L’avion de combat « Tempest », dévoilé le 16 juillet par Gavin Williamson, le ministre britannique de la Défense, est-il un coup de bluff pour forcer la porte du programme franco-allemand SCAF [Système de combat aérien futur] ou traduit-il la volonté de Londres de porter un projet concurrent en y association l’Italie, voire la Suède et le Japon? A priori, Éric Trappier n’est pas loin de privilégier la première hypothèse.
« Je vois que les Britanniques se réveillent, c’est une bonne nouvelle pour les avions de combat en général », a lancé M. Trappier, en répondant à une question lors de la présentation des résultats semestriels de Dassault Aviation, le 19 juillet. « Je vois que les Britanniques ne se satisfont pas d’un F-35. […] Ça veut dire que peut-être opérationnellement ce n’est pas ça et peut-être surtout qu’industriellement ils n’y trouvent pas leur compte. Mais ce ne sont que des suppositions », a-t-il dit.
En tout cas, « cette décision prouve que l’aviation de combat est un sujet stratégique pour les pays européens, qu’elle suscite de l’enthousiasme et de la compétition face à la volonté hégémonique des États-Unis », a relevé le Pdg de Dassault Aviation.
L’industrie aéronautique britannique n’a plus développer un seul avion de combat sans coopération depuis la fin des années 1960. Et quant au F-35 de Lockheed-Martin, BAE Systems assure environ 15% du travail pour chaque appareil. D’où les doutes sur la capacité du Royaume-Uni à se lancer dans un projet susceptible de faire de l’ombre au SCAF franco-allemand et de répéter les erreurs commises par le passé au niveau européen.
« Il y a deux initiatives, il y en a une qui est solide, qui est franco-allemande, il y en a une nouvelle qui vient d’arriver. On va voir si elle est solide, elle l’est peut-être », a ensuite continué M. Trappier. Mais « ne croyez pas ce que vous voyez quand vous voyez une maquette », a-t-il prévenu. « Moi, j’ai bien regardé la maquette du Tempest : d’après mes spécialistes et moi-même, on l’avait déjà vue il y a bien longtemps de ça, il y au moins 10-15 ans », a-t-il ajouté. Et il est vrai que cet appareil a un air de famille avec le Replica, qui avait été imaginé par BAE Systems dans les années 1990, dans le cadre du programme – abandonné depuis – « Future Offensive Air System » [FOAS].
Quant au SCAF, M. Trappier a prévenu qu’il n’y avait, pour le moment, aucune « maquette précise et arbitrée », étant donné que les besoins opérationnels et les spécifications sont en cours de définition. « Et même s’il y en avait une, je pense qu’on garderait une certaine confidentialité, puisqu’on a des concurrents, y compris en Europe, du moins en Grande-Bretagne – ce qui n’est peut-être plus l’Europe d’ici quelque temps », a-t-il dit, en faisant référence au Brexit, dont l’échéance inquiète de nombreux industriels.