Lettre d'un para français à un para vietnamien Mon Ami, En 1954, nous avions tous deux vingt ans.
Et nous marchions ensemble sur la diguette ou sur la piste.
Tu étais légionnaire d’une compagnie para de Légion Etrangère, ou bien tu t’étais engagé dans un bataillon de Paras Vietnamiens, ou encore dans une Unité de Parachutistes Coloniaux .
Nous portions le même uniforme. Nous menions le même combat, partageant les mêmes risques, les mêmes souffrances, les mêmes blessures. Nous ne voulions pas qu’un régime communiste s’impose par la force dans ce Viêt Nam que, tous les deux, nous aimions tant .
Des raisons de haute politique nous ont séparés, et je t’ai abandonné, les larmes aux yeux, la rage au cœur, en voyant le Viêt Minh totalitaire s’implanter dans le Nord, alors que pour tes compatriotes, commençait l’exode vers le Sud .
A l’époque, malgré l’amitié profonde qui nous liait, tu m’as certainement reproché ma fuite.
Je n’en étais moi-même pas fier. Mais tu as su comprendre et faire taire ton ressentiment, en gardant pour la France cet amour fraternel dont je me sens si peu digne, même si je l’éprouve toujours aussi vivement pour toi et ton pays .
Alors que les armées Viet Minh venues du Nord et leurs alliés du GRP donnaient l’assaut final à Saigon, peut-être m’as tu cherché à tes côtés ?
Peut-être as tu regardé le ciel avec l’espoir que des coupoles t’annonceraient le secours de tes amis occidentaux ?
Mais tu as dû te battre seul .Je sais que les paras vietnamiens ont constitué le dernier rempart autour de Saigon, jurant qu’ils combattraient jusqu'à la mort « comme à Diên biên Phu » !
Je sais aussi qu’ils ont tenu leur parole.
J’ai eu honte de t’abandonner une nouvelle fois...
Puis ce fut le silence. Le rideau de bambou était tombé sur l’Indochine.
Les consciences occidentales voulaient ignorer ta souffrance et celle des tiens.
Nous savions, pour l’avoir vu en d’autres temps et en d’autres lieux, que l’implantation marxiste s’accompagnerait de règlements de compte, d’exécutions sommaires et de massacres !
Aujourd’hui, les informations filtrent, les réfugiés parlent. Ils apprennent au monde comment les commissaires politiques imposent par la violence, la déportation et l’assassinat « les libertés démocratiques » !
Je ne sais quel a été ton sort.
Mais je crois que tu as dû au moins une fois me maudire, et c’est moi qui t’en demande pardon .
Un Para français