Premières armes

DJUDJURA

- La pause

- Reprise de la marche

- Le beau spectacle qui s'offrait à nous

Bonjour bretirouge,
C'est exactement comme tu le dis : "Comme des vacanciers" et ce n'est pas fini. Le revers de la médaille c'est que tout ce que j'ai découvert était un paysage exceptionnel, paradisiaque, tout aurait pu devenir une destination touristique exceptionnelle et pourtant aujourd'hui il n'en est rien. Ce matin j'ai découvert l'horreur en utilisant google earth pour voir ce qu'était devenu Philippeville. J'en dirai davantage dans la suite de mon récit.

Pour clore mon court séjour de 7 mois au 7° BCA, voici une photo de la couverture de Paris-Match du 10 Mars 1956 représentant un Chasseur d'une section d'éclaireurs skieurs.

PHILIPPEVILLE.

Fin Octobre 62, après 7 mois de présence au 7° BCA, je suis parti en stage de perfectionnement à Philippeville.
Que retenir de mon passage au 7° BCA sur le plan personnel ? Une période de découverte dans une ambiance de soumission à une situation irréversible. Toutes les activités ont été menées au niveau Section, ce qui ne développe pas l'Esprit de Corps qui nécessite un minimum d'activités de cohésion au niveau du Bataillon; Suite aux libérations successives des contingents, la Section a été continuellement réorganisée ce qui ne contribue pas à la connaissance indispensable et approfondie de chacun. Résultat: j'avais l'impression d'être de nulle part et de ne pas me considérer comme un Ancien  du 7° BCA. Mon vécu au sein de ce Bataillon a été trop bref.
Donc me voici parti pour Philippeville par le Chemin de Fer. Sur le parcours j'ai retenu le panneau "Palestro" de triste renommée. Le soir venu, ce fut une halte d'une nuit à Constantine. Le lieu de transit était situé sur une légère hauteur et constitué de tentes 56 sous les pins. De Constantine je n'ai vu que le pont et le ravin, je n'ai pas visité la ville. J'ai noté que les femmes étaient vétues de noir alors qu'à Alger elles étaient en blanc.
Le lendemain, dans un cadre balnéaire, je découvrais le Camp Jeanne d'Arc, Centre de Perfectionnement des Cadres de l'Infanterie (CPCI N°2). Ce camp était à petite distance, à l'Est de Philippeville, une route qui longeait la mer, ambiance Argelès dans les P.O.. A gauche, en arrivant se trouvait un grand hôtel désaffecté (Certainement "l'Hôtel Beau Rivage", suivi d'un alignement de préfabriqués (Logements stagiaires) et à droite une villa, celle du Colonel. Nos activités d'instruction et le terrain de manoeuvre se trouvaient sur la droite de la route.
Le Week-end était le moment de faire du tourisme dans la ville. Je me souviens d'une grande place en front de mer avec un kiosque en son centre, place très animée avec ses gamins cireurs de chaussures. Aboutissant à cette place et perpendiculairement à la mer, une avenue légèrement montante et très fréquentée. C'est sur cette avenue que j'ai vu un équipage bizarre : Un véhicule de patrouille Armée Française suivi à quelques mètres par un véhicule de patrouille de l'A.L.N..
Il y avait la possibilité de faire un repas couscous ou merguez sans alcool, avec gazouze dans une petite rue transversale. Un ancien Légionnaire tenait un restaurant Chinois.
Je n'entre pas plus dans les détails car il s'agit simplement de donner une idée sur ce qu'était Philippeville vu par un "Touriste". En un mot c'était un endroit splendide et sauvage en bord de mer avec d'un côté (à l'Ouest) une côte rocheuse (Stora) et à l' Est une longue plage de sable.

Mais voici l'horreur : Là où nous étions, tout ce qui était paysage sauvage n'existe plus, remplacé par un immense terminal pétrolier qui recouvre toute la partie basse du terrain à l'Est de la ville. En comparaison, c'est comme si de St Cyprien à Collioure tout était recouvert par un complexe pétrolier sans oublier une multitude d'habitations. Le Paradis est vraiment perdu pour toujours, il n'existe plus comme le dit la chanson.

Remarque: Il ne faut pas oublier que Philippeville a été le théâtre d'affreux massacres qui ont été très politisés.
C'était le lieu de stationnement du 14° RCP.
Philippeville s'appelle désormais "SKIKDA"

 (A suivre)

Merci pour tous ces souvenirs afin que les générations suivantes puissent les lire !

MOUZAÏAVILLE ET EL AFFROUN.

Le stage terminé, début décembre 62, je rejoignais ma nouvelle affectation, le 1/146° RI stationné principalement à MouzaÏaville, petite agglomération située à quelques kilomètres à l'Ouest de Blida sur la nationale Blida-Oran. Je n'ai pas noté d'architecture particulière, tout était classique: des rues rectilignes plantées d'arbres de chaque côté avec les troncs couverts de chaux blanche et conservant un ombrage très apprécié des villageois qui se tenaient accroupis (les chibanis) pendant des heures. Sans oublier le Minaret avec ses hauts-parleurs pour les appels à la prière. J'étais au coeur de la Mitidja, vaste plaine fertile (Rappelant la plaine orientale de la Corse.)
Arrivé à Blida j'ai fait comme tout un chacun qui veut rejoindre son Unité : se diriger vers le bâtiment de la Poste aux Armées et attendre le vaguemestre de son Unité qui venait chercher le courrier.
La caserne était une ancienne base d'aviation qui hébergeait un centre d'instruction des transmissions avant l'implantation du 1/146° RI (B.A. 140, renseignements trouvés sur Internet). Pour moi ce fut un spectacle qui tranchait avec ce que j'avais connu jusqu'ici, c'était le "Luxe", des constructions modernes et fonctionnelles. Une vaste place d'armes à l'entrée, à gauche des logements en forme de serres, en matériaux isolants, à droite les constructions pour les services administratifs aux formes géométriques simples. Au fond, des hangars comme neufs (avec néons). (Le soldat qui a fait la guerre d'Algérie ici n'a pas été malheureux).
L'entrée était directement à partir de la route nationale.
Les nouveaux arrivants ont été présentés au Commandant JAOUEN (que je considérais comme le Chef de Corps . . .nous verrons plus tard.) pour recevoir leur affectation finale. 
J'ai été affecté à la 3° Compagnie qui se trouvaità la sortie d'El Affroun, dans une ancienne exploitation viticole et d'agrumes.

Remarque : C'est lors de cette affectation que j'allais être remarqué par un Colonel Parachutiste. Je donnerai le détail plus tard.

Bonjour Commandoair40

Petite précision: Je n'ai retrouvé aucune trace de l'annexe de la BA 140 où nous étions à Mouzaïaville, c'était une base sans avions, seulement un centre d'Instruction des Transmissions. La BA 140 était la Base sur laquelle se trouvait la BAP à Blida.

EL AFFROUN.

Le cantonnement était relativement fonctionnel en forme de U, donc avec une grande place centrale. Un préfabriqué avait été rajouté pour servir de salle d'instruction ou de réunion. Nous n'avions aucune mission bien définie : démontage  de préfabriqués aux environs de Boufarik, gardes diverses etc . . . Séances d'instruction avec tirs (surtout pour liquider les munitions). C'est ici que j'ai débuté dans le domaine de la comptabilité, il fallait être polyvalent et s'adapter aux emplois à pourvoir. 
Nos champs de tir étaient improvisés: Le fond de l'oued à sec à l'entrée des gorges de la Chiffa (triste souvenir pour le 3°RPC), un terrain plat face à une colline, les ruines de Tipaza, face à la mer. A l'époque les recherches archéologiques n'étaient pas en cours et le tourisme algérien n'existait pas. Il n'y avait pas de verdure et ce n'était qu'une étendue de ruines à l'abandon qui n'imposaient pas le respect. (J'ai vu mon premier scorpion blanc de très près en aménageant ma position de tir.) Les mesures de sécurité environnementales étaient réduites au strict minimum: à vue.
Concernant les gardes, s'il y avait celle du cantonnement, il faut ajouter celle, de nuit, du dépôt de carburants de la Chiffa à assurer pendant une semaine. Il se trouvait (et semble toujours se trouver) à gauche de la route Mouzaïavile-Blida. Ensemble classique de gros réservoirs desservis par une voie ferrée.
Un jour, j'ai été désigné pour être chef de poste et garder la villa ou maison du Colonel. Je n'avais pas plus de précisions sur les fonctions de commandement du Colonel, le principal, pour moi, se focalisant  sur le concrêt de ma mission. C'était effectivement une grande villa au coeur de Mouzaïaville située à droite en venant d'El Affroun, quelques mètres avant le Minaret. Le poste de garde était au rez-de-chaussée et donnait sur la rue. Je n'ai plus aucun souvenir des consignes ni d'aucun cadre, jusqu'à penser, aujourd'hui, que le Colonel était seul.
Le premier matin, certainement à 8h, ma garde était alignée sur le trottoir en attente de l'Autorité. La 403 noire est apparue avec des appels de phares, un Colonel béret rouge en est sorti et la présentation de la Garde a commencé. J'arborais fièrement mon insigne para prémilitaire et au cours de ma propre présentation il me questionna à ce sujet. Il me convia à déposer ma demande de stage sous-officier pour l'otention du Brevet Parachutiste. Je venais de débuter mon intégration dans le milieu Parachutiste.
Avant d'écrire ces lignes j'ai été conduit à retrouver l'identité et la fonction du Colonel.(Merci à Internet). Phonétiquement je me suis toujours souvenu de son nom. Mais mes premières recherches ont été vaines car je m'obstinais à mettre un X à la place d'un T au nom du "Colonel GENESTOUT". Je trouvais impossible de ne pas trouver ce personnage étant donnés son grade et surtout son appartenance aux Unités Parachutistes. En insistant et après avoir rectifié l'orthographe j'ai découvert avec étonnement que c'était le Chef de Corps du 146° RI, ainsi qu'un ancien Chef de Corps du 1° R.C.P..
Aujourd'hui je ne comprenais pas que le Colonel GENESTOUT, Chef de Corps, soit en dehors de notre cantonnement. Je pensais, étant donné qu'il portait le béret rouge, qu'il commandait une Subdivision. En regardant de plus près je me suis aperçu que j'étais du 1/146° RI et qu'il existait peut-être un 2/146° RI que, personnellement je n'ai jamais vu. Ceci suffirait à expliquer son poste de commandement à l'extérieur du 1/146° RI.
Par la suite, la rumeur a couru que notre Chef de Corps avait été emprisonné. Par déduction il s'agissait certainement du Colonel GENESTOUT.

  (A suivre)

Insigne du 146° RI que je portais en Algérie en1962 (Il en existe deux autres modèles.)

Bonjour Commandoair40, 

Il est particulièrement judicieux de rappeler ces combats sanglants oubliés, combats qui montrent, en comparaison avec mon récit, que tous les soldats qui ont été présents sur le sol Algérien n'ont pas vécu la guerre avec la même intensité. Peut-être que les Anciens Combattants qui restent muets n'ont tout simplement rien à dire. (J'ai fait la même constatation dans le domaine de la Résistance, lorsque j'ai étudié le parcours de mon Pére et c'est bien triste, la politique a tout façonné à sa manière.)

SITUATION INCONFORTABLE.

Après quelques mois nous avons quitté El Affroun pour nous installer au sein du Bataillon à Mouzaïaville.
Au cours de mon séjour j'ai eu deux permissions et c'est au retour de la deuxième que je me suis retrouvé en situation embarrassante. C'était en 1963, un an après l'Indépendance, j'étais dans le train qui devait me conduire à Mouzaïaville. A un moment donné j'ai été pris par un doute au sujet de la halte du train. J'ai posé la question au contrôleur qui, j'ai des doutes sur sa bonne foi, m'a recommandé de descendre à la prochaine station. C'est ainsi que, en uniforme ma valise à la main,je me suis retrouvé en face du panneau de la station (c'était la gare). Il a fallu gravir une légère butte de sable pour que je découvre un village. Je savais qu'il y avait eu des enlèvements, dont celui d'un caporal-chef, et j'étais là, seul, en milieu que l'on peut considérer "hostile" étant donné le contexte de l'époque. Je me suis dirigé vers le centre du village à un arrêt d'autobus déjà occupé par des "Fatmas". Je n'étais vraiment pas à l'aise et tout pouvait arriver. Dans le bus bondé je voyais arriver ma dernière heure, avec un "porte manteau" planté dans le dos.
Heureusement il n'en fut rien et je n'ai rencontré aucune agressivité, ce qui confirme ce que j'ai déjà dit dans mon récit : Les Algériens n'avaient pas de rancoeur envers les Français, celle-ci est arrivée après l'endoctrinement par le FLN et la transmission aux générations suivantes.

(A suivre)

Bonjour bretirouge,

Je me suis mal expliqué : J'ai voulu dire, ce qui m'obsède, qu'il y a de vrais et de faux Combattants dans le vrai sens du terme, comme il y a eu de vrais et faux Résistants. 
Pour un Soldat qu'est-ce qu'un Combattant, à mon avis c'est un soldat qui a combattu et non pas un soldat qui a été simplement sur un territoire à un moment donné. Cette derniére appellation est purement administrative et politique et c'est pourquoi beaucoup d'Anciens Combattants d'Algérie n'ont tout bonnement rien à dire.

J'ai juste oublié de signaler un détail qui me permet d'exprimer mon opinion: je suis moi-même un Ancien Combattant d'origine "administrative" et cela permet d'avoir une idée sur ce que je veux dire.
Ce que j'ai vécu beaucoup l'ont vécu et auraient plus à parler du bon temps passé que de la perte de leur jeunesse.
Mon récit est un exemple pour montrer que tous les jeunes n'ont pas vécu l'enfer et que, malgré tout, dans leur esprit, l'Algérie était un beau Pays. 
Mais l'appartenance à certaine Association bien orientée les oblige à se montrer comme des victimes ayant perdu leur jeunesse dans une guerre qui ne les concernait pas.

Bonjour bretirouge,
Je te dis bravo!, nous sommes exactement sur la même longueur d'onde pour échanger nos idées. Mais peut-être sommes nous les seuls à partager cette vision sur ce que j'appellerais une véritable supercherie. Je pense en démonter le mécanisme ultérieurement.

MOUZAÏAVILLE.

 C'était la vie de garnison comme en France et il n'y a pas eu de fait marquant à part l'emprisonnement de notre Chef de Corps. Au mess les discussions allaient bon train surtout en ce qui concernait les cessions de matériels à l'Armée Algérienne. Le bruit courait que les Noratlas de Blida larguaient des munitions en mer, l'Intendance brûlait des effets. A l'époque il existait un genre de coupe-vent de couleur verte doublé de fourrure synthétique de couleur marron jusqu'au niveau du col. Ce vêtement se portait sous la veste de treillis. Tous furent reversés et incendiés. Aujourd'hui on dirait un véritable gaspillage.
Naturellement nous parlions du retour en France et voici le processus de rapatriement et de dissolution des Régiments :
- Les Contingents étaient libérés aux dates prévues jusqu'à épuisement des effectifs;
- Les Cadres étaient soumis aux autorisations de prolongation de séjour suivant les besoins du service;
- A la fin il ne restait plus que les Cadres pour tout faire fonctionner. Un élément postcurseur était constitué pour régler les questions administratives et reverser les véhicules au Camp de Sissonne. La majorité des Cadres n'ayant plus raison d'être sur les lieux étaient rapatriés et dirigés sur le Camp de Sissonne.
Nous savions que les bagages étaient fouillés par les C.R.S. à l'arrivée au Camp de Sissonne afin de dénicher d'éventuelles armes. A ce sujet il faut rappeler que pendant tout le conflit de nombreuses armes avaient été dissimulées dans d'énormes "quilles" du Contingent.
Chez nous, un Sergent-Chef collectionneur avait été obligé de détruire toutes ses armes, parfois rares (révolvers à barillet chromés etc . . .)
Le bruit courait également que une ou plusieurs entreprises de travaux publiques avaient peint en kaki eurs véhicules pour embarquement sur les bateaux militaires.

(A suivre)

Bonjour Commandoair40,

Je m'attendais à ta réaction et ton témoignage n'est pas une surprise, connaissant l'historique et l'orientation de certaines associations, je ne fais partie d'aucune association de ce type tellement elles sont politisées. Nous sommes des "Purs" ( Personnes qui conforment rigoureusement leur action à leurs principes) et ne pouvons admettre toutes ces dérives. Maintenant nous nous devons de trouver une explication à toutes ces dérives. C'est ce que je m'engage à faire lorsque j'aurai terminé mon récit. Nous aurons la même étude à faire en ce qui concerne les Commémorations qui n'ont plus le même sens.
En attendant, nous pouvons dire que la Guerre d'Algérie est devenue la vache à lait de certaine Association.