20 Février 1956 :
Bouzid, marabout, assassiné dans les Aurès Nementcha.
Le 50e BTA était composé de rappelés originaires des arrondissements de Relizane, Mostaganem et Oran.
Nous avons été maintenus sous les drapeaux (j'étais du nombre) du 27 octobre 1955 au 1er avril 1956. Après une période d'instruction à Tiaret et de nomadisation à Dominique-Luciani et ses environs, le bataillon a été réparti: une compagnie à Sebabna, une deuxième (la mienne) à Bab El Assa, une troisième à Port-Say, le long de la frontière marocaine.
Deux de mes amis, Jules Hernandez, camarade du Plateau St Michel, boulevard Hippolyte Giraud et le sous lieutenant Pierre Picard camarade de l'école Montplaisant d'Oran se retrouvèrent incorporés dans un régiment de tirailleurs avec d'autres au lieu-dit Sebabna (région de Tlemcen)
Sebabna, voici un témoignage de rescapé de ce massacre: il
se trouve que, rappelé en 1955 en Algérie, je me trouvais avec une section du 50e BTA à Marnia lors de cet événement. Ma section mise en alerte le matin très tôt (c'était au mois de février et il neigeait) est partie pour Sebabna à une quarantaine de kilomètres au nord de Marnia.
Nous sommes restés en relève à Sebabna pendant une semaine. Ce poste était une grave erreur de stratégie, se trouvant en pleine montagne de l'Atlas et dépendant d'une piste en mauvais état. J'y étais passé quelques jours avant et avais constaté qu'il n'y avait même pas de barbelés autour du camp.
De plus à l'époque les rappelés étaient mélangés avec des musulmans à peu près dans la proportion de 50/50. Le massacre a été provoqué par un sergent musulman (je pense me souvenir qu'il s'appelait Mahiedine) qui avait pris contact avec les rebelles du coin. Le soir de l'attaque il avait tué le commandant de compagnie d'une rafale de mitraillette, ce qui avait déclenché en pleine nuit l'assaut des rebelles qui ont surpris la garde et les soldats endormis.
Cette attaque a coûté la vie à une trentaine de soldats et autant de blessés. Tous les musulmans ont déserté, contraints ou complices. L'un des militaires a pu se glisser dans la cheminée d'une pièce et a échappé aux rebelles.
Je l'ai connu et par rapport à sa taille je me suis toujours demandé comment il avait fait. Le sergent a été tué plus tard par la Légion, quant aux déserteurs je crois qu'ils se sont tous rendus peu après. Sebabna était un douar de quelques maisons en dur.
Le camp militaire occupait d'anciens petits appartements en rez-de-chaussée qui avaient servi de logements aux employés d'une société minière dans les années 1930.
La nouvelle aussitôt connue à Oran souleva l'indignation à cause de la traîtrise des exécutants et l'émotion par le nombre de familles touchées par le deuil ou la blessure de l'un de leurs membres. Les victimes de cette traîtrise fomentée par des éléments intérieurs à la compagnie furent remises aux familles à l'exception des quatre jeunes oranais qui eurent droit le 20 février 1956 à des obsèques officielles en présence des autorités civiles et militaires.
Les bières recouvertes d'un linceul tricolore avaient été déposées dans une chapelle ardente au Cercle militaire. Un piquet d'honneur présentait les armes lorsque chaque cercueil fut placé sur un véhicule militaire.
Le trajet jusqu'à la place Jeanne-d'Arc se fit devant une marée humaine qui avait envahi les trottoirs. Place Jeanne-d'Arc le cortège du soldat Sebban poursuit son chemin vers le cimetière israélite tandis que les trois autres véhicules bifurquent vers la cathédrale où une messe spéciale à l'italienne (face au public) sera célébrée par un capitaine aumônier en présence de Mgr Lacaste.
La messe terminée le cortège se dirige vers le cimetière Tamashouet accompagné d'une foule nombreuse, stoïque sous la pluie ... Le cortège fera halte devant le cimetière israélite où, en présence des autorités, le Grand Rabbin Esquinazi prononcera une émouvante allocution.
A l'issue des obsèques un tract provocateur de la CGT et de l'UGTA mit le feu aux poudres: "Les colonialistes de tout poil, les partisans de la. guerre à outrance en Algérie, versent aujourd'hui des larmes de crocodile à l'occasion de la mort de jeunes soldats oranais.
Ils veulent se servir de la vraie douleur des honnêtes gens pour amener ceux-ci dans la voie du fascisme et de la dictature. Mais ne vous laissez pas tromper, etc. Seule la solution négociée est capable d'arrêter l'effusion de sang et de ramener les soldats dans leur foyer".
Les mêmes personnes, qui auparavant avaient accompagné dans le recueillement les victimes, s'érigent en cortège et veulent se rendre à la préfecture pour manifester contre la faiblesse des autorités face à ces provocateurs.
Des heurts violents avec les CRS qui font usage de grenades lacrymogénes se sont produits devant l'hôtel Martinez, boulevard Lescure et dans le haut du boulevard Clemenceau. C'est la première manifestation de masse des Oranais. Elle est dirigée contre les autorités. Elle opposera les CRS avec grenades lacrymogènes aux manifestants, jets de pierre et objets divers, y compris des drapeaux lancés des fenêtres.
La presse métropolitaine accordera plus d'importance au drame de Palestro qu'à celui de Sebabna. Et pourtant il s'agissait de Français dans les deux cas, sauf qu'à Sebabna ils étaient Pieds-Noirs.
Le drame de Sebabna marquera la fin des bataillons de protection, constitués à 50% de pieds noirs et à 50% de musulmans.
Nous avons été envoyés "au cassee pipe" en 1955-1956; si grâce à notre matériel nous étions maîtres le jour, les fellaghas faisaient ce qu'ils voulaient la nuit. La seule embuscade montée de nuit par une section de notre bataillon est tombée elle-même dans une (contre) embuscade et le chef de section le lieutenant Roussel grièvement blessé est décédé quelques semaines plus tard. Il était oranais.
J'ai été démobilisé comme les autres, fin 1956..
Repris de divers témoignages sur l'algerianiste