Saint-Etienne-du-Rouvray. Le parquet ouvre une enquête après les révélations de Mediapart
Le parquet de Paris ouvre une enquête après les révélations de Mediapart sur un éventuel raté des renseignements généraux concernant l'attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray en juillet 2016, responsable de la mort du père Jacques Hamel. Pour les avocats des victimes, si les faits étaient avérés, il s'agirait d'une "trahison" pouvant mener à une "très grave crise de confiance". Le Syndicat des commissaires de la police nationale a demandé pour sa part l'identification des "auteurs de ces fuites".
Le parquet de Paris a ouvert une enquête ce vendredi après les accusations d'un article de Mediapart, publié jeudi, selon lesquelles les renseignements auraient négligé des messages menaçants d'un auteur de l'attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray en 2016, et auraient antidaté des documents pour se couvrir, a-t-on appris de source judiciaire.
L'enquête, confiée à l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), vise notamment les chefs de « faux et d'usage de faux », a précisé cette source.
Selon le site d'information, un policier de la Direction du renseignement parisien (DRPP) a rédigé une note faisant état de messages d'Adel Kermiche évoquant une « attaque dans une église » et mentionnant Saint-Etienne-du-Rouvray le 21 juillet, soit cinq jours avant l'assassinat du père Hamel, égorgé le 26 juillet.
Un agent aurait découvert les intentions du djihadiste Adel Kermiche
Le journaliste affirme que les anciens renseignements généraux de Paris, aujourd’hui la direction du renseignement de la préfecture de police (DRPP) de Paris, avaient intercepté des messages de l’un des tueurs du père Hamel, à Saint-Etienne-du Rouvray, le 26 juillet 2016.
Un agent, que le journaliste appelle Paul, avait en effet connaissance des messages publiés sur Telegram par Adel Kermiche, l’un des assaillants. Il s’est choisi pour pseudo « @Jayyed » et apparaît, le 17 juillet 2016, sur la chaîne « Haqq-Wad-Dalil » (La vérité et la preuve) qu’il administre depuis la messagerie électronique Telegram, raconte l’article. Ce jeune homme s’appelle en réalité Adel Kermiche.
Dans ces messages, Adel Kermiche laisse peu de doute sur ses intentions. Il y évoquait une attaque dans une église, mentionnait Saint-Étienne-du-Rouvray… La DRPP « était aux premières loges pour assister aux préparatifs de l’attentat qui a coûté la vie à un prêtre et occasionné de graves blessures à un de ses paroissiens », écrit Edwy Plenel, le président de Mediapart, dans un tweet.
La DGSI dément les accusations de Mediapart
L’agent, Paul, écrit alors une note blanche à l’intention de la DGSI, responsable car l’auteur des messages a été localisé dans la région de Rouen et non pas à Paris. Mais avant d’être transmise, cette note doit être validée par quatre échelons hiérarchiques, selon Mediapart. « Seulement, on est durant la seconde moitié du mois de juillet et quatre gradés sont en vacances. » La note blanche reste alors bloquée, jusqu’au 26 juillet, jour de l’attentat. La DGSI, selon le site d'information, se rendant compte de son raté aurait alors corriger la date de cette note afin de ne pas se compromettre.
De leur côtés les renseignements généraux ont démenti toute faille. « Cette note, qui ne comportait pas de caractère d’urgence et s’inscrivait dans le travail de détection quotidien du service, a suivi le circuit habituel de validation », a assuré la préfecture de police.
Une « trahison » pour les victimes
« Si les faits sont avérés, il est à craindre que cette trahison de la part de ceux qui sont censés nous informer et nous protéger nourrisse les suspicions des victimes d'attentats et provoque une très grave crise de confiance », a déclaré Eric Morain, avocat de la Fédération nationale des victimes d'attentats et d'accidents collectifs (Fenvac), partie civile dans l'enquête consacrée à l'attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray.
« Comment peut-on prétendre améliorer l'efficacité de nos services de renseignement dans la détection des passages à l'acte si ces derniers cachent des informations capitales dans le seul but de fuir leurs responsabilités? », s'est inquiété de son côté Christian Saint-Palais, avocat de la soeur du père Hamel. Autre avocat de partie civile, Mehana Mouhou a déposé plainte, demandant « la déclassification totale des documents classés secret défense ».
Identifier les auteurs des fuites
De son côté, le Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN) a demandé « à la préfecture de police d'engager toute action, pénale et administrative, afin d'identifier le ou les auteurs de ces fuites ».
Selon le SCPN, l'article de Mediapart, « manifestement écrit avec le concours d'une source dont on peut questionner les intérêts et la déontologie, constitue à l'évidence une mise en danger de plusieurs chefs de services, mais également une compromission du secret de la défense nationale ».