11 août 1914, bataille de LAGARDE, bataille oubliée, peut-être pas, bataille ignorée, passée sous silence, certainement.
L’affaire de LAGARDE et du 15e Corps d’Armée
source récit : http://www.chtimiste.com/
source photos et récit : http://www.provence14-18.org/lagarde/
Voilà ce que Jannine GER…m’écrit en décembre 2003 :source récit : http://www.chtimiste.com/
« J’ai un oncle qui est décédé le 11 août 1914 au cours de la bataille de Lagarde en Moselle. Il était du 40ème Régiment d’Infanterie. Sa famille n’a été prévenue de son décès qu’en 1920 et son nom ne figure même pas sur le monument aux morts du lieu où il habitait.
Lors d’un passage en Lorraine, je suis allée à Lagarde où j’ai bien retrouvé sa tombe dans le cimetière français.
Pour essayer d’en savoir un peu plus sur ce qui s’est passé ce jour-là, je me suis rendue à la mairie qui possède un classeur où l’ancien secrétaire et instituteur du village, qui venait de décéder, s’était penché sur cette bataille passée sous silence qui ne figure ni dans les livres d’histoire ni aux archives départementales de la Moselle.
Il a regroupé ses recherches dans un classeur qui se trouve donc à la mairie. »
Tout ce travail de recherches a été fait par l’ancien secrétaire de la mairie de Lagarde (actuellement décédé) afin que cette horrible bataille ne soit pas oubliée.
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Dans la tourmente de la guerreLorsqu’ éclate la guerre le 3 août 1914, le grand principe de l’état-major français est « offensive à outrance ». Il a du reste été entendu avec nos alliés russes qui entreront dans le conflit le 6 août, que nous attaquerions aussitôt que possible sur nos frontières de l’Est.
Selon le « plan XVII » adopté par Joffre en 1913, cinq armées s’échelonneront de Montbéliard aux Ardennes belges. Les généraux Dubail, Castelnau, Ruffey, Langle de Cary et Lanrezac en assureront le commandement.
Dès le 5 août, les forces de cavalerie du Général Sordet franchissent la frontière en direction d’Arlon et Bastogne.
Le 6 août l’Allemagne publie ce rapport officiel laconique : Briey est occupé par les troupes allemandes. Pour la premières fois la garde des frontières allemande étendait ses opérations en territoire français.
Le 8 août, un autre corps de troupes français sous les ordres du général Bonneau fonce sur la trouée de Belfort et arrive triomphalement à Mulhouse.
Ce ne sont là de part et d’autre de la frontière franco-allemande que des succès éphémères, consécutifs à des opérations de reconnaissance. Quelques jours plus tard les généraux Pau, Dubail et Castelnau lancent des attaques sur Sarrebourg et Morhange. Ces offensives se brisent sur l’artillerie ennemie. Le général Pau se replie sur les Vosges. Dubail et Castelnau sont obligés de décrocher et leur repli s’effectue au prix d’énormes pertes infligées par les troupes du Kronprinz de Bavière.
C’est dans le contexte de cette « BATAILLE DES FRONTIERES », que se dérouleront, en prélude à la Bataille de MORHANGE et de SARREBOURG qui du 18 au 20 août fera plus de 10.000 victimes de chaque côté, les sanglants combats de LAGARDE, le 11 AOUT 1914.
LA BATAILLE DE LAGARDE
11 AOUT 1914Au cours des quelques jours qui ont suivi le déclenchement de l’impitoyable bataille de LAGARDE, le décrochage dela IIème armée française commandée par le général Edouard de Curières de Castelnau, entraîne le repli de la Ière armée sur l’ensemble du front.
Sous les coups des Bavarois qui ont réuni les moyens d’une solide offensive, certaines unités se débandent. Au cœur des combats, des sanctions sont prises, des colonels sont relevés de leur commandement.
On tente d’arrêter les fuyards afin d’organiser de nouvelles positions de défense.
Une contre-attaque lancée par le général BLAZER fait avorter l’offensive allemande.
source photo :http://www.provence14-18.org/lagarde/
La première attaque françaiseLa IIème Armée, en position autour de Nancy, reçoit l’ordre de lancer une contre-offensive afin de reconquérir le terrain perdu au cours des jours précédents. Pour se lancer à l’assaut des troupes ennemies, le général de Curières de Castelnau dispose du XXème Corps commandé par Foch et de la Division de cavalerie de Lunéville comme troupes de couverture.
Afin de conduire cette attaque dans de bonnes conditions, le haut commandement reçoit le renfort de plusieurs corps d’armée du Midi : le XVème de Marseille, le XVIème de Montpellier, le XVIIIème de Bordeaux et le VIIIème de Dijon. Dans le dispositif français, le XVème corps occupe la droite de la IIème armée, s’intercalant entre le XXème corps de Foch et le XXIème Corps de Legrand appartenant lui à la Ière armée commandée par le Général Dubail. Parti du front Einville-Fraimbois, au nord-est de Lunéville, et longeant le sud de la forêt de Parroy, le XVème Corps rencontre une vive résistance ennemie : la prise de contact des méridionaux avec la Lorraine est difficile. Plusieurs fois, ils devront charger à la baïonnette.
Les Allemands s’étonnèrent beaucoup de la présence des troupes du XVème Corps d’armée français sur le front lorrain alors que son quartier général est établi à Marseille. Une explication leur fut donnée par les premiers prisonniers français : le quartier général avait été déplacé à Lunéville quelques semaines avant la déclaration de guerre. En outre, début mai, la plupart des garnisons françaises de l’ouest avaient systématiquement été déplacées sur les ouvrages fortifiés de l’est afin de renforcer les défenses de la frontière.
D’ailleurs, les Allemands y verront là la preuve irrécusable que la France était prête depuis longtemps à agresser l’Allemagne par tous les moyens.
Les Français occupent LAGARDE, situé alors en territoire allemand :Dès le 10 août, le général Lescot qui commande la cavalerie de Lunéville, juge « opportun » de faire attaquer le village de Lagarde, au nord-est de Lunéville, par une brigade mixte. Cette attaque est confiée entre autre à deux bataillons, venus d’Avignon et de Nîmes, et notamment au 3ème bataillon du 58ème Régiment d’infanterie.
Le village, situé dans la vallée de Sânon, en bordure du Canal de la Marne au Rhin, est occupé par une section garde-frontière allemande. Inférieurs en nombre et malgré une solide position établie derrière le bois Chanal, entre Lagarde et Bourdonnay, les Allemands sont obligés de quitter le village. Ils en sont chassés dès le 10 août au soir. Il n’y eut point de combat car les postes frontières et avant gardes allemands jugèrent plus prudent de se retirer.
Pendant que les divers éléments des troupes françaises engagées dans cette action de reconnaissance occupent notamment le bois du Haut de la Croix, un détachement spécial formé d’un bataillon du 40ème Régiment d’infanterie de Nîmes et du 3ème Bataillon précité sous les ordres du Lieutenant-Colonel HOUDON s’établit dans le village abandonné quelques instants auparavant par les 3 compagnies d’infanterie allemande.
La nuit est mise à profit par les Français, pour établir des nids de résistance et des barrages sur les routes conduisant au village.
Veillée d’armes à Lagarde et Bourdonnay :Le repli allemand n’est cependant qu’éphémère et cette même nuit, à Dieuze, le Général allemand VON STETTEN qui commandait une division de cavalerie bavaroise et le général de la 42ème Division d’Infanterie décident de lancer une attaque contre Lagarde.
Le 2ème bataillon de chasseurs bavarois en garnison à Aschaffenburg est dépêché en renfort. En raison de la supériorité des Français et des difficultés offertes par la configuration du terrain boisé de la région, une attaque de nuit sur Lagarde est exclue par le commandement allemand.
En attendant le matin, les chasseurs allemands creusent des tranchées de tir. Une action commune est convenue entre la Compagnie d’Infanterie et celle de cavalerie appartenant aux troupes garde-frontière. Une batterie d’obusiers du 8ème Régiment d’artillerie viendra en appui et a pour mission de progresser dans la forêt du Bois Chanal et de prendre position sur les hauteurs du « Haut des Vignes » d’où l’on domine le village de Lagarde.
L’intention allemande est d’attaquer de front, puis couvert par l’artillerie, d’assaillir Lagarde et ses occupants par le flanc.
Côté français, on ne reste pas inactif. Le 3ème bataillon du 58ème Régiment d’Infanterie se trouve à l’ouest du village, épaulé par des éléments du 40ème Régiment d’infanterie.
Alors que la 9ème Compagnie couvre le bataillon à l’Est, les 10ème, 11ème et 12ème Compagnies se trouvent à proximité immédiate du cimetière. Le chef de bataillon CORNILLAT est en position avec ses troupes au Sud-est du cimetière.
Le 11 août à 5 heures du matin, on complète l’approvisionnement en cartouches et on organise la défense. La 9ème Compagnie du Capitaine ROURISSOL a passé la nuit à creuser des tranchées.
Elle prendra la place de la 12ème Compagnie du Capitaine CARNOY au carrefour Xures-Ommeray et s’y reposera.
L’attente d’une attaque imminente est insupportable.Des incidents éclatent dans le Bois du Haut de la Croix occupé par les troupes françaises : une patrouille avancée tombe sur les sentinelles françaises non averties de cette reconnaissance. Croyant avoir affaire aux Allemands, les sentinelles ouvrent le feu afin de donner l’alarme et atteignent un fantassin français à la cuisse.
« Soudain des coups de feu déchirèrent l’air et nous firent tous tressaillir en même temps qu’un cri de douleur se fit entendre, écrit Monsieur l’Abbé GEORGE, aumônier du 40ème Régiment d’Infanterie. Un tremblement nerveux secoue notre être, chacun a l’oreille tendue et retient sa respiration… Mais voici qu’à travers les arbres des silhouettes se meuvent, s’approchent et bientôt nous mettaient en présence du premier blessé. Un lieutenant ayant fait reculer ses hommes avancés en patrouille, ils étaient tous tombés sur les sentinelles non averties qui crurent avoir affaire aux Boches et tirèrent pour donner l’alarme. Heureusement encore que cette méprise n’avait causé qu’une victime : Une balle lui avait traversé la cuisse de part en part. Je me souviens de l’émotion que nous produisit la vue de cette plaie, du premier membre fracassé. La douleur du pauvre soldat nous fendait l’âme. C’était de mauvaise augure, et l’on avait déjà de sinistres pressentiments. Après l’avoir pansé de notre mieux, on évacua le blessé et le calme se rétablit ».
L’Abbé GEORGE ajoute :« Cependant, le sommeil semblait devoir me gagner et je sommeillais lorsqu’un bruit de moteur nous fit de nouveau sursauter, vers minuit. Le jet lumineux d’un réflecteur se promenait sur le bois et le fouillait comme l’œil d’un oiseau de proie qui cherche sa victime. L’ennemi savait que nous étions là. Toutefois aucun incident ne se produisit ».
un bataillon de Chasseurs Bavarois : le Deuxième,
deux bataillons d’infanterie Prussiens : II/138 et I/131,
deux régiments de Uhlans Bavarois : les Premier et Deuxième,
des mitrailleuses : probablement 6 au Nord-est, 6 au Nord-ouest, 6 au sud,
une artillerie importante mise en place au sud de Bourdonnay,
une batterie d’obusiers de 105 du 8ème RA postée au sud de Bourdonnay
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Première attaque allemande et repli français :
Au lever du jour, les troupes ennemies lancent leur attaque. Le bataillon de chasseurs bavarois, une compagnie du 131ème régiment d’infanterie et une batterie du 8èmeRégiment d’Artillerie prennent à Bourdonnay, la route de Lagarde.
Bientôt, ils se trouvent en face de leurs adversaires des 58ème et 40ème Régiments d’Infanterie et du 19ème Régiment d’Artillerie. Selon des témoignages de soldats allemands blessés au cours de l’affrontement, le combat se déroulera pendant sept heures, sous une chaleur accablante et contre un adversaire bien supérieur et solidement retranché.
Les Français ont installé des retranchements dans les champs sur une longue distance. Pour faire obstacle à la cavalerie allemande, les fantassins français avaient parsemé le sol de sauts-de-loup, c’est-à-dire de puits recouverts de foin et d’herbe. La lutte est acharnée, meurtrière.
Les soldats français aux voyantes couleurs, les officiers aux brillants galons s’élancent courageusement à l’orée du bois. Les couleurs éclatantes de leurs uniformes, pantalon rouge et capote bleue, contrastent avec la sobriété des tenues gris verdâtre des fantassins allemands, et nos braves tombent aussitôt sous les balles des Allemands qui demeurent invisibles.
Nota : C’est pour sauver la culture de la garance, une plante cultivée dans les départements méridionaux et dont la racine fournit l’alizarine, une substance colorante rouge, que les soldats français seront ainsi vêtus jusqu’en 1915 de l’éclatant pantalon rouge.
Une batterie de 75 française défend ardemment la position. Les mitrailleuses causent d’énormes pertes aux Allemands ; L’avantage semble se dessiner en faveur de l’ennemi.
Deux batteries françaises particulièrement dangereuses sont prises sous le feu ennemi. Avant de subir l’assaut des Allemands, les officiers d’artillerie font sauter leurs pièces. Il faut alors songer au repli et abandonner les positions dans la forêt du Haut de la Croix.
Serrés de près par les Uhlands, la retraite vers Xures s’effectue dans des conditions épouvantables.source photo : http://www.provence14-18.org/lagarde/
Les Français résistent aux abords du village :La bataille pour la conquête de Lagarde commence vers huit heures, heure à laquelle le 40ème R. I. essuie les premiers coups de feu.
Le Chef de bataillon CORNILLAT s’attend à une attaque.
Il en avise le Capitaine de la 12ème Compagnie et rappelle la 9ème sur ses emplacements de combat. Quelques cavaliers ennemis, sans doute des Uhlands, sont aperçus.
Les éclaireurs du 40ème et du 58ème partent en reconnaissance entre 7 heures et 8 heures tandis qu’un avion ennemi fait son apparition au-dessus des positions françaises. De retour, les éclaireurs font état d’un fort contingent ennemi prêt à passer à l’attaque.
Tout-à-coup, une forte ligne de tirailleurs ennemis surgit des crêtes avoisinant le village et l’artillerie allemande, très supérieure en nombre et en calibre, ajuste ses tirs meurtriers.
L’attaque décisive pour la conquête de Lagarde est déclenchée. Il est alors 8 heures 30. L’ennemi a engagé une division complète qui a pour mission de fixer le 3ème bataillon et de le déborder sur son aile gauche.
Les Allemands craignent nos canons de 75 mm dont les tirs sont d’une extrême efficacité. Aussi, dès le début des combats, les batteries de 75 du 8ème Régiment d’Artillerie et du 19ème Régiment d’Artillerie de Campagne sont l’objet d’un pilonnage des obusiers allemands et sont rapidement réduites au silence.
Quittant leurs retranchements, les fantassins du 2ème Bataillon de Chasseurs bavarois entrent dans la bataille. Ils traversent le bois Chanal, en atteignent l’orée sans rencontrer la moindre résistance. Utilisant les gerbes du blé fraîchement moissonné en guise de camouflage, ils tentent de se rapprocher du village distant de 1 kilomètre environ. Ayant éventé la ruse, les Français pointent ce qui reste de leurs pièces d’artillerie vers la cime touffue des arbres qu’ils aperçoivent de leurs positions. Malheureusement, les coups qu’ils portent sont trop hauts. De plus, notre artillerie éprouve les pires difficultés pour changer de position sur un sol devenu marécageux alors qu’un soleil de plomb brille dans un ciel sans nuage. Cependant, cette riposte acharnée semble contenir l’avance ennemie et vers 9 heures 30, l’attaque ennemie paraît enrayée mais les Allemands sont parvenus sur les hauteurs du « Haut des Vignes » à environ un kilomètre du village, à droite de la route de Bourdonnay.
Le repli français dans le village :
Vers 10 heures, une forte ligne ennemie émerge des hauteurs. Cette nouvelle attaque est appuyée par une puissante artillerie. Malgré une riposte soutenue de la nôtre, la progression allemande est foudroyante.
Nos artilleurs sont bientôt accrochés par l’infanterie ennemie.
Malgré les efforts de nos fantassins pour la dégager, notre artillerie est désormais incapable de jouer le moindre petit rôle dans la bataille. Dès lors, nos soldats supportent les tirs des canons et des obusiers ennemis sans pouvoir riposter et la manœuvre d’encerclement de l’infanterie prussienne se poursuit. A présent les pièces allemandes crachent le feu et la mort sur le village. Des flammes s’élèvent des toitures des maisons.
Deux régiments de Uhlands jusqu’à ce moment tenus en réserve sur le domaine de Marimont, sont appelés en renfort. Plusieurs escadrons chargent et se font massacrer par la 11ème Compagnie. « Ils furent complètement fauchés par les mitrailleuses » écrira sur son carnet de route un médecin-major allemand fait prisonnier le 27 août 1914.
A 10 heures 50, l’ordre est donné aux combattants français de quitter les vergers au nord et de se replier sur le village. La 9ème Compagnie débordée par l’ennemi ne parvient pas à exécuter l’ordre de repli. Elle est anéantie avant d’avoir atteint le cimetière. Les survivants seront fait prisonniers.
Vers midi, l’ennemi se trouve à 300 mètres à peine du village qu’il domine.
Les mitrailleuses font des ravages dans les rangs français, dont la tenue rouge et bleue ne passe pas inaperçue. Malgré le feu des mitrailleuses du 3ème bataillon, les chasseurs bavarois parviennent à déborder la gauche du détachement. La fusillade partant des maisons maintenant toutes proches, ne réussit pas à enrayer la manœuvre d’encerclement. La résistance faiblit de minute en minute. Les troupes françaises subissent des pertes cruelles sous le feu de l’infanterie et de l’artillerie. Les tirs s’amenuisent. Attaqués de trois côtés, les soldats français n’offrent plus qu’une faible résistance.
Vers 11 heures 30, le combat est à peu près terminé.
L’assaut final allemand :
Le commandement allemand donne alors l’ordre de l’assaut final.. Soutenu par le feu grondant de sa 2ème Compagnie et de la 8ème Compagnie du régiment d’infanterie, le 2ème Bataillon de chasseurs bavarois du lieutenant Colonel LETTENMAYER s’élance. Toute la 1ère ligne du 3ème Bataillon français est anéantie et là où les Français résistent encore, l’ennemi lance à nouveau ses Uhlands.
Lances baissées, ils pénètrent dans le village. Accueillis par un tir nourri partant des maisons, des granges et même du clocher de l’église, ils succombent en grand nombre. En un clin d’œil, 70 selles se vident : hommes et chevaux roulent, touchés à mort, sur le sol. Cette chevauchée macabre ouvre cependant la voie aux chasseurs. Dans les rues s’engage alors un combat cruel. Baïonnette au canon, on attaque, on résiste.
Entre 13 heures et 15 heures, le combat de rue est terminé. Lagarde est aux mains des Allemands. nos troupes ont subi des pertes considérables. Le Capitaine ROURISSAL ainsi que 80 hommes de sa 9ème Compagnie rejoindront dans la soirée ce qui reste du 3ème bataillon du 58ème R.I. d’Avignon. Le repli vers Xures se fait aux prix des pires difficultés.
Le triste bilan d’une bataille oubliée :
Cette sanglante journée a coûté aux diverses unités engagées dans la bataille, unités françaises et allemandes confondues, une quinzaine d’officiers et 969 hommes tués, blessés ou prisonniers. Monsieur POIRE de Moussey a vu passer des chariots chargés de paille sur laquelle reposaient de nombreux blessés que l’on évacuait vers les arrières. Une autre source fait état de 300 tués, 700 blessés et 1000 disparus.
Les corps de tous ces braves ont été rassemblés dans deux cimetières
Les pertes françaises :
Dans le cimetière situé à l’ouest du village ont été rassemblés 552 soldats français tombés au cours de cette sanglante bataille. Seuls 232 corps ont pu être identifiés : 204 reposent dans des tombes individuelles, 28 dans deux ossuaires situés de part et d’autre d’une stèle centrale rappelant le nom des diverses unités ayant participé aux combats : les 3ème , 22ème, , 30ème , 40ème, 58ème , 63ème , 96ème , 97ème , 111ème , 112ème , 114ème et 141ème Régiments d’Infanterie, appuyés par les 8ème et 19ème Régiments d’artillerie de Campagne et auxquels s’étaient joints quelques éléments du 11èmeRégiment de Hussards.
Toutes ces troupes appartenaient aux IXème ,, XIVèmee , XVème et XVIème Corps d’Armées.
Ce sont le 40ème R.I. et surtout le 58ème R.I. qui ont payé le plus lourd tribut.
On ne réussira à mettre un nom que sur 100 fantassins du 58ème : 89 soldats, un 1ère classe, 1 clairon, 7 caporaux, 3 sergents, 1 sergent fourrier, 1 adjudant, 1 sous-lieutenant, 1 lieutenant et un capitaine.
Du 40ème R.I., on identifiera 59 corps : 55 soldats, 1 sergent, 2 lieutenants et 1 capitaine.
Le 19ème R.A.C. subira lui aussi de lourdes pertes : 1 trompette, 10 soldats, 2 brigadiers, 6 maréchaux des logis, 1 chef-pointeur, 1 adjudant chef, 1 capitaine et un chef d’escadron.
Dans l’ossuaire gauche , ont été rassemblés les restes de 171 officiers, sous-officiers et soldats et parmi eux figurent 159 inconnus. Dans celui de droite reposent 181 officiers, sous-officiers et soldats dont 163 inconnus.
Les Allemands dans un communiqué officiel du 11 août déclareront : « Une brigade avancée, de toutes armes du XVème Corps d’armée français a été attaquée par nos troupes de sécurité, à Lagarde, en Lorraine.
L’ennemi, essuyant de lourdes pertes, a été refoulé dans la forêt de Parroy et a laissé entre nos mains un drapeau, deux batteries, quatre mitrailleuses et 700 prisonniers. Un général français a été tué ».
Le 12 août, ce communiqué est complété par un autre, plus bref mais aussi dur :
« A Lagarde, plus de 1.000 prisonniers de guerre non blessés sont tombés aux mains des troupes allemandes : cela correspond à un sixième des deux régiments français qui combattaient ».
De source allemande, on estime que l’effectif des troupes françaises engagées à Lagarde, s’élevait à environ 7.000 hommes, 12 canons et 12 mitrailleuses.
Les pertes allemandes :
Les victimes allemandes reposent dans un autre cimetière situé à l’est du village.
Parmi les 380 combattants qui y sont inhumés, 220 ont succombé au cours des combats du 11 août 1914.
Les charges successives des régiments de Uhlands se solderont par de lourdes pertes : Ce sont 54 cavaliers du 1er Régiment et 49 du 2ème Régiment qui rouleront dans la poussière.
Les Allemands perdront en outre 304 chevaux. L’infanterie enregistrera, elle aussi, de nombreuses victimes : le 131ème Régiment d’infanterie perdra 63 fantassins alors que 21 hommes du 138ème Régiment et 30 hommes, sous-officiers ou officiers du 2ème Bataillon de Chasseurs bavarois d’Aschaffenburg trouveront la mort au cours des combats impitoyables que se livreront soldats français et soldats allemands.
Selon des témoignages d’habitants ayant vécu la bataille, de l’Eglise à la sortie ouest du village, et particulièrement autour de l’église et au carrefour des routes Xures-Ommeray, la rue était jonchée de cadavres de chevaux, de corps de soldats français et allemands. Les caniveaux ruisselaient de sang. L’imagerie populaire allemande, tout en exagérant certainement, nous donne une idée de la sauvagerie de l’assaut final (voir dessin ci-contre).
Une bataille oubliée :
Un certain mystère plane encore de nos jours sur cette bataille de Lagarde comme en témoigne cette lettre du 21 mai 1992 de Madame A. GUILLAUME, dont la dépouille mortelle de son oncle, BRINGUIER Moras, soldat du 58ème R.I., repose dans la tombe 164 du cimetière militaire de la route de Xures : « Je vous remercie, avec beaucoup de retard pour les renseignements que vous avez bien voulu me fournir au sujet du combat de Lagarde au cours duquel mon oncle BRINGUIER Gaston, appartenant au 58ème Régiment d’Infanterie a disparu. Rien ne figure dans les livres d’histoire concernant cette bataille et les archives départementales de la Moselle à qui je me suis adressée, n’en font nulle part mention. Etant donné la violence de l’affrontement et les résultats cela me surprend beaucoup. (Nous aussi Madame).
Ce que vous ne savez peut-être pas et qui a dû arriver à toutes les familles des soldats disparus les 10 et 11 août 1914, c’est que le ministère des armées n’a officiellement annoncé leur disparition aux familles qu’en mai 1920, date à laquelle ils ont pu figurer comme décédés sur les registres d’Etat-civil de leur domicile. Entre 1914 et 1920 ma grand’mère dont c’était le fils, n’a obtenu aucune nouvelle, l’armée faisant le black out sur ce combat ». Ce témoignage récent ne corrobore-t-il pas ce qui a été dit au sujet de cette « faute de Lagarde » qu’aurait commise un haut commandant de l’armée française et dont il ne fallait pas parler ?
Les journaux de l’époque ne parlent que très peu de la bataille. La revue « L’ILLUSTRATION » mise à ma disposition, dans son numéro 3729 du 15 août 1914 publie un résumé très succinct sur le déroulement de la guerre. Les faits marquants de la journée du 11 août ne concernent que de « petits engagements ».