Brexit ou pas, il n’est pas question pour le Royaume-Uni de se désintéresser de la sécurité européenne. Ainsi, en février, Theresa May, Mme le Premier ministre britannique, plaida pour un « partenariat intense et privilégié » avec l’Union européenne en matière de sécurité et de défense.
Et lors de la conférence de Munich sur la sécurité, Mme May avait rappelé que le Royaume-Uni était « le seul membre de l’UE à consacrer 2% de son PIB à la défense » et qu’il pesait « 40% du total des dépenses européennes en matière de recherche et de développement sur la défense. »
« Malgré le Brexit, nous comptons sur la communauté d’intérêt qui nous unit au Royaume-Uni, pour que le lien étroit noué entre nos deux pays soit maintenu et même renforcé », répondit Édouard Philippe, le Premier ministre français, à son homologue britannique.
Depuis les accords de Lancaster House, signés en 2010, la coopération franco-britannique en matière de défense a pris une ampleur inédite, tant au niveau opérationnel qu’industriel, avec la création d’une force expéditionnaire conjointe, la mise en commun de certaines capacités de recherche dans le domaine de la dissuasion nucléaire et le lancement de plusieurs programmes d’armement (drone du système de combat aérien futur, guerre des mines, missiles, etc…).
ICARE – Les FAFL sur AmazonAinsi, les relations qu’entretiennent l’armée de l’Air et la Royal Air Force (depuis fort longtemps) n’auront pas à souffrir du Brexit.
« S’agissant de la relation franco-britannique et de la façon dont elle évolue dans le domaine qui est le mien, je ne suis guère inquiet sur le plan opérationnel, pour différentes raisons », a déclaré le général André Lanata, le chef d’état-major de l’armée de l’Air (CEMAA), lors d’une audition devant les députés de la commission de la Défense.
« D’abord, nous continuons, mon homologue [Air Chief Marshal Sir Stephen John Hillier, ndlr] et moi, à entretenir la même proximité, et les interactions entre nos deux armées de l’air de premier rang constituent la marque d’une coopération de très haut niveau », a continué le général Lanata, avant de souliguer que les « Britanniques nous aident régulièrement là où c’est possible », notamment au niveau des moyens de transport et du ravitaillement en vol.
« Encore récemment, ils ont décidé d’appuyer nos opérations au Sahel avec des hélicoptères de transport lourd [des CH-47 Chinook, ndlr]. J’observe également que lorsque des bombardiers stratégiques russes se sont présentés dans la Manche, nous n’avons eu aucune difficulté à coordonner l’action de nos chasseurs. Les Rafale français se sont ravitaillés en vol sur des avions anglais, tout ceci sur un simple coup de fil. J’ai actuellement des équipages en échange sur MRTT et C130J britanniques, ce qui permet de faciliter la montée en puissance de nos capacités », a rappelé le général Lanata.
Les interactions entre l’armée de l’Air et la Royal Air Force sont ainsi nombreuses. Et elles se déroulent « de façon fluide », a précisé le CEMAA, qui estime que les deux forces sont « parfaitement interopérables ».
« Nous sommes à cet égard capables, si le pouvoir politique le demandait, de déployer une force expéditionnaire conjointe qui a été définie dans le cadre des accords de Lancaster House », a souligné le général Lanata. « Nous allons continuer à entretenir cette capacité dans le temps et donc rester proches sur le plan opérationnel », a-t-il ajouté.
En outre, a fait valoir le CEMAA, « ce n’est pas parce que les Britanniques ont décidé de quitter l’Union européenne qu’ils ont abandonné la défense de l’Europe, tout simplement parce qu’ils restent partenaires de l’Otan, dont la vocation est aussi la sécurité du continent européen. »
En revanche, l’avenir de la coopération industrielle franco-britannique en matière de défense préoccupe davantage le général Lanata. Par exemple, le drone du système de combat aérien futur (SCAF) n’a pas été cité lors du dernier sommet franco-britannique de Sandhurst, en janvier. Ce qui inquiéte d’ailleurs Éric Trappier, le Pdg de Dassault Aviation, qui doit mettre au point un démonstrateur avec BAE Systems.
« Si je ne suis pas très inquiet des conséquences du Brexit sur le plan opérationnel, il faut néanmoins suivre attentivement ce processus qui pourrait avoir des conséquences économiques et politiques, notamment sur la coopération industrielle », a ainsi prévenu le général Lanata.
« C’est un point auquel il faut veiller car il représente des intérêts majeurs pour nous, qu’il s’agisse de MBDA ou des autres projets que nous conduisons avec les Britanniques. Il faudra conclure des accords nous permettant de continuer à travailler et d’entretenir ce qui constitue une success story de la coopération militaire et industrielle en Europe », a insisté le CEMAA.
Photo : Ministry of Defence (MoD)