A 10 heures, ce fut l'explosion, soudaine.
Stupéfaits, ceux qui regardaient le Vésuve —c'est-à-dire presque tous — constatèrent que le sommet du volcan s'était scindé en deux.
En fait, le bouchon de lave qui, depuis si longtemps, obstruait le cratère venait de sauter.
Tout aussitôt, le magma riche en gaz à haute pression qui s'était accumulé sous le bouchon jaillit avec une incroyable violence, projetant en l'air, jusqu'à plusieurs milliers de mètres de hauteur — plusieurs milliers ! — des fragments de lave.
C'est alors que des pierres ponces s'abattirent sur la ville et que, épouvantés, les habitants de Pompéi virent une colonne de feu s'élever du Vésuve.
Elle disparut. Un énorme champignon de fumée noire la remplaça. En fait, cette fumée était de la cendre pulvérulente, de la poussière chargée de gaz.
Et, à 10 h 15, ce matin-là, cette cendre, poussée par le vent vers l'est, commença à pleuvoir sur Pompéi.
Les Pompéiens ont d'abord vu —et senti — s'abattre autour d'eux pierres ponces et lapilli.
La plupart ont couru se mettre à l'abri. Quand les cendres ont succédé au bombardement, beaucoup se sont crus sauvés.
Mais la pluie de cendres se révèle bientôt si dense qu'ils voient tout à coup le soleil s'obscurcir.
Il leur semble, en plein jour, être plongés dans les ténèbres. Au même instant, des milliers de Pompéiens — des deux sexes et de tout âge — vont être mus par le même réflexe : fuir.
Ils sont des milliers et encore des milliers à chercher leur chemin au milieu de ce vol de cendres qui leur brûle les yeux, qu'ils respirent, qu'ils avalent. Coude à coude, pauvres et riches. Un grand nombre se protègent la bouche avec un coussin ou à l'aide d'une tuile.
Nous n'avons nullement à laisser aller notre imagination.
Ce qui demeure, ce sont les plus éloquents des témoignages. Les hommes, les femmes, les enfants qui, dans l'impossibilité de fuir, ont agonisé dans les rues ou dans les maisons ont été recouverts par les cendres humides.
Celles-ci se sont peu à peu solidifiées.
Quand, après presque vingt siècles, les chercheurs ont retrouvé ces cadavres, ils ont pu constater que les cendres conservaient en creux l'empreinte du corps.
Il a suffi de couler dans ce creux du plâtre liquide pour recomposer la position exacte dans laquelle ces Pompéiens étaient morts.
C'est ainsi qu'on a pu lire — réalisme hallucinant — leurs derniers gestes, jusqu'à leurs ultimes réflexes de défense.
Ces hommes et ces femmes que l'on suit ainsi à la trace, nous constatons que le plus grand nombre d'entre eux courent vers la porte d'Herculanum.
Ou tout au moins qu'ils tentent d'y courir, trébuchant, les yeux brûlés, perdant le souffle. Certains ont jeté à terre leurs vêtements, ils courent tout nus.
Beaucoup tombent pour ne plus se relever. On bute sur les cadavres. Enfin, pour les survivants, voici la porte tant espérée, la porte d'Herculanum !
Comment ont-ils pu se tromper à ce point ! Car le vent souffle du nord-ouest, venant du Vésuve. A peine les fuyards ont-ils quitté la ville qu'ils doivent lutter contre une véritable tempête de cendres.
L'horreur, l'enfer. Alors, ils rebroussent chemin, rentrent dans Pompéi, se heurtent à tous ceux qui tentent de sortir. Des femmes, des enfants sont piétinés.
D'autres croient découvrir un asile dans les tombeaux qui s'élèvent de part et d'autre de la route. Ils oublient que la terre ne cesse de trembler.
Une femme, son enfant dans les bras, se jette sous un mausolée.
Le monument s'écroule sur la malheureuse et son petit. Quatre personnes, dont une femme qui, elle aussi, porte un bébé, trouvent la mort sous le portique d'une tombe.