D'autres Pompéiens ont cru pouvoir fuir par la porte Marina.
Parce qu'elle mène à la mer, cette porte. La mer, pensent-ils, c'est le salut.
Ils n'ont pas tort. Ceux qui franchissent la porte constatent que le vent est avec eux, pas contre eux. Les cendres, ils les laissent derrière eux. Ils vont longer le cours du fleuve Sarnus. La mer est à moins d'un kilomètre.
Attention ! Pour passer, il faut n'avoir rien emporté. La richesse, ici, signifie la mort. Une patricienne aux doigts chargés de bague n'a pas voulu se séparer de ses bijoux, de sa vaisselle, de cent pièces de monnaie.
Impossible de courir. Les cendres et le gaz ont bientôt raison d'elle.
Elle s'abat sur le sol. Son trésor s'éparpille autour d'elle. On retrouvera à côté de son cadavre celui d'une fillette de quatorze ans — sa fille probablement — qui, en vain, s'était recouvert la tête de sa robe.
Près d'elles, encore, une servante et un esclave de taille géante, à qui, peut-être, le maître avait confié la protection de sa femme et de sa fille.
Mais où sont-ils, ceux qui courent vers la mer ? Les premiers sont arrivés au port. Désolation : le vent souffle en tempête ! Les quais et la côte sont balayés par des vagues de plusieurs mètres de hauteur ! Impossible de mettre un bateau à la mer. D'ailleurs, presque toutes les embarcations gisent, éventrées, écrasées, sur le rivage. Mais voilà que les gaz rejoignent ceux qui s'étaient crus sauvés. Chaque bouffée d'air qu'ils respirent vient brûler leurs poumons. Ils suffoquent, ils hurlent, ils se battent contre l'invisible. Ils se roulent à terre. Et ils meurent.
Les fouilleurs les ont retrouvés dans Pompéi et hors de Pompéi, ces hommes et ces femmes tués par le Vésuve. Les précautionneux et les autres.
Le propriétaire de la villa de Diomède a conduit sa famille et ses quatorze serviteurs sous des voûtes qu'il croyait solides.
Il a fait apporter du pain et d'autres provisions. Il a enfoui dans un sac de toile huit pièces d'or et quatre-vingt-huit monnaies d'argent.
Puis, suivi d'un esclave, il a voulu aller aux nouvelles. Tous les deux, ils se sont effondrés sur le seuil. Les gaz ont rejoint sous les voûtes le reste de la famille et les serviteurs. Dix-huit morts que, bientôt, les cendres ont ensevelis.
Quand, quelques heures plus tard, la pluie de cendre cessa, la ville la plus riche et la plus heureuse de Campanie n'était plus.
Et la plus grande partie de ses quinze mille habitants étaient morts dans la plus affreuse des agonies :
asphyxiés, écrasés, ensevelis.
Deux autres villes avaient disparu : Herculanum et Stabies.