Lors de l’examen du budget de la mission « Défense » par les députés de la commission des Finances, le 26 octobre, un amendement défendu par Danièle Obono [France Insoumise] proposait de couper les crédits alloués à la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire, cette dernière ne devant alors reposer que sur les quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins [SNLE] de la Marine nationale.
Or, cette composante aéroportée de la dissuasion donne aux autorités politiques de montrer leur détermination face à un adversaire éventuel (principe de la riposte graduée) et permet de se prémunir contre une possible avancée technologique en matière de détection sous-marine. D’où le rejet de l’amendement de Mme Obono par ses pairs de la commission des Finances.
Cela étant, avec l’apport de l’intelligence artifielle et du traitement massif ds données [big data] ainsi que l’arrivée de nouveaux sonars, les technologies de lutte anti-sous-marine ne cessent de progresser.
Ainsi, par exemple, Thales a mis au point le système « BlueScan ». Devant équiper les futures frégates de taille intermédiaire [FTI], cette solution, basée sur l’intelligence artificielle et le big data, devrait « décupler les capacités de détection acoustiques » et aider « les opérateurs à prendre la meilleure décision en temps réel dans chacune de leurs missions décisives », promet l’électronicien français.
D’autres moyens de détection sont à l’étude. En 2014, il fut avancé qu’un sous-marin nucléaire pouvait être repéré grâce à l’émission, par leur chaufferie, de particules élémentaires appelées neutrinos/antineutrinos. Cela étant, en l’état actuel de la technique, cette possibilité n’est que théorique, les moyens nécessaires pour détecter de telles particules étant hors de portée pour une utilisation opérationnelle.
À l’époque, Laurent Collet-Billon, alors Délégué général pour l’armement, estima que le recours à une telle technologie était « peu envisageable ». En revanche, avait-il ajouté, « il sera sans doute aussi possible, à terme, de détecter depuis l’espace le fouillis de surface provoqué par le déplacement d’un sous-marin navigant même à très faible vitesse et à grande profondeur, alors que le phénomène est quasiment indécelable aujourd’hui. »
Détecter des sous-marins depuis l’espace? C’est exactement l’objectif du projet chinois « Guanlan » [qui signifie « observer les grandes vagues »]. La révélation de ce projet, le mois dernier, est passée relativement inaperçue. Sauf pour Emmanuel Chiva, le directeur de l’Agence de l’innovation de défense, qui en a fait un analyse sur son blog.
Ainsi, ce projet Guanlan, qui mobilise pas moins d’une vingtaine d’universités et d’instituts de recherche sous l’égide du laboratoire pour les sciences et les technologies mariens de Qingdao, vise à doter un satellite d’un LIDAR [Laser Imaging Detection And Ranging] et un radar micro-ondes afin de pouvoir détecter des objets sous-marins jusqu’à 500 mètres de profondeur.
Système composé d’un émetteur laser, d’un récepteur optique, d’un photodétecteur qui transforme la lumière en signal électrique et de moyens électroniques de traitement du signal, le LIDAR utilise de la lumière (du spectre visible, infrarouge ou ultraviolet) pour détecter des objets. D’où son usage pour la détection de sites archéologiques enfouis sous la végétation, la reconstruction 3D d’environnements ou la télémétrie.
Reste à savoir où pointer ce LIDAR. D’où le radar micro-ondes, qui va détecter les perturbations de la surface de l’eau et permettre ainsi à définir une zone de recherche. Cependant, cette approche a quelques limites, comme par exemple les conditions météorologiques (nuages).
« Les LIDAR peuvent être diffractés, notamment lorsqu’ils traversent des milieux de températures ou de salinité différents – les expérimentations réalisés par les États-Unis ou la Russie n’ont pas été concluants au-delà de 200 m de fond », souligne Emmanuel Chiva, qui se veut très prudent sur la mise au point d’une telle technologie. Et il n’est pas le seul.
Interrogé par le quotidien South China Morning Post, un chercheur de l’Institut d’optique et de mécanique de Shanghai ayant tenu à garder l’anonymat a parlé de « mission impossible ». Les scientifiques impliqués dans ce projet « ne seront pas en mesure de sortir de l’obscurité gardée par Mère Nature, à moins, bien sûr, qu’ils ne soient comme Tom Cruise, dotés d’armes secrètes », a-t-il dit.
Cela étant, un membre des équipes scientifiques associées au projet Guanlan a expliqué au même journal que si les autorités chinoises avaient accepté de financer ces recherches, c’est parce qu’elles reposaient sur une « approche novatrice qui n’a pas encore été essayée ».
Un autre chercheur impliqué dans ce programme, Zhang Tinglu, a affirmé que la « cible principale » du satellite serait la « thermocline », c’est à dire la couche entre les eaux de surface (plus chaudes et oxygénées) et les eaux profondes (plus froides, anoxiques et plus salées). Là, les commandants de sous-marins savent que la détection acoustique y est plus difficile… Sauf pour un faisceau laser.
Autre chercheur galement impliqué dans ce projet, Song Xiaoquan, a expliqué qu’il s’agissait de « rendre la couche supérieure de la mer plus ou moins transparente ». Et d’ajouter : « Parfois, il peut ne pas y avoir suffisamment de lumière pour atteindre 500 mètres et revenir, mais nous pouvons toujours essayer de déterminer ce qui se trouve là-bas en prenant une mesure indirecte à une profondeur inférieure. » En attendant, un tel système est loin de devenir opérationnel. « Il y a encore beaucoup de problèmes que nous devons résoudre », a-t-il admis.
Illutration : South China Morning Post