Le pouvoir hongrois en campagne contre l'immigration"Des tags sur une affiche officielle contre l'immigration, le 8 juin 2015 à Budapest" Affiches officielles réclamant aux étrangers de ne pas "prendre le travail des Hongrois", consultation populaire liant immigration et terrorisme: Le dirigeant conservateur hongrois, Viktor Orban, passe à l'offensive pour faire du rejet des migrants un marqueur de sa politique.
Le nombre de réfugiés entrant en Hongrie a bondi de 2.000 en 2012 à 43.000 en 2014, faisant de ce pays d'Europe centrale celui de l'UE, après la Suède, accueillant le plus grand nombre de réfugiés relativement à sa population.Ces demandeurs d'asile qui arrivent du Kosovo, de Syrie, d'Afghanistan ou d'Irak cherchent, pour beaucoup, à poursuivre leur périple vers l'Autriche voisine ou l'Allemagne.
Si bien que la proportion d'étrangers dans le pays demeure faible, autour de 1,5%.
Reste que selon un sondage de l'institut Tarki en avril, la xénophobie dans le pays est au plus haut depuis 14 ans.
Et le parti d'extrême droite Jobbik talonne désormais dans les sondages le Fidesz de M. Orban.
Le Premier ministre hongrois, qui se pose en défenseur de "la civilisation européenne", a réagi par un courrier envoyé aux huit millions d'électeurs hongrois, invités à répondre à des questions qualifiées par l'UE de "malveillantes et fausses".
Le HCR, l'agence de l'ONU chargée des réfugiés, se dit également "choquée" par la consultation.
- Immigration et terrorisme -L'une des questions est ainsi rédigée:
"Certaines personnes pensent que la mauvaise gestion des questions d'immigration par Bruxelles et la propagation du terrorisme sont liées.
Êtes-vous d'accord?". Deux des trois réponses possibles reviennent à dire oui.
Des affiches ont été placardées ces derniers jours dans Budapest dans le cadre de la campagne:
"Si vous venez en Hongrie, vous ne pouvez pas prendre le travail des Hongrois", peut-on y lire, ou bien
"Si vous venez en Hongrie, vous devez respecter notre culture!"
Environ 400.000 personnes ont répondu au questionnaire jusqu'à présent, selon le porte-parole du gouvernement, Zoltan Kovacs.
"La consultation reflète l'approche philosophique du problème par le gouvernement", dit-il à l'AFP.
"Nous n'avons jamais nié qu'il s'agissait d'un questionnaire politique. Evidemment, son contenu est différent de ce que beaucoup à Bruxelles souhaiteraient".
Les polémiques avec "Bruxelles" sont une constante du gouvernement Orban depuis son arrivée au pouvoir en 2010.
La Commission et le Parlement accusent régulièrement les réformes hongroises -de la presse, de la Constitution, de la justice- d'être contraires aux valeurs de l'UE.
La passe d'armes la plus récente a eu lieu ce printemps, quand Viktor Orban a réclamé l'ouverture d'un débat sur la réintroduction de la peine de mort.
Sur la question des migrations, la Hongrie distinguait nettement jusqu'à présent les immigrés économiques et les réfugiés politiques, acceptant d'accueillir la seconde catégorie.
- Les Hongrois divisés -Mais dimanche, le Fidesz a révélé qu'il travaillait à un projet de loi qui interdirait aux réfugiés ayant transité par des pays jugés sûrs, tels que la Grèce ou la Serbie, de demander un statut de réfugié politique en Hongrie.
Au centre pour réfugiés de Bicske, à 40 km de Budapest, Mohamed attend une décision sur son statut. Ce Somalien dit ne pas comprendre le lien entre terrorisme et immigration dans le questionnaire du gouvernement :
"La plupart des gens ici, moi y compris, fuient le terrorisme ou la guerre civile dans leur pays."
Dans la rue principale de la ville, un habitant qui souhaite garder l'anonymat approuve en revanche la consultation.
Selon lui, "beaucoup de musulmans viennent ici, et même les modérés peuvent être influencés par les extrémistes". Le débat fait pourtant rage dans le pays. Le comité d'Helsinki Hongrie, une ONG de défense des droits de l'homme, a recommandé aux Hongrois de renvoyer l'enveloppe du questionnaire vide, en signe de protestation.
Et lors d'une manifestation à Budapest contre "la xénophobie financée par des fonds publics", des centaines de questionnaires ont été pliés en forme de bateau. Le symbole se voulait un hommage aux migrants noyés en Méditerranée.