Lors de l’Université d’été de la Défense, organisée à Versailles-Satory, ces 10 et 11 septembre, la ministre des Armées, Florence Parly a fait une promesse : « du travail, du travail et encore du travail » pour répondre aux attentes des forces armées qui ont « qui ont subi trop de restrictions, trop de sacrifices, trop de frustrations pour pouvoir encore attendre » et faire en sorte que la hausse du budget prévue par la Loi de programmation militaire (36 milliards d’euros en 2019) utilisée de la meilleure façon possible.
« Depuis des années, […] notre défense a été reléguée au second plan. Les mots coupes, retard, fermeture, sont rentrés dans le lexique de nos armées. Alors que les engagements se multipliaient et que le monde s’embrasait, nous avons exigé toujours plus de nos forces, en leur donnant toujours moins », a commencé par souligner Mme Parly.
Dans un cadre budgétaire contraint, le ministère des Armées a empilé les réformes censées générer des économies, en particulier dans les domaines du soutien et des infrastructures. Et cela, avec des décisions qui n’ont pas toujours été heureuses, comme a déjà eu l’occasion de le démontrer le Haut comité d’évaluation de la condition militaire [HCECM].
Ainsi, pour ne prendre qu’un seul exemple, la dissolution des Centres territoriaux d’administration et de comptabilité [CTAC] au moment de la mise en service du Logiciel unique à vocation interarmées de la solde [LOUVOIS] n’est pas étrangère aux difficultés rencontrées pour gérer les innombrables dysfonctionnements générés par ce sytème informatique…
Mais l’on pourrait également citer la mise en place des bases de défense, lesquelles, en mutualisant le soutien de plusieurs emprises militaires dans une aire géographique donnée, ont enlevé des prérogatives aux commandants d’unités qui, jusque là, obéissaient à la règle « un chef, une mission, des moyens ». En 2013, Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense, avait déploré le fait que cette nouvelle organisation compliquait inutilement le quotidien des « soutenus » : par exemple, il fallait obtenir pas moins de 7 signatures pour organiser un simple exercice de tir et prévenir les services concernés…
Lors de sa dernière parlementaire, cet été, le général François Lecointre, le chef d’état-major des armées, a critiqué les réformes menées dans le domaine du soutien, notamment celles relatives à la Révision générale des politiques publiques (RGPP), lancée en 2008.
« Les principes qui ont présidé à la réorganisation du ministère dans une période de forte déflation restent en vigueur, même après l’inversion de tendance. L’approche fonctionnelle, qui a supplanté l’approche organique de manière trop systématique, sans égard suffisant pour la singularité du fonctionnement des armées, nous a affaiblis. Nous devons veiller à remédier aux affaiblissements les plus criants », a ainsi expliqué le CEMA.
Le 13 juillet, le président Macron laissa entendre qu’il y aurait une nouvelle approche dans le soutien des forces. « En même temps, il faut aussi questionner l’organisation, faire cesser les fonctionnements en silos, responsabiliser l’encadrement, redonner un pouvoir d’arbitrage au commandement pour mieux coordonner à l’échelle locale », avait-il affirmé à l’Hôtel de Brienne.
Et c’est un chantier que Mme Parly va ouvrir sans tarder. « Je compte m’atteler à la réforme des soutiens. Et sous prétexte que ce
n’est peut-être pas le plus visible, la réforme du soutien, affaibli par des années de réductions, a été trop longtemps repoussée. Je suis ministre pour mener toutes les transformations nécessaires, pas seulement les réformes sexy », a-t-elle dit.
La ministre a ensuite avancé plusieurs pistes, avec l’objectir de « soutenir nos forces de plus près. » Ainsi, a-t-elle dit, « nous allons remplacer les 170 antennes du commissariat, qui n’offrent que des services partiels et pour le moins… hétérogènes » par « 200 espaces multiservices. » En second lieu, il s’agira de « renforcer la capacité des commandants de bases d’unité et de bases de défense à obtenir les soutiens nécessaires. » Et Mme Parly d’insister : « C’est au soutien de s’adapter au rythme et aux besoins des unités et non
l’inverse. »
Enfin, il sera aussi question de rendre aux armées une marge de manoeuvre en matière de soutien. « Il ne s’agit évidemment pas de remettre en cause le caractère interarmées des services de soutien. Ce serait une erreur grave. Il s’agit de trouver un modèle qui allie la réponse aux besoins exprimés par les forces, au plus proche du terrain, et le professionnalisme et l’expertise de nos services de soutien », a expliqué la ministre.
Par ailleurs, Mme Parly a aussi profité de l’occasion pour lancer un avertissement aux industriels. « La Loi de programmation militaire remplit vos carnets de commande. Elle vous assure assure activité et emplois. J’attends de vous en retour, que les budgets soient respectés, que les calendriers soient respectés. Avec ces moyens, les dépassements seront coupables, intolérables », a-t-elle prévenu.