Adoptée en novembre dernier, la loi de finances 2018 ne fait pas l’unanimité au Niger. Il lui est reproché notamment d’accentuer la pression fiscale sur les couches défavorisés de la population (avec la création d’une taxe d’habitation, extension de l’assiette de la TVA, etc) et d’accorder des libéralités à certaines catégories de contribuables, dont les entreprises des télécoms et du secteur des hydrocarbures. Le mois dernier, une manifestation organisée à l’appel d’un collectif d’organisations de la société civile avait réuni plusieurs milliers de personnes à Niamey.
Depuis, la mobilisation n’a, semble-t-il, pas faibli. Le 25 février, et cette fois avec le soutien de trois centrales syndicales et des partis d’opposition, plusieurs milliers de manifestants ont à nouveau battu le pavé dans la capitale nigérienne, de même que dans d’autres localités du pays, comme à Zinder, Tillabéri et Dosso (villes par ailleurs exposées à la menace des groupes jihadistes actifs dans le Sahel et de Boko Haram).
Seulement, cette manifestation n’a pas seulement visé la loi de finances 2018… Entre les slogans demandant son abrogation, la présence des forces armées étrangères au Niger a également aussi été contestée. « Armées française, américaine et allemande, allez vous-en! », ont en effet scandé des manifestants, à Niamey, rapporte l’AFP. Et il était écrit sur une banderole, sur laquelle figurait les drapeaux français et américains : « Armée [ndlr, française] allez vous-en!, Army Go Away! Nos FDS [Forces de défense et de sécurité] nous suffisent. »
« Nous avons le devoir historique de poursuivre la lutte jusqu’à la satisfaction de nos justes et légitimes revendications », a fait valoir Nouhou Arzika, responsable du Mouvement patriotique pour une citoyenneté et l’un des principaux meneurs de contestation. Ce dernier a même qualifé de « forces d’occupation » les bases militaires américaines et françaises et demandé leur « départ ».
Pour rappel, dans le cadre de l’opération Barkhane, la France dispose de deux bases au Niger : l’une à Niamey, d’où sont notamment mis en oeuvre les drones MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance) MQ-9 Reaper, l’autre à Madama, qui est un poste avancé qui permet de surveiller les mouvements jihadistes entre le sud de la Libye et le nord du Mali.
Quant aux États-Unis, ils mènent un programme d’entraînement et de formation au profit des forces nigériennes (ainsi que des opérations anti-jihadistes ponctuelles) et construisent une base à Agadez destinées à accueillir des drones armés. Enfin, l’Allemagne dispose d’un détachement d’aviateurs à Niamey, en soutien à la Mission des Nations unies au Mali (MINUSMA).
Cela étant, Nouhou Arzika, qui aurait des ambitions présidentielles, est un opposant de longue date à la présence de forces étrangères au Niger (lesquelles y ont été déployées à la demande de Niamey). Qui plus est, selon des propos rapportés en juillet 2017 par le média public allemand, il donne volontiers dans les théories complotistes. « Nous sommes convaincus que, la question sécuritaire aujourd’hui est le fait d’un certain nombre de laboratoires qui réfléchissent à ça, qui organisent ça et qui choisissent les endroits où ils doivent créer la situation pour être dans la position de continuer à maintenir l’instabilité dans le monde, de continuer à maintenir le terrorisme dans le monde et être dans la position de créer la situation qui est là », a-t-il en effet affirmé.
De nouvelles manifestations sont prévues pour le 11 mars prochain. L’on verra, à cette occasion, si les revendications contre la présence des forces françaises et américaines prennent ou pas de l’ampleur.
Photo : Base avancée de Madama (c) EMA