Actuellement, la marine taïwanaise dispose de seulement quatre sous-marins. Et encore faut-il relativiser ce chiffre car deux d’entre eux [classe Guppy II], acquis auprès des États-Unis, ont été construits lors de la Seconde Guerre Mondiale. Les deux autres, conçus aux Pays-Bas sur la base de la classe « Zwaardvis », sont entrés en service dans les années 1980.
Aussi, la modernisation de cette flotte de sous-marins est l’une des priorités de l’état-major taïwanais, étant donné que de tels bâtiments permettrait de briser un éventuel blocus qu’imposerait la Chine, qui considère Taïwan comme une province rebelle. Jusqu’à présent, et pour des raisons diplomatiques [ne pas se mettre à dos Pékin, ndlr], Taipeh n’a trouvé aucun pays susceptible de lui livrer de nouveaux submersibles.
Pourtant, en 2001, l’administration du président George W. Bush était prête à franchir le pas, une commande de 8 sous-marins à propulsion diesel-électrique ayant été évoquée à l’époque. Seulement, pour ménager la Chine, Washington renonça à ce projet. Et cela d’autant plus facilement que l’industrie américaine ne produit plus de navires de ce type.
Ne pouvant compter que sur ses propres moyens, Taïwan a donc officiellement lancé, en mars 2017, un programme visant à développer et à construire 8 sous-marins à propulsion diesel-électrique.
Autant dire qu’un tel projet est un immense défi pour l’industrie taiwanaise (en l’occurrence CSBC Corporation, associé à l’Institut national Chung-Shan pour la science et la technologie), laquelle ne maîtrise pas les technologies (capteurs, matériaux, acoustique, etc) nécessaires pour construire des sous-marins, dont le premier exemplaire doit être livré en 2026.
« Je comprends qu’il est difficile de construire des sous-marins […] Mais la règle de la politique internationale est que vous devez vous aider par vous-mêmes avant d’obtenir l’aide des autres », avait alors lancé Tsai Ing-wen, la présidente taïwanaise.
Alors qu’une « guerre commerciale » entre la Chine et les États-Unis se dessine, le département d’État a autorisé à l’industrie américaine de l’armement à opérer des transferts de technologies dans le cadre de ce programme taïwanais de sous-marins
Cette autorisation été confirmée par les autorités taïwanaises, dont le porte-parole du ministère de la défense, le général Chen Chung-chi, et celui du bureau présidentiel, Sidney Lin. Cependant, aucun détail n’a été donné au sujet des technologies concernées. Sans doute portent-elles sur le système de combat, les sonars et l’armement de ces futurs sous-marins.
Reste que la présidence taïwanaise a « remercié le gouvernement américain pour sa décision », laquelle « aidera à améliorer la capacité de Taïwan à se défendre » et « contribuera à la paix et la stabilité dans la région Asie-Pacifique. »
Comme l’on pouvait s’y attendre, la Chine a condamné la décision américaine, laquelle est venue s’ajouter à d’autres mesures prises récemment par le Congrès (comme le Taiwan Travel Act, qui vise à renforcer les liens entre Washington et Taipeh, le rétablissement des visites portuaires mutuelles entre l’US Navy et la marine taïwanaise, ou encore le lobbying de sénateurs pour autoriser Taipeh à se doter de F-35B).
Le 9 avril, Pékin a ainsi exigé des États-Unis qu’ils « cessent toutes les formes de liens militaires » avec Taïwan. « L’armée chinoise a la capacité et la détermination de vaincre toutes les tentatives de division de notre pays et adoptera toutes les mesures nécessaires pour défendre résolument la souveraineté nationale, la sécurité et l’intégrité territoriale » chinoises, a déclaré Wu Qian, le porte-parole du ministère chinois de la Défense.
La presse officielle chinoise n’a pas été en reste. Et sa position peut se résumer par celle affichée par le quotidien Global Times. « La partie continental [la Chine, ndlr] doit continuer à se préparer pour une éventuelle confrontation militaire à travers le détroit », a-t-il prévenu. Une « confrontation militaire », a-t-il insisté, qui « pourrait avoir lieu plus tôt que plus tard. »
Pour le moment, les frictions commerciales et la question de Taïwan sont deux sujets distincts. Mais d’après les analystes du groupe de conseil Eurasia Group, il se pourrait qu’il devienne compliqué de les dissocier.
« La nouvelle approche de l’administration américaine vis-à-vis de Taïwan compliquera considérablement les relations sino-américaines et rendra beaucoup plus difficile la conclusion d’un accord sur le commerce », est-il estimé dans une note de l’Eurasia Group, publiée le 9 avril. « Un débat est actuellement en cours à Pékin pour savoir si les États-Unis espèrent utiliser Taïwan comme levier sur les questions commerciales ou s’il s’agit d’une approche fondamentalement différente », y est-il ajouté.