Le chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT), le général Jean-Pierre Bosser, peut se féliciter du projet de Loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 qui sera bientôt soumis au vote des parlementaires.
En effet, dans les grandes lignes, ce texte prévoit l’accélération du remplacement du segment des véhicules blindés médians, une attention sur les petits équipements dits de cohérence ainsi qu’un effort en matière de maintien en condition opérationnel (MCO) tout en donnant une large place à l’innovation et à la condition du personnel. Bref, le CEMAT a obtenu l’essentiel de ce qu’il souhaitait.
Seulement, il faudra du temps pour ces annonces aient une application concrète dans les régiments. « Je considère que nous devons nous mettre en ordre de bataille pour concrétiser toutes ces avancées que nos hommes considéreront comme un progrès à condition qu’ils puissent constater la réalité physique de cette remontée en puissance », a ainsi dit le général Bosser, lors d’une audition devant la commission de la Défense, à l’Assemblée nationale.
« Il faudra gérer la temporalité. À l’image de ce que nous avons vécu lors de la remontée en puissance des effectifs de la FOT à 77.000 hommes, nous allons connaître un inévitable temps de latence. […] Il pourrait alors se produire un effet de ciseaux entre des effets d’annonce puissants et la réalité des effets physiques de l’argent investi. C’est pourquoi j’ai demandé à l’état-major de faire des propositions pour que certains projets viennent rapidement combler les attentes des soldats », a précisé le CEMAT.
Et l’un des leviers porte sur l’équipement individuel des soldats. Ainsi, a expliqué le général Bosser, « les gilets pare-balles étaient autrefois gérés en pool parce que nous n’en avions pas suffisamment pour équiper la totalité de l’armée de Terre. » Or, a-t-il continué, « j’ai souhaité que ces gilets fassent désormais partie du paquetage, c’est-à-dire que chaque soldat en soit doté individuellement », de la même façon « qu’on a ses chaussures de marche et son treillis, on devra par conséquent avoir son gilet, réglé à sa taille, et qu’on gardera pendant toute sa carrière, le modulant à sa guise. » Et d’ajouter : « Voilà qui s’inscrit dans le projet de placer la LPM à hauteur d’homme. »
Le CEMAT a donné un autre exemple : celui des tenues de sport, qui « n’est pas un sujet de petite importance » car il s’agit aussi d’une « tenue de préparation opérationnelle. »
« La tenue de sport de l’armée de terre a plus de vingt ans » et elle est « décalée par rapport aux standards civils », a observé le général Bosser. « Tous les équipements sportifs actuels sont à l’opposé des nôtres, qu’il s’agisse de la matière ou de la coupe. En effet, 90 % des jeunes Français font aujourd’hui du sport avec des shorts arrivant à mi-cuisses. L’armée de Terre est la seule à avoir des shorts que je ne qualifierai pas et qui de surcroît ne conviennent absolument pas aux filles puisqu’ils sont fendus presque jusqu’à la hanche. Aussi les filles portent-elles des tenues différentes de celles des garçons, ce qui n’est pas une bonne chose », a-t-il ensuite déploré.
Pour changer ces tenues d’une autre époque, il faudrait seulement 11 millions d’euros. « Tous les travaux ont été réalisés, tous les chiffrages, tout est homologué, le commissariat aux armées est prêt à passer la commande », a indiqué le général Bosser, lequel a « d’autres sujets de cette nature qui permettront, si on le décide, d’occuper le terrain pendant les temps de latence » évoquées précedemment.
Plus largement, le CEMAT souhaite surtout réduire « la boucle » des acquisitions afin de gagner en réactivité. « Il n’est pas normal que l’ennemi, en face de nous, puisse acquérir des matériels avec des boucles douze fois plus courtes que les nôtres », a-t-il dit, notant, au passage, qu’il suffit « d’aller à la FNAC le samedi (*) pour acheter un drone à quatre hélices comparable à ceux qu’utilisent nos ennemis. » Aussi, a-t-il ajouté, « si un particulier peut en acheter un aussi facilement, l’armée devrait pouvoir s’en doter de manière beaucoup plus rapide. »
Le général Bosser a pris un exemple « symptomatique de nos difficultés de gestion » pour illustrer son propos. Ainsi, a-t-il raconté, lors d’une visite à la 27e Brigade d’Infanterie de Montagne (BIM), il lui a été fait part de la difficulté d’acquérir 1.800 lunettes de glacier, nécessaires aux chasseurs alpins. Et pour cause : pour cela, il est nécessaire d’ouvrir un marché public. « Et les lunettes ne seraient donc pas disponibles avant la fonte des neiges! En l’espèce, les soldats sont probablement allés s’acheter eux-mêmes une paire de lunettes le samedi… « , a-t-il déploré.
Aussi, les boucles courtes d’acquisition auraient été « utiles » pour doter rapidement les chasseurs alpins du matériel dont ils ont besoin. « Il fait froid et il neige tous les ans à Grenoble, on sait que la brigade d’infanterie de montagne recrute un certain nombre de jeunes chaque année. Doit-on dans ce cas continuer à s’astreindre à ce type de méthode ? Il faut bousculer nos habitudes; c’est d’ailleurs l’une des intentions de la ministre », a-t-il conclu.