Jusqu’à présent, les opérations spatiales britanniques relèvent, pour ce qui concerne leur aspect militaire, du « Joint Forces Command », c’est à dire d’une structure interarmées. Cette dernière s’appuie notamment sur un Centre des opérations spatiales militaires [SPOC] implanté à High Wycombe.
À la différence de la France qui, dans le domaine du spatial militaire, mise sur les coopérations européennes [Athéna-Fidus, etc] en plus de conduire ses propres programmes [CERES, SYRACUSE, etc], le Royaume-Uni a jusqu’à présent misé sur sa proximité avec les États-Unis et, pour ce qui concerne le renseignement, sur son appartenance aux « Five Eyes ». Pour ses communications, le ministère britannique de la Défense dispose des satellites de la famille « Skynet » et, plus récemment, du démonstrateur Carbonite-2, lancé en janvier dernier depuis Sriharikota, en Inde.
En 2014, ce n’est pas vers des pays de l’Union européenne (EU) que le Royaume-Uni s’était tourné pour identifier les objets spatiaux en orbite et suivre leur évolution mais vers les États-Unis, le Canada et l’Australie. « Les forces armées britanniques ont de plus en plus recours à l’espace, ce qui rend ce partenariat particulièrement vital pour la conduite » de leurs opérations, avait justifié Londres.
Qu’en sera-t-il après que la « stratégie de défense spatiale » du Royaume-Uni aura été dévoilée, l’été prochain? En attendant d’avoir des réponses, le ministre britannique de la Défense, Gavin Williamson, a annoncé, le 21 mai, que la Royal Air Force prendrait désormais le contrôle des opérations spatiales du Royaume-Uni.
« Nous devons nous assurer que nous sommes prêts à prévenir et répondre à l’intensification des menaces apparaissant dans l’espace, et qui pèsent sur notre vie quotidienne », a fait valoir M. Williamson. « La technologie satellitaire n’est pas seulement un outil crucial pour nos forces armées. Elle est aussi essentielle à notre mode de vie, qu’il s’agisse de l’accès à nos téléphones mobiles, à Internet ou à la télévision. Il est essentiel que nous protégions nos intérêts et nos actifs contre des adversaires potentiels qui cherchent à causer des perturbations majeures et à nous faire du mal », a-t-il ajouté.
Sans surprise, le responsable britannique a cité le risque de « brouillage de satellites civils utilisés par les radiodiffuseurs, et de la navigation par satellite » ou encore les menaces de coupure des réseaux de télécommunications.
« Cette dépendance [à l’espace] crée une vulnérabilité et nous courons un risque aigu face à ceux qui souhaitent dégrader et perturber nos capacités », a commenté l’Air Chief Marshal Sir Stephen Hillier, le chef d’état-major de la RAF. « On reconnaît de plus en plus que l’espace n’est plus un environnement bénin, mais un domaine de combat qui doit être sécurisé », a-t-il ajouté.
Dan Dare, le « pilote du futur » de la RAF, était un personnage de science-fiction britannique au début des années 1950 Concrètement, le SPOC de High Wycombe va fusionner avec le Centre national des opérations aériennes pour devenir le « Centre national des opérations aériennes et spatiales », a annoncé l’Air Chief Marshal Hillier. Dans le même temps, les effectifs affectés aux opérations spatiales vont augmenter de 20%.
« Je suis déterminé à faire en sorte que le leadership de la RAF dans les opérations spatiales militaires transforme notre capacité à faire face aux menaces et aux dangers croissants. Pour ce faire, il est essentiel que nous travaillions conjointement au niveau de la Défense, avec des partenaires inter-gouvernementaux et internationaux », a affirmé le chef de Royal Air Force.
L’un des dossiers urgents, pour cause de Brexit, est la participation britannique au programme de système de positionnement par satellite Galileo, qui, mené par l’Union européenne, sera une alternative au GPS américain, actuellement utilisé par les forces armées occidentales.
Or, le Royaume-Uni, qui y a contribué à hauteur de 1,4 milliard d’euros, tout en fournissant des insfrastructures terrestres pour accueillir des stations au sol (en particulier aux Falklands/Malouines), pourrait être exclu de projet. La raison? Pour « protéger certains aspects du programme Galileo, dont la sécurité risque d’être ‘gravement compromise’ après le Brexit », a avancé le Financial Times, en mars dernier.
« La participation à Galileo avec le niveau d’accès et de participation approprié reste notre option préférée, cependant nous travaillons sur des options alternatives, et dans ce cadre, le MOD [ministère de la Défense, ndlr] travaillera avec l’UK Space Agency pour explorer les opportunités pour les entreprises britanniques », a déclaré Gavin Williamson. Le cas échéant, une coopération avec l’Australie, le Canada et le Japon pourrait être envisagée.
Cela étant, l’industrie spatiale britannique, pour ce qui concerne les domaines civils, est performante dans la mesure où elle produit 40% des petits satellites au niveau mondial et un satellite de télécommunications sur quatre. Une activité qui génère 14 milliards de dollars par an et représente 14.000 emplois.