’une telle confiance accordée au chef communiste. (…)
La conférence de Fontainebleau fut un échec, bien que Moutet réussît à faire signer par le chef du Vietminh un modus vivendi qui laissait à ce dernier un certain répit. En Indochine, les plus lucides s’attendaient au pire. Le 19 décembre 1946, à 20 heures, Hanoï fut brusquement plongée dans l’obscurité. Bientôt, on entendit le crépitement des armes et des cris de personnes qu’on égorge. Cette nuit sanglante marquait le début officiel de la guerre d’Indochine…
L’INCAPACITÉ DU RÉGIME
Grâce à l’armée française, le Vietminh échoua à prendre le pouvoir en décembre 1946, et se dispersa alors dans tout le pays, principalement dans les campagnes. Le Delta du Tonkin, correspondant au triangle Hanoï-Haïphong-Nam Dinh, était pour lui une source inépuisable de recrutement en hommes et d’approvisionnement en riz. C’était là aussi qu’étaient regroupées les missions catholiques les plus florissantes d’Indochine. Par leur organisation et leur grande force morale, ces missions constituaient un fer de lance puissant contre le communisme, à condition que le clergé le veuille… Hô Chi Minh décida de s’attaquer en priorité à elles. Quand elles seraient ralliées ou anéanties, le terrain serait libre.
Le Père Seitz (1906-1984), surnommé le “ Don Bosco ” de la ville d’Hanoï, fonda en 1943 un centre d’accueil pour les enfants abandonnés qu’il plaça sous le patronage de sainte Thérèse. En 1945, les réquisitions japonaises et le blocus américain ayant provoqué une famine qui fit près de deux millions de victimes au Nord et au Centre Vietnam, les orphelins affluèrent par centaines à l’orphelinat du Père Seitz. Celui-ci révéla alors sa pleine mesure d’apôtre et d’organisateur. (…) Beaucoup de ces adolescents sans religion demandèrent le baptême. À plusieurs reprises, il fallut faire appel à l’Armée française pour protéger l’orphelinat (photo Archives MEP).
Les années 1947, 1948 et 1949 furent marquées par trois tentatives successives du commandement français pour prendre l’avantage sur le Vietminh. « Cette entreprise aurait pu être couronnée de succès,écrit le général Navarre ,si une ligne politique nette avait été suivie, si la stabilité et l’unité de commandement avaient été assurées, et surtout si des moyens militaires suffisants avaient été mis en œuvre d’entrée de jeu. Aucune de ces conditions ne fut remplie, car l’atmosphère politique française s’y opposait absolument. Juridiquement, nous n’étions pas en guerre et les communistes, qui avaient dès lors pris fait et cause pour le Vietminh, étaient un parti de gouvernement, auquel il ne fallait faire nulle peine. » (L’Agonie de l’Indochine, Plon, 1956, p. 17)
1947. Le général Valluy commande en chef : forte personnalité, proche de ses hommes dont il est très aimé, il fait partie des officiers débarqués avec Leclerc. Il comprend dès les premiers mois qu’il faut « frapper à la tête », c’est-à-dire abattre Hô Chi Minh sans rien lui concéder. Il donne donc l’ordre à Salan, commandant les forces du Tonkin et excellent connaisseur du pays, de préparer un plan pour le mois d’octobre. Salan propose d’encercler les unités vietminh basées dans les montagnes du nord-est tonkinois et de les réduire en lançant sur elles des troupes aéroportées.
Bollaërt, nouveau Haut-Commissaire, approuve ce plan, mais ce radical-socialiste inclinerait plutôt à négocier avec Hô Chi Minh. Sans même en informer Valluy, il se prépare à faire au Vietminh une proposition officielle d’indépendance ! Averti à temps, le commandant en chef prend l’avion pour Paris, afin d’en référer au nouveau président de la République, Vincent Auriol. Comme d’habitude, une demi-mesure est adoptée par l’État : Bollaërt pourra prononcer son discours, dans lequel il invitera « toutes les familles politiques, spirituelles et sociales » à conclure une trêve et à s’entendre pour la construction d’un nouveau Vietnam ; de leur côté, les militaires pourront monter leurs opérations, mais, dans le même temps « le gouvernement diminuait son effort militaire et ne proposait plus aucun objectif stratégique au corps expéditionnaire » (général Y. Gras, Histoire de la guerre d’Indochine, Plon, 1979, p. 213).
Le résultat de ces opérations fut décevant. Hô Chi Minh réussit à se glisser hors du dispositif. C’était la première occasion perdue pour l’armée française.
1948. En remplacement de Valluy et de Salan, désavoués pour s’être plaints au gouvernement du manque d’effectifs, le général Blaizot est nommé commandant en chef. Comme ses prédécesseurs, il considère que le nœud du problème se trouve au Tonkin.
Une nouvelle opération est conçue, qui consiste à s’étendre vers l’ouest et au sud-ouest du Delta, de façon à couper les liaisons que le Vietminh entretient avec le sud du pays. Mais, à la veille du déclenchement des opérations, Bollaërt rentrant à Paris au terme de son mandat déclare au président Auriol : « Notre situation est excellente. Nous touchons au but si Bao-Daï rentre. » Cette vantardise a pour conséquence que le lendemain même, Ramadier, ministre de la Défense, invite le commandant en chef à limiter les opérations, étant donné « notre excellente situation ».
Prétendre que la situation était excellente était un mensonge : ceux qui étaient sur place savaient que le Vietminh se montrait de jour en jour plus entreprenant. En conséquence de l’intervention ministérielle, les opérations “ Ondine ” et “ Pégase ” n’eurent aucune portée sur le Vietminh et se limitèrent à étendre notre contrôle sur le Delta. Deuxième occasion perdue de gagner la guerre.
1949. Pendant ce temps, l’ennemi a réorganisé ses troupes et adopté une stratégie de guerre longue : guérilla dans les campagnes, harcèlement de nos troupes réparties en petits postes isolés. D’autre part, le commandement français sait que le temps presse, car en Chine, Mao Tsé Toung va bientôt l’emporter sur le nationaliste Tchang Kaï Chek ; si le communiste l’emporte, c’est lamasse chinoise qui déferlera au secours du Vietminh. Dans cette perspective peu réjouissante, le général Blaizot monte une opération, qu’on pourrait dire “ de la dernière chance ”, pour le mois d’octobre 49.
Mais trois événements la font avorter.
LES SCANDALES DE LA RÉPUBLIQUE
Hô Chi Minh et Bao-Daï
En politique d’abord : après l’échec des négociations avec Hô Chi Minh en 1946, la France s’était tournée vers l’ex-empereur Bao-Daï. Les négociations avec lui furent laborieuses, car ses exigences relatives à l’indépendance n’étaient pas moindres que celles du Vietminh ! Bao-Daï consentit néanmoins, en avril 1949, à prendre la tête d’un “ État national du Vietnam ”, créé de toutes pièces, auquel nous reconnaissions la souveraineté politique et militaire, sans avoir cependant prononcé le mot d’indépendance. Toujours l’équivoque de l’ “ Union française ” imaginée par de Gaulle.
Pour mettre en œuvre cette politique, Auriol nomma au poste de Haut-Commissaire Léon Pignon, qui avait été le promoteur de la solution Bao-Daï dans l’entourage de Thierry d’Argenlieu. Pignon voulait offrir à Bao-Daï une Cochinchine pacifiée ; il donna l’ordre au général Blaizot de reporter son effort militaire dans le Sud.
Plus grave : on avait calculé que Mao ne l’emporterait qu’à la fin de l’année 49. Or, le 23 janvier 1949, Pékin tombait entre les mains des communistes qui, à marche forcée, foncèrent vers le Sud. On pouvait craindre désormais que la victoire de Mao ne galvanisât le Vietminh et lui permît de se former et de s’équiper sur le territoire chinois tout proche.
Enfin, une mission d’inspection fut confiée au général Revers, chef d’état-major des armées, en vue d’une réorganisation de notre dispositif. Dans son rapport, Revers estimait que pour redresser la situation, il fallait reporter tout notre effort sur le Tonkin, mais en abandonnant la Haute Région (Cao-Bang, la RC 4), et en appuyant notre dispositif de défense sur le Delta.
Ce rapport, reproduit en quelques exemplaires, aurait dû rester confidentiel. Or, voici qu’à Lyon, on découvrit dans la serviette d’un vietnamien le rapport du chef d’état-major général. Le scandale fut énorme. Ce fut le début de ce qu’on appela l’ “ affaire des généraux ”, ou “ affaire des fuites ”. Une enquête pleine de rebondissements révéla que Revers avait confié un exemplaire de son rapport “ confidentiel ” à son ami le général Mast, ancien comploteur à Alger en novembre 1942 contre Vichy, lequel l’avait remis à un certain Peyré, trafiquant louche et franc-maçon notoire. Ce Peyré l’avait ensuite vendu à un Vietnamien en relation avec le délégué d’Hô Chi Minh à Paris.
En toile de fond de toutes ces négligences et corruptions, il y avait l’argent. Depuis 1945, année de la surévaluation de la piastre par de Gaulle, – on se demande pour quelle raison –, Saïgon était devenue une sorte de no man’s land financier. Petits malfrats et grands capitalistes français, américains, britanniques, et bien sûr vietminhs, y faisaient des affaires colossales : près de 250 % de plus-value sur les transactions ! Il est inutile de s’étendre sur ces scandales, mais les conséquences étaient là : Hô Chi Minh savait exactement ce que le commandement français envisageait pour la fin de l’année 1949 et pour 1950.
SUBVERSION DE L’OPINION FRANÇAISE
(…) Les journaux communistes menaient le bal et influençaient les autres : socialistes, démocrates-chrétiens ou gaullistes. (…) Les Français cessaient d’être effrayés par un communisme qu’ils avaient pris l’habitude de côtoyer. Conséquence : nos soldats étaient systématiquement diffamés. L’Humanité rendait compte des “ victoires ” de l’armée démocratique du Vietnam. (…)
Un certain Tran Noc Danh avait lancé la Revue du Vietnam, sorte de journal officiel du Vietminh, envoyé à tous les parlementaires et diffusé dans le monde entier, qui tenait ses lecteurs informés des défaites de la France, jamais de ses succès, ainsi que de l’évolution de l’opinion française en faveur de la paix.
Témoignage chrétien n’était pas en reste. (…) Après les campagnes de presse, les communistes français en vinrent aux insultes directes, aux attaques de trains de blessés revenant d’Indochine et à des actes caractérisés de sabotage. (…)
Un jour, au cours d’une perquisition, on découvrit des documents mettant gravement en cause des députés communistes, Duclos en particulier, qui avaient donné comme mot d’ordre : « Travailler pour la défaite de l’armée française au Vietnam, en Corée et en Tunisie. » Pleven, alors ministre de la Défense nationale, demanda à l’Assemblée la levée de l’immunité parlementaire de ces députés, pour participation au crime de démoralisation de l’armée et de la nation prévu par l’article 79 du code pénal. Mais la Chambre entière, tous partis confondus et solidaires, refusa la levée de l’immunité.
L’ÂME DES DÉFENSEURS
Philippe Le Pivain, sergent au 9e tabor marocain (trois citations en Indochine). « Vous savez combien je déplore cette absence de foi qui nous assure à plus ou moins longue échéance une royale défaite. » (Photo familiale)
Des livres ont été écrits sur cette trahison de l’arrière. Dans l’un d’eux, “ Soldats de la boue ”, Roger Delpey écrit : « Il faut posséder une âme de fer pour ne pas renier une patrie qui sacrifie ses enfants après les avoir laissé insulter. Et pourtant, si la France survit demain au-delà des mers, ce sera grâce encore à une poignée de défenseurs… »
Le sergent Yves Gignac, futur président des anciens sous-officiers d’Indochine, a décrit l’âme de ces défenseurs d’empire : « On ne dira jamais assez quelle fut la pauvreté, pire, la grande misère du corps expéditionnaire. On est bien loin du mercenaire et du trafic des piastres !… Cette armée de chevaliers a tenu. Mieux encore, elle a tenté l’impossible. En effet, très rapidement après les opérations de dégagement du début, on s’aperçut qu’il fallait non seulement tenir le terrain, mais conquérir la population. Ce fut toute la longue histoire de la “ pacification ” […]. Alors, là, se produit un autre miracle. Ce jeune soldat va tout naturellement retrouver la grande tradition de la France coloniale. Dans cette guerre de pacification où la conquête des âmes est plus importante que celle du terrain, le rôle du poste est essentiel. Car, par son action en profondeur, c’est lui qui doit nous rallier les villageois et, en renforçant notre influence, priver les rebelles de leur soutien naturel. C’est dans ce rôle tutélaire que nos garçons de vingt ans font des merveilles. Seuls, livrés à eux-mêmes, ils retrouvent la grandeur de leur mission et l’exercent avec un amour et une compréhension qui, le plus souvent, manquent à ceux qui dirigent la guerre. » (…)
EN PREMIÈRE LIGNE
La présence des aumôniers et des missionnaires donnait à tous ces sacrifices de nos soldats leur sens véritable. C’est leur œuvre qu’Hô Chi Minh voulait anéantir. Partout où elles passaient, ses bandes persécutaient les chrétiens, calomniaient, arrêtaient ou tuaient les missionnaires, les catéchistes. La plupart des missions gravirent un dur calvaire. (…)
Ne se trouvait-il donc personne dans le clergé de France pour soutenir ces défenseurs de Chrétienté ? Si ! il y en avait un. L’abbé Georges de Nantes… (…)
Ce combat était avant tout celui de la Sainte Vierge, qui monta “ en ligne ” elle aussi, au cours de l’été 1950. Débarquée à Haïphong le 9 juillet, la statue de Notre-Dame de Fatima, Reine de la Paix, « Nu Vuong Hoa Binh » en vietnamien, parcourut tout le Delta, avant d’arriver le 15 août à Hanoï, où une procession fut organisée en son honneur. Dans la foule qui se pressait sur son passage, il n’y avait pas que des catholiques, mais on voyait aussi beaucoup de païens, attirés par les fastes de la cérémonie. Bien des membres du Corps expéditionnaire, militaires de tous grades, étaient disséminés dans la foule, les uns stupéfaits, les autres enthousiasmés de se retrouver en Chrétienté à des milliers de kilomètres de la mère patrie. Beaucoup d’entre eux découvraient ce jour-là cette jeune Église, œuvre des missionnaires, leurs compatriotes. (…)
Source : http://crc-resurrection.org/ ___________________________________ ____________________________________Sicut-Aquila « Je ne suis pas abattu, je n'ai pas perdu courage. La vie est en nous et non dans ce qui nous entoure. Être un homme et le demeurer toujours, Quelles que soient les circonstances, Ne pas faiblir, ne pas tomber, Voilà le véritable sens de la vie ». | |
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