Le Congrès américain cale face au rétablissement des sanctions contre l’Iran
Après le refus de Donald Trump de certifier l’accord, le Congrès avait jusqu’à mardi pour décider de réimposer ces mesures, levées depuis 2015.
Dans un discours particulièrement virulent à l’égard du régime iranien, Donald Trump avait annoncé, le 13 octobre, sa décision de ne pas certifier le « Plan d’action conjoint » qui vise à empêcher l’Iran de se doter de la bombe atomique. Ce « Joint Comprehensive Plan of Action » (JCPOA), a été signé le 14 juillet 2015 entre la république islamique et les puissances du P5 + 1 (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, plus l’Allemagne).
En refusant de certifier cet accord, Donald Trump s’est défaussé sur le Congrès : conformément à l’Iran Nuclear Agreement Review Act (Inara), en cas de « non-certification » de l’accord par le président, le Sénat et de la Chambre des représentants ont soixante jours pour décider de réimposer ou non les sanctions contre l’Iran qui ont été levées depuis 2015. Mardi 12 décembre, la date butoir est passée, sans que le Congrès ne se soit prononcé.
Comprendre ce qu’implique la « décertification » de l’accord
Pas d’accord et un agenda chargé au Congrès
Désireux de défendre l’héritage de Barack Obama, les élus démocrates soutiennent majoritairement l’accord sur le nucléaire iranien et n’envisagent pas de nouvelles sanctions. Pour eux, des négociations avec la Corée du Nord, sur son propre programme nucléaire, sont par ailleurs prioritaires.
Les républicains n’ont pas l’air plus avancés : le sénateur Bob Corker, président de la commission des affaires étrangères du Sénat, et son collègue de l’Arkansas, Tom Cotton, avaient élaboré un projet de loi amendant l’Inara. Leur texte, prévoyant un rétablissement automatique des sanctions si les Etats-Unis estiment que l’Iran dispose de capacités d’enrichissement suffisantes pour développer en moins d’un an une arme nucléaire, a finalement été abandonné début novembre, faute de soutien des démocrates.
En plus de ces négociations, c’est le nombre de dossiers à traiter par les deux chambres qui a pris le pas sur une décision sur les sanctions contre l’Iran :
le Sénat a adopté début décembre le projet de réforme fiscale du président. Il doit maintenant être fusionné avec celui élaboré par la Chambre des représentants ;
à ce calendrier chargé s’ajoutent les répercussions de l’affaire Weinstein au Congrès, où deux élus démocrates et un élu républicain ont démissionné.
Lire : La France appelle le Congrès américain à sauver l’accord sur le nucléaire iranien
Sanctionner le programme balistique à défaut du nucléaire
Au-delà de l’accord sur le nucléaire, dont les Etats-Unis ont reconnu jusqu’ici le respect « technique » par Téhéran, l’administration Trump souhaite s’attaquer au programme balistique iranien, qui n’est pas interdit par l’accord de Vienne, même si la résolution 2231 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui l’a entériné, demande à Téhéran de ne pas développer des missiles conçus pour porter des têtes nucléaires.
« Si le Congrès sanctionne l’Iran, ce sera probablement les responsables du programme de missiles balistiques qui seront concernés », estime Thierry Coville, chercheur à l’IRIS, spécialiste de l’Iran. Dimanche, dans une tribune au New York Times, Mohammad Javad Zarif, le ministre des affaires étrangères iranien, demandait aux Européens de ne pas se laisser entraîner dans cette surenchère diplomatique par les Etats-Unis. « Il faut veiller à ne pas froisser les Iraniens qui estiment avoir rempli leur partie de l’accord de Vienne et attendent plus de la part des Européens, en matière d’investissements notamment », ajoute le chercheur.
Dans ce domaine, Washington ne veut pas heurter ses alliés. Donald Trump a affirmé sur Fox News qu’il n’avait pas d’objection à ce que la France et l’Allemagne poursuivent leurs échanges commerciaux avec l’Iran. Rex Tillerson, le secrétaire d’Etat, l’a confirmé : « Le président a été assez clair sur le fait que ce n’est pas son intention d’interférer dans les contrats que les Européens peuvent avoir avec l’Iran », a-t-il déclaré dans un entretien publié par le Wall Street Journal.