Dans son huitième rapport, publié en 2014, le Haut Comité d’Évaluation de la Condition Militaire [HCEM] avait souligné que « les ruptures de stocks dans la chaîne ‘habillement’ de permettaient pas à de nombreux militaires de renouveler certains effets de leur tenue de travail. » Et, quatre ans plus tard, c’est toujours le cas.
Ainsi, lors de l’audition du groupe Groupe de liaison du Conseil supérieur de la fonction militaire [CSFM] par la commission de la Défense, à l’Assemblée nationale, une commissaire principale du Service du Commissariat des Armées [SCA] a affirmé que « l’habillement est victime de nombreuses crises depuis une dizaine d’années », ce qui « cristallise le mécontentement des militaires. » Et d’ajouter : « Un militaire a besoin de son équipement, à la bonne taille et au bon moment pour réaliser sa mission. »
L’on savait effectivement qu’il y avait des soucis dans le domaine de l’habillement au sein des armées. Comme lors du lancement de l’opération interieure Sentinelle. « Certaines chaussures en dotation ne sont pas adaptées à la marche. Parce que les stocks sont parfois insuffisants dans les magasins d’habillement, des soldats peuvent être conduits à s’échanger des pantalons et des vestes de treillis pour être en tenue correcte au moment des patrouilles », avait relevé, en 2016, le HCECM.
Un an plus tôt [novembre 2015, nldr] il fut également évoqué une « crise de l’habillement » au sein de la Marine nationale, au point que le ministre de la Défense d’alors, Jean-Yves Le Drian, avait demandé l’élaboration d’un « plan d’urgence » pour y remédier au plus vite. Deux ans plus tard, le magazine « Cols Bleus » indiquait que cette « crise » n’était pas encore terminée. « Plus de 30% des articles livrés sont de qualité insuffisante, créant une pénurie inattendu », était-il écrit dans un article, qui évoquait aussi des difficultés pour les « chemises blanches » et les « tenues de protection de base » [TPB].
Pour autant, l’indice de satifaction dans le domaine de l’habillement s’élevait, en octobre 2016, à près de 50% chez les marins, contre plus de 60% chez leurs camarades de l’armée de Terre. Mais les chiffres donnés par le Centre interarmées de coordination du soutien [CICoS] montraient un fort mécontement chez les aviateurs, avec moins de 20% de « satisfaits ».
Visiblement, la crise de l’habillement au sein de l’armée de l’Air, qui, sauf erreur, n’a que très peu été évoquée par son chef d’état-major jusqu’à présent, est loin d’être terminée. Et le sujet a été mis sur la table lors l’audition des associations professionnelles nationales de militaires [APNM] par les députés.
« Prioritairement, sur les bases aériennes, les aviateurs veulent voir des améliorations dans le domaine de l’habillement. Trop de ruptures de stock et impossibilité de fournir un paquetage complet aux jeunes engagés sont monnaies courantes. Ce n’est pas acceptable et ça dure depuis le début de la réforme des soutiens. Ça cristallise le mécontentement. Ça pourrait être anecdotique mais ça ne l’est pas. La tenue, c’est important, y compris dans l’armée de l’Air », a affirmé le capitaine « Lionel », président de l’APNM « Air ».
« Les ruptures de l’armée de l’air s’expliquent par l’insuffisance des crédits 2013, par l’émiettement des stocks et la liberté de gestion en local permise par le SIL [système d’information logistique] :
des ruptures peuvent intervenir dans certaines bases alors même que les articles demandés existent dans d’autres », avait expliqué le SCA, en mai 2014, au HCECM.
Pour le vice-président de l’APNM « Air », le major « Philippe », regrouper seulement la fonction « habillement » au sein d’un même organisme n’était pas suffisant, étant donné qu’il aurait fallu avant toute chose « harmoniser les méthodes de gestion au sein des différentes armées ». S’ajoutent également, selon lui, la « lourdeur des marchés publics » ainsi que les « problèmes de faillite de certains fournisseurs ».
Pour rappel, en 2010, il avait été question d’externaliser la fonction habillement. Finalement, cette idée fut écartée trois ans plus tard au profit d’une « régie rationalisée optimisée » [RRO], dotée d’un « système d’information logistique » supposé performant, afin de compenser la réduction des effectifs et de générer une cinquantaine de millions d’euros d’économies. Et, selon les promesses faites à l’époque, elle devait apporter une « réponse adaptée aux attentes légitimes des militaires en matière d’amélioration de la qualité de service » tout en permettant « le maintien de l’activité des PME-PMI françaises, partenaires traditionnels » des armées.
Photo : Armée de l’Air