Sur la foi de renseignements faisant état d’une réunion de commandants taliban dans une école coranique (madrassa) du district de Dashte Archi [province de Kunduz], dans le nord-est de l’Afghanistan, la force aérienne afghane a effectué, le 2 avril, un raid aérien qui aurait fait, selon les sources, une centaine de tués et de blessés parmi les civils.
L’opération, menée a priori par des hélicoptères d’attaque ainsi que par des avions d’attaque A-29 Super Tucano, a eu lieu alors qu’une cérémonie de « remise des turbans », à laquelle assistaient de nombreuses personnes, était en cours.
« À part les élèves et des civils il y avait quelques taliban, peut-être huit ou neuf, mais ils étaient là comme invités », a raconté Mohammad Isqhaq, un témoin, à la télévision afghane Tolo News.
« C’est une grande madrasa, les gens étaient assis en rangs. Il y avait 1.000 personnes au moins, peut-être 2 000 qui assistaient à la cérémonie de remise des turbans. C’étaient des étudiants et des gens du coin, je n’ai pas vu de taliban », a confié Youssuf, un autre témoin, à l’AFP. « Les hélicoptères ont bombardé les rangs des élèves. J’ai vu du sang partout, des morceaux de corps éparpillés », a-t-il ajouté.
Peu après le raid, le chef de la police de Kunduz, le général Abdul Hamid Hamidi, a donné le bilan de 72 morts. « Tous des ennemis », a-t-il assuré. Sauf que d’autres sécuritaires, s’exprimant sous le couvert de l’anonymat, ont parlé de 76 tués, dont 59 civils et 17 talibans. En outre, 57 blessés auraient été admis à l’hôpital de Kunduz.
Afin de démêler le vrai du faux, la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) a annoncé, ce 3 avril, avoir envoyé une équipe sur place pour évaluer les pertes civiles. Et de préciser qu’elle « surveillait activement les rapports alarmants sur les dommages sérieux subis par les civils hier à la suite d’une frappe aérienne à Dashti Archi. »
A priori, le raid de la force aérienne afghane visait notamment le mollah Beryani, un haut responsable taleb de la choura de Quetta [Pakistan]. Le porte-parole du ministère afghan de la Défense, Mohammad Radmanish, a ainsi expliqué que l’objectif de l’opération était une réunion de taliban et de leurs commandants.
Lors d’une conférence de presse, rapporte Tolo News, M. Radmanish a montré les photographies des taliban qui devaient assister à cette réunion « pour planifier une attaque contre les troupes de l’armée dans la région. » Plus tôt, il avait avancé, d’après l’AFP, le bilan d' »au moins vingt taliban dont des commandants de la division rouge [du mouvement taleb, ndlr] tués. »
La « division rouge » évoqué par M. Radmanish est une nouvelle unité de combat des taliban qui opère le long de la frontière avec le Tadjikistan. Ses combattants « sont formés et financés par des groupes étrangers. Certaines offensives qu’ils ont menées ont été au-dessus de la capacité (habituelle) des taliban en termes de tactiques, de mouvements et de fonctionnement », a récemment expliqué Hamid Saifi, un commandant de l’armée nationale afghane à Dasht-e-Archi.
« En raison des liens des taliban avec les Russes, ils veulent avoir le contrôle sur Dasht-e-Archi et garder une liaison sûre et continue avec la Russie à travers la rivière Amu », a encore ajouté cet officier.
Quoi qu’il en soit, et après un moment de flottement, le président afghan, Ashraf Ghani, a ordonné l’ouverture d’une enquête pour faire la lumière (ou pas) sur ce qu’il s’est passé à Dasht-e-Archi. Pour le mener à bien, une équipe, dirigée par général Khudaidad Hazara, inspecteur général du Conseil national de sécurité, et comptant des représentants des ministères de la Défense et de l’Intérieur ainsi que des services de renseignement, a été nommée.
En cours de reconstruction, la Force aérienne afghane a réalisé sa première frappe avec une bombe à guidage laser en mars dernier. Dotée d’avions d’attaques légers et d’hélicoptères, elle aurait été responsable, selon l’ONU, de 300 victimes civiles en 2017.