À l’occasion du « printemps de l’évaluation », lancé par la commission des Finances, à l’Assemblée nationale, l’exécution budgétaire 2017 a été passé au crible. Et celle concernant la mission « Défense » n’aura pas été « un long fleuve tranquille » pour reprendre l’expression utilisée par le député Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis pour le programme 146 « Équipement des forces ».
Il y a près d’un an, une vive polémique éclatait avec l’annulation annoncée de 850 millions euros de crédits dans le budget des armées. Ce qui provoqua la démission du général Pierre de Villiers, alors chef d’état-major des armées [CEMA]. Pour faire face à cette coupe, le ministère des Armées a réduit de 330 millions ses versement à des organismes internationaux (agence de l’Otan chargée du programme NH-90, OCCAr, fonds de concours au programme MUSIS), différé des paiements (200 millions), reporté des commandes prévues en 2017 et renégocié des contrats avec les industriels.
Pour l’armée de l’Air, l’impact de ces mesures devait être « modéré », comme l’avait estimé le général André Lanata, son chef d’état-major [CEMAA], lors des auditions parlementaires tenues à l’automne dernier [.pdf]. « Il s’agit principalement du décalage d’environ six mois de la commande des kits de rénovation des Mirage 2000D, sans conséquence sur les livraisons finales, du décalage de compléments capacitaires pour les avions légers de surveillance, du report de la commande d’un hélicoptère Caracal, du report de la commande de la charge utile ROEM sur drone MALE en raison du retard pris par cette opération », avait-il détaillé.
Effectivement, toutes les opérations citées par le général Lanata pouvaient attendre encore un peu. Toutes sauf une : la livraison d’un nouvel hélicoptère de manoeuvre Caracal. »
« Je considère que l’impact des annulations de crédits est limité pour l’armée de l’Air, à condition de commander le Caracal au premier semestre 2018 », avait d’ailleurs souligné le CEMAA.
Et ce dernier d’expliquer : « En effet, sur une flotte Caracal réduite de 18 machines, réparties entre l’armée de l’air et l’armée de terre, deux ont été détruites en opérations. Une seule d’entre elles sera réparée au cours d’un chantier qui durera au minimum deux ans, l’autre doit être remplacée. Or ces machines constituent une composante essentielle de nos forces spéciales en particulier pour les opérations conduites au Sahel. C’est la raison pour laquelle le décalage de cette commande ne peut excéder quelques mois. »
Seulement, la loi de finances pour 2018 ne prévoit pas la livraison d’un nouvel hélicoptère Caracal pour remplacer celui détruit en opération. Rapporteur pour avis sur les crédits alloués à l’armée de l’Air, le député Jean-Jacques Ferrara s’en était ému, au point de soumettre un amendement pour assurer, au premier semestre de cette année, le remplacement de l’appareil détruit.
« Cette commande est d’une impérieuse nécessité, d’autant plus que la disponibilité des hélicoptères Caracal à disposition des forces aériennes est très faible : le taux de disponibilité technique des appareils de cette flotte est de 24,7 % au premier semestre 2017. Pourtant, en l’état actuel des choses, la commande du Caracal n’est pas inscrite en projet de loi de finances pour 2018. Il s’agit donc bien d’un report sine die, totalement contradictoire avec les annonces du Gouvernement, selon lesquelles l’annulation de 850 millions d’euros de crédits d’équipements n’aurait aucune conséquence directe sur la conduite des opérations », fit valoir le député.
« Nous avons effectivement été amenés, compte tenu des annulations de crédits à hauteur de 850 millions d’euros, à reporter le remplacement de l’hélicoptère Caracal. L’État-major des armées est en train d’étudier la reprogrammation de différents équipements qui, comme celui-ci, ont fait l’objet d’un décalage. Je crois pouvoir vous répondre très simplement, monsieur Ferrara : au nombre de ces reprogrammations figure le Caracal, en 2018. Votre amendement me paraît donc satisfait », avait alors répondu Florence Parly, la ministre des Armées.
Seulement, la question du remplacement de Caracal est revenue sur le tapis à l’occasion d’une audition de la ministre par la commission des Finances, en mai dernier [.pdf]. Non seulement, l’on a appris que le remplacement de l’hélicoptère détruit n’est finalement pas assuré en 2018, pas plus qu’il ne le sera en 2019.
« S’agissant enfin de l’hélicoptère détruit en opération, à ce stade, le projet de LPM ne prévoit pas strictement de le remplacer. Par conséquent, en fonction des marges que nous pourrons éventuellement dégager en gestion en 2018, voire en 2019, nous allons voir s’il est possible de procéder au remplacement nombre pour nombre de ces hélicoptères », a en effet expliqué Mme Parly, en répondant à une question du député Jean-Charles Larsonneur.
Cependant, citant la ministre, ce dernier a précisé, plus tard, à ses collègues de la commission de la Défense, que « six hélicoptères Caïman seraient adaptés aux besoins opérationnels des forces spéciales ». Et d’ajouter : « Il y a un premier effort qui est conduit en la matière. »
Mais en attendant, faute de trouver 40 millions d’euros, l’armée de l’Air doit faire avec un Caracal en moins. Et cette situation risque donc de s’éterniser… Pour compenser cette perte, la solution passerait par une amélioration significative du taux de disponibilié de ces appareils (à moins de 25%, il y a de la marge…). Pour cela, il faudrait que la réforme du Maintien en condition opérationnelle [MCO] Aéronautique produise rapidement ses effets.
Par ailleurs, les hélicoptères utilisés par le Commandement des forces spéciales, qu’ils soient mis en oeuvre par l’armée de l’Air [escadron 1/67 Pyrénées] ou l’armée de Terre [4e RHFS] seront tous regroupés sur la base aérienne de Cazaux à l’horizon 2025.