Quand il confia à Dassault Aviation le soin de mettre au point le démonstrateur de drone de combat furtif nEUROn, le gouvernement français souhaitait une coopération européenne. Plusieurs pays se joignirent ainsi à ce projet, dont la Suède (Saab), l’Italie (Alenia), la Suisse (Ruag), la Grèce et l’Espagne.
Fort de sa légitimité dans le développement d’avions de combat, Dassault Aviation fut naturellement bien placé pour mener à bien ce projet. Et, visiblement, les performances du nEUROn ont dépassé les espérances.
« On a démontré que les résultats en matière de furtivité sont bons. Ils sont même très bons et certains militaires seraient surpris […] des résultats qu’on a pour leurs systèmes de défense aérienne », a confié Éric Trappier, le Pdg de Dassault Aviation, lors d’une audition à l’Assemblée nationale. Au passage, le constructeur du Rafale et du Falcon ne compte seulement qu’une dizaine d’ingénieurs spécialisés dans les questions liées à la furtivité…
« On a réussi à faire un drone de combat piloté à distance avec une très grande fiabilité », a continué M. Trappier, qui ne pouvait pas en dire davantage étant donné que les performances du nEUROn sont couverts par le secret défense. Et le tout pour seulement 400 millions d’euros, soit 10 fois moins que ce qu’a coûté le démonstrateur X-47B aux contribuables américains.
Pour arriver à ce résultat, la « coopération a été excessivement facile » car « le but n’a pas été de dire que Dassault est le chef parce qu’il veut être le chef mais parce qu’il avait la légitimité du savoir », a expliqué M. Trappier. « Si vous êtes légitime dans votre domaine, vous pilotez facilement », a-t-il souligné. Autre point important : il faut aussi « savoir donner du travail aux autres en veillant à ne pas frustrer les partenaires », a-t-il ajouté.
Seulement, deux grands pays n’ont pas été impliqués dans le programme nEUROn : le Royaume-Uni et l’Allemagne. Dans les années 2000, a expliqué M. Trappier, les Britanniques ont affirmé « haut et fort : ‘c’est fini, nous ne ferons plus jamais de coopération [européenne], le Typhoon est un tel désastre que maintenant nous serons des contributeurs aux avions américains. » D’où la participation de la Grande-Bretagne au programme F-35. Cependant, cette dernière a fait aussi cavalier seul en développant son propre démonstrateur de drone de combat, avec le Taranis.
Le cas de l’Allemagne est radicalement différent. En effet, Berlin exigeait une participation au programme nEUROn à 50-50. Ce qui serait revenu, a dit M. Trappier, à installer deux volants dans une voiture. Ce qui ne peut évidemment pas marcher.
À l’heure où il est question de coopérations industrielles avec le Royaume-Uni et l’Allemagne pour développer un drone et un avion de combat, on retrouve encore « tous ces ingrédients », a souligné le Pdg de Dassault Aviation.
S’agissant du drone de combat, qui constitue un élément du Système de combat aérien futur (SCAF), l’incertitude est de mise, M. Trappier ayant relevé que ce projet avait été absent du dernier sommet franco-britannique de Sandhurst. Or, des décisions doivent être rapidement prises afin de pouvoir construire un démonstrateur avec BAE Systems et les autres partenaires afin de lever au maximum les risques.
Quant au projet d’avion de combat franco-allemand, et après tout ce qu’il venait d’expliquer au sujet du nEUROn, M. Trappier a posé des conditions. La première est que, de par sa légitimité, Dassault Aviation doit prendre les commandes.
« Ce n’est pas parce que les Allemands peuvent mettre un peu plus d’argent qu’ils sont compétents », a-t-il fait valoir. Hormis une expérience dans les programmes Tornado et Eurofighter Typhoon, leur savoir-faire n’est pas comparable avec celui de Dassault Aviation qui, en 2016, a fêté ses 100 ans d’histoire dans le domaine de l’aviation militaire.
D’ailleurs, a fait remarquer M. Trappier, Dassault Aviation a « le bureau d’études le plus performant au monde dans le domaine du calcule aérodynamique, même la Nasa, de temps en temps, nous consulte. »
Cela étant, pour que cet avion franco-allemand voie le jour, encore faut-il « harmoniser les besoins pour avoir une demande homogène », a dit le Pdg de Dassault Aviation, qui a justement rappelé que le Rafale était né en raison de divergences entre Européens, en 1985.
Sur ce point, M. Trappier a insisté sur la nécessité de prendre en compte, dans la feuille de route du projet franco-allemand d’avion de combat, les « contraintes qui sont celles des marins ». En effet, cet appareil devra aussi être en mesure d’opérer sur un porte-avions… Une capacité dont ne dispose pas l’Allemagne.