La semaine passée, Abou Dhabi a mis terme à un programme d’entraînement et de formation mis en place en 2014 au profit des forces armées somaliennes. La cause? La saisie, à l’aéroport de Mogadiscio, de 9,6 millions de dollars dans un avion en provenance des Émirats arabes unis.
Les circonstances de cette saisie ne sont pas très claires. Les autorités émiraties ont assuré que cet argent était destiné à financer l’armée somalienne et que le personnel se trouvant à bord de l’avion a été agressé par les services de sécurité somaliens. Et de dénoncer une action « illégale » qui « va à l’encontre des traditions diplomatiques et des liens entre les pays du monde et contrevient aux accords signés par les deux pays ». En outre, elles n’ont pas manqué de rappeler la contribution d’Abu Dhabi à « la sécurité » et à la « stabilité » de la Somalie, via la construction de trois centres d’entraînement destinés aux forces locales.
Seulement, le ministère somalien à la Sécurité a donné une version différente, évoquant des « sacs suspects » et de l’argent « arrivé frauduleusement » à Mogadiscio. Puis, le ministre somalien de la Défense, Mohamed Mursal, a annoncé l’annulation de l’accord militaire liant son pays aux Émirats arabes unis. « En tant que gouvernement, nous avons la responsabilité de nous occuper de nos troupes, de payer leurs salaires et de ne pas déléguer cette responsabilité à d’autres », a-t-il fait valoir.
Seulement, l’armée somalienne est mal équipée et désorganisée, alors qu’elle doit faire face à la menace incarnée par les milices Shebab, liées à al-Qaïda. Aussi, à première vue, il n’est pas dans l’intérêt de Mogadiscio de se brouiller avec les Émirats puisque ces derniers payent les soldes d’une partie des militaires somaliens.
Cet épisode est en fait lié à la brouille entre les monarchies sunnites du golfe arabo-persique (GAP) et Doha. En effet, dans cette affaire, la Somalie, par la voix de son président, Mohamed Abdullahi Mohamed, dit « Farmajo », se dit « neutre ». Or, son rapprochement avec la Turquie, alliée du Qatar, suggère le contraire. D’où les tensions avec les Émirats, lesquels cherchent à s’implanter dans la Corne de l’Afrique, dans le cadre de l’intervention de la coalition dirigée par l’Arabie Saoudite contre les rebelles Houthis (soutenus par l’Iran) au Yémen.
Ainsi, un peu plus d’un mois avant cette affaire d’argent confisqué à Mogadiscio, le groupe émirati DP World a signé un accord avec l’Éthiopie et la République autoproclamée du Somaliland au sujet du port de Berbera, lequel tient une position stratégique à l’entrée de la mer Rouge, à tel point que les Émirats comptent y installer une base militaire. Même chose avec le Puntland pour l’utilisation de port de Bossasso. En un mot, Abu Dhabi mise sur les tensions entre les États somaliens tentés de jouer la carte de l’indépendance face au pouvoir fédéral. Ce qui déplaît fortement à Mogadiscio.
Mais il n’y a pas que la brouille entre les monarchies sunnites (plus l’Égypte) et le Qatar qui s’est invitée en Somalie. Le 20 avril, le chef politique des rebelles Houthis, Mohammed Ali al-Houthi, a pris fait et cause pour Mogadiscio, via un message diffusé via Twitter.
« Éloignez-vous des Somaliens. Car eux aussi, ils savent comment vous infliger des leçons mémorables comme ils en ont déjà infligé aux Américains. Tirez en leçon avant qu’il ne soit trop tard! », a en effet écrit le chef de la rébellion Houthis. « Je soutiens nos frères somaliens et je condamne toute ingérence des Émirats arabes unis dans les affaires intérieures de ce pays africain », a-t-il ajouté.
D’après le Conflict Armament Research, la Somalie est un point de passage pour les armes iraniennes destinés aux Houthis. D’où l’intérêt de ces derniers pour ce pays, de même que pour les Émirats.