Près d’une semaine après la perte d’un avion de renseignement Illouchine Il-20 « Coot » en Méditerranée orientale, due à un missile tiré par un système S-200 de la défense aérienne syrienne lors d’un raid israélien à Lattaquié, la Russie a pris des mesures susceptibles de compliquer les opérations d’Israël en Syrie, ainsi que celles de la coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis.
Pour Moscou, la responsabilité de la perte de l’Il-20 « Coot », avec 15 militaires à bord, revient à l’aviation israélienne, laquelle est accusée d’avoir utilisé l’avion russe comme « couverture radar », induisant ainsi en erreur la défense aérienne syrienne.
L’état-major israélien a contesté cette version en affirmant que ses chasseurs-bombardiers F-16 impliqués dans le raid n’était « plus dans la zone » quand le missile tiré par le système S-200 syrien a touché l’avion de renseignement russe. Une délégation israélienne a même fait le déplacement en Russie pour présenter à la partie russe les documents relatifs à l’opération menée à Lattaquié.
Visiblement, cela n’a guère convaincu à Moscou. Alors que le gouvernement israélien avait assuré, le 20 septembre, que le mécanisme de coordination établi avec les forces russes présentes en Syrie allait être « renforcé », le Kremlin a maintenu que la perte de l’Il-20 « Coot » était indirectement due à l’action des F-16 israéliens.
« La destruction de notre avion éclaireur a causé la mort de 15 de nos soldats. Selon les informations de nos experts militaires, les actes prémédités des pilotes israéliens sont en cause, ce qui ne peut que porter préjudice à nos relations » avec Israël, a ainsi déclaré Dmitri Peskov, le porte-parole de la présidence russe, ce 24 septembre.
« L’avion n’a pas été abattu par un missile israélien, Dieu merci. Néanmoins, la création de cette chaîne de coïncidences a été permise par les actes des pilotes israéliens », a insisté M. Peskov. « Les informations récupérées par nos experts militaires témoignent de cela avec éloquence », a-t-il ajouté.
Au même moment, le ministre russe de la Défense, Sergeï Choïgou, a annoncé des « mesures » visant à renforcer la sécurité de ses troupes en Syrie.
En premier lieu, le gouvernement russe a décidé de livrer des systèmes de défense aérienne S-300 à l’armée syrienne d’ici « deux semaines. » Ces derniers sont « capables d’intercepter des appareils sur une distance de plus de 250 kilomètres et peuvent frapper en même temps plusieurs cibles dans les airs », a souligné M. Choïgou.
La Syrie avait commandé de tels systèmes à la Russie en 2010. Mais ils ne furent jusqu’à présent pas livrés étant donné qu’Israël s’y opposait. Cependant, après l’opération Hamilton, menée en avril dernier par la France, les États-Unis et le Royaume-Uni, après l’attaque chimique de Douma, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, avait évoqué la livraison de ces batteries de défense aérienne S-300. Finalement, après une rencontre entre le président russe, Vladimir Poutine, et le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, il n’en fut plus question.
Mais, la « situation a changé », a fait valoir le ministre russe de al Défense. D’où l’annonce de la livraison de ces systèmes aux forces syriennes.
Reste que, quand M. Lavrov avait parlé de livrer les systèmes S-300 aux forces syriennes, en avril dernier, le ministre israélien de la Défense, Avigdor Lieberman, avait vivement réagi. « Si des systèmes d’armes russes sont utilisés contre nous en Syrie, nous agirons contre eux » et « si quelqu’un tire sur nos avions, nous allons les détruire », avait-il averti. Sans doute qu’il en fera de même après l’annonce de Moscou.
Mais la Russie veut aller au-delà de la seule livraison des systèmes S-300. « La navigation par satellite, les radars de bord et les systèmes de communication de l’aviation militaire attaquant des cibles sur le territoire syrien seront supprimées dans les zones adjacentes à la Syrie en mer Méditerranée », a également annoncé M. Choïgou.
Ces mesures vont compliquer les opérations israéliennes, lesquelles visent à empêcher les transferts d’armes vers le Hezbollah, la milice chiite libanaise, à perturber l’implantation militaire iranienne en Syrie et à riposter en cas d’attaque sur son territoire. Et cela vaudra également pour les forces françaises, américaines et britanniques si elles doivent de nouveau intervenir, le cas échéant, contre le programme chimique syrien.