Adoptée le 20 novembre 2015 par le Conseil de sécurité des Nations unies, la résolution 2249 autorise « toutes les mesures nécessaires » pour lutter contre l’État islamique (EI ou Daesh), alors qualifié de « menace mondiale et sans précédent contre la paix et la sécurité internationales. »
Pour autant, cette résolution n’est pas placés sous le chapitre VII de la charte de l’ONU, lequel autorise l’usage de la force. Mais la mention « toutes les mesures nécessaires » laisse place à toutes les interprétations, dont celle justifiant une intervention militaire contre l’organisation jihadiste. Qui plus est, le cadre légal avancé par la France pour justifier ses opérations en Syrie repose sur l’article 51 de cette même charte qui porte sur la légitime défense.
Ce texte précise en effet qu’un État a le droit « naturel » de se défendre en cas « d’agression armée », jusqu’à ce que des « mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales » aient été prises par le Conseil de sécurité. Or, les tentatives d’attentats (Villejuif, Saint-Quentin-Fallavier et le Thalys Amsterdam-Paris, etc) et les attaques de Paris ou encore de Saint-Denis planifiées depuis la Syrie par Daesh ont ainsi justifié le recours à l’article 51.
C’est pour cette raison que le président Macron, après avoir reçu un délégation des Forces démocratiques syriennes (FDS) à l’Élysée, le 29 mars, a pris soin de préciser que la France n’envisagera pas de nouvelle opération militaire dans le nord de la Syrie en dehors du cadre de la coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis.
Or, cette dernière appuie les Forces démocratiques syriennes (FDS), constituée notamment par les milices kurdes des YPG et des groupes arabes armés, contre l’État islamique, qui tient encore quelques positions sur la rive orientale de l’Euphrate. Seulement, l’offensive « Rameau d’olivier », lancée par la Turquie et avec la participation de rebelles syriens soutenus par Ankara, perturbe les opérations contre l’organisation jihadiste.
D’où l’éventualité d’un renforcement de la présence militaire française à Manbij, qui est le prochain objectif de l’opération turque, évoquée par la délégation des FDS reçue à l’Élysée. Et s’il n’est pas question d’une nouvelle opération, Paris « n’exclut pas de reproportionner son intervention en Syrie (…) pour atteindre ses objectifs, uniquement dans le cadre de la coalition. » En outre, le président Macron a dit vouloir oeuvrer au dialogue entre Ankara et les Kurdes syriens.
Mais depuis, les autorités turques ne décolèrent pas. Quitte même à dépasser les limites, comme l’a encore fait l’agence officielle Anadolu, en publiant une carte sur laquelle étaient précisées les bases des forces spéciales françaises dans le nord de la Syrie. Peu importe l’exactitude de informations : cela ne se fait pas entre membres de l’Otan.
Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, n’a pas donné dans la modération, le 31 mars. « Comment peux-tu te lever et nous donner des leçons de civilisation? Regarde d’abord ta propre histoire », s’est il emporté en s’adressant à son homologue français, lors d’un discours télévisé.
Son ministre de la Défense, Nurettin Canikli, a quant à lui évoqué une possible « invasion » du nord de la Syrie par les troupes françaises.
« La raison de la présence américaine, et des forces de la Coalition internationale, est la guerre contre Daesh. Maintenant que cette raison a quasiment disparue, il est logique que Trump souhaite retirer ses troupes, leur mission étant terminée », a d’abord dit M. Canikli.
« La menace Daesh est en grande partie éliminée. Pour cette raison, rien ne peut légitimer la présence militaire de la France ou d’un autre pays en Syrie. Si la France devait intervenir militairement dans le nord de la Syrie, cette initiative serait contraire au droit international, ce serait une invasion », a en effet estimé le ministre turc.
Et d’insister : « Si la France veut s’installer militairement en Syrie pour soutenir directement ou indirectement certains groupes terroristes [les Kurdes syriens, ndlr], elle ferait alors une grave erreur et s’embarquerait dans une aventure hasardeuse. Nous espérons qu’elle ne fera pas cela. »
En parlant de droit international et « d’invasion », que font donc les forces turques dans le nord de la Syrie, en particulier à Afrin, d’où, avec leurs supplétifs, elles ont chassé les kurdes syriens? Et que dire des menaces répétées contre Manbij, ou encore de l’éventualité d’une intervention militaire dans le nord de l’Irak?