La période n’était sans doute pas la plus propice à faire des annonces… Toujours est-il que le chef d’état-major de la Marine nationale (CEMM), l’amiral Christophe Prazuck, a annoncé, le 20 juillet, le plan « Mercator », lequel doit permettre de tirer parti des avancées prévues par la Loi de programmation militaire (LPM) 2019-25 et de préparer les forces navales françaises aux défis qui les attendent à l’horizon 2030.
Les détails de ce plan Mercator [.pdf], organisé selon quatre « amers » [point de repère fixe et identifiable pour la navigation maritime, ndlr] ont été précisés la semaine passée. Ainsi, il s’agit de disposer d’une marine « d’emploi » et de « combat » qui soit « en pointe » et qui « compte sur ses marins ».
Lors de la dernière conférence des ambassadeurs, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a décrit un monde qui aurait mis le « cafard » au Pangloss de Voltaire… « Nous vivons dans une période de tension et de conflictualité » avec une « multiplication des crises aux portes de l’Europe » et des « déséquilibres commerciaux qui risquent d’aggraver les tentations de guerre économique. » Ce qui, a-t-il dit, « pose autant de défi portés à l’idée même de diplomatie. »
La ministre des Armées, Florence Parly, est sur la même longueur d’onde. Lors de ses récentes interventions, elle a évoqué à plusieurs reprises « un monde dangereux et violent où s’affrontent les puissances ». D’où la raison d’être du plan Mercator, qui fait le constat d’un « durcissement » des opérations navales.
« Nous sommes dans un monde contesté, désinhibé [sur l’emploi d ela force, ndlr] et surveillé », a ainsi résumé le contre-amiral Nicolas Vaujour, le commandant des opérations navales (ALOPS). « La supériorité opérationnelle dont nous avons bénéficié n’est plus acquise d’emblée. Nous devons la gagner en faisant face à une opposition » et à une « violence » qui « n’est plus l’apanage des États », a-t-il ajouté, en évoquant une menace « symétrique, asymétrique et hybride. »
Ce plan Mercator insiste donc sur le renouvellement des capacités et des équipements de la Marine nationale, qui, dans le cadre de la Loi de programmation militaire 2019-25, lui permettront de préserver son « ascendant opérationnel ». Il y est question de disposer de forces navales « prêtes », « aguerries », « crédible » et « moderne », en s’appuyant sur « chaque marin ».
Au chapitre « combat », le plan précise que « nos unités doivent réapprendre à opérer en environnement non permissif, c’est-à-dire miné, brouillé, ‘hacké’, NRBC, tout en se préparant à faire face à de nouvelles menaces qui vont de l’embarcation autonome piégée aux missiles les plus complexes. »
Pour cela, poursuit le document, « il faut connaître et pouvoir surveiller nos zones d’intérêt, être en mesure de frapper plus loin et avec plus de précision, dans toutes les dimensions (dont le
cyber), dans des environnements contestés ou disputés, de façon discrète ou ostensible. » Enfin, l’accent sera mis sur des unités « mieux défendues et capables d’encaisser des coups, de durer et d’opérer de façon dégradée » car « l’avantage technologique n’est pas toujours suffisant », la « résilience de nos systèmes passant aussi par une fiabilité accrue, parfois au prix d’une certaine rusticité. »
Mais cette « certaine rusticité » ne doit pas être incompatible avec l’amer « une marine en pointe » défini par le plan Mercator. « L’ambition est que nos forces soient ainsi en mesure de prendre l’initiative sur l’adversaire grâce à un traitement plus rapide et plus complet de l’information. Elles seront ainsi aptes à employer leurs effecteurs ‘haut du spectre’ (missiles hyper-véloces et/ou furtifs ré-orientables en cours de mission) à distance de sécurité avec une bonne maîtrise des effets, grâce à des outils d’aide à la décision, et à combattre les menaces hyper-véloces et furtives », y est-il avancé.
Heron « Maritime » israélien
L’intelligence artificielle, l’automatisation du traitement des données de masse, l’utilisation de capteurs interconnectés, l’établissement, à distance, d’une situation tactique (SITAC) à l’échelle mondiale, ou encore la maîtrise de la technologie d’écoute Ultra Basse Fréquence (UBF) à bord des sous-marins et des frégates sont autant de sujets sur lesquels la Marine nationale portera son effort. Mais pas seulement.
Ainsi, le plan Mercator indique que chaque navire devra être en mesure, d’ici 2030, de mettre en oeuvre un drone aérien.
« Dès 2020, des mini-drones mis en œuvre par la force d’action navale (FAN) seront déployés au profit des missions de prévention et de protection (patrouilleurs, y compris ceux de
la Gendarmerie maritime, bâtiments de soutien, mais aussi frégates en attendant les systèmes de drones SDAM) », annonce le plan.
S’agissant plus particulièrement du SDAM [Système de Drone Aérien pour la Marine] qui fait actuellement l’objet d’une étude confiée par la Direction générale de l’armement [DGA] à Naval Group et à Airbus Helicopters, il s’agira d’un appareil tactique de type VTOL (décollage et appontage vertical). Le premier vol du démonstrateur le VSR700, basé sur l’hélicoptère civil léger Cabri G2 de la PME française Guimbal, est attendu en 2021.
Toutes les frégates dites de premier rang (il y en aura 15 en 2030, dont 8 FREMM, 5 FTI et 2 FDA) embarqueront un SDAM et un hélicoptère. Ce drones permettront ainsi « d’augmenter la présence de moyens ISR en vol et de tendre vers la permanence, au profit de la maîtrise de la situation de la zone d’intérêt tactique » de ces navires.
Par ailleurs, et comme l’armée de l’Air, avec ses MQ-9 Reaper et, bientôt, ses MALE RPAS européens, la Marine nationale souhaite également disposer de drones MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance) afin de compléter les « missions des avions de surveillance et d’intervantion maritime.
Mais pas seulement puisque le plan Mercator évoque également, outre les moyens de surveillance par satellites et radars HF, les HAPS, c’est à dire des drones stratosphériques [HAPS : Altitude Platform System], comme le Zephyr d’Airbus, lequel intéresse la Royal Air Force.
En outre, le document indique que « les études de définition des drones de combat, qui agiront de concert avec les avions de chasse pilotés, se poursuivront. » C’est l’un des aspects du Système de combat aérien futur (SCAF), qui remplacera le Rafale à l’horizon 2040.
Enfin, les commandos marine ne sont pas oubliés. Ils « verront leur panoplie de drones aériens s’étoffer (Black Hornet, MAME) » et, dès 2019, « les fusiliers marins seront appuyés par des micro-drones aériens pour leurs missions de surveillance des sites et d’intervention. »