Le prix du baril de pétrole se négocie actuellement aux alentours de 75 dollars, contre 27 dollars il y a trois ans. La raison de cette « flambée » tient à l’incertitude des marchés face au contexte géopolitique au Moyen-Orient, en particulier dans le golfe arabo-persique.
En effet, en décidant le retrait des États-Unis de l’accord sur le programme nucléaire conduit par Téhéran, le président Trump a ouvert la voie à des sanctions dont l’objectif est d’étrangler l’économie iranienne, l’idée étant de priver la république islamique des ressources dont elle a besoin pour financer les milices chiites qui lui sont inféodées dans la région.
Et l’un des aspects de ces sanctions concerne les exportations pétrolières iraniennes, qui représentent 2% de la demande mondiale. D’ici novembre prochain, tout pays qui n’aura pas renoncé à l’or noir produit par l’Iran risquera de se voir appliquer des sanctions par Washington.
Et c’est l’une des raisons de la hausse du baril : la production libyenne n’a pas retrouvé le niveau qui était le sien avant la chute du colonel Kadhafi, celle du Venezuela est sur le déclin et les autres pays producteurs, Arabie Saoudite en tête, auront probablement du mal à augmenter la leur pour compenser les 2% jusqu’alors fournis par l’Iran.
Cela étant, le 30 juillet, et à la surprise générale, le président Trump a proposé un dialogue avec les hauts responsables iraniens… Une proposition qu’ils ont immédiatement rejetée. « Les menaces, sanctions et effets d’annonce ne fonctionneront pas. Essayez le respect : pour les Iraniens et les engagements [internationaux] », a en effet réagi Mohammad Javad Zarif, le ministre iranien des Affaires étrangères, à l’adresse de M. Trump.
Et, à Téhéran, l’on n’a pas l’intention de s’en laisser conter. Début juillet, le président iranien, Hassan Rohani, a ainsi menacé de bloquer le détroit d’Ormuz, par où transite un bon tiers du trafic pétrolier mondial. Et, visiblement, l’Iran a l’intention de faire prochainement un importante démonstration de sa capacité à mettre ses menaces à exécution. En effet, tout indiquerait que le corps des Gardiens dela révolution se prépare à y mener un exercice d’une ampleur inédite d’ici le 6 août prochain, date à laquelle les premières sanctions américaines entreront en vigueur.
D’après CNN, les Gardiens de la révolution ont rassemblé une centaine de bateaux près du détroit d’Ormuz, dont des vedettes d’attaque rapide et probablement des sous-marins. « On s’attend à ce que des moyens aériens et terrestres iraniens, y compris des batteries de défense côtières avec des missiles [anti-navires] soient impliqués », avance la chaîne de télévision, citant des sources appartenant au renseignement américain.
« Nous sommes conscients de l’intensification des opérations navales iraniennes dans le golfe Persique, le détroit d’Ormuz et le golfe d’Oman », a confirmé un porte-parole de l’US CENTCOM, le commandement militaire américain pour le Moyen-Orient et l’Asie Centrale. « Nous suivons la situation de près et continuerons à travailler avec nos alliés afin d’assurer la liberté de navigation internationale… Nous continuons également à plaider pour que tous se conforment aux normes et lois maritimes internationales », a-t-il ajouté.
S’il est beaucoup question du trafic pétrolier quand un éventuel blocus du détroit d’Ormuz, en raison des conséquences que cela pourrait avoir sur les économies des pays du Golfe, le transport des containeurs est plus rarement évoqué. Or, il représente tout de même 1.650.000 tonnes par an transitent par cette partie du monde, située sur la route maritime « Méditerranée – Océand Indien – Golfe Persique ».
Par ailleurs, le détroit d’Ormuz n’est pas le seul à être susceptible d’être « bloqué » : celui de Bab el-Mandeb, à l’entrée de la mer Rouge, est aussi à la merci des rebelles Houthis, lesquels tentent de prendre le pouvoir au Yémen et affrontent une coalition qui, emmenée par l’Arabie Saoudite, soutien les autorités légales en place.
Or, le détroit de Bab el-Mandeb concerne deux routes maritimes stratégiques pour la France. La première est la voie « Manche / Méditerranée / Océan Indien / Mer de Chine méridionale » par laquelle transitent 33.000.000 tonnes de containers par an et qui, selon une étude [.pdf] publiée par la Direction générale des relations internationales et de la stratégie [DGRIS] du ministère des Armées, est « fondamentale en raison de l’importance du trafic containerisé qui se fait avant tout de l’Asie-Pacifique vers la France. » Et la seconde est la voie « Méditerranée / Océan Indien », laquelle est « hautement stratégique pour des raisons de souveraineté » étant donné qu’elle dessert la Réunion.
Le 26 juillet, après l’attaque de deux de ses pétroliers par des rebelles Houthis, l’Arabie Saoudite a décidé de suspendre ses livraisons de pétrole via le détroit de Bab el-Mandeb. Et cela, « dans l’intérêt de la sécurité des nations et pour éviter le risque de marée noire. »
Cependant, le 1er aoûr, les rebelles Houthis ont annoncé une pause dans leurs opérations navales pour une période renouvelable de deux semaines. « L’arrêt unilatéral des opérations navales sera pour une période limitée et peut être renouvelé sur tous les fronts si cette initiative est bien accueillie et accompagnée de mesures réciproques de la part de la coalition » menée par l’Arabie saoudite, ont-ils fait valoir.
Cela étant, les rebelles yéménites pourraient également agir au bénéfice du régime iranien. Même s’ils s’en défendent, le panel d’experts des Nations unies a de moins en moins de doute sur le soutien militaire que leur apporte l’Iran. Selon leur dernier rapport, évoqué par l’AFP, des missiles et des drones « présentent des caractéristiques similaires aux systèmes d’armements connus pour être produits en République islamique d’Iran. » Et cela vaut aussi pour des mines navales. « Il semble que malgré l’embargo sur les armes, les Houthis continuent d’avoir accès à des missiles balistiques et à des drones afin de poursuivre et potentiellement d’intensifier leur campagne contre des cibles en Arabie saoudite », est-il encore estimé dans ce document.