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Sujet: Re: Opération NORWIND.... Sam Jan 14 2023, 16:05
Ecoutons Herr Stratmann raconter son expérience à propos d'un premier combat dans le secteur de Herrlisheim-Rohrwiller.
" Une rapide mise en position fut suivie d'un premier combat sur deux ponts mécaniques pour chars jetés sur un rivière. L'attaque se fit contre de fortes unités d'infanterie Américaine dans le secteur de Rohrwiller-Herrlisheim. Notre Compagnie évolua avec dynamisme. Comme toujours je roulais avec mon char derrière celui de H. Quandel. Soudain il fit un écart à gauche et dépassa la Compagnie. Je me demandai: "que fait-il donc ? ". Mais nous voici déjà entourés de l'infanterie Américaine chargée de défendre les ponts. Nous avons dû les terroriser singulièrement car ils ont pris la fuite en laissant tout leur matériel et équipement. Ce n'était pas notre coutume de leur tirer dans le dos. Quandel a eu les félicitations du Sturmbannführer Reinhold, surnommé Cunibert le blindé."
Toutes ces unités avaient traversé le Rhin en une quinzaine de points. Certains se trouvaient sur des axes de circulation, par exemple entre Gambsheim et Freistett, ou encore entre Fort Louis et Söllingen. D'autres par contre, par mesure de sécurité, avaient été dissimulés dans les bois. On en comptait un certain nombre dans la forêt d'Offendorf. Cette opération avait exigé une parfaite connaissance de la rive gauche du Rhin, connaissance qui ne pouvait être acquise qu'au travers des patrouilles. Celles-ci avaient-elles échappé à la vigilance des sentinelles Américaines? En outre, même si les Allemands avaient utilisé des moyens de fortune dans la plupart des cas, tels que canots pneumatiques ou canots d'assaut, il avait bien fallu dissimuler ceux-ci. Certains des bacs avaient exigé la construction de rampes d'embarquement et de débarquement. De plus les opérations de franchissement du fleuve s'étaient poursuivies sans relâche du 4 au 19, sans être gênés par l'artillerie Américaine.
Les opérations de franchissement du Rhin avaient été favorisées par le temps, le plus souvent brouillé, avec une visibilité réduite, qui empêchaient les avions de décoller. Par exemple le 7 et le 8, on lit dans les bulletins météo: un temps couvert, chutes de neiges intermittentes toute la journée. Ou pour le 16: Nuages élevés, pas de précipitation. Visibilité inférieure à 1 Km à cause du brouillard. Ou encore pour le 19: couvert, ciel bas, chutes de neiges plus abondantes le matin, éparse ensuite. Il avait fait très froid, avec des températures de l'ordre de -10°C.
De ce fait la XIIe T.A.C. n'avait pu effectuer qu'un nombre limité de missions de reconnaissance.
Signalons enfin qu'une telle traversée n’était pas sans danger: les hommes de la 10e SS PD furent gênés par la présence de mines flottantes. Les bacs et les vedettes furent équipés de mitrailleuses afin de couler ces mines à distance. Les pionniers se servirent également de filets de pêcheurs afin de recueillir les mines pour les neutraliser. Malgré ces précautions, un des bacs qui transportait une unité du 22e Régiment sauta sur une mine et les troupes durent gagner la rive à la nage.
Les conditions avaient été les mêmes pour les combattants: en particulier les conditions de terrain. Elles n'avaient pas convenu aux blindés de la 12e DBUS. Elles n'avaient pas été meilleures pour ceux de la 10e SS PD. Il était en effet pratiquement impossible pour ces chars de manœuvrer sur ce terrain coupé de fossés pleins d'eau et dont les bords étaient rendus glissants par le gel. Ce terrain était en fait mieux adapté à la défense qu'à l'attaque, le remblai de la voie ferrée offrant, en particulier, une bonne protection. Les opérations du 5 au 19 Janvier se soldaient donc par un semi-échec. La guerre défensive allait se poursuivre jusqu'au 15 Mars, entrecoupée de quelques contre-attaques ennemies.
En date du 20 janvier, les Allemands occupaient une bande frontalière dans le Nord de l'Alsace qui allait de Cleebourg à Gambsheim en passant par Ingolsheim, Aschbach, Stundwiller, Buhl, l'Est de Rittershoffen et l'est de Hatten, Forstfeld, Leutenheim, Roeschwoog, Sessenheim, le bois de Sessenheim, Drusenheim, la Breymühl, l'alte Zorn, la cote 128 à l'Est de Weyersheim. Le front Américain présentait donc un saillant inquiétant aussi bien qu'inutile dans le secteur de Kauffenheim. D'autre part, les forces alliées avaient connu des revers important en Alsace du Nord: la 45e DIUS avait été décimée à Reipertswiller, les combats de Hatten-Rittershoffen auxquels avait participé des unités de la 79e DIUS, de Task Force Linden et de la 14e DBUS, étaient sans issue. L'ennemi maintenait toujours sa pression sur la tête de pont. Les troupes étaient épuisées et peu de renforts étaient disponibles. Si la 79e DIUS était jugée comme "satisfaisante", il n'en était pas de même de TF Linden qui avait besoin d'un entraînement supplémentaire et de la 12e DBUS qui était "à réorganiser", d'après le verdict de la 7e Armée Américaine.
Le problème du repli avait été envisagé depuis plusieurs semaines les plans en avaient été établis dès le 7 Janvier, pour être modifiés les 12 et 14 Janvier. Le dernier plan fut établi le 19 Janvier. L'ordre de repli parvint le 20 et, dans la nuit du 20 au 21, le VIe Corps recula sur la Moder, sur une ligne allant de Rothbach à Weyersheim en passant par Niedermodern, Haguenau et Bischwiller. Il n'était plus possible de tenir Rohrwiller. Ce repli permettait de raccourcir le front de plusieurs kilomètres et de réorganiser les forces exténuées.
Les Américains s'attendaient à une attaque imminente. Serait-ce dans l'axe Soultz-Bouxwiller-Saverne, ou Hatten-Haguenau-Brumath-Strasbourg, ou encore Sessenheim-Bischwiller-Brumath-Strasbourg? Ce repli était considéré comme "stratégique " et non une défaite. Patch dit à Brooks: "je pense qu'il (l'ennemi) commence à se fatiguer. Je crois que nous pourrons tenir."
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Sujet: Re: Opération NORWIND.... Dim Jan 15 2023, 07:45
Quelques témoignages Américains.
Les troupes avaient plus ou moins de distance à parcourir suivant les secteurs. Par exemple les membres de G/242 s'étaient trouvés à Koenigsbrück, dans le Nord du secteur. Ils devaient aller à Kaltenhouse et donc traverser toute la forêt d’Haguenau. Ils passèrent la journée du 20 à faire leurs paquetages. Scherman Ruesch nous confie dans ses mémoires:
" Nous commençâmes à emballer nos sacs de couchage et à trier les affaires que nous voulions emmener et celles que nous allions laisser. D'après les bruits qui circulaient, nous allions faire une longue marche à pied et aucun d'entre nous ne désirait porter plus de poids que nécessaire. Les vêtements dont nous n'avions pas besoin furent abandonnés. Nous mangeâmes tout ce que nous pûmes avaler et fîmes des tas avec le reste des victuailles que nous avions reçues dans nos colis. Les boites de rations C que nous n'aimions pas - le pot-au-feu, la viande et les légumes-jonchaient le sol. Nous jetâmes les cigarettes que nous gardions si précieusement depuis des semaines. Nous devions conserver la literie, les munitions, et toutes les provisions que nous pouvions porter. Ce que nous emportions dépendait entièrement de nous."
Les mortiers, les mitrailleuses et tout l'équipement lourd fut chargé à bord d'une jeep. Les munitions étaient dans un autre véhicule.
Six hommes s'assemblèrent dans l'école de Koenigsbrück à 17h. Ils devaient quitter la localité longtemps après les autres car ils étaient chargés de faire sauter les ponts sur les cours d'eau, en particulier la Sauer, le Klostergraben et l'Eberbach. Le reste de la compagnie partit au crépuscule, vers l'inconnu. Au fur et à mesure qu'ils avançaient, les GIs abandonnaient de plus en plus de matériel: masquent à gaz, pelles, pardessus.....Ils allaient bientôt regretter cette imprudence.
La route était mauvaise, glissante, pleine d'ornières et de trous. Les chaussures de caoutchouc n'étaient pas faite pour ce type d'expédition. Il fallait qu'elles soient grandes si on voulait avoir chaud, mais alors elles ne tenaient pas au pied. Les hommes tombaient pêle-mêle dans la neige. Ils transpiraient et, juraient......Bientôt la route fut jonchée d'objets personnels: carnets, papier à lettres....Le vent se leva, glacial. Les GIs grelottaient. Les véhicules dérapaient, se couchaient dans le fossé. Ce fut la nuit la plus longue qu'ils aient jamais connue. Une nuit entrecoupée de cauchemars et d'alertes."
James Pettus, K/232 se trouvait à Soufflenheim et avait donc moins de trajet à parcourir. Mais il garde lui aussi un mauvais souvenir de cette nuit du 20 au 21 Janvier. La situation aurait peut-être été supportable si les hommes avaient été tenus au courant de la situation. Ils auraient alors compris pourquoi on ne leur permettait pas de s'arrêter pour souffler. Ceux qui portaient des armes pesant 15kg souffrirent encore plus que les autres. James tomba une douzaine de fois. Ses compagnons étaient particulièrement furieux parce que le Major Galloway, commandant le 3e bataillon, ne cessait de les harceler. Mais il se trouvait dans une jeep, et non à pied.
C'était une nuit que personne n'oublierait, pas plus que les semaines passées dans la neige, la boue, le froid, sans nourriture, dans le fracas des obus. Personne n'oublierait, non plus, le destin tragique des civils.
Certains avaient refusé de partir: "Maintenant les Allemands vont me prendre ma vache, mes poulets, mes lapins. Ils vont prendre ma vaisselle et casser mes meubles. Je préfère mourir plutôt que d'abandonner mes biens."
D'autres n'avaient pas pu quitter les lieux des combats et ils avaient vécu ces pénibles jours entassés dans les caves froides et malodorantes, aux milieux des pleurs des enfants. Les survivants étaient étrangement silencieux. Ils contemplaient les préparatifs du repli.
"La joie radieuse avait quitté les yeux de ces gens libérés, parmi lesquels de nombreux brassards FFI étaient apparus dès l'arrivée des premières troupes Américaines. Les larmes venaient aux yeux des jeunes et des vieux. Ceux qui avaient abandonné leurs maisons, en partie ou en totalité, aux hommes de la division Cactus (la 103e DIUS) demandaient: "Vous nix parti?" La plupart des soldats de la 103e, ne voulant pas révéler la nouvelle et ayant reçu des ordres de ne rien dire mentaient: "Non, non, nous déplaçons seulement des troupes." Mais les gens savaient, et les FFI désespérés, disaient aux GIs que leurs familles seraient exécutées si les Allemands revenaient. Les GIs étaient furieux de devoir se replier. "Pourquoi ? demandaient-ils, pourquoi laisser une nouvelle fois ces gens à la merci des bâtards SS ? En outre, ne devrons-nous pas reprendre au printemps ce territoire pour lequel nous avons livré de si rudes combats ?"
Les enfants se mirent à lancer des boules de neige gelée aux hommes, mais ce n'était pas un jeu.....C'était l'expression de leur désespoir. Les routes furent encombrées par les civils qui décidèrent également de fuir.
Bien entendu, la rumeur du repli s'était répandue dans Oberhoffen. Les Christmann vivaient dans leur cave. Leur maison avait subi de gros dégâts deux jours auparavant:
"Plus aucun carreau de vitre entier. La façade avant de la grange et celle du poulailler sont totalement renversées le solivage est entièrement arraché du béton. Des trois portes on ne retrouve qu'un peu de menu bois pour allumer du feu. Le toit du hangar à bois est fortement démoli. Les poules couraient toutes troublées, aux alentours. Lors du déblaiement nous en trouvons encore deux, bien vivantes, mais le coq doit être abattu."
Les maisons voisines furent également touchées par les obus, ainsi que l'étang de réserve d'eau des pompiers alors que les internes du Sonnenhof y puisaient de l'eau. Heureusement il y eut plus de peur que de mal. Le 18, les tirs d'artillerie redoublèrent d'intensité et Mme Christmann se demandait comment "une âme vivante pouvait encore vivre là-bas". Puis elle vit passer des camions plein de réfugiés: "Oh, quel spectacle sans espoir, ainsi en plein hiver être chassé de sa maison et de ses biens. Il parait que les Allemands sont de nouveau à Sessenheim. A nouveau il règne une intense activité aérienne. Un avion Allemand est vu, mais la défense l'accueille et il sera finalement vaincu".
Le 19 elle vit passer des autos en direction de Schirrhein. Les avions survolent Oberhoffen. Elle nota surtout qu'un village du Rhin brulait. C'était Sessenheim.
Après le 20, c'est l'évacuation:
"Après une nuit excessivement calme, la journée fut plus énervante que jamais. Depuis le matin il neige à nouveau. Le paysage est si paisible qu'on ne voit presque plus rien de la guerre. Puis se répand, comme une trainée de poudre, l'information: "Rohrwiller doit être évacué", et, en réalité, c'est la triste vérité. Il semble aussi que les troupes stationnées dans notre localité veulent nous quitter. Quelques blindés descendirent la route peu après midi et, oh épouvante, l'un d'eux se plaça directement derrière notre maison maintenant notre crainte croit à l'extrême. Pouvons-nous rester s'ils se mettent à tirer ? Et notre pauvre bétail dans l'étable directement derrière le blindé ? Nous fîmes fébrilement nos paquets. A chacun le plus nécessaire au cas où nous serions contraints de quitter notre cave partout on parle de s'en aller. Mais aller où et quoi emmener ?
Le plus dur nous attend-il ou pourrions-nous avoir encore un peu d'espoir ? Nous prions pour qu'un miracle survienne. Enfin nous nous décidons à dormir encore une fois dans la cave, mais nous avions si peur que nous n'avions pas fermée l'œil de la nuit.
On entend le bruit du moteur en marche du blindé. A 8h45 ce blindé part. D'après les bruits, tout le village est vide. Nous voici à nouveau seuls grand dieu qu'allons-nous devenir ? Nous allons nous coucher en priant pour le salut de notre pays."
Miraculeusement le repli s'effectue dans de bonnes conditions malgré tout puisque l'ennemi ne s'aperçut de rien. C'est seulement le 21 Janvier à 16h qu'il s'aperçut que Soufflenheim et Schirrhoffen avaient été évacués. Désormais les Américains tenaient des positions sur la rive Sud de la Moder, avec la 45e DIUS ("les Thunderbirds") d'Althorn à Rothbach, la 103e DIUS (les "Cactus") de Rothbach à Pfafenhoffen, le 222e RI, Task Force Linden (qui allait devenir la "Rainbow" Division) de Neubourg à l'Est de Schweighouse, la 79e DIUS (la "Cross of Lorraine") dans le secteur de Haguenau, le 242e RI, Task Force Linden à l'Est de Haguenau jusqu'à Kaltenhouse, le 314e RI, 79e DIUS de Kaltenhouse à Bischwiller et la 36e DIUS (la division "Texas") de Bischwiller à Weyersheim et Hoerdt en pasant par le Bruchwald. Le 143e RI, 36e DIUS quitta la localité à 23h le 20 pour Bishwiller. Des unités de la 14e DBUS furent attachées aux diverses divisions suivant les besoins.
Le secteur français tenu par la 3e DIA allait de Hoerdt au Rhin en passant par Kilstett. Des éléments de la 2e DB venaient d'arriver. Le 67e RAA restait en liaison avec l'artillerie US pour un renforcement réciproque des feux. Le 7e RCA dont le PC avancé était à Pfettisheim avait des éléments à Lampertheim, Vendenheim et la Wantzenau (4 chars). Sa mission était surtout de "faire d'urgence toutes les reconnaissances de terrain afin de pouvoir intervenir en masse en direction de Mittelschaeffolsheim, de Hoerdt, de la Wantzenau et faubourgs nord de Strasbourg". A Kilstett se trouvait le 3e bataillon du 3e RTA avec la 6e compagnie en réserve et deux compagnies de gardes Mobiles. Le 1er bataillon gardait la Wantzenau, et le 2e était en réserve à Reichstett. Le PC de ce régiment avait été établi à Souffelweyersheim.
Face aux forces Alliées se massaient, en première ligne, les Forces Allemandes des 6e SS Gebirgs Division, 36e VGD, 47e VGD, 7e Fallschirmjäger Division, 10e SS PD, 21e PD et 553e VGD. D’autres unités allaient s'y ajouter. Himmler fut relevé de sa fonction de commandant du Groupe d'Armées Oberrhein et envoyé sur le front Russe. La situation sur ce front exigeait en effet des transferts de troupes massifs. L'opération Nordwind n'était cependant pas abandonnée. Mais le personnage-clef n'y participait plus, signe d'un enlisement possible du conflit.
La journée du 20 fut assez calme. Les soldats du 143e RI, 36e DIUS, virent de nombreux groupes d'Allemands, de 25 à 50 hommes, circuler dans le secteur. Ils entendirent également les chars. On s'attendait à une offensive proche, soit vers Bischwiller-Haguenau avec la 7e Fallschirmjäger Division et la 10e SS PD soit vers Weyersheim avec la 10e SS PD, soit dans les deux directions. Tard le soir, l'agressivité des Allemands redoubla: Ils essayèrent de pénétrer les lignes du 143e RI vers Weyersheim et les bois à l'est de Kurtzenhouse. De même les postes avancés Américains rapportèrent des mouvements de chars au N.E. de Bischwiller. Le 143e fit une dizaine de prisonniers parmi les 5e et 6e Compagnie du 21e SS PGR. Elles avaient attendu le moment de l'attaque tapies dans le bois de la Langenau. Il y avait eu une cinquantaine de blessés chez les Allemands.
Les unités de la 36e DIUS passèrent la journée à organiser leurs défenses. Le 3e bataillon, 142e RI, prit position à Bischwiller où se trouvait déjà le 1er bataillon. Les éléments du 143e qui se trouvait à Rohrwiller quittèrent cette localité, sans être inquiétés par l'ennemi.
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Sujet: Re: Opération NORWIND.... Dim Jan 15 2023, 08:01
DERNIERES TENTATIVES ALLEMANDES POUR REPRENDRE L'ALSACE DU NORD
21-25 JANVIER
Les Allemands reprirent leurs tentatives de pénétration le 21. Ils essayaient toujours de découvrir les points faibles des défenses Américaines comme des défenses Françaises. Une vingtaine de chars circulèrent, par deux ou trois, le long du front. L'évènement le plus significatif et lourd de conséquences pour la 10e SS PD fut l'offensive lancée sur les "bois de Bowden" (le Bruchwald) vers midi. Une douzaine de chars et 200 fantassins y participèrent. L'offensive fut repoussée et l'ennemi subit des pertes élevées 37 Hommes de la 10e Compagnie, 22e PGR, furent fait prisonniers avec 81 hommes des 5e, 6e, et 7e compagnie, 22e PGR. La 10e Compagnie avait eu une vingtaine de morts et de blessés. Le 2e bataillon en déplorait entre 50 et 60. C'était son premier engagement car il était arrivé le 20 à Herrlisheim. En outre l'ennemi avait perdu plusieurs chars ainsi que des documents précieux. Il est clair que l'ennemi voulait emporter ces bois, essentiels pour opérer des concentrations de forces; H. Stratmann, de la 6e Compagnie, 10e Panzer Regiment, raconte ce qui s'est passé:
"Le 21 Janvier était un dimanche. Il faisait un temps radieux. Mais ce fut une journée noire pour notre Compagnie. A midi on nous transmit par radio l'ordre d'attaquer un rassemblement de blindés Américains près de Weyersheim. On nous indiqua un petit bois près de Weyersheim qui constituait notre objectif, n'était pas occupé par l'ennemi. Notre attaque se fit avec 11 chars, dont celui du commandant de compagnie.
Mais je préfère donner la parole au Chef-radio: "Les Américains se replièrent, quelques chars furent détruits, une épaisse fumée s'en dégageait. La compagnie tenta de les poursuivre. Nous roulions dans un secteur plat. Quandel dirigea son char vers une petite dépression pour guider l'attaque de différentes sections. Une épaisse couche de neige n'avait pas permis de voir qu'il s'agissait en fait d'une mare pleine d'eau. Le char s'enfonça soudain. La liaison radio avec la compagnie fut interrompue et nous n'avions plus de confirmation des ordres. Cette interruption des communications ne pouvait pas être causée par cet incident, car le contact radio avec la 2e Section était parfait.
C'est alors que les nouvelles nous sont parvenues par les équipages qui se repliaient, blessés pour la plupart. "Equipage X, abattu", disait le messager. Ces nouvelles se succédèrent sans interruption. La fumée que dégageaient les chars Américains ne permit pas de voir que nos chars aussi étaient en feu. Mon message à la section: "Aigle hors de combat" ne fut pas compris. Les hommes crurent que le conducteur (Adler = aigle) était abattu, et non que le symbole désignait toute la Compagnie. C'est alors que Stratmann arriva avec son char. Il se posta derrière nous. Quandel lui confia le commandement et il se précipita à l'arrière rendre compte de l'échec de la 6e Compagnie. Stratmann ordonna à tous les hommes indemnes d'aller chercher les blessés.
Avec Stratmann et Storch j'ai ramené Knappe. Nous dûmes le tirer sur une toile de tente sur la neige car il était blessé dans la région de l'aine. Lorsque tous les groupes furent de retour avec les blessés, nous chargeâmes ceux-ci sur le char du commandant. La 6e Compagnie avait perdu tous ces chars, sauf celui du commandant et celui du chef de section. Nous avons conduit tous les blessés jusqu'au bac sur le Rhin afin de les transporter vers un hôpital militaire. Mais Knappe avait entretemps succombé à sa blessure.
Quandel nous expliqua plus tard la raison de cette catastrophe. Le bosquet que nous croyions vide était en fait occupé par l'ennemi. Lorsque la compagnie passa le long de ce bosquet au cours de sa poursuite des Scherman, elle fut prise de flanc et par derrière. Plus tard on a critiqué notre tactique car nous n'aurions pas dû engager la poursuite avec l'ensemble des chars. La compagnie perdit tous ses chars sauf le 601 et le 611 et eut 12 morts et des blessés. Les survivants se regroupèrent à Roeschwoog. Les chars furent remplacés le 28 Janvier."
La dépression dont parle Stratmann avait été en partie creusée par les hommes du 232e régiment qui avait occupé ces positions le long du Waldgraben du 7 au 20 Janvier. Puis ils s'étaient repliés sur Haguenau. Depuis ce désastre, les survivants de la 6e Compagnie, 10e Panzer Regiment, ont donné le nom de "Panzergrab" (tombeau de chars) à la pleine Nord-Est de Weyersheim. Ils reviennent chaque année se recueillir sur ces lieux.
Dans le secteur de Bischwiller, six chars ennemis apparurent, alors que les Américains venaient de faire sauter le pont sur la Moder. La situation se calma après quelques échanges de coups de feu. Le 143e RI fut relevé par des éléments du 2e Bataillon-142e qui devint responsable du secteur entier de Bischwiller à Hoerdt.
Au Nord-Est, quand on s'aperçut de l'évacuation de Soufflenheim et Schirrhoffen, ordre fut donné de pousser des reconnaissances en direction de Kauffenheim, Leutenheim, Auenheim et Rountzenheim. L'Etat-Major de la 533e Division responsable de ce secteur, dut s'installer à Soufflenheim qui fut occupé par les Grenadier Bataillon I, XVI, et XVII Oberrhein. Les champs de mines et les démolitions retardaient les troupes. Les sapeurs n'étaient pas en nombre suffisant pour réparer rapidement les ponts, en particulier celui de Soufflenheim.
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Sujet: Re: Opération NORWIND.... Dim Jan 15 2023, 08:08
Devant la menace grandissante, certains habitants d'Oberhoffen s'enfuirent. Mais les Christmann hésitaient:
"Papa ne sait pas quoi faire. Des familles entières partent. Papa ne peut pas se décider, et je ne veux pas l'influencer. Je ne veux pas être tenue responsable en cas de malheur. Papa cherche à savoir tout au long de la journée ce que font ses camarades. Nous préparons une petite valise avec un peu de nourriture. Puis, dans le courant de l'après-midi, nous voyons des véhicules bouger dans le Ried. Ce sont des Allemands! Marguerite notre fille part chercher papa. Il vient et, au dernier moment, se décide à partir. L'adieu est court, nous n'avons pas le temps de nous expliquer. Je ne voulais pas l'accompagner. S'il n'y avait pas le bétail, ce serait plus facile.
Maintenant il est parti et nous sommes seuls dans la cave. Que va-t-il se passer? Nous donnons à manger au bétail. Nous sommes livrés à nous-mêmes. Nous étions en train de travailler lorsque Marguerite appela: "papa revient". Et il passa le portail en disant: " je ne pars plus, advienne que pourra". Je suis bien obligé de dire que je suis heureuse qu'il soit avec nous. L'artillerie Américaine tire. Soudain Marguerite m'appelle: dix blindés descendent la rue, ce sont des blindés Allemands. Papa était alors dans le village.
Je prie: "Mon dieu, laisse-le rentrer sain et sauf. Et le voilà qui arrive sur la route avec le vélo. Quelques mètres avant notre portail il rencontre le premier blindé. 1 à 2 soldats se tiennent debout dessus. Ils portent des tenues de camouflage. Puis ils demandent à papa: "Les Américains sont-ils partis ?" Il dit que oui et poursuit son chemin. Les soldats du deuxième blindé posèrent la même question. Trois blindés entrèrent ainsi dans le village. Il était 5h10. Nous avons soupé dans la cave. L'artillerie Américaine tire. Que va-t-il nous arriver ? Notre village va être réduit à un tas de ruines. Puis, après 7 h, les blindés repartent en sens inverse, vers la forêt. Cherchent-ils des renforts ou se retirent-ils ? "
L'effort principal des Allemands fut dirigé contre les éléments de la 3e DIA à Kilstett. Après quelques succès au début de l'opération, les Français contre-attaquèrent et firent quelque 3 prisonniers, tous originaires des trois Compagnies du bataillon Treutler qui avait lancé l'attaque avec le bataillon Schmidt.
D'après les prisonniers, la prise de Kilstett était la première étape dans la conquête de Weyersheim que les Allemands auraient ensuite attaqué par le S.E. Les pertes de l'assaillant ayant été très lourdes, on s'attendait à une offensive plutôt dans le secteur Haguenau-Bischwiller, avec les 3500 hommes de la 7e Fallschirmjäger Division et les 1500 hommes et 20 à 25 chars de la 21e PD. La 10e SS PD et la 553e VGD protégeraient le flanc gauche.
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Sujet: Re: Opération NORWIND.... Dim Jan 15 2023, 09:53
Les Allemands attaquèrent Kilstett pendant la nuit du 21 au 22 donc, encerclant des éléments de l'Armée Française. La localité était tenue depuis le 17 janvier par le bataillon de Reyniès renforcé par la compagnie Vincenot. Les maisons avaient été entouré de barbelés et de mines. La section de démineurs du sous-lieutenant de Tonnac posa quelque 7000 mines! La mission des tirailleurs était de "tenir jusqu'au bout. Se faire tuer sur place plutôt que de reculer". C'est ce qu'ils allaient faire lorsque l'ennemi déclencha sa violente attaque le 21 au soir, après une préparation d'artillerie et de mortiers. Mais l'ennemi parvint à encercler le 3e Bataillon du 3e RTA tenant le point d'appui Sud-Est de la position. Malgré la résistance de nos unités et l'intervention de notre artillerie, il déborda progressivement le village par l'Est et par le Nord. Des infiltrations se produisirent même à l'intérieur du village, atteignant l'église.
Au lever du jour, des chars venant de Bettenhoffen pénétrèrent à leur tour dans la localité. La situation de nos unités qui avaient réussi à nettoyer partiellement le village avec l'aide de deux TD devint critique. A 8h30, le Groupement tactique Langlade (2e DB), alerté dans la nuit, et le 2e Bataillon du 3e RTA (en réserve), contre-attaquèrent, le 1er sur l'axe la Wantzenau-Kilstett, le 2e en débordant la localité par le Sud-Est. Vigoureusement conduite et parfaitement coordonnée, cette action, efficacement appuyée par l'artillerie (67e RAA) et les TD du 7e RCA, obtint un plein succès.
A 12h30, nos éléments tenaient à nouveau les lisières Est de Kilstett, achevant le nettoyage des résistances ennemies. Plus de 300 prisonniers restèrent entre les mains des français l'ennemi laissa une centaine de cadavres sur le terrain.
Cette attaque, menée par deux bataillons du régiment Marbach de la 553 e VGD, d'un effectif de plus de 800 hommes, visait la conquête de Kilstett, puis celle de la Wantzenau. Elle devait être suivie le 23 d'une attaque sur l'axe Gambsheim-Herrlisheim, appuyée par des chars. Les pertes Françaises furent élevées parmi les hommes du 3e RTA. Par contre aucun des chars français ne fut définitivement mis hors d'usage. Quelques chars Allemands furent par contre détruits. En fin de journée, Kilstett était tenu par le 2e Bataillon du 3e RTA avec une compagnie du 1er Bataillon 3e RTA, l'aviation était intervenue efficacement à plusieurs reprises, bombardant et mitraillant le village de Gambsheim et les lisières Sud du bois de Steinwald.
Cette action a, bien sûr, fait l'objet de nombreux rapports et articles. Voici tout d'abord le rapport du 3e RTA dont la simplicité ne traduit pas la violence des combats:
"Les Gardes Mobiles sont retirés de Kilstett l'observation signale de l'activité chez l'ennemi vers le pont sur le Giessen (sortie Sud de Bettenhoffen): une soixantaine d'hommes porteurs de madriers. A 13 Heures, on remarque que les tranchées à l'est de la route à la sortie de Bettenhoffen sont plus occupées que d'habitudes.
22h45: un bombardement intense s'abat sur le village de Kilstett, d'abord les mortiers, puis par automoteurs ou chars, enfin par artillerie. Toutes les liaisons sont coupées à l'intérieur du 3e Bataillon. La ligne téléphonique reliant le Bataillon au PC Régiment est coupée. Seule la radio continue à fonctionner, mais elle est très brouillée et on comprend difficilement les messages. L'artillerie d'appui exécute son tir d'arrêt.
23h05: les premiers éléments ennemis sont signalés au Nord-Ouest de la voie ferrée, près du passage à niveau Nord. Le groupe de mitrailleuses placé près de la gare est mis hors de combat et la défense du point d'appui de la gare très compromise. Les éléments de la 10 Cie se replient dans les maisons immédiatement au Sud-Ouest.
23h45: L'ennemi traverse le passage à niveau et menace d'encerclement les maisons occupées par la section précédemment repliée mais celle-ci l'en empêche par le feu de ses armes automatiques.
Venant de la voie ferrée, l'ennemi tente de s'infiltrer sur la face Nord, menaçant ainsi les éléments de la II° Cie en position. Quelques chars l'accompagnent des tirailleurs se replient en direction de PC de la compagnie, mais le Capitaine Bazinet remet tout le monde en place."
1h00: le capitaine Bazinet envoie une patrouille au passage à niveau. Le Sergent-chef Eymonin, chef de patrouille est tué. Le Sous-Lieutenant Denis est chargé de constituer un PA (point d'appui) sérieux au carrefour Nord de Kilstett. Deux TD venant en renfort de la Wantzenau arrivent à Kilstett. Un Dodge envoyé au ravitaillement rentre aussitôt: la route de la Wantzenau est tenue par l'ennemi.
Kilstett est complètement encerclée.
Le 2e bataillon à Reichstett est alerté en vue d'une attaque à l'aube, ainsi que le 7e RCA, le 3e RSAR et le Combat Command de la 2e DB. Il faut que le bataillon tienne jusqu'à l'aube. C'est l'ordre que le Colonel envoie au chef de bataillon Reyniès.
2h00: La section de la gare se replie dans une maison isolée et s'y enferme. L'ennemi pénètre dans les maisons qu'elle vient d'abandonner et y reçoit un sérieux tir de TD.
2h30: l'ennemi attaque la 6e Cie sur la face Sud du village. L'encerclement est total.
3h00: La section de la 10e compagnie tenant la maison isolée se replie et va tenir l'extrémité Nord-Ouest de la rue de l'église.
3h30 à 7 H: L'avance ennemie est ralentie dans le village, mais continue à progresser de part et d'autre de la localité.
7h00: Des éléments ennemis, appuyés par un char, s'avancent vers le carrefour Nord. Le PA Denis réagit violemment. L'ennemi tente en même temps de franchir le passage à niveau Sud, mais il est arrêté par la 10e Cie.
7h30: La 9e signale des chars le long de la digue et au Nord-Est du village.
8h00 L'ennemi tente de déboucher de la gare vers le village, mais il est stoppé par les tirs de flanc de la 10e Cie
9h00: Les Allemands s'infiltrent aux lisières Nord avec 4 chars. La section de l'Adjudant Dinant est encerclée et capturée. Le PA du carrefour Nord, tourné, se replie sur le PC de la IIe Cie, poursuivi par l'ennemi. Le PC de la IIe Cie est menacé.
10h30: Le PC de la IIe Cie, tourné, reçoit l'ordre de se replier.
11h00: Le Bataillon forme le carré dans le réduit au centre du village. Tout le monde tient sur place et fait le coup de feu pour défendre les maisons.
12h00: La contre-attaque du 2e Bataillon et des éléments de la 2e DB, du 7e RCA et du 3e RSAR, dégage enfin le village. Les premiers chars amis arrivent à hauteur du réduit.
DEGAGEMENT DE KILSTETT
Le 2e Bataillon, le 7e RCA, le 3e RSAR et la 2e DB sont alertés vers 1 heure. Le Bataillon débouchant de la Wantzenau devra rejoindre Kilstett appuyé par les chars sur la route de la Wantzenau-Kilstett.
7h00: Le 2e Bataillon est débarqué devant la Wantzenau et rejoint sa base de départ sur la digue. La 5e Cie doit attaquer, suivie de la 7e, mais elle a des difficultés sur sa base de départ car elle est violemment prise à partie par des armes automatiques placées dans le bois.
9h30: La 7e Cie doit alors passer la digue et attaquer le village. Un char est envoyé pour appuyer la 5e Cie. Un violant tir de mortiers sur la digue fait quelques blessés. La 7e Cie a à progresser sur un glacis interdit par de nombreuses armes automatiques ennemies.
10h00: Une section de la 7e démarre, mais ne peut guère progresser. Les chars de la 2e DB démarrent alors et progressent rapidement. Deux TD viennent appuyer la 7e Cie, tandis que notre artillerie et nos mortiers pilonnent les positions ennemies du glacis. Les Allemands s'enfuient vers la forêt.
11h30: la DB est sur la route entre les deux carrefours de Kilstett et commence le nettoyage du village en faisant de nombreux prisonniers. Une Cie de la DB vient se mettre en position immédiatement à la gauche du 2e Bataillon. Ordre est donné à la 7e Cie de démarrer coûte que coûte. Les chars commencent à progresser sur le glacis. La 7e et le groupe franc partent. La Sablière est prise à partie par les engins blindés et la progression de l'infanterie est rapide. La 3e Cie reçoit l'ordre de nettoyer entre la digue et le bras de l'Ill.
14h00: Les premiers éléments du 2e Bataillon entrent dans Kilstett, la liaison est faite avec le 3e Bataillon. La 7e doit progresser vers l'Ouest pour tendre la main à la 5e. Le nettoyage du village continue avec l'appui de chars par le 3e Bataillon et la 6e Cie. De nombreux prisonniers sont faits mais l'opération est très dure au Nord et à l’Ouest de l'église.
16h00: Le nettoyage est terminé; 3 chars Allemands sont détruits du côté de la gare.
17h00: La 2e DB se retire. Le nettoyage s'est poursuivi tout l'après-midi. 108 prisonniers sont capturés. Les pertes sont très lourdes au 3e Bataillon: 24 tués, 77 blessés, 54 disparus. Toute la section Chabanne (PA de la digue) et la section Dinant sont capturées. L'Aspirant de Franclieu est blessé. Le Sous-Lieutenant Bou Amra et une partie de la section sont capturés. Mais Strasbourg est sauvé. Malgré la fatigue de ses hommes et de ses cadres, le régiment a pleinement rempli sa mission, grâce à sa ténacité, à son ardeur, il a tenu. L'Allemand n'est pas passé.
A 23h00, le 3e Bataillon est entièrement relevé et mis en réserve à Reichstett. On déplore la perte de l'adjudant Foscolo de la 1er Cie, tué par éclats de mine en rentrant de patrouille.
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Sujet: Re: Opération NORWIND.... Dim Jan 15 2023, 10:15
le Sous-Lieutenant Baroli, officier de renseignement du 3e Bataillon, a donné quelques précisions dans un journal de Strasbourg:
"Le 21 janvier au matin, la passerelle sautée de Gambsheim est rétabli par l'ennemi et, vers midi, les casquettes des officiers en reconnaissance, font leur apparition dans les tranchées à Bettenhoffen indices suffisamment nets. A 22h45 le 3e Bataillon du 3e RTA installé à Kilstett se rendit compte dès les premiers mortiers que c'était l'attaque.
Quarante tubes crachent leurs mortiers l'artillerie et les chars se joignent au concert diabolique. Puis deux bataillons d'infanterie débouchent à moins de quatre cents mètres de nos positions. Les chars s'en prennent aux mitrailleuses qui défendent la route et le passage à niveau.
La section qui tient à cet endroit est entièrement détruite et les voltigeurs du point d'appui, voyant leurs défenses désorganisées, se retranchent dans une maison à une trentaine de mètres en arrière. Sans s'attarder au nettoyage, les fantassins Allemands filent sur la route qui longe Kilstett et mène à la Wantzenau, nous isolant de l'arrière. A une heure du matin, ils atteignent les lisières de la Wantzenau et se trouvent à dix kilomètres de Strasbourg.
Une jeep quitte cependant Kilstett pour évacuer des blessés. Le chauffeur, ignorant tout de la situation, traverse trois barrages, sans se priver d'utiliser envers les Allemands qu'il prend pour des FFI du langage très vert d'un vieux tirailleur Nord-Africain : "tirez pas, je suis français: tirailleur Mouza 3e Bataillon la p.... les "Fifi" toujours y tirent partout". Il arrive au poste de secours, sa voiture criblée de balles, trois pneus à plat, le radiateur percé. Il demande une autre machine pour rentrer. "Tu ne peux pas", lui dit-on "ils sont encerclés". Mouza sort, on le rattrape. "Ou vas-tu ? Reste ici. "Moi, mon Lieutenant il est encerclé, je retourne avec lui. Ca fait rien la Jeep cassé, je pars à pied".
Cependant à Kilstett la situation s'aggrave deux sections du 1er bataillon envoyés en renfort n'ont pu passer. L'ennemi resserre son étreinte. Au nord, la section de l'Aspirant Balfet, submergée par le nombre, défend l'entrée du village, maison par maison. A l'Est, les chars isolent un de nos points d'appui, et l'ennemi parvient à hauteur du PC de la 11e Cie.
Le Commandant de Reynies ne dispose d'aucune réserve, alors que tous les points d'appui en réclament. On lui a demandé de tenir jusqu'au matin lui promettant une contre-attaque de blindés à l'aube. Il est 9 heures, il tient toujours. Dans les rares minutes de silence, il tend l'oreille: aucun bruit ne vient du Sud. L'ordre est donné de constituer le réduit, les Compagnies se placent dans quatre rues au centre du village. A toutes les fenêtres des guetteurs, a tous les soupiraux des tireurs. Advienne que pourra, le Bataillon fera ce qu'il doit.
Tout à coup, quelqu'un croit entendre un bruit de chenilles vers le sud. Le Commandant écoute, il n'entend rien. La Compagnie Sud a beau signaler, elle aussi, des bruits de chenilles, on doute encore. Mais cela se rapproche, se précise. Les longues rafales de mitrailleuses des chars s'y mêlent. Les Allemands commencent à se replier, ils sont pris entre deux feux. Les tirailleurs les capturent ou les abattent s'ils passent trop loin. A midi réduisant à néant toute résistance sur leur passage, le 2e bataillon du 3e RTA et des éléments de la 2e DB font irruption dans le village. Le cercle est brisé, le Bataillon est dégagé.
Alors d'un seul élan, surmontant l'épuisement des nuits de fatigue et d'angoisse, les tirailleurs repartent en avant avec des chars, nettoient la partie Nord du village. Le Commandant, retrouvant en pleine Alsace la camaraderie du combat de l'armée d'Afrique délivrant les petits postes encerclés du Maroc, embrasse les hommes avec effusion.
Au soir, Kilstett est nettoyé. Les survivants de deux bataillons ennemis se sont enfuis. Le flot qui, ce matin submergeait nos positions, s'est retiré, laissant les épaves de plusieurs chars et des centaines de cadavres sur le terrain. Trois cents prisonniers sont dénombrés. Deux cents hommes à peine ont pu regagner Gambsheim qu'ils laissèrent quelques jours plus tard entre les mains du 2e bataillon..."
Le rapport du 3e RSAR signale 225 prisonniers. Font-ils partie de ces 300 ? Le 12e RCA en compte près de 400. Il est donc assez difficile de connaître le nombre de prisonniers Allemands. On ne peut cependant mettre en doute l'ampleur de la défaite.
Le 12e RCA a participé à cette Bataille:
"Le capitaine reçoit de vive voix les ordres du chef d'Escadron Gribius. Vers 9 heures, le 3e Escadron est chargé d'appuyer de ses feux l'attaque des 4e Escadron et 7e Cie qui se déclenche sur Kilstett, avec, comme axe, la voie ferrée. Un peloton de TD du 7e chasseur est donné en renforcement à l'escadron.
Tandis que le peloton Cheysson s'embosse à la sortie Nord-Ouest de la Wantzenau, le peloton Guichard s'installe à la sortie Nord du village (sa gauche à la voie ferrée). Le peloton de Montal et le peloton de TD sont poussés jusqu'à une large tranchée situés à mi-chemin entre la Wantzenau et Kilstett et orientée Est-Ouest, d'où à défilement de tourelle ils battent tout le glacis, prenant à partie les fantassins Allemands en position dans des trous individuels, fort difficiles à repérer en raison de la couche de neige qui recouvre tout, situés entre cette tranchée et la sablière Sud de Kilstett, qui est tenue également par des Allemands.
Vers 12 heures, le détachement Fonde (4e Esc. 7e Cie) prend pied dans le village, et la liaison est rétablie avec le PC du Bataillon encerclé. Ordre est alors donné au Détachement Mollot d'enlever les bâtiments de la sablière et nettoyer le terrain compris entre celle-ci et la grande tranchée, ainsi que les vergers sud du village.
L'opération est réalisée de façon suivante. Tandis que deux sections d'infanterie se portent sur la sablière, appuyés par le peloton Guichard qui aborde l'objectif par l'Ouest en se masquant des coups d'antichars qui arrivant par moments des lisères des bois du long du Rhin, le peloton de Montal exécute un tir très précis et efficace sur toutes les armes qui se révèlent en tentant d'enrayer la progression de notre infanterie qui, non sans quelques pertes atteint son premier objectif et le village.
L'escadron reçoit alors mission de relever le 4e Escadron. Le peloton Cheysson s'installe sur la face Ouest du village, tandis que les pelotons Guichard (à l'Est) et de Montal (au Nord) coopèrent aux opérations de nettoyage, opérations très ralenties du fait du peu d'entrainement des tirailleurs au travail avec des chars et de la fatigue du combat des dernières 24 heures. Au cours de ces opérations, le peloton de Montal détruit un char Panther et le peloton Guichard réduit une arme antichars au silence. L'Escadron quitte Kilstett à 18h30. S'il n'a fait qu'une cinquantaine de prisonniers, le sous groupement en compte près de 400."
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Sujet: Re: Opération NORWIND.... Dim Jan 15 2023, 10:43
Le 7e RCA signale quelques hauts faits. Ainsi, lorsque le peloton fut alerté dans le nuit, les TD "Dinausaure" et "Démon" parvinrent à gagner le village malgré les tirs d'artillerie; Les TD "Duguesclin" et "Damoclès" étaient alors en réserve à la sortie Nord de la Wantzenau (Maréchal des Logis Adrien). "Dinausaure" tira à la lueur des fusées éclairantes dans le secteur de la gare, mais il fut victime d'un incident de tir et "Démon" le remplaça. Celui-ci cassa sa vis de pointage et dut rejoindre la Wantzenau. En cours de route il fut touché au moteur gauche par un panzerfaust. Il parvint à rejoindre sa base sur un seul moteur.
Les TD "Duguesclin" et "Damoclès" participèrent à une contre-attaque à la Wantzenau où les Allemands se sont infiltrés dans la nuit. Le matin venu, la présence du TD "Dinausaure" n'étant plus nécessaire à Kilstett, celui-ci fut autorisé à regagner la Wantzenau. Faisant feu de toutes ses armes, le TD parvint à échapper à l'ennemi. Il ne restait plus à Kilstett que l'Aspirant Genevrier, le Brigadier Luque et un poste radio.
Cependant une opération de dégagement fut prévue pour les premières heures de la matinée. Y participèrent les TD, les uns attaquant le long de la route et de la voie ferrée et les autres venant de la plaine. "Des boches sont tirés à explosifs presque à bout portant, l’aviation est dans le ciel ... Piqués descentes en vrille ...rien ne manque". Et c'est la victoire. Genevrier a passé la nuit à assurer la liaison avec son poste radio.
"La journée se termine par la destruction d'une casemate sur la route de Gambsheim.....Ce sera pour le Lieutenant Durvicq. De son côté, le Lieutenant Salaud détruit à bout portant les derniers "salopards" qui arrêtaient la progression de la compagnie Albertini......Celle-ci rejoint Kilstett, le nettoyage est terminé et le peloton Salaud s'installe pour la nuit. Bonne journée pour le 3e Escadron qui a mis hors de combat 3 chars lourds, de nombreuses armes automatiques avec leurs servants et fait près de 50 prisonniers.
L'affaire du dégagement de Kilstett par le Groupement Tactique de Langlade (2e DB) nous est racontée par le Général de Langlade lui-même dans son ouvrage " En suivant Leclerc". Il arriva en Alsace le 19 au soir, visiblement heureux de" quitter cette lugubre région où nous venions de passer trois semaines parmi les plus éprouvantes" (la Lorraine). Le GT L "Devait se tenir prêt à contre-attaquer toute avance Allemande entre Strasbourg et Brumath en soutien de la 3e DIA". Le 20, de Langlade rencontra Guillaume, commandant la 3e DIA. Celui-ci était fort préoccupé:
"A peine étais-je entré il me dit ceci:
"....Vous voilà, préparez-vous à me soutenir et à contre-attaquer dès à présent, ma situation est très mauvaise: j'ai une infanterie épuisée qui ne peut plus faire aucun effort, je vais être attaqué entre l'Ill et la route de Brumath à Strasbourg par des forces considérables. Ma division ne résistera pas, nous serons enfoncés et je perdrais Strasbourg....."
Ces pronostics réconfortant me surprirent: ".....Je pense, mon Général, répondis-je, que nous n'en sommes pas là, le terrain entre l'Ill et la route de Brumath-Strasbourg est parsemé de prairies marécageuses coupées de nombreux ruisseaux à bords francs gelés, il est vrai, mais difficiles, l'infanterie Allemande sera accueillie par la vôtre qui tout de même peut encore tirer...!!! Enfin outre votre artillerie, je vous amène deux groupes de 105 plus les canons de tout un Régiment de chars et une infanterie excellente, celle de Massu. Croyez-moi les Boches seront écrasés sur ce secteur, car ils sont loin de pouvoir étaler une puissance de feu égale à la nôtre...."
Le Général Guillaume me lança un regard froid et maintint sa proposition avec ténacité: "....Oui....oui....je compte sur vous, bien sûr, mais si je suis attaqué, je perds Strasbourg.....Je serais le Général Français qui aura perdu Strasbourg...."
Renonçant à contrecarrer le Général Guillaume et pressé de retourner à Marlenheim, je le saluai en l'assurant que tout serai fait pour éviter cette très improbable catastrophe et repartis au plus vite à mon poste de commandement. Il y régnait un climat réconfortant et gai, Massu et Gribius connaissaient leurs ordres, tout était paré en état d'alerte. Il n'y avait plus qu'à se restaurer, se reposer et attendre.
L'annonce de la retraite de l'Armée Américaine sur la Moder n'ébranla en rien notre robuste optimisme renforcé par l'apparition d'un extraordinaire pâté de chevreuil en croute.
Le 20 Janvier se passa dans le calme, la neige tombe à gros flocons pendant 9 heures de suite, la couche atteint 60 Centimètres avec des combles infranchissables sur certains axes routiers. Vers 22 heures les téléphones commencent à se déchaîner et les messages radio affluent.
L'attaque Allemande est déclenchée entre Gambsheim et Brumath l'infanterie ennemie a investi Kilstett, puis y a profondément pénétré. Un bataillon de la 3e DIA commandé par le Chef de bataillon Seguin de Reynies y est encerclé et voué à la destruction. Quelques fortes patrouilles Allemandes poussent vers la Wantzenau entre l'Ill et la nationale 68 de Strasbourg à Gambsheim. Ce qui frappe au premier abord c'est l'étroitesse du front d'attaque. Peut-on même parler de front ? L'ennemi pousse sur l'axe de la route plutôt qu'il ne manœuvre, aucun mouvement n'est décelé dans l'Ouest, il y semble n'avoir rien pour l'étayer sur son flanc droit. Tout cela pue le "raid à l'influence", le bluff auquel nous avons été soumis bêtement depuis un mois. Mais la leçon a servi. Devant cet état de fait l'ordre est donné à Massu qui borde la route de Brumath face à l'Est à hauteur du Herrenwald de pousser de profondes reconnaissances à l'est et de me renseigner sur toute menace se dessinant sur son front ou sur toute progression ennemie vers le Sud en direction de Strasbourg à Gambsheim et la route de Strasbourg à Bischwiller.
Gribius reçoit mission de se porter de suite aux avancées de la Wantzenau, de reprendre Kilstett et de refouler les éléments ennemis rescapés sur Gambsheim et au-delà, si possible. A 6h15, accompagné de Verdier, je quitte Marlenheim avec mon poste de commandement avancé. Nous rejoignons Gribius qui est en mouvement depuis 4h30 et est parvenu à mi-chemin entre Schiltigheim et la Wantzenau.
Le plan suivant est aussitôt arrêté: Gribius attaquera en deux colonnes débouchant de la Wantzenau. De Bort avec un escadron de chars et la compagnie commandée par le Capitaine Mollo glisseront le long de l'Ill au travers le bois longeant la rivière et attaqueront Kilstett par l'Est du village. Le Commandant Fonde avec l'escadron de chars Baillon et sa compagnie du Tchad progresseront par la route et à l'Ouest de celle-ci, et attaqueront Kilstett par l'Ouest, le bataillon Destremeau de la 3e DIA en réserve à la Wantzenau suivra dans le sillage de l'attaque de Bort, destiné à occuper Kilstett, aussitôt repris. Le Bataillon de Reynies, ou ce qu'il en reste, ira se refaire à la Wantzenau.
Ces décisions prises, je courrai au poste de commandement du Général Chevillon, Commandant l'infanterie de la 3e DIA dans Schiltigheim, y précédent de peu le Général Leclerc, qui ayant approuvé les dispositions prises se retira presque aussitôt.
Le Général Chevillon écoute ensuite les ordres donnés, se préoccupe de nous restaurer, montrant une courtoisie telle et une impassibilité telle en regard des événement que j'en suis à me demander si je n'étais pas convié à un déjeuner de chasse précédant une battue de perdreaux!....Je pris alors congé de lui, accompagné jusqu'à ma Jeep par le Général m'exprimant en des termes et dans une forme incomparable ses remerciements. Il attendrait, me dit-il, de son poste de commandement avancé de la Wantzenau, les résultats de la manœuvre afin de ne pas m'importuner.
A 8h30 je m'installai d'abord sur le toit de la gare de la Wantzenau, mais en fus chassé par une salve de 105 Allemands. Je gagnai donc les fossés de la route et quelques monticules à cinq cents mètres au Nord et attendit les événements. A ce moment, un dernier message en clair envoyé par le Commandant de Reynies pris au piège dans Kilstett disait ceci: "Faites vite, le hallouf est dans le douar" , traduction "faites vite le cochon sauvage est dans le village".
A 9h30, l'attaque est déclenchée selon les ordres et le dispositif arrêté. La bataille dura toute la journée et il fallut sept heures pour paralyser les dernières résistances et être entièrement maitre de Kilstett. Ceci fut dû au fanatisme déployé dans la défense par l'ennemi. Celui-ci se battit à pied, luttant jusqu'à la mort et refusant de se rendre. On fit cependant 350 prisonniers et on décompta plus de 400 cadavres. Avec les blessés rescapés, l'on pouvait admettre que deux Bataillons avaient été mis hors de combat, dont un pratiquement détruit. Il s'agissait du Régiment Marbach entièrement constitué d'élèves sous-officiers fanatisés! Il n'y avait aucun 2e Classe. Ce corps avait été ainsi formé car les cadres dépassaient maintenant en nombre les effectifs décimé de la troupe et, plutôt que d'être sans emploi, s'étaient formés en corps d'élite comme le prouvait ce régiment. Cela démontrait l'état critique de l'armée Allemande...elle était dépouillée jusqu'à l'os, et l'os lui-même allait bientôt craquer.
En plus de ces pertes, le sous groupement Gribius avait détruit 3 chars Panther et 4 canons automoteurs.
Avec la même courtoisie, mais plus chaleureuse, le Général Chevillon m'exprima ses remerciements pour cette "belle journée". J'en fis autant,en nepoussant cependant pas jusqu'à dire "A la prochaine fois".
De cette affaire dont les commentateurs et les historiens ont déclaré unanimement que le sort de Strasbourg dépendait, ce que personnellement j'ai toujours refusé de croire, je n'entendis plus jamais parlé jusqu'au 21 Avril où je reçus la citation suivante:
"Le Général d'Armée de Lattre de Tassigny Commandant en chef La 1er Armée Française cite à l'ordre du Corps d'Armée le Groupement tactique Langlade de la 2e Division Blindée. Engagé le 2 Janvier aux ordres du Général Langlade en soutien de la 3e DIA, est intervenu de façon décisive pour briser le dernier assaut Allemand en direction de Strasbourg.
Après une étape de nuit rendue difficile par la haute neige et le gel, s'est porté résolument à l'attaque pour dégager un bataillon de Tirailleurs encerclé depuis la veille à Kilstett, par des forces supérieures. Par la soudaineté et la violence de son intervention a complètement surpris l'ennemi, l'a mis en déroute, lui infligeant de lourdes pertes et lui faisant une "centaine de prisonniers".
Ce que Langlade ne dit pas, c'est la violence des premiers combats qui transparaît dans le récit du 3e Régiment de Tirailleurs:
"La contre-attaque du Bataillon Destremeau démarre à 9 heures. La 5e Compagnie est clouée au sol dès le départ. Le Lieutenant Albertini qui la commande tente de faire franchir la digue à la section Plibon, mais soumise à un tirs intense de mortiers, cette unité doit revenir sur sa position initiale à l'abri de la digue.
La Compagnie Julien prend position sur les rives d'un petit ruisseau bordé de saules. La section Gilly fait un bond en avant de 150 mètres, atteint un champ de maïs dont les tiges dépassent de la neige, mais reçoit à son tour des rafales d'artillerie qui l'empêchent de continuer sa route.
Puis le CC 2 démarre et les blindés arrivent: "Le spectacle est extraordinaire. Au milieu du champ de neige que des milliers d'éclats parsèment de trous noir, on voit sortir de leurs trous des paquets d'Allemands qui s'étaient enterrés et partent en petites colonnes en levant les bras". Un peu plus tard, au début de l'après-midi, deux Sherman avancent, guidés par l'Aspirant Henry. "Il aperçoit soudain vers les dernières maisons un char Panther protégeant le repli d'un petit groupe d'Allemands. L'Aspirant va chercher un de nos chars et lui donne l'emplacement du monstre qui apparaît, bien visible entre deux maisons. Le Sherman tire deux obus et met le Panther en flammes, pendant que trois petits hommes noirs s'enfuient dans la neige en direction de Bettenhoffen mais sont rapidement cueillis par les voltigeurs.
Partout dans la neige, dans les trous, les blessés Allemands appellent nos brancardiers. Dans les rues, chars, prisonniers, civils sortis des caves, tirailleurs hirsutes, ivres de joie se rencontrent pendant que vers Bettenhoffen fuit ce qui reste vivant des Bataillons Schmidt et Treutler.
La bataille de Kilstett est gagnée. Le flot Allemand se retire, mais il laisse derrière lui des épaves, 7 chars, deux cents cadavres, 300 prisonniers. Chez nous les pertes sont lourdes. L’infernale nuit du 21 au 22 janvier et la journée du 22 Janvier coûtent au 3e Régiment de Tirailleurs 170 tués, blessés ou disparus."
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Sujet: Re: Opération NORWIND.... Dim Jan 15 2023, 12:22
Jean Julien Fonde, capitaine de la 7e Cie du 2e RMT (Régiment de Marche du Tchad), dont le nom a été cité à plusieurs reprises, a évoqué cette affaire dans son livre " J'ai vu une meute de loups"
"A 4 heures du matin, le 22, le mot-code d'alerte immédiate, "Caiman", passé au téléphone, signifie que la meute doit se trouver à 4h30, tête au carrefour de la nationale 4, proche de la sortie Est de Handschuheim, et s'amateloter au passage avec le 4e escadron.....lentement et péniblement, dans la nuit glaciale, la colonne s'ouvre une tranchée d'une vingtaine de kilomètres de longueur, jusqu'à la Wantzenau, dans l'épaisse couche de neige gelée d'où émergent, seules, les deux lignes d'arbres parallèles de la route.
Au-delà du passage à niveau tenu par de faibles éléments amis, s'étend la plaine blanche, immaculée, et là-bas, désigné par les flocons des fusants, le village encerclé de Kilstett, enseveli lui aussi sous la neige, au bout du double alignement des grands arbres noirs.
La meute, avec le 4e escadron et un peloton de TD, aux ordres de la Bagarre, est chargée de contre-attaquer sur l'axe la Wantzenau-Kilstett, reconnu à loisir les jours précédent par d'autres officiers. Il s'agit de dégager les Algériens, de détruire l'ennemi ou de le rejeter sur Gambsheim.
Au moment où l'attaque démarre, vers 9h30, le peloton Obusier "lance-patates" du lieutenant Lanquesaing survient en renfort. Aussitôt mis en batterie, à l'Ouest de la nationale, au-delà du passage à niveau, il s'applique à flanquer de ses feux, au plus près, la progression de la colonne, préparée en avant par l'artillerie. Le lacis compliqué des champs de mines antichars, porté sur le plan remis à la Bagarre, limite considérablement les possibilités de manœuvre, à gauche de la route.
La section Jamot - Guichard avec les groupes de Josef Unterfurtner, Moreau, Sagne, Lesueur, Bieder, ouvre la voie sur les chars du peloton de Miscault. Les éléments amis du passage à niveau, blottis dans la neige, au fond des trous et des fossés, de blancs vêtus et bleu de froid, tout de suite dépassés, indiquent l'ennemi invisible et proche à 300 Mètres.
La section saute à terre, excepté Josef et son groupe, juchés sur le char de tête, dont la radio est en panne. Trois cents mètres plus loin, le tapis blanc, sur la gauche, à 20 mètres, s'animent! Ceux du groupe Josef voient, sautent, bondissent. Trop tard, le coup de Panzerschrek perce et imobilise le "Périgord" et le vieux Josef, Lorieux, Boyer tombe foudroyés, en plein élan, à 10 mètres de la mitrailleuse et du tireur de Panzerschrek.
Guichard, Bieder et son groupe surgissent, mitraillettes tressautant: Leborgne, Konkolevski sont frappés à mort. Bieder a l'épaule gauche fracassée. De Pinguilly, qui le relève au commandement, est légèrement atteint à son tour d'un éclat à la main gauche, puis, peu après, est mis hors de combat par un projectile sur le bras droit. Izembart, une balle dans le ventre s'affaisse près de Lelièvre, que son copain Lebannier rejoint en rampant et tire à l'abri. Dy, aveuglé, et Gorgain, gravement atteint en pleine poitrine sont secourus par Prévost. Le combat s'arrête brutalement: les quinze derniers Allemands lèvent les bras, engoncés dans leurs surtouts blancs à capuchon. Amenta avec "Pabeda" et des Jeeps-brancards, évacuent les blessés, à toute vitesse, jusqu'à la Wantzenau. Lorieux n'avait pas 19 ans, Konkolevski devait fêter ses vingt ans le lendemain.
Les trois Sherman restants du peloton Miscault débordent à gauche de la route sous la protection de Guichard et des rescapés de la 3e, tandis que Salbaing et "son" peloton déboitent à droite le long de la voie ferrée. La 2e, privée de Maret, trouvé par la Bagarre, inanimé, violet sur une plateforme arrière, et évacué par "Pabeda", poursuit l'attaque à pied sur l'axe de la route, avec les quatre chars du peloton Dufour.
Aux abords de Kilstett, deux des trois chars de Miscault, "Le bordelais" et " L'aulnois", sautent et d’échenillent dans un champ de mines, oubliés ou ignoré par l'auteur du plan. Gêné par le harcèlement de l'artillerie ennemi, la remise en état de marche n'aboutira qu'à la nuit, au prix de la vie du jeune Martin, déjà blessé à Fontenoy-la-joute, foudroyé par un obus de plein fouet, avant d'avoir pu plonger à l'abri. Guichard enveloppe la dépouille déchirée du jeune héros dans une toile de tente.
La tête de la 2e section, aux ordres de l'Adjudant-Chef Rolland, carabine au poing, ne s'attarde ni au contrôle, ni au nettoyage des habitations. Elle fonce aux lisières Nord du village, appuyée par les feux des armes des Sherman qui, sensibilisés aux Panzerfaust, canonnent et mitraillent sans pitiés portes, fenêtres, soupiraux, encoignures. Des Algériens surgissent cependant des caves en agitant les bras. Des cadavres gisent de place en place. Deux groupes s'infiltrent dans les dernières maisons, les traversent, s'embusquent dans les jardinets de l'autre côté, face à la plaine blanche de Gambsheim et aux rideaux d'arbres dénudés marquant le cours de l'Ill et du Rhin.
Le froid est intense. Des stalactites pendent à la moustache de 1611, le caporal Marocain. Il jure. Du "dur" se révèle autour de la gare. Les fantassins Allemands abrités clouent au sol les attaquants. Les quatre Sherman concentrent l'enfer sur eux, à bout portant. Vers midi, la gare et le quartier environnant sont occupés, quarante-cinq ennemis rescapés, en blouses blanches, se rendent les uns après les autres, tremblant d'épuisement devant les Landolfini, Philippe, Leborre, Laverrée, Bataille, Leport, Moretto.....
Soudain des Panthers apparaissent au Nord-Est, camouflés de blanc, se mouvant lentement dans l'étendue neigeuse qui étincelle sous le pâle soleil d'hiver. Ils ouvrent le feu. Les groupes de Manfredi et de Landolfini sont neutralisés, bloqués. Rolland galope, alerte lui-même les Sherman de Dufour, de l'autre côté de la voie ferrée, hors du champ de vision, revient vers le secteur menacé près du passage à niveau, retraverse la chaussée. Elle explose près de lui. Il s'affaisse, essaie de se relever. En vain. Touché à l'aine, la jambe droite fracturée et truffée d'éclats, il fulmine. Philippe et Manfredi, aidés d'Altan et d'Ahmed ben Maizi, le tirent à l'abri des tirs du Panther. Bouffort, médusé et atterré, regarde, la bouche ouverte. Le sang coule abondamment. Rolland regarde sa cuisse et dit, tendant son portefeuille à Teboul: "Artère fémorale, c'est râpé. Tu enverras à ma famille". Puis il réagit, devient furieux, donne des ordres pour détruire l’Allemand, bloqué à la lisière du village par la crainte des mines et bazookas amis, camouflé et embusqué à défilement de tourelle, à cent mètres de là. Il remet sa carabine à Landolfini. Une Jeep-brancard l'emporte, jurant, amer. Sa fémorale n'est pas touchée. Le Sous-Lieutenant Athiel, jusqu'à là en réserve, prend le commandement.
Des duels singuliers, au canon, s'engagent entre les Sherman embusqués à l'angle des habitations et les Panthers et Jagdpanthers; Le "Guyenne II" s'en paie deux à une heure d'intervalle. Un obus de rupture cisaille le barbotin du "25 Aout".
Soudain surgissent des chasseurs-bombardiers, à cocarde française ceux-là: spectacle oublié depuis Dompaire. Le vertigineux carrousel bien connu se développe, piqués vers le sol, disparition, retours en chandelle vers le ciel accompagnés des éclats du tonnerre brisant des rockets, du halètement saccadé des canons de bord tandis que de place en place, dans la plaine blanche, s'élèvent en volutes d'épaisses colonnes de fumées noires.
L'artillerie ennemie se déchaîne sur la gare et les lisières nord, s'opposant à un éventuel débouché vers Gambsheim. Ceux de la 2e saluent, se planquent derrière les murs, sous les porches, sous les comptoirs massifs dans la gare, dans les caves des maisons. Le Sergent Marcel Teboul, truffé de ferraille dans la région des reins, est chargés sur une Jeep des fusiliers-marin par Maïzi et Atlan. Peu après, la carabine de celui-ci est fracassée. Il reçoit trois éclats dans le bras et la main gauche. Le même projectile blesse légèrement le chef Landolfini et met hors de combat Julien Meunier. Bouchet, nasillant, reçoit un éclats dans la fesse gauche, et sur les épaules, avec les débris des glaces, le bar zingué du débit désert où le groupe fête son succès. Etendu sur le ventre, il couine et saigne comme un égorgé. Près de lui, Louis Gauthier est mortellement atteint à la tête. Bataille et Laverrée, qui remontent de la cave, les tirent à l'abri, déploient trousses et paquets de pansements.
Déployé à droite de la route et de la voie ferrée, le tandem Salbaing-Catala est un instant immobilisé. L'ennemi, invisible dans la neige, parait cependant regroupé dans une dépression près de la voie. Son tir est désordonné, imprécis. Les Sherman matraquent à l'explosif. Duc, qui traverse une période bazookas, ajuste successivement deux obus, qui percutent sur la neige gelée et explosent dans la dépression.
"Attention préparez-vous pour l'assaut", ordonnent Salbaing et Franchi, relayés par les chefs de groupes, puis "en avant, la coloniale!" hurlent gradés et hommes ensemble. Toutes armes crachant, appuyés par les Sherman, les quarante de la 1er se ruent, mitraillent, grenadent, atteignent la dépression.
Trent formes blanches lèvent les bras. Plus à droite, à l'approche des chars, une dizaine d'autres émergent de trous individuels profonds. Les visages et les mains sont violacés, des blessés gémissent, le sang gèle sur un visage atrocement meurtri. Une forme surgit encore de la neige, menaçante. A la carabine, un chef de char, vigilant, l'abat de sa tourelle.
La progression reprend la 1er aborde Kilstett par le Sud-Ouest. Les chars canonnent et mitraillent les ouvrages des lisières, les soupiraux des caves et les rez-de-chaussée d'où l'ennemi, parfois infiltré entre les défenses des Algériens et abrité des fusant, cherche encore à tuer. A 12 h15, le carrefour de l'église atteint, le nettoyage commence où Duc, Dutil et hunter, à la tête de leurs jeunes bagarreurs, Grulier, Lechevrel, Le Moussu, Ripaud, Le Douarec, Boetti, Caralp, Obé, Hubert, Gomez, Silvi, collectent prisonniers, mitrailleuses, mitraillettes, fusils, pistolets. Les quarante de Salbaing, épaulés par les chars de Catala, doivent s'assurer, une à une, de toutes les maisons d'où sortent Allemands, bras levé, et Algériens, épuisés et traumatisés mais renaissant à la lumière et à la liberté. Le Sergent Duc et André Mazoyer sont légèrement blessé.
Le Fritz s'accroche et sur demande de La Bagarre, la 8e Compagnie de Mollot et un peloton de chars du 3e escadron entrent en lice, prennent d'assaut et nettoient la sablière où les Lieutenants Mouchonnet et Champeau sont gravement atteints, puis l'Est du village, non sans autres pertes. Ils font liaison avec Salbaing à l'église. Les Algériens, dégagés et devenus vainqueurs participent à la collecte des prisonniers. Le Capitaine Mollot, le poignet traversé par une balle une heure auparavant, au moment où il levait le bras pour ordonner l'assaut, passe alors le commandement de sa compagnie au Lieutenant Le Barbé. Il est évacué par Amenta et l'infatigable "Padeba". Au crépuscule, l'entrée dans Kilstett du gros du 3e escadron donne à la Meute le signal de la relève et du repli. Lachaud part aussitôt en avant préparer le cantonnement fixé par le commandement à Oberhausbergen."
Cette action révéla des héros: ainsi le Caporal-Chef Lopez qui tenait le passage à niveau dans la nuit. Il arrête l'ennemi à la grenade. Le Général de Gaulle en personne lui accrochera plus tard la Médaille Militaire à la poitrine.
Ou encore le Sergent Gillet:
"Vers 4 Heures un Dodge allant chercher des munitions revient aussitôt apprenant que la route de la Wantzenau est coupée. Le Bataillon de Reyniès est totalement encerclé. Les vagues Allemandes qui se brisent sur Kilstett déferlent vers la Wantzenau défendue par le 1er bataillon. Le Lieutenant Bucco qui commande la CA 3 reçoit l'ordre d'envoyer un sous-officier à la section de mitrailleuses du Sergent- Chef Emonin qui vient d'être tué. Le Sergent-Chef Grandjean de la section des mortiers est désignés, mais il ne connait pas l'itinéraire. Le Sergent Gillet, neveu du Sergent-Chef Emonin dont il ignore encore la mort s'offre spontanément pour conduire Grandjean à la section de son oncle.
Ils partent tous les deux dans la nuit, mais arrivés au barrage antichars, une rafale broie la jambe de Grandjean. Gillet ne perd pas son sang-froid, sous la mitraille il lui fait un garrot avec sa ceinture, le charge sur son dos et ramène le blessé au poste de secours du bataillon. Ce geste sauvera la vie de Grandjean qui s'en tirera avec l'amputation. A son tour, le Lieutenant Denis est désigné pour remplacer Emonin. Il part dans les ténèbres auréolées de feu toujours conduit par l'infatigable Gillet.
Au PC de la 11e le Capitaine Bazinet annonce au Lieutenant Denis la mort du Sergent-Chef Emonin. Gillet, qui a entendu, apprend ainsi la mort de son oncle. De la fenêtre du PC, en scrutant l'obscurité, Denis et Gillet devinent le corps d'Emonin étendu sur la neige. Denis doit raisonner Gillet qui veut absolument ramener le corps de son oncle, mais les mitrailleuses arrosent la rue et les obus passent avec des sifflements sinistres à nouveau.
A la pointe du jour, l'ennemi attaque la région du passage à niveau Sud. Les armes automatiques de l'Aspirant Henry crachent des rafales sans fin bientôt appuyées par les tirs de mortiers de l'Adjudant-Chef Derrac auxquels se mêlent les tirs de notre artillerie appliqués sur la voie ferrée. Par petits groupes, on voit l'ennemi s'infiltrer. Vêtus de cagoules, coiffés de casques blancs, les grenadiers Allemands se confondent avec la neige. A bout portant le Sergent Gillet en abat plusieurs avec sa carabine en criant au Lieutenant Denis: "encore un qui accompagnera mon oncle".
L'ennemi surpris de trouver des défenseurs dans ses ruines se replie mais un char Panther s'avance à 100 m et tire sur les maisons. Le Sergent Drid qui sert lui-même une mitrailleuse dont tous les servants sont hors de combat fauche les premières vagues ennemies à quelques mètres. Le char qui progresse devient dangereux. Le Lieutenant Denis détache le Sergent Gillet en direction du PC de la 11e avec mission de ramener avec lui un rocket-gun. Mais Gillet ne devait jamais revenir. Il était tombé entre le point d'appui Denis et le poste de commandement du Capitaine Bazinet.
Citons également l'Aspirant Fontaine, le jeune artilleur de liaison qui guida les tirs du II/67e. Ou le courage collectif des rescapés du 3e bataillon et de la 6e Compagnie du 3e Tirailleur qui, à partir de 11h du matin le 22, "farouchement cramponnés aux décombres de Kilstett, préférant se faire hacher sur place plutôt que de reculer forment un hérisson de feu et opposent aux bataillons Schmidt et Treutler le rempart de leurs poitrines." C'est alors que le Commandant de Reynies demande le déclenchement du tir "Jean", c'est-à-dire "il demande que l'artillerie Française tire sur Kilstett, sur ses hommes, sur lui-même. Le tir Jean se déclenche. Une affreuse averse de projectiles s'ajoute au feu des chars ennemis, mais ce tir stoppe pendant quelques instants les éléments d'infanterie Allemande".
C'est alors que les chars tant attendus arrivent. "Pervenches et Bleuets démarrent" annonce Fontaine, c'est-à-dire les TD et les chars légers. "Coquelicots à hauteur passage à niveau Sud" (ce sont les Chasseurs d'Afrique).
BILAN DE LA BATAILLE DE KILSTETT.
La bataille de Kilstett avait été gagnée, certes, mais à quels prix ? Le village était en ruine, comme le montre cette description du 3e Régiment de Tirailleurs:
"Peu de maisons sont habitables. Du clocher de l'église ajouré par les obus pendent des poutres, des débris d'armature métallique. Près d'elle une maison brûle encore. Cà et là, des cadavres Allemands traînent encore, tordus, grimaçants, à-demi ensevelis sous la neige souillées; Devant le village un char Panther, déchenillé, fume encore, mais il vaut mieux ne pas aller le voir de trop près: les lisières sont balayés par les balles. Les rues sont désertes, presque tous les civils ont été évacués sur Strasbourg et les militaires, instruits par l'expérience, ne s'aventurent sur la neige qu'en cas d'absolue nécessité et revêtus d'une cagoule, nouveaux pénitents blanc."
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Sujet: Re: Opération NORWIND.... Dim Jan 15 2023, 13:26
A Kilstett, comme dans bien d'autres localités d'Alsace, les civils avaient vécu la bataille, réfugiés dans les caves. Ils avaient parfois été pris en otages, forcés de faire visiter les lieux à l'occupant afin que celui-ci soit sûr qu'il n'y avait ni Américains ni Algériens caché dans les placards. Le Père Antoine Debs, dans son livre "Kilstett non à l'oubli" traduit avec justesse les souffrances de ces pauvres gens. Une centaine de personnes avaient été évacués dès le 21 vers Westhoffen par des camions militaires, mais les autres étaient restées. Est-il si facile d'abandonner sa maison, ses animaux, ses biens....Mais lorsque la maison est éventrée, lorsque l'on a tout perdu, biens, bêtes, a-t-on le désir de rester pour attendre le prochain cataclysme ? De nombreuses personnes partiront le lendemain des combats, abandonnant le village aux militaires qui aménagent les caves et les abris. A la tombée de la nuit, camions et mulets apportent munitions, rondins, fil de fer, sac à terre et autres matériaux que le Capitaine Morel, du 2e bataillon s'efforce de distribuer avec autant de largesse que d'équité."
Concentration des forces dans le secteur d'Oberhoffen.
Il devint apparent le 22 que les Allemands concentraient des forces au N-E de Bischwiller. On entendit des bruits de troupes et de chars dans le camp d'Oberhoffen pendant la nuit et Kaltenhouse reçut quelques obus. Vers midi, des fantassins, des chars, des pièces d'artillerie tirées par des chevaux et des canons antichars commencèrent à affluer près d'Oberhoffen, dans les environs du camp et aux lisières Est et Sud du bois d'Oberhoffen. Il s'agissait d'une concentration importante puisque l'on compta jusqu'à 200 Véhicules. Ces mouvements se poursuivirent jusque dans la soirée. A Oberhoffen même, Mme Christmann vit s'avancer "depuis Schirrhein beaucoup de fantassins vêtus de tenues de camouflage blanches. Ils amenèrent avec eux des armes placées sur un traîneau. C'étaient de tout jeunes soldats, presque encore des enfants". La localité fut bombardé à plusieurs reprises, si bien que les voisins des Christmann, les Scherding et les Heinrich, demandèrent à se réfugier dans leur cave. Douze personnes avaient pris place dans la cave Christmann lorsque des soldats Allemands arrivèrent, demandant l'asile:
"Maintenant nous sommes si nombreux qu'on ne peut plus même se retourner. Je préparai un café chaud qu'ils acceptèrent avec des remerciements. Il y avait un Lieutenant, un Sous-Lieutenant, un caporal-Chef, un autre caporal-Chef, un Caporal....De temps en temps arrivaient des messages. Sous la pluie d'obus, les jeunes gens durent partir avec des messages. Mais il ne leur arriva aucun mal, alors qu'ils avaient déjà eu deux tués près du pont de la Moder."
Au milieu de la nuit une voiture prise aux Américains apporta le ravitaillement. Malheureusement un obus tomba près de la porte d'entrée, rendant la majeure partie des repas impropre à la consommation, puisque le réservoir à essence avait été percé par un éclat d'obus et son contenu s'était déversé sur la nourriture. Les soldats Allemands quittèrent Oberhoffen peu après.
Des patrouilles ennemies s'infiltrèrent à Haguenau et des chars furent repérés à l'Est de la ville. Une patrouille ennemie revêtue d'uniformes Américains tenta de s'infiltrer dans les lignes du 314e. La même activité se produisit dans le secteur de la 36e DIUS. Les texans tirèrent sur le Dornenwaeldel où les Allemands s'étaient infiltrés, mais ceux-ci l'avaient évacué au cours de la nuit. 25 chars circulèrent au Sud-Ouest de Herrlisheim. Et un groupe indéterminé s'apprêta à attaquer à l'Ouest de cette localité, mais il fut dispersé par l'artillerie.
Il convient de signaler que la 36e DIUS prit le premier déserteur de la 10e SS PD. Il appartenait à la 9e Compagnie 21e SS PGR. Il avait quitté les positions de sa Compagnie au Sud du bois de la Langenau le 21 au soir et s'était rendu à pied à Weyersheim. La 9e Compagnie devait attaquer les bois à l'Est de Kurtzenhouse le 21 à 16h. La 10e Compagnie participait à l'attaque. L'unité à laquelle appartenait cet homme avait traversé le Rhin le 19 afin de prendre part à l'attaque de Weyersheim.
Dans le secteur de la 553e Division, on nota l'activité habituelle de l'occupant. Les routes furent déminées, en particulier la route de Sessenheim- Soufflenheim, le pont de l'Eberbach fut ouvert à la circulation. Les unités prirent position dans les localités: Le Grenadier Regiment 2 avança à Soufflenheim avec les Bataillons I, XIII, XVI, et XVII. Des actions reconnaissance furent menées vers Haguenau afin d'y établir une tête de pont, mais sans résultat concret. Cependant l'ennemi amenait des troupes dans la forêt en vue d'une offensive prochaine. Conscient de leur faiblesse numérique, les officiers avaient recommandé aux hommes du Bataillon XIII de "crier" en passant près du Metzgerhof. L’attaque sur Haguenau fut repoussée à plus tard, mais l'ennemi occupait les maisons au Nord de la Moder. Les Allemands connaissaient certaines difficultés pratiques: ainsi la défense antichars fut obligée de rester à Roeswoog par suite de manque de carburant. De plus, l'insuffisance de moyens de transport privait les unités de ravitaillement. Or il faisait très froid.
Des messages décryptés par les services de renseignements britanniques révélèrent que les Allemands avaient l'intention de suivre les Américains jusqu'à la Moder, de pénétrer dans les lignes ennemies et d'attaquer les hauteurs nord-est de Brumath. Hitler donna de nouvelles directives: Les attaques dans les Vosges du Nord et sur le Rhin devaient être poursuivies tant qu'il restait une chance de vaincre l'ennemi au nord d'une ligne Haguenau-Saverne. Les divisions Allemandes furent déplacées afin de concentrer l'effort principal sur le saillant de Haguenau: de l'Ouest à l'Est étaient déployées la 6e SS Gerbirgs div.., la 36e VGD, la 7e Fallschirmjägerdiv.., La 25e PGD, la 10e SS PD, la 21e PD et la 553e VGD. Seules la 36e VGD et la 10e SS PD pouvaient être considérées comme aptes à l'attaque.
Les concentrations de troupes ennemies se poursuivirent le 23, particulièrement dans le secteur d'Oberhoffen, ainsi qu'au nord de la forêt d’Haguenau. Parmi les véhicules observés se trouvaient des Jeeps, des camions et des halftracks Américains. Des soldats Allemands se réfugièrent l'instant d'une tasse de café, dans la cave des Christmann. Ceux du premier groupe étaient très jeunes. Ils avaient ramené des prisonniers et ils cherchaient leur unité. Oberhoffen fut à nouveau bombardé et on déplora trois victimes civiles.
Les patrouilles s'activaient des deux côtés: il convenait de faire des prisonniers afin de savoir ce qui se préparait dans le secteur de la 36e DIUS par contre l'activité avait décru: on nota moins de mouvements de troupes comme de véhicules. L’ennemi tenta de s'infiltrer en un point seulement: à Hanhoffen où 40 hommes tentèrent de prendre un poste avancé Américain.
Ce qui caractérisa surtout cette journée fut l'apparition des premiers avions à réaction Allemands. Ils lâchèrent des bombes sur Weitbruch, Kurtzenhouse, Gries, Bischwiller et d'autres objectifs, sans toutefois causer beaucoup de dégâts. Les services de renseignements de la 36e DIUS estimaient qu'une attaque majeure ne surviendrait pas avant le lendemain soir. Les Allemands se plaignaient des FFI qu'ils appelaient "terroristen" et "Gesindel" parce qu'ils avaient subi des pertes élevées à cause de tireurs isolés.
Le 142e RI consacra son temps à améliorer les défenses de Bischwiller: il installa des mines anti-personnel et antichars ainsi que des barbelés à l'extérieur de la localité, des armes telles que des mitrailleuses de calibre 50, des canons antichars et des TD furent placés dans la ville. Les rues furent barricadées. On fit des essais de projecteurs la nuit. Ces projecteurs fournissaient une lumière comparable à celle de la lune et permettaient de voir les silhouettes par nuit obscures.
A Kilstett le calme était revenu. Le village pansait se plaies. Les cadavres jonchaient les rues certains ne seront d'ailleurs enterrés que bien plus tard. Les éléments de la 3e DIA étaient inquiets: l'ennemi allait-t-il renouveler sa tentative de vouloir reprendre Strasbourg ? Le colonel avait donné l'ordre de défense suivant:
I. La défense du quartier de Kilstett sera réorganisée au plus vite en tenant compte de l'expérience tirée des récents évènements.
II. MOYENS:
- Le II/3 (moins une Cie)
- 1 Compagnie de l’I/3
- 2 escadrons de gardes mobiles
- 1 section du Génie qui sera entièrement à la disposition du commandant de l’II/3
III. le PA extérieur, à l'Est de la cote 130 sera consolidé, il fera partie intégrante de la défense de Kilstett. Envisager la possibilité de le replier au village par un système de communication enterrée. Se couvrir face à Bettenhoffen et face à l'Est par de petits postes avec mission de surveillance et d'alerte.
IV. Le peloton de TD regagnera la Wantzenau dès le nettoyage terminé. Mission: à la disposition du Colonel Commandant le sous-secteur en vue de participer à des missions de contre-attaque en cas d'irruption de chars soit en direction de Kilstett, soit en direction de Hoerdt.
Dans la nuit du 23 au 24, Bischwiller reçut quelques tirs d'artillerie. Les patrouilles ennemies se montrèrent fort actives. L'une d'elle tenta de s'infiltrer à Bischwiller, tandis que l'autre, à l'Est de Weyersheim, perdit 5 membres tués, et trois faits prisonniers. Ils s'agissait de la 1er Compagnie, 125e PGR, 21 PD. Cette patrouille devait reconnaître si les postes avancés Américains du Waldgraben étaient toujours occupés. Si la route était libre, elle devait se rendre à Weyersheim. Mais en route, elle se heurta à une patrouille Américaine. Tous les membres de la patrouille avaient donc été éliminés. Les prisonniers révélèrent que le PC du 1er Bataillon ainsi que celui du 125e PGR étaient à Offendorf. La 2e Compagnie était à Drusenheim. La 3e compagnie avait été anéantie à Hatten le 14. Vers le 15 Janvier, la 1er Compagnie avait été relevé par des éléments de la 7e Fallschirmjäger Division. Elle avait alors passé quatre jours de repos à Munchhausen, puis deux jours à Buhl. Le 21, elle avait été transportée par camion à Drusenheim, puis elle avait été à pied à Offendorf où elle était arrivée le 22.
Que signifiait l'identification de cette nouvelle unité ? Sans doute l'intention de l'ennemi d'attaquer à partir Gambsheim vers Weyersheim, puis Brumath. Il n'aurait pas concentré deux divisions, La 10e SS PD et la 21e PD, s'il n'avait pas envisagé une offensive majeure. Par conséquent, les hommes devaient rester attentifs au moindre signe susceptible d'indiquer les intentions de l'ennemi.
Le 143e RI fit un autre prisonnier: c'était un déserteur du 309e bataillon de remplacement. L'homme avait été blessé en Lituanie et il avait passé deux mois dans un hôpital de Saxe. Puis il avait été envoyé chez lui, à Weyersheim, en convalescence. Il avait gagné les lignes Américaines. En passant par Gambsheim, il avait repéré 5 chars et 2 automoteurs dans le Steinwald. Il avait également vu les Allemands conduire un Sherman avec des marques Américaines, ceci à Mothern.
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Sujet: Re: Opération NORWIND.... Dim Jan 15 2023, 14:07
M.Voltzenlogel de Weyersheim a retrouvé cet homme: il s'agit de M. Jung Charles également originaire de Weyersheim. Né en 1911, il avait été incorporé dans l'armée Allemande et il nous a transmis le récit de son épopée:
" Je servais dans une unité engagée dans le Kurland face à l'armée Russe lorsque j'ai été blessé au mois de Novembre par des éclat d'obus dans le pied et dans le dos.
Après six à sept semaines de soins à l'hôpital de Bernburg an der Saale, l'ai obtenu une permission de convalescence que l'ai demandé de passer à Freistett parce que les permissions en Alsace étaient interdites. Les autorités Allemandes craignaient que les Alsaciens en profitent pour déserter.
Mais j'avais l'intention de traverser le Rhin pour me rendre chez moi malgré l'interdiction et les conséquences qu'une désobéissance pouvait entrainer.
Je trouve un bac à la hauteur de Gambsheim et je rencontre des gens de Gambsheim qui viennent d'être évacués vers l'Allemagne. Parmi eux il y avait Riehl Louis, le propriétaire du restaurant que je connaissais.
Il m'a rapidement expliqué la situation dramatique dans laquelle se trouvait le secteur et aussi que les Américains étaient à Weyersheim. Il me dit "va chez moi, il y a encore à manger et à boire" c'était vers la mi-Janvier.
Je me suis donc caché pendant quelques jours à Gambsheim après avoir passé sans encombre avec d'autres soldats sur le bac. Comme j'allais de toute façon être considéré comme déserteur si on me trouvait, j'ai attendu le moment propice pour aller à pied vers Weyersheim en prenant la route c'était en fin d'après-midi.
En passant près du Steinwald, j'ai vu des chars Allemands et des troupes. A la hauteur du pont du Landgraben j'ai doublé des unités qui étaient de part et d'autres de la route, mais personne ne s'inquiétait de moi. Peu avant d'arriver à la "Schwarz bruck" où j'avais l'intention de traverser la rivière, il y avait encore un groupe d'Allemands. L'un d'eux m'interpella et me dit: "pass auf, landser, auf der anderen seite liegt der Amerikaner" ( Fais gaffe, compagnon, l'Américain est juste en face).
J'ai poursuivi mon chemin la peur au ventre. Il faisait presque nuit. Lorsque j'ai atteint le pont, celui-ci était détruit, mais les rampes de fer dépassaient de l'eau. J'ai donc passé sur cette ferraille tant bien que mal.
Arrivé de l'autre côté je me suis dit: "je suis sauvé" j'étais convaincu que j'avais maintenant dépassé les lignes Allemandes. J'ai appris plus tard que devant le pont il y avait un champ de mines. Heureusement je l'ignorais.
Je suis remonté par le chemin rural de Herrlisheim. S'il avait fait jour j'aurais pu voir ma maison. Arrivé à hauteur du Walgraben, j'ai vu des formes allongées près du chemin, il y avait de la neige et on les voyait bien. C'étaient, comme je l'ai su plus tard, des morts Allemands. Tout à coup j'ai entendu le bruit caractéristique d'un fusil qu'on arme. J'ai crié: "ne tirez pas, ne tirez pas!". J'étais à quelques dizaine de mètres du petit pont et quelqu'un m'a crié: "Kom schnell !". Je me suis dit:" ça y est, je suis fichu, ce sont des Allemands !". J'ai fait quelques pas en tremblant de peur....Me faire prendre après tout ce chemin à quelques dizaines de mètres de chez moi.....
Quelqu'un a bondi du fossé à côté du pont et m'a attrapé fermement. J'ai constaté avec soulagement que ce n'était pas un Allemands. J'étais rapidement entouré par quelques soldats Américains. L'un ma pris ma montre, mais ils m'ont donné du chocolat. Il y a quand même un qui m'a donné un coup de pied dans les fesses.
J'ai été embarqué dans une Jeep et me voilà passant devant ma maison. "J'habite ici", leur ai-je dit avec de grands gestes vers ma maison. Mais ils ne voulaient rien savoir ou bien ils n'ont pas compris. On m'a débarqué à la mairie où j'ai été longuement interrogé. Ils croyaient que j'étais un espion, ne comprenant pas comment j'ai pu passer sans encombre les lignes Allemandes et les champs de mines. L'Américain parlait parfaitement l'allemand. Alors ils ont cherché mon père malade et ma mère pour témoigner en ma faveur.
Mais je n'ai pas eu le droit de rentrer chez moi. Ils m'ont emmené en Jeep jusqu'à Gries. On m'a interrogé une deuxième fois. Je devais leur dire quelle était mon unité, où elle se trouvait, combien d'armes elle avait, combien d'hommes.... Mais je ne savais rien puisque j'avais quitté l'unité il y a plus de deux mois. Ils m'ont pris mes documents militaires.
Puis je suis parti en train jusqu'à Sarrebourg où je me suis retrouvé avec d'autres Alsaciens. Nous sommes partis à Marseille. Là nous étions dans un grand camp de prisonniers dans une caserne. A Marseille je me suis engagé dans l'Armée Française. Mais entretemps le guerre s'est terminée et je n'ai jamais été engagé comme combattant."
Les Américains ne restèrent pas inactifs en cette période. Quatre Allemands qui occupaient un poste avancé à l'Ouest d'Oberhoffen furent tués par une patrouille du 242e RI. L'artillerie Américaine visa six véhicules ennemis dans Schirrhein, cinq autres entre Oberhoffen et Schirrhein, une batterie anti-aérienne à Schirrhoffen et 200 fantassins à l'entrée de Schirrhein. Douze autres véhicules furent également visés à Schirrhoffen vers 10h; c'est dans le secteur Schirrhein-Schirrhoffen-bois de Soufflenheim que l'on constatait l'activité la plus importante, de même qu'à l'Est de Haguenau où l'on vit une trentaines d'Allemands près de la forêt. Les Américains ne le savaient pas encore, mais des contacts étaient pris entre la 553e Division et les unités voisines, la 7e Fallschiemjäger Division près de Schweighouse et la 10e SS PD près du camp d'Oberhoffen. Des groupes d'Allemands se déplaçaient sur les bords de la Zorn au Sud-Ouest de Herrlisheim.
Enfin, on notait les premiers transferts de troupes. Les bataillons XVI, XVII et Landesschutz. I devaient regagner Buhl afin d'être envoyés sur le front de l'Est. Von Witzleben, qui avait commandé la 553e division depuis sa création avait été envoyé dans la poche de Colmar. Il était remplacé par le Colonel Kaestner.
Par contre le secteur de Kilstett restait calme l'artillerie de la 12e DBUS effectua une reconnaissance dans la région Ouest et Sud-Ouest de Hoerdt en vue de préparer une intervention au profit de la 3e DIA.
Le 24, la BBC prédisait une attaque de grande envergure dans le secteur de la Moder. Les Allemands venaient d'engager leurs dernières réserves mobiles, c'est-à-dire la 11e PD dans la Sarre et la 10e SS PD dans le secteur de Herrlisheim. Leur agressivité prouvait qu'ils tentaient de conserver l'initiative à l'Ouest tout en essayant de pallier la situation sur le front Est. Mais il était évident qu'ils ne possédaient aucune division en réserve.
A la fin de la journée du 24, la 7e Armée Américaine estimait que "l'ennemi pouvait lancer son offensive dans le secteur Schweighouse-Haguenau-Kaltenhouse-Oberhoffen-Bischwiller. Il avait groupé ses forces de telle façon qu'il pouvait soit attaquer simultanément dans toutes les localités, soit créer des attaques de diversion en réservant l'offensive principale pour n'importe lequel de ces secteurs. Oberhoffen était considéré comme l'endroit le plus probable."
La dernière offensive Allemande: 24 - 25 Janvier.
L'attaque prévue fut déclenchée le 24 Janvier au soir. Elle n'eut pas lieu en un seul secteur, mais en trois secteurs différents, de part et d'autre de Haguenau tout d'abord, et dans le secteur de Rothbach-Schillersdorf d'autre part. Précédé par une forte concentration d'artillerie, l'ennemi tenta de franchir la Moder au moulin de Neubourg, au moulin d'Uhrbrük et dans le quartier Est de Schweighouses. Les combats y furent très violents. Les forces combinées de la 7e Fallschirmjägerdivision, de la 25e PGD et de la 47e VGD établirent une tête de pont éphémère sur la rive Sud de la Moder; l'ennemi attaqua également dans le secteur de Kaltenhouse où la 10e SS PD traversa la Moder, ainsi que dans le secteur de Rothbach où le front fut enfoncé jusqu'à Schillersdorf par la 6e SS Gebirgs Division. Trois Corps d'Armée participaient donc à cette ultime offensive: Le XCe Corps sur la gauche, le LXXXIXe Corps au centre et le XXXIXe Corps sur la droite.
Le secteur de Kilstett ne fut pas épargné par cette irruption de violence, comme nous pouvons le lire dans le livre du Capitaine Moreau:
"Le 25 Janvier à minuit, une patrouille de la Garde signale des indices d'attaque, cris, commandements. Personne ne s'en étonne. Les observateurs et guetteurs redoublent d'attention.
A 0h45, une violente préparation d'artillerie s'abat sur Kilstett. Tout le monde a compris. Ceux qui s'étaient offert le luxe de se déchausser sautent à pieds joints dans leurs souliers. En moins d'une minute, chacun est à son poste. Toutes les lignes téléphoniques sont coupées, les postes radios sont immédiatement mis en station. Un obus tombe devant le PC projetant sur la fenêtre une grêle de pierre et d'éclats qui endommagent le SCR 284. Il n'y a plus de liaison avec le régiment. Au risque de recevoir le toit sur la tête, l'Aspirant Lagarde, chef des transmissions, monte au grenier avec son équipe, y place le poste 195, et la liaison reprend avec l'arrière.
Dehors, c'est un vaste scintillement. De tous côtés, des gerbes de feu jaillissent de terre, projetant en tous sens des éclats rougis à blanc qui s'entrecroisent avec le pointillé lumineux des balles traceuses.
A 1h15, le poste de la digue signale un char Allemand qui se met en batterie face au village. A 1h30, la 5e Compagnie rend compte de ce que le poste de la digue est encerclé. Toujours calme, fumant flegmatiquement sa pipe, le Lieutenant-Colonel Destremau donne les ordres courtois et fermes qui caractérisent sa manière. Il suit le combat, fait déclencher toute la gamme des tirs d'arrêts. Deux patrouilles sont poussées vers la digue, l'une du Groupe Franc, l'autre de Gardes.
Elles reviennent et signalent que le poste n'est pas encerclé mais qu'il y a menace de débordement.
A 2h, la 7e signale des bruits de chars sur la route Gambsheim-Kilstett et des éléments d'infanterie qui dépassent la gare. L'ennemi est partout, sur les faces Ouest, Nord et Est, on pense au 3e Bataillon encerclé deux jours auparavant, mais personne n'en parle et chacun fait son devoir, si humble soit-il.
Ravitailleurs portant des munitions, téléphonistes allant réparer les coupures sous 20 ou 30 centimètres de neige, agents de transmissions longeant les décombres, tâtant la nuit avec leurs mains, tous comprennent ce jour-là la beauté de leur tâche.
Au PC le Colonel bourre sa pipe, le Capitaine Morel, à la lueur d'une chandelle, fait des additions, dans un coin le Sergent Paindavoine tape des états qui n'ont rien à voir avec la situation du moment. L'atmosphère du PC est calme.
Dehors dans la nuit glacée de Janvier, le village tremble sous les explosions. Partout le boche rencontre du "dur". A 4h, une mitrailleuse Allemande tire d'une maison isolée située à 80 Mètres du village, elle reçoit une volée de mortiers. Une patrouille qui s'y porte ensuite n'y trouve rien....Mais le cheval et la vache qu'on avait l'habitude d'y voir et que soignaient nos tirailleurs n'y sont plus.
Un peu plus tard des Allemands sont vus dans un de nos champs de mines. Un tir d'artillerie les disperse.
Le calme semble se rétablir, les arrivées se font plus rares, les armes automatiques ne lâchent plus que des rafales espacées. Dans le PC et près des pièces, les visages durcis se détendent, mais à 6h, l'ennemi se réveille, bruits de chars, rafales de mortiers.
C'est l'aube, le boche va-t-il reprendre son attaque avec de nouvelles unités, des moyens plus puissants ? Le manque de sommeil, la tension d'esprit, l'activité déployée depuis 3 jours ont épuisé muscles et nerfs.
Le bataillon va-t-il pourvoir supporter un nouveau choc, "Ils n'ont donc rien à faire" , déclare plaisamment un jeune engagé de vingt ans;
Mesure pour rien, ce ne sont que les chars qui se replient le bataillon Schmidt est encore battu. Il laisse plusieurs chars et de nombreux cadavres. On apprendra plus tard qu'il devait cette nuit-là prendre Kilstett, puis être dépassé par une division SS dont l'objectif était de prendre Strasbourg. Kilstett, petit village d'Alscace où s'est illustré le 3e Tirailleurs, nous ne l'oublierons pas. Depuis, une place a reçu le nom de "Place du 3e Tirailleurs", une rue le nom de "Lieutenant de Bettignies"."
Bilan de la dernière Offensive Allemande.
Ces têtes de pont devaient couter très cher aux Allemands: Le 242e RI fit plus de cent prisonniers et autant de mort dans le secteur entre Haguenau et Kaltenhouse. Ils appartenaient au 22e SS PGR ainsi qu'au 21e SS PGR. Le 21e SS PGR avait attaqué à l'Ouest de Kaltenhouse afin de s'emparer de la cote 180, une hauteur à mi-chemin entre Haguenau et Kaltenhouse. Le 22e SS PGR devait attaquer Haguenau par l'Est. Le 1er Bataillon avait quitté Drusenheim le 23 pour s'assembler au Nord-Ouest du camp d'Oberhoffen. Les deux régiments avaient été repoussés les pertes s'élevaient à 196 morts ou blessés et 52 prisonniers pour le 22e SS PGR, et 250 morts ou blessé ainsi que 62 prisonniers pour le 21e SS PGR; Un prisonnier de la 1er Compagnie, 22e SS PGR estimait les perte à 15% de morts et 60-70% de blessés ou de prisonniers. Onze hommes seulement de sa Compagnie avaient regagné la rive gauche de la Moder avant qu'on ne retire la passerelle. Dans les deux cas, deux Bataillons sur trois avaient participé à l'attaque. Le 242e RI captura aussi un prisonnier appartenant au Génie de la 10e SS PD. Ce Bataillon de Génie comprenait trois Compagnies de 120 hommes chacune. Il possédait 150T de mines, 40 canots d'assaut et des détecteurs de mines, mais était dépourvu d'équipement pour construire des ponts. La 3e Compagnie était rattachée au 22e SS PGR afin de reconnaître les ponts intacts ou les sites adéquats. 26 canots pneumatiques avaient été utilisés pour transporter le 22e SS PGR de l'autre côté de la Moder. Dans le secteur d’Haguenau seul, l'attaque du 25 janvier avait couté 304 prisonniers, 958 morts ou blessés, soit 1262 victimes.
Un des prisonniers de la 10e SS PD dit avoir vu 5 chars Sherman conduits par des équipages Allemands à Offendorf. C'étaient sans doute les chars de la 12e DBUS. Il avait même vu des équipements ressemblant étrangement à des pont Bailey. Sept chars Tigres se trouvaient à Herrlisheim.
Par opposition le secteur de la 36e DIUS resta calme: pas de contact avec l'ennemi, très faible activité de l'artillerie à l'exception de quelques obus de calibre léger projetés sur Weyersheim et Gries. Le 143e RI prit deux prisonniers seulement ce jour-là: ils appartenaient à la 2e Compagnie du 192e PGR, 21e PD. Ils faisaient partie d'une patrouille de trois hommes chargée de déterminer qui tenait Bischwiller. L'un des hommes avait été tué et les deux autres blessés. Ils avaient combattu à Hatten qu'ils avaient quitté le 22 pour Buhl, puis Rohrwiller. Il semblait donc que la 21e PD ait relevé la 10e SS PD dans le secteur de Herrlisheim-Drusenheim. Si l'ennemi avait transféré la 10e SS PD dans le secteur de Haguenau, c'est parce qu'elle était supérieure en hommes et en matériel à la 21e PD qui sortait des combats de Hatten.
Conséquence: abandon de l'opération Nordwind.
En conséquence immédiate de l'échec de cette offensive, le XXXIXe corps ordonna de mettre les unités restantes du Régiment Zeifang sous les ordres de la 7e Fallschirmjäger Division et le III Landesschutz bataillon fut retiré du secteur de Haguenau et envoyé à Buhl où se trouvait depuis la veille l'Etat-Major du XVIII Régiment Oberrhein (major Remischberger). L’Etat-Major de la 905e Division prit en charge les unités de la 553e VGD en position dans la tête de pont de Strasbourg. Aucun renfort n'était à espérer pour les unités combattant sur la Moder.
D'ailleurs, Hitler ordonna de suspendre les attaques en Alsace du Nord le 25: l'Opération Nordwind était abandonnée. Le 25 au soit le Groupe d'Armée G reçut l'ordre d'établir un front défensif sur la rive Nord de la Moder. La tête de pont qui était encore tenue par la 25e PGD devait être abandonnée. Le Commandant du Groupe d'Armée Oberrhein pensait au contraire que l'ennemi se replierait sur le canal de la Marne au Rhin si les Allemands poursuivaient l'offensive. Mais la tête de pont fut finalement évacuée dans la nuit du 25. Le Groupe d'Armée Oberrhein fut dissous le 28 Janvier et le secteur fut attribué au Groupe d'Armée G, sous les ordres du SS Groupenführer Paul Hausser. Les divisions Allemandes furent envoyées sur le front de l'Est les unes après les autres. La Ville de Strasbourg était sauvée et le drapeau Allemand ne flotterait pas sur la cathédrale le 30 Janvier, jour anniversaire de la prise de pourvoir du Füher.
Les perte Allemandes étaient considérables: 2210 morts, 8466 blessés et 4707 disparus pour la 1er Armée, 518 morts, 1725 blessés et 450 disparus pour les LXXXIXe et XXXIXe Corps, 46 morts, 95 blessés et 42 disparus pour le XIVe SS Corps, soit 2774 morts, 6286 blessés et 5199 disparus pour la totalité de l'opération. A ces pertes s'ajoutaient celles de la 19e Armée dans la poche de Colmar: 682 morts, 2391 blessés et 1600 disparus. On comptait 22 932 victimes Allemandes en Alsace. Côté Américain, on dénombrait 11 609 victimes.
Les belligérant exsangues, s'installèrent dans une guerre défensive: activité de patrouilles en vue de prendre des prisonniers, pose de champs de mines et de barbelés, démolition ou reconstruction de ponts, essais de projecteurs envoi de tracts de propagande afin d'inciter l'ennemi à se rendre..... Les forces adverses en profitèrent pour se réorganiser, recevoir des renforts, donner un complément d'entrainement aux troupes.....On pouvait également songer à la détente: des théâtres furent montés, des permissions accordées à Paris ou à Bruxelles. Le front allait subir quelques petites modifications fin Janvier et début Février: Abandon par les Allemands de Gambsheim, puis d'Offendorf et de Herrlisheim. Puis le front se stabilisa le long de la Moder jusqu'à l'offensive Américaine du 15 Mars. Seul le secteur d'Oberhoffen restait sensible.
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Sujet: Re: Opération NORWIND.... Dim Jan 15 2023, 14:12
« Je ne suis pas abattu, je n'ai pas perdu courage. La vie est en nous et non dans ce qui nous entoure. Être un homme et le demeurer toujours, Quelles que soient les circonstances, Ne pas faiblir, ne pas tomber, Voilà le véritable sens de la vie ».
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Sujet: Re: Opération NORWIND.... Ven Jan 27 2023, 13:16
Chers amis lecteurs du Forum,
Afin de vous permettre de mieux vous situer sur cet immense champs de bataille, je mets des cartes à votre disposition de la région des combats, avec un peu d'imagination, mais un bon Para a toujours beaucoup d'imagination pour faire face à des imprévus, il faut vous mettre dans la cartographie de l'époque, par conséquent, certain lieux risque d'être et sont modifié par l'urbanisme.
Ainsi à l'époque, il n'y avait pas l'autoroute qui figure sur la carte.
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Sujet: Re: Opération NORWIND.... Ven Jan 27 2023, 14:00
JP a écrit:
J'ai appris énormément de choses , qui étaient totalement inconnues pour moi .
« Je ne suis pas abattu, je n'ai pas perdu courage. La vie est en nous et non dans ce qui nous entoure. Être un homme et le demeurer toujours, Quelles que soient les circonstances, Ne pas faiblir, ne pas tomber, Voilà le véritable sens de la vie ».