Le système russe de défense aérienne S-400 « Triumph », capable de repérer des cibles dans un rayon de 400 km et d’engager simultanément jusqu’à 36 objectifs, pose des problèmes à la fois diplomatiques et militaires aux États-Unis.
Ainsi en est-il avec la Turquie qui, bien que membre de l’Alliance atlantique depuis 1952, a commandé 4 batteries S-400 à la Russie. Cela pose des problèmes évidents de compatibilité et d’interopérabilité avec les systèmes de défense aérienne mis en oeuvre par l’Otan. En outre, ce contrat pourrait permettre à la Russie d’obtenir des données sur l’avion de combat F-35, dont la force aérienne turque attend par ailleurs 100 exemplaires.
Mais cette dernière pourrait bien les attendre longtemps. En effet, outre la loi américaine dite CAATSA [Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act], qui impose des sanctions économiques à toute entité qui aurait conlu un contrat avec des entreprises du secteur russe de l’armement, la loi de financement du Pentagone [National Defense Authorization Act – NDAA], promulgué par le président Trump en août, interdit aux F-35 turcs de quitter le territoire américain tant qu’Ankara n’aura pas renoncé à se doter du système S-400.
Et, visiblement, l’on ne va pas vers une telle issue. Ce 31 août, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a une nouvelle fois affirmé que la Turquie avait « besoin des S-400 » et que « si Dieu le veut, nous les obtiendrons dans les plus brefs délais. »
Mais d’autres pays ayant des liens militaires importants avec les États-Unis envisagent d’acquérir des S-400. Tel est le cas de l’Arabie Saoudite et celui du Qatar. L’Inde, qui a toutes les attentions des États-Unis sur fond de rivalité avec la Chine, a également l’intention de se doter de ce système russe, pour un montant de près de 5 milliards de dollars. Mais le contrat n’est pas encore signé. D’où les propos tenus le 29 août par Randall Schriver, le secrétaire américain à la Défense adjoint, chargé de l’Asie et du Pacifique.
Si la NDAA parle de sanctionner la Turquie pour sa commande de S-400, le chef du Pentagone, James Mattis, avait toutefois obtenu des dérogations à la loi CAATSA, afin, justement, de ne pas compromettre la vente d’armes américaines à des pays déjà clients de l’industre russe de l’armement. Comme l’Inde.
Mais telle n’est pas la lecture de Randall Schriver. « Le fait d’avoir prévu des exemptions a donné l’impression que le gouvernement indien allait éviter toute répercussion […] quoi qu’il fasse. Je dirais que cette impression est erronée », a-t-il dit, lors d’une colloque au centre de réflexion Carnegie Endowment For International Peace à Washington.
« Nous serions quand même très inquiets si l’Inde cherchait à obtenir de nouveaux systèmes d’armement majeurs » auprès de la Russie » et « s’ils [les Indiens] choisissent de suivre cette voie [acheter des S-400, ndlr], alors je ne peux pas m’asseoir ici et vous dire aujourd’hui que la clause de dérogation sera nécessairement invoquée », a insisté M. Schriver.
Et ce dernier d’ajouter : « Nous préférerions nettement […] que l’Inde cherche des alternatives et qu’elle voie si nous ne pourrions pas devenir un partenaire pour répondre à ce genre de besoins. »
En mai, le président du comité des forces armées à la Chambre des représentants, Mac Thornberry, avait évoqué des problèmes d’interopérabilité entre les forces indiennes et américaines dont le cas où New Delhi passerait commande de batteries S-400 auprès de Moscou. Sauf erreur, un tel problème n’a pas été soulevé en France, qui a vendu à l’Inde 36 exemplaires de l’avion Rafale, doté du « Système de protection et d’évitement des conduites de tir » [SPECTRA].