Projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale . Le dépyramidage
a) Les objectifs du présent projet de loi
Le rapport annexé prévoit de « réduire le pourcentage d'officiers dans la population à statut militaire de 16,75 % à 16 % en fin de programmation ». Il est d'ailleurs rappelé que les officiers représentaient moins de 15,5 % des effectifs militaires en 2008.
La diminution doit être de l'ordre de 5 800 postes d'officiers. Le taux d'encadrement sera évidemment différencié selon les services et les armées.
Parallèlement, la déflation des effectifs sera de l'ordre de 11 200 sous-officiers et de 9 300 hommes du rang.
Pour permettre ce dépyramidage et accélérer les départs des grades cibles, le présent projet de loi prévoit divers dispositifs dont certains constituent la prorogation ou l'adaptation d'instruments existants.
b) Les mesures de « dégagement des cadres »
(1) La « pension afférente au grade supérieur » (PAGS) (article 23)
L'article 23 du projet de loi permet d'offrir à des colonels, lieutenants-colonels, commandants, capitaines, adjudants-chefs et adjudants de carrière qui sont à la fois titulaires d'un droit à pension et à plus de cinq ans de la limite d'âge de leur grade une pension calculée par rapport à un échelon du grade supérieur, en échange de leur départ anticipé.
Selon les indications du ministère de la défense, « la PAGS n'a pas vocation à être octroyée à tous les militaires la demandant. C'est une mesure contingentée qui vise à permettre à l'administration militaire de favoriser le départ des militaires qui, au regard des grades, des profils de carrière et des âges demeurent aujourd'hui jusqu'à leur limite d'âge dans l'institution ».
Gain attendu de la PAGS
Source : étude d'impact
Le ministère précise également que « sa montée en puissance en 2015 devrait permettre de réduire le volume de pécules octroyés ».
(2) La promotion fonctionnelle (article 24)
L'article 24 instaure un dispositif de « promotion fonctionnelle », destiné à promouvoir certains militaires (officiers généraux du premier grade, les colonels, lieutenants-colonels, commandants, adjudants-chefs et adjudants) dont les capacités et les compétences leur permettent d'occuper de nouvelles responsabilités pour une durée de deux à trois ans, mais pas d'envisager une évolution sur le long terme. Les militaires promus selon cette procédure s'engagent à quitter l'armée au terme de leurs fonctions.
Il s'agit de donner une base juridique à un mécanisme déjà utilisé par le ministère de la défense sous le nom de « conditionnalat », qui a donné lieu à des annulations de tableau d'avancement par le Conseil d'État au motif que ceux-ci n'avaient pas été établis sur le seul critère du mérite.
Le ministère de la défense a affirmé à votre rapporteur que le dispositif proposé répond aux griefs du Conseil d'État. En effet, désormais, ce dispositif ne se limite plus à promouvoir certains militaires. La promotion dont ils bénéficient résulte de l'identification d'un potentiel et de compétences, notamment dans des filières techniques. Le processus repose donc sur le mérite et l'aptitude des intéressés qui sont ainsi sélectionnés au regard de leur réelle employabilité afin d'occuper des postes de direction/commandement dans leurs spécialité pendant deux à trois ans.
En complément à ce cadre législatif, les conditions particulières d'application sont fixées par décret en Conseil d'État qui encadre les durées maximales d'exercice à compter de la date de nomination ou de promotion.
Si la « promotion fonctionnelle » permettra de réaliser des économies grâce au départ anticipé de militaires, elle-même sera, selon les indications du ministère « sans impact budgétaire car elle s'inscrit dans le cadre du contingentement des effectifs par grade ». Elle entraînera en revanche des dépenses de pensions supplémentaires à hauteur de 300 000 euros par an pour un volume annuel d'attribution de 150 bénéficiaires (120 officiers et 30 sous-officiers) sur la durée de la programmation.
(3) Le pécule d'incitation au départ (article 25)
L'article 25 prévoit de prolonger le dispositif des pécules d'incitation à quitter l'armée. Les indemnités versées seront calculées sur la base d'une assiette réduite de 10 %. Le pécule sera versé en deux fois, le second versement ayant lieu à la date anniversaire de la radiation des cadres ou des contrôles sans condition. Cette deuxième fraction a donc un caractère automatique qui n'existait pas précédemment où une condition de retour à l'activité professionnelle était nécessaire à son obtention.
Le ministère de la défense a précisé à votre rapporteur que le volume prévisionnel d'attribution de ces pécules serait inférieur à la période précédente. Le volume et le calendrier ne semblent pas encore précisément définis, dans la mesure où deux réponses différentes ont été adressées par le ministère à votre rapporteur :
- selon l'une, le volume serait est fixé à 4 510 pécules sur la période de programmation, soit une moyenne d'environ 900 pécules annuels (pas d'attribution en 2019), contre près de 1 200 pécules attribués sur la période 2009-2013.
- selon l'autre, le volume d'attribution prévu, qui se limiterait à la période 2014-2019, prendrait un caractère dégressif passant de 1 090 pécules prévus en 2014 pour atteindre progressivement 790 pécules attribués en 2019. La dernière annuité budgétaire qui supporterait le coût de ce dispositif serait 2020 avec le paiement des deuxièmes fractions des pécules attribués en 2019.
En tout état de cause, ces pécules devraient être attribués en tenant compte des nécessités de service et contingentés par un arrêté interministériel. Ils seront comme précédemment exclus de l'assiette de l'impôt sur le revenu.
Bilan physique 2009-2012
Source : ministère de la défense
Sur la période 2009-2012, le coût constaté de ce levier d'aide au départ est de 386,19 millions d'euros.
Le ministère de la défense indique que « l'impact sur la masse salariale du ministère de la mise en oeuvre de ce dispositif n'est pas spécifiquement identifié du fait de son intégration dans l'économie générale provenant de la déflation brute des effectifs à travers la valorisation du schéma d'emploi ministériel ».
L'économie théorique du dispositif d'incitation au départ peut cependant être calculée en comparant le coût moyen du pécule par catégorie d'emploi et le gain provenant de la non rémunération des bénéficiaires calculée sur la base de la solde de base brute, des indemnités métropole et des charges sociales dues par l'État.
Selon les éléments transmis à votre rapporteur, le pécule d'incitation à une seconde carrière engendre une économie budgétaire sur le titre 2 à partir de un an et dix mois, en moyenne, après le départ des intéressés. Cette économie est toutefois à mettre en regard des dépenses de pensions que votre rapporteur n'est pas en mesure d'estimer.
Votre rapporteur souligne que ce dispositif, s'il est immédiatement plus coûteux que des mesures telles que la PAGS ou la promotion fonctionnelle, présente, par rapport à celles-ci, l'avantage :
- d'être rapidement rentable pour la mission « Défense » (hors pensions) ;
- de constituer une charge budgétaire prévisible et clairement circonscrite ;
- de produire moins de distorsions s'agissant du déroulement de carrière ou du niveau de pension.
L'objectif de réduction du nombre de pécules distribués ne présente qu'un avantage de trésorerie de court-terme. Même s'il y a nécessité de disposer d'instruments variés pour atteindre les objectifs de déflation fixés par le présent projet de loi, votre rapporteur estime qu'il faut privilégier des instruments à l'impact prévisible et ne risquant pas d'engendrer des inégalités toujours contestables dans le déroulement de carrière ou le niveau de pension.
(4) La disponibilité (article 26)
L'article 26 fait évoluer le dispositif de disponibilité qui permet, dans un cadre contingenté, de placer les officiers qui le demandent dans cette position, s'ils ont effectué plus de quinze années de service, dont six en qualité d'officier. La durée maximale de disponibilité est raccourcie par rapport au dispositif actuel (cinq années au lieu de dix). La rémunération est revalorisée mais une dégressivité dans le temps est instaurée.
c) La gestion des avancements
Les mesures de « dégagement des cadres » peuvent avoir deux objets, non totalement exclusifs l'un de l'autre mais entrant en concurrence :
- réduire les effectifs des grades supérieurs (dépyramidage) ;
- ouvrir des places pour la promotion à ces grades supérieurs.
L'enquête réalisée par la Cour des comptes sur la rémunération des militaires fait apparaître que si le premier objectif était celui affiché par la programmation 2009-2014, le second a largement contribué à l'échec du dépyramidage.
Votre rapporteur souligne que pour réaliser les économies recherchées, les départs d'officiers et sous-officiers doivent dans une proportion significative correspondre à des suppressions effectives de postes dans les grades concernés. La Cour des comptes note ainsi que les « mesures d'incitation au départ, potentiellement coûteuses, ne produiront pas d'économies durables si elles s'accompagnent, dans le même temps, d'une politique d'avancement non maîtrisée. Les départs ne doivent pas servir exclusivement à fluidifier la pyramide des grades. »
Le rapport annexé prend en compte cet impératif en précisant que « ces résultats seront obtenus par une répartition, cohérente avec les objectifs du Livre blanc, entre les départs naturels, les départs incités, une gestion rigoureuse des avancements et un ajustement des recrutements aux besoins prévisionnels. La gestion des ressources humaines du ministère s'appuiera sur une gouvernance rénovée guidée et une démarche prévisionnelle renforcée ».
Votre rapporteur prend acte de ces engagements, mais souligne que la bonne exécution de la programmation repose largement sur la réussite de la « manoeuvre RH », qui ne saurait se résumer à une simple déflation des effectifs.
Effectifs moyens rémunérés en 2009 et 2013
Source : enquête de la Cour des comptes sur la rémunération des militaires