La nouvelle Loi de programmation militaire qui sera présentée lors du Conseil des ministres de ce 8 février se veut ambitieuse dans la mesure où elle fixe une trajectoire financière devant théoriquement permettre au budget du ministère des Armées d’atteindre un montant équivalent à 2% du PIB d’ici 2025.
Ce sera un « effort budgétaire inédit » pour « arrêter la lente érosion de nos capacités militaire » a même dit le président Macron, lors de ses voeux aux Armées, le 19 janvier dernier à Toulon.
L’objectif premier de ce projet de LPM est de « régénérer » les armées, après des années d’opérations extérieures intenses. Il prévoit ainsi 295 milliards d’euros de dépenses militaires et la création de 6.000 nouveaux postes, essentiellement pour le renseignement et la cyberdéfense.
Cet effort de « régénération » passera par une hausse de 71% des crédits affectés aux infrastructures. L’entretien du matériel et les petits équipements (ceux dits de « cohérence ») seront augmentés respectivement de 30% et de 34%.
L’armée de Terre a, en grande partie, obtenu ce qu’elle voulait. Le programme Scorpion sera accéléré, avec 50% de nouveaux véhicules blindés médians (Griffon, Jaguar) livrés d’ici 2025. Et 150 Griffon supplémentaires seront commandés. Et des études sur le char de combat du futur seront, sans surprise, lancées.
Pour la Marine nationale, il est prévu de commander non plus trois mais quatre nouveaux pétroliers-ravitailleurs, destinés à remplacer les Bâtiments de commandement et de ravitaillement (BCR) à bout de souffle. Le programme visant à renouveler les patrouilleurs hauturiers sera (enfin) lancé : il ne pouvait guère en être autrement, sauf à risquer des ruptures capacitaires susceptibles de durer. En outre, elle disposera d’un second navire spécialisé dans le recueil du renseignement. Quant au futur porte-avions, il en restera au stade des études.
S’agissant de l’armée de l’Air, elle ne devrait pas obtenir plus d’avions de combat, contrairement à ce qu’espérait son chef d’état-major (CEMAA), le général André Lanata. Ce qui risque de poser quelques problèmes à l’avenir, au vu de sollicitations auxquelles elle a été soumise ces dernières années (on aura l’occasion d’y revenir).
Toutefois, les aviateurs disposeront de 8 avions légers de surveillance (deux ont déjà été commandés par la DGA) et le renouvellement des ravitailleurs C-135FR/KC-135 sera accéléré et amplifié, avec la commande de 3 A-330 MRTT « Phénix » supplémentaires.
La dissuasion nucléaire, dont il est prévu de renouveler les deux composantes (océanique et aéroportée), devrait absorber 37 milliards d’euros de crédits au cours de cette LPM, soit un peu plus de 6 milliards par an.
Si ce projet de LPM se veut ambitieux, il n’en reste pas moins qu’il présente, comme les précédents (en témoignent les programmes qui seront lancés alors qu’ils auraient dû l’être depuis longtemps, comme cela avait été prévu) quelques points de vigilance, si n’est des fragilités. En premier lieu, ce texte s’appliquera sur une période plus longue (7 années) que les précédents de cette nature (3 à 5 ans). Et, évidemment, l’effort financier le plus important sera fait à partir de… 2023, c’est à dire après le quinquennat en cours.
En effet, comme prévu, le budget des armées augmentera de 1,7 milliard d’euros jusqu’en 2022. Pour atteindre les 2% du PIB, il devra afficher une hausse de plus de 3 milliards d’euros par la suite. À charge au gouvernement qui sera en place à ce moment-là de respecter cet objectif. Cependant, une clause de « revoyure » est prévue en 2021, ce qui permettra éventuellement de revoir la trajectoire en fonction des données macroéconomiques (et, surtout, de la croissance économique).
Une autre fragilité porte sur le financement des opérations extérieures. Une provision de 450 millions avaient été prévue par l’actuelle LPM, la différence étant comblée par un financement interministériel. Désormais, il ne sera plus question d’user de cette ficelle, le ministère des Armées devant prendre à sa charge la quasi-totalité des surcoûts d’ici 2020 (à hauteur de 1 milliard d’euros).
Enfin, la Loi de programmation des finances publiques (LPFP) risque de compliquer l’exécution de cette LPM puisque son article 14 limite, jusqu’en 2022, les restes à payer de l’État. Or, ceux du ministère des Armée en représentent la moitié en raison des cycles longs des grands programmes d’armement.