CNEC

Petite précision pour les puristes: Je viens de lire la copie de mon livret matricule et je lis ceci:"A obtenu le Certificat de fin de stage de formation des Sous-Officiers moniteurs des techniques commandos", ceci signifie que le brevet de moniteur n'existait pas à l'époque.
Ce stage reconnaissait l'aptitude à la mise en oeuvre des explosifs en temps de paix.

Le lecteur qui veut se faire une idée exacte du contenu de ce stage , en plus de mon témoignage, devra s'imaginer tout ce que je ne dis pas ex.: répétition et intensité des séquences (à partir du début du stage il n'était plus question de permission ou de week-end, s'il y avait un jour de repos, c'était pour récupérer du manque de sommeil) je ne parle plus des parcours du risque, je l'ai déjà fait, je ne parle pas des cours de survie. Qui n'a vu la fameuse séquence du manger de sardines crues en faisant abstraction du fait que quelqu'un qui n'a rien à manger, a l'estomac dans les talons, doit fournir un effort, dans ces conditions, ne fait pas la fine bouche. Du combat rapproché qui n'a rien d'exceptionnel etc . . . .

Je recommande l'utilisation de "Google Earth" pour le suivi des noms de lieux.

l'Annexe de Collioure c'était: Le Fort Miradou pour l'hébergement, le parcours du risque et l'instruction statique, le Hangar à Bateaux  pour toutes les activités nautiques et enfin la "Vedette" (bateau qui s'est transformé en sous-marin un jour de forte tempête) au profit de certaines activités.
La tenue pour les activités nautiques était le treillis 47 (Qui ne séchait jamais et laisse imaginer le supplice qu'il fallait supporter, surtout le soir, au début de la nuit lorsqu'il fallait le revêtir) et les pataugas.
Le Médecin-Chef, dans le cadre d'une étude, effectuait un suivi au sujet de la réaction du corps humain lors des activités en eau froide.
Tout a débuté par un cross matinal sur les hauteurs de Collioure, puis ce fut un test un peu spécial :
équipés d'une musette, d'un fusil genre Mas 36, et des chaussures nous devions un par un joindres deux rives. Départ au pied du Chateau Royal et arrivée en face, sur la jetée du port. La sécurité était assurée par une surveillance en mer qui n'a pas chômé du tout. La difficulté venait non seulement de la charge, mais surtout des chaussures car il est très difficile de se déplacer (le terme se propulser ne serait pas du tout adapté). En gros il fallait à tout prix sortir la tête de l'eau et les gestes classiques de la natation n'étaient pas adaptés. Le maintien en surface était le résultat d'une agitation de tous les membres. Certains ne sont pas arrivés sur l'autre rive, mais le fait de boire la tasse compensait l'impression d'échec. C'était notre premier contact avec le milieu marin.

Puis toute l'instruction s'est faite autour du bateau pneumatique 6 hommes "Zodiac". Moyen de navigation utilisé pour effectuer un débarquement en vue d'une opération terrestre. Un grand nombre de séances nous ont appris ses caractéristiques, son montage, son démontage jusqu'au stade du chronométrage. Par la suite ce fut la recherche de la maîtrise dans son utilisation: pagayer en cadence, diriger l'embarcation, débarquer, la camoufler sur la plage après débarquement, accoster de nuit sur une côte rocheuse et là, on peut s'arrêter un peu : La séance a eu lieu entre la plage St Vincent et la plage de galets de La Balette. La particularité de cette dernière plage est de se trouver entre les rochers. Une seule lampe torche sur cette plage n'aurait pas suffi à nous guider pour accoster perpendiculairement à la côte afin d'éviter de s'échouer sur les rochers. Il y en avait donc deux, l'une en dessus de l'autre et l'exercice de navigation consistait à se diriger vers ces lumières en conservant leur verticalité.En aucun cas elles ne devaient être l'une à côté de l'autre. Le secret de l'installation de ce balisage était tout simple: Une première lampe torche était à quelques centimètres du sol et, dans l'axe, perpendiculaire au large une deuxième lampe était positionnée sur un piquet, à un mètre du sol.
La Vedette nous servait à effectuer une approche des lieux de débarquement, approche qui se terminait avec les Zodiacs. Nous apprenions à embarquer et à débarquer en sautant en mer en même temps que nos embarcations.
Toute la partie nautique était consacrée à donner une parfaite aisance dans les évolutions en mer afin d'être en mesure d'accomplir les missions futures.

Pour être complet, nous avons pu découvrir les "plaisirs" de la pratique du kayak biplace en toile (du type "Le petit Baigneur". Il est constitué d'une ossature en bois recouverte de toile. Un boudin caoutchouté en fait le tour et il se dirige avec un palonnier. Sa pratique n'est pas évidente car le chavirage est courant en cas de houle latérale. Nanti de ce renseignement on comprendra facilement la suite: A partir de Collioure nous devions effectuer un aller-retour avec Cerbère. Je pense que cette épreuve était destinée à tester notre endurance. Tout commentaire de ma part serait inutile.

Parallèlement aux activités nautiques, nous avions des sorties terrain (missions d'observation, de reconnaissance, etc . . . .) A chacune de ces sorties l'un d'entre nous était désigné pour prendre le commandement du commando. C'est à ce moment là que chacun était noté et jugé comme chef. Personnellement je me souviens des détails lorsque plus tard j'ai planché en topographie et en mission de combat, le reste de mes obervations se limitent à ce que je voyais a proximité immédiate.
C'est ainsi que je me souviens d'une certaine nuit où, en binôme, nous étions en observation au-dessus de la gare de trillage de Cerbère. Ce fut une nuit épouvantable et sans fin sous une pluie battante de type "Cévenol". Nous étions assis en chien de fusil et je ne suis pas en mesure d'expliquer pourquoi nous n'avions pas d'imperméable, mais dans mon sac j'avais un morceau de plastique qui ressemblait à un tapis de sol et nous l'avons posé sur nos têtes. Toute la nuit avait été animée par les manoeuvres des trains à vapeur et les grincements des roues sur les aiguillages. La pluie s'est arrêtée au lever du jour pour laisser place à un épais brouillard. Le moment le plus difficile a été lorsqu'il a fallu se lever (se déplier), trempés comme une soupe afin de commencer une nouvelle marche. Je ne me souviens pas de la suite.

Bonjour bretirouge,
 Juste un petit clin d'oeil en passant: nous étions à l'instruction et nous n'avions pas un ennemi armé en face de nous et il faut vraiment en tenir compte tout au long de ce récit.

Ne t'inquiète pas, je n'ai pas été assez explicite dans mon message. Sous une autre forme j'ai voulu dire  que, malgré nos épreuves qui se déroulaient en temps de paix, ce n'était rien en comparaison des mêmes actions menées en temps de guerre.

Bonjour Commandoair40,
je viens apporter un commentaire sur le parcours. Je n'ai pas le regard d'un ancien mais d'un ancêtre et à ce titre mon devoir est de dire ce qu'était le parcours en 1967: il était tout simple, sans installation pour s'assurer. L'assurance se faisait avec une corde d'alpiniste pour le passage de la  gouttière et pour les autres obstacles c'était à la demande, avec l'anneau d'encordement et un mousqueton. Etre assuré faisait perdre des points dans la notation du stagiaire, d'où la réflection d'un adjudant du CNEC qui faisait sourire au sujet d'une notation: "Passe tous les obstacles avec assurance", ce qui a un double sens: ce n'était pas un superman du parcours, mais il fallait l'assurer à chaque obstacle.
Lorsque l'on parle du CNEC au passé il faut bien se souvenir du contexte de l'époque: Tout se passait à huis clos et la notion de sécurité est arrivée par la suite, en même temps que le vent de réformes qui est arrivé après 68.
Il faut bien comprendre mon commentaire comme un éclairage sur un comportement de l'époque.

Une nuit, nous devions faire une marche topo sur les points suivants: Collioure-Le Rimbau- Mas Rossignol-Chateau de Valmy-Collioure. Nous étions dans la première partie Collioure-Le Rimbau de fort dénivelé, lorsque, arrivé à proximité d'une maison, un chien se mit à aboyer et un coup de fusil de chasse nous a vivement surpris. Le propriétaire avait cru que des malfrats approchaient de sa maison. Cet incident nous a obligé à nous dévoiler et nous a rappelé que dans la préparation d'une action commando il ne faut pas oublier de prendre en compte la présence des animaux dans l'environnement (Chevaux, vaches) qui s'effarouchent dès qu'ils sentent une présence. C'est l'échec de la mission assuré.
La restitution de nos savoirs faire s'est concrétisée par un débarquement,de nuit, sur la plage de paulilles située au pied du cap Bear, point de départ d'une action menée sur le Fort Bear.

Ainsi était terminé notre séjour à l'Annexe de Collioure.(Je ne sais plus combien de temps a duré ce séjour, mais au moins quinze jours). Mais nous venions de vivre seulement le hors d'oeuvre du stage.

Maintenant, DIRECTION MONT-LOUIS.

MONT-LOUIS.

(Une pensée pour mes camarades mariés, chargés de l'encadrement de ces stages, et qui passaient les 2/3 de l'année sur le terrain. Je n'oublie pas leur famille qui vivait dans un cadre de vie difficile surtout  pendant les longs hivers, loin de toute distraction.)

De quelques mètres,  nous passions à 1600 m et plus d'altitude, et de marins, nous devenions des montagnards. Il s'agit d'un très grand changement dans les activités de terrain et, en quelques mots, je viens de présenter la particularité de Mont-Louis.
Sur le plan physique il y avait une petite période d'adaptation (diminution d'oxygène dans l'air), mais ce n'était pas un handicap de longue durée. Nous allions prendre contact avec deux activités nouvelles: l'alpinisme et la mise en oeuvre des explosifs.
L'alpinisme: l'école d'escalade se trouvait sur un rocher situé après la Cabanasse, à St Pierre dels-Forçats, plus précisément à El Moli del Riu.
La mise en oeuvre des explosifs se situait au polygone du Col de la Perche (quelques centaine de mètres au sud de ce col).

Au sujet de ce polygone il m'est resté un souvenir indélébile mais que je ne peux développer par "déontologie". Au cours d'une séance d'instruction, un incident énorme et grave s'est produit, mais il n'y a pas eu mort d'homme ni blessé. La connaissance de cet incident est toujours restée dans le cercle fermé des présents à cet instant.
Pour la mise en application de nos connaissances, une opération commando, avec pour objectif de faire sauter un pont de construction métallique, a été menée à Axat dans l'Aude.

Mais ce qu'il faut retenir de Mont-Louis ce sont les multiples sorties terrain, souvent de nuit, parfois de plus de 24h . Je vais seulement relater celles qui m'ont laissé un souvenir particulier.
La plus petite a été une marche topo dont j'ai été le chef d'un petit élément de cinq ou six hommes.
L'épreuve consistait, de nuit, à travers un terrain accidenté, à rejoindre un point particulier situé à une dizaine de kilomètres, à l'aide d'une boussole et d'un cap. La technique est simple car il suffit de contourner les obstacles (rochers) et de compenser après pour reprendre l'axe virtuel. Derrière moi je n'entendais que des "on tourne en rond" et ceci tout au long du parcours. Je pense que la chance a été de la partie car je suis tombé pile sur l'objectif à atteindre. Cet anecdote a prouvé que, pour s'orienter la nuit, il ne faut pas se fier à ses sens.

UNE PAROLE qui ne fait pas mouche:

Depuis le lever du jour nous étions entrain de gravir une pente en effectuant des lacets pour en atténuer la raideur. Vers midi, alors que le soleil nous faisait transpirer à grosses gouttes, un hélicoptère est venu se poser à proximité: c'était notre Chef de Corps. Après discussion, il s'est dirigé vers son hélicoptère en nous disant: "Courage! vous n'avez plus qu'à vous laisser GLISSER vers le sommet". Chargés comme des mules, nous nous sommes regardés, car en fait de glissade il restait encore au moins une heure de marche pour atteindre la crête.

LE DRAME:
Au cours de nos sorties, nous sommes passés au Col de Jau. Pour moi, cela me rappel un moment tragique: c'était quelques mois plus tôt, il était midi et nous étions à table, au mess, lorsqu'un planton est venu annoncer au Sous-Officier de permanence qu'un avion L19 n'était pas rentré à la base ALAT de Saillagouse plusieurs heures après son décollage. En clair, nous avons tout de suite compris qu'il s'était crashé. En plus du pilote que nous connaissions, nous avons perdu un camarade très proche. Toujours par "déontologie", je n'en dirai pas plus sur les circonstances.

EVALUATION DE LA COMBATIVITE,
En fait il s'agissait d'un combat de boxe effectué par binome. Un ring improvisé, une soupière en inox de l'ordinaire en guise de cloche, un casque et des gants en cuir pour le combat. A noter que le Chef de Corps était présent dans la salle. J'avais choisi mon adversaire chez un camarade dont je connaissais le caractère car je pouvais discuter avec lui sur le dosage d'agressivité à manifester. En gros c'était un genre de triche pour ne pas avoir une tête au carré. C'était tout simple, je lui ai demandé de ne pas frapper trop fort. Je signale, au passage, que mon nez pointu ne prédispose pas particulièrement à la pratique de la boxe. Au signal de la cloche, le round commence, mais après quelques échanges, par inexpérience, ma frappe a été trop forte et mon adversaire a répondu en conséquence. Résultat: mon nez a saigné, et comme j'avais le protège-dents, je ne pouvais plus respirer. C'est ainsi que s'est terminé, pour moi, le test de combativité. Pour la petite histoire, bien plus tard, j'ai appris que j'avais une déviation nasale.

SECOURISME,
ou comment savoir faire une piqûre. Là aussi nous étions en binôme: Le chargé d'effectuer la piqûre et le cobaye (à plaindre). Le geste consistait à planter l'aiguille dans le gras du haut de la fesse, avant de visser la seringue. Le savoir faire, et point clé, consistait à planter fermement l'aiguille sans hésitation sinon le cobaye n'était pas aux anges.
A noter qu'à l'infirmerie il y avait deux écoles concernant l'application du garrot: Le médecin-Chef, Lt-Colonel qui l'avait mise en pratique sur le terrain en Indochine et qui était pour cette pose, alors que son adjoint, médecin capitaine était contre.
Le matin , lors de nos footing, l'Ajudant infirmier (surnommé "Pousse-Canule") me racontait ses activités en Indochine et, en particulier, sa mission à l'entrée du BMC où, pinceau de désinfectant à la main, il disait "Décalottez!, calottez!".

3 secondes après j'étais au tapis, avec un gros pète sur le nez !!

UN COMBAT.

Un après-midi, nous avons été transportés sur un lieu situé dans le thalweg, au nord de Formiguéres. Il s'agissait d'une maisonnette isolée dans la nature. Nous avions tous, pour missions, d'étudier le dispositif (élément choc, appui feu, recueil, repli afin de neutraliser la présence de trois hommes (Je ne me souviens pas de plus de détail sur l'objectif). A la fin de cette reconnaissance et étude, est venu le moment de la désignation de celui qui allait plancher, donc mener l'opération de bout en bout. Le chef de stage s'étant reféré à l'ordre alphabétique, désigna un camarade placé juste avant moi, mais il s'est avéré, que ce jour là, il avait un léger handicap physique. Etant le suivant dans l'alphabet, je suis devenu le chef du commando. Nous avons été transportés au point de départ de l'opération et là, de façon classique, à l'aide d'un bâton, j'ai dessiné sur la terre sablonneuse la position de chaque chef d'élément que j'avais désigné. Le plus important a été le détail des conduites à tenir au cas où. Tout le monde devait savoir ce qu'il avait à faire. Nos sacs étaient toujours déposés avant l'action et récupérés à l'issue. Tout s'est déroulé comme sur des roulettes (je ne me souviens pas avoir été en possession d'un moyen de transmissions) Ma place avait été au plus près de l'action (c'était de nuit). Puis ce fut le repli, en lisière de forêt, en un lieu défini par avance, à proximité d'un champ où devait se poser un hélicoptère au petit matin pour nous rapatrier sur Mont-Louis.

J'espère qu'après la lecture de mon acte de contrition tu ne vas pas changer d'avis ?

Un oubli volontaire a dû me coûter des points:
La position d'attente (toujours la nuit) s'est trouvée être une forêt trés dense, donc de pénétration très difficile, rendant toute présence indétectable. Nous étions tous à un niveau de fatigue très élevé et je savais qu'un tour de garde serait inutile, une sentinelle qui sommeille ne sert à rien. Nous en aurons la preuve plus tard. Quoiqu'il en soit, lorsque le jour se lève, le réveil est automatique et nous serions en position de protection bien avant. Au lever du jour j'ai eu le contact avec notre chef de stage qui m'a reproché cette absence de sentinelle car il ne nous avait pas trouvé. Pour ma défense je lui ai seulement fait remarquer que s'il ne nous avait pas trouvé, il n'y avait pas de raison pour que l'ennemi soit en mesure de faire mieux.(Mais il y a les questions de principe).