DOSSIER : UNE AFFAIRE D'ETAT. - L'affaire Si Salah
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Athos79 modérateur
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Sujet: DOSSIER : UNE AFFAIRE D'ETAT. - L'affaire Si Salah Dim Juil 12 2020, 12:51
UNE AFFAIRE D'ETAT. - Le dossier SI SALAH
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Partie 1 - Une affaire d’état ?
Mercredi 27 février 2008, par TOTO , popularité : 18%
L’affaire SI SALAH | 2 |
Dossier du mois
L’affaire SI SALAH
(extraits du l’oeuvre de Yves Courrière sur "La guerre d’Algérie" tome IV - Les feux du désespoir- Fayard Editeur 1971)
" Les trois ’Alouettes’ n’étaient encore que des bulles légères dans le ciel bleu de cet après-midi du 9 juin quand le pilote du S.O. Bretagne du G.L.A.M. ( groupe de liaison aérienne ministérielle ) garé en bout de piste de l’aéroport militaire de Maison-Blanche, lança ses moteurs.
A leur fracas profond vint bientôt se mêler le bourdonnement plus aigu des pales d’hélicoptères.
A quelques centaines de mètres de là deux sentinelles de l’armée de l’Air, la main en visière au-dessus des sourcils, tentaient d’apercevoir ce qui se passait.
Le soleil qui commençait à décliner faisait encore éclater le blanc crayeux du béton de la piste et miroiter le fuselage argenté de l’avion dont l’apparente incandescence blessait le regard des deux militaires. Depuis deux heures ils
étaient de garde à l’entrée de la piste avec une seule consigne : interdire son
accès à qui que ce soit tant que le S.O. Bretagne n’aurait pas décollé.
<< Qu’est-ce qu’ils peuvent bien "maquiller" ? > demanda la première sentinelle.
<>
Les ’Alouettes’ venaient de se poser à une dizaine de mètres en retrait de l’avion. De chaque hélicoptère deux civils en costume de ville avaient sauté à terre et, courbés en deux, gagnaient au pas de course l’échelle de fer du S.O. Bretagne. Six hommes en tout.
Six silhouettes sombres dont les deux sentinelles ne pouvaient distinguer les visages.
Un à un les hommes s’engouffrèrent dans le trou noir ouvert au flanc de l’appareil. La porte de la carlingue se referma. L’avion sous pression prit la piste et décolla immédiatement.
<< Oui, de drôles de clients, ces civils ! Ça doit être important pour qu’on déplace trois ventilos et un S.O. du G.L.A.M.
<< Peut-être un ministre ? > hasarda le deuxième soldat.
<< Penses-tu ! Les ministres, ça aime les honneurs. Et la musique. Si ça avait été un "guignol " on se serait retrouvé de peloton ... >
Il rabattit le chargeur de la M.A.T. qu’il portait à la bretelle ...
<< Alors que maintenant, nous, on va aller se taper une "33" bien glacée au foyer. >
<< Bonne idée. Avec ce soleil... N’empêche que j’aurais bien fait une petite virée à Paris avec eux... >
Le S.O. Bretagne avait mis le cap sur la Métropole. Ce cap que tous les appelés qui faisaient leur temps sur le terrain de Maison-Blanche connaissaient depuis le jour de leur arrivée. Celui qu’ils suivraient à l’heure bénie de la ’quille’ .
<>
Sans le savoir les deux bidasses étaient des privilégiés. Ils étaient les seuls à avoir aperçu, ombres noires dans le soleil d’Alger, les protagonistes d’une des affaires les plus mystérieuses et tragiques de la guerre d’Algérie.
En effet le S.O. Bretagne du G.L.A.M., qui n’était plus qu’un point d’argent à l’horizon, transportait à Paris les chefs de la willaya 4 qui venaient discuter avec une " haute personnalité du Gouvernement Français " les conditions d’une paix séparée.
++++
Tout avait commencé cinq mois plus tôt.
Dans les premiers jours de janvier 1960 les services d’écoute radio du capitaine Heux, chargé au B.E.L. (Bureau d’Etudes et Liaisons) des renseignements concernant la willaya 4, avaient intercepté une série de messages échangés par le colonel Si Salah, chef de l’Algérois, et l’Etat Major d’Oujda commandé par le colonel Boumediene.
Ils étaient singulièrement instructifs. Heux savait que le plan Challe avait fait la vie dure aux survivants de la willaya, mais il ne pensait pas que le moral soit tombé aussi bas. Dans son message Si Salah exprimait en termes d’une rare violence le désarroi, le désespoir et la fureur de ses hommes. Le recrutement local était devenu impossible et, ni les armes, ni les munitions, ni les renforts promis par l’Extérieur n’arrivaient jusqu’au cœur de l’Algérie.
En fait Si Salah "engueulait" littéralement son chef d’Etat-Major.
<< Vous ne foutez rien, disait-il. Vous vous prélassez à I’Extérieur. Mais méfiez-vous. Les maquis sont las et écœurés. De Gaulle propose la Paix des Braves, l’égalité complète pour tous. Nous, c’est ce que nous demandons. L’égalité, c’est le but auquel depuis toujours nous aspirons. Si vous ne nous fournissez pas les moyens de faire la guerre nous accepterons cette proposition. On ne peut rien demander d’autre. >
L’Etat-Major d’Oujda semblait suffoqué. Croyant à une manœuvre d’intoxication des Services Français, il avait demandé la répétition du message accompagné de chiffres d’identification prouvant l’authenticité de l’origine. Si Salah avait donné toutes les précisions voulues et avait envoyé un deuxième message encore plus virulent.
Heux transmit ces informations à son patron. Le colonel Jaquin avait tout de suite senti que cette fois il y avait un espoir d’aller au-delà d’une simple opération d’intoxication. Jaquin savait la valeur du chef de la willaya 4. Qu’un homme aussi sérieux, aussi mesuré, aussi estimé de ses troupes que Si Salah prenne de pareils risques et se révolte ouvertement contre ses chefs de l’Extérieur valait qu’on s’en occupe sérieusement. Il fallait absolument établir la liaison.
Heux fut chargé de la mission. Un vieux cheikh faisant fonction de cadi à Médéa servit d’intermédiaire.
Oh, ce ne fut pas facile !
Apparemment le cadi jouait la carte française mais Heux le soupçonnait depuis longtemps d’entretenir des rapports avec la rébellion. En outre il savait que les hommes de la willaya 4 cherchaient par son intermédiaire à nouer des contacts avec les autorités françaises. Il fallait les favoriser sans brusquer les choses. Heux vint trouver le cheikh et après avoir suffisamment tourné autour du pot pour que la politesse orientale fût sauve, il amena la conversation sur la guerre, sur les chances de paix qu’on laissait échapper.
<< Par exemple, dit-il au vieil homme, toi qui es la sagesse même, tu devrais conseiller aux hommes du maquis ... >
<< Mais je ne les connais pas, coupa Ie cadi indigné, je n’en ai jamais vu >
Heux I’apaisa :
<< Bien sûr, mais cela pourrait t’arriver. Tu es très connu. Ta sagesse est de bon conseil, alors les hommes du djebel voudront peut-être en profiter. D’ailleurs tu ne serais pas le seul à Médéa à avoir des contacts avec le F.L.N. Il y a tant de colons européens qui payent régulièrement pour ne pas voir leurs récoltes détruites ! >
Le vieux cadi souriait dans sa barbe. Heux poursuivit :
<< Eh bien, s’ils te demandaient conseil, rappelle-leur que le général de Gaulle a proposé la Paix des Braves. Que son offre a toujours été rejetée par le G.P.R.A. Bien sûr, pour eux c’est facile. Ils sont bien à l’abri dans leurs palaces et leurs somptueuses villas. Mais les maquisards, eux, pourraient y penser. On les sait courageux, de Gaulle lui-même l’a dit, c’est pourquoi il ne leur demande pas de se rendre, loin de là, mais de faire la paix avec lui. Parle-leur. >
C’était assez pour une première fois mais Heux revint plusieurs fois à la charge.
++++
Enfin au mois de mars le cadi annonça :
<< J’ai vu Si Lakhdar, le responsable politique de la willaya. Il m’a dit que les hommes se sentent abandonnés. Ils sont fatigués des promesses jamais tenues par l’Extérieur. Il serait prêt à discuter sur la base des propositions du général de Gaulle. >
<< Et comment faire ? > interrogea Heux.
<>
Cela faisait l’affaire de Heux qui ne voulait jouer aucun rôle dans une éventuelle négociation.
L’officier du B.E.L. préférait rester en observateur et pouvoir intervenir au gré des circonstances.
<< Comprenez-les, poursuivit le cheikh. Ils ne veulent avoir aucun contact avec les militaires ni avec les gens du délégué général. Ils n’ont pas confiance. Ils disent que les militaires vont les matraquer et les tromper. Et que les civils ne représentent rien. Ils veulent établir un contact avec un émissaire important du pouvoir parisien. >
<>
<>
Le brave homme semblait avoir une idée très précise de la suite à donner à l’affaire.
Le B.E.L. avait lancé I’amorce, il était préférable d’attendre que la situation mûrisse. Il serait temps de la relancer si elle traînait trop.
Le Cheikh de Médéa allait vivre une extraordinaire aventure. Lui aussi voulait que l’affaire aboutisse.Comme toute la population musulmane, il était las de la guerre. Mais il ne fallait pas faire de faux-pas.
Les djounoud étaient épuisés certes, mais encore très méfiants et peu enclins à se faire "rouler", ni à passer pour des traîtres en discutant avec l’armée. Le cadi s’ouvrit de ses craintes au très libéral procureur d’Alger, M. Schmelk, nommé après la grande valse des Barricades. Celui-ci lui conseilla de se rendre à Paris et lui obtint un rendez-vous du Garde des Sceaux, son ami Edmond Michelet.
Et le 19 mars, place Vendôme, le vieil homme confiait ses espoirs et ses angoisses au ministre de la Justice.
Le lendemain le Premier Ministre Michel Debré apprenait la possibilité de conversations entre les chefs d’un des principaux foyers de rébellion en Algérie et des représentants du Gouvernement.
Aussitôt il en informait brièvement le général de Gaulle.
<< Sauf contre-indication de votre part, dit-il au Président de Ia République, j’irai personnellement au fond de cette histoire.>
<>
De Gaulle chargea son homme de confiance pour les Affaires Algériennes, Bernard Tricot, d’en suivre le déroulement pour l’Elysée. Pour sa part Debré désigna son directeur de cabinet, Pierre Racine, et le chef de son cabinet militaire, le génêral Nicot.
Celui-ci qui ne pouvait se déplacer en Algérie délégua ses pouvoirs pour cette mission à I’un de ses adjoints : le colonel Mathon.
L’équipe Tricot-Mathon, Elysée-Matignon, était constituée.
++++
L’affaire Si Salah commençait.
La première rencontre eut lieu en début de soirée, le 28 mars 1960, à la préfecture de Médéa.
La petite ville était noyée dans une brume épaisse descendue de la montagne. Il faisait froid et humide. De toute la journée le soleil n’avait réussi à percer la grisaille du ciel et à 19 heures le ciel était si bas, si lourd, le brouillard si dense que la nuit semblait être tombée depuis longtemps sur cette journée qui malgré la date n’avait rien de printanier.
A l’heure prévue, tels des fantômes sortis de l’ombre cotonneuse, trois hommes en burnous gris pénétrèrent dans le jardin de la préfecture et franchirent la porte latérale du bâtiment officiel désert où les attendait le préfet Cayssa.
Celui-ci les conduisit jusqu’à un bureau du premier étage et se retira.
Face à face se retrouvaient pour la première fois depuis le début de la guerre d’Algérie trois représentants des combattants les plus durs de la rébellion algérienne et deux des plus proches collaborateurs du général de Gaulle et de Michel Debré.
Il y eut un instant de gêne,
Chacun restait immobile. Sur la défensive. Puis Bernard Tricot et le colonel Mathon s’avancèrent et se présentèrent. A l’énoncé de leurs titres de représentants des deux plus hautes autorités françaises - le Président de la République et le Premier Ministre - les visages des trois hommes s’éclairèrent. Ils se dégagèrent de leurs burnous.
<< Nous sommes parmi les principaux dirigeants de la willaya 4, dit l’un d’eux, un homme mince, le visage fin et ouvert. J’en suis le responsable politique et voici un membre du conseil de willaya et le responsable local du F.L.N. pour la ville de Médéa. Nos noms n’ont pas d’importance. Nous les échangerons plus tard. >
<< Vous n’avez pas eu de difficultés pour parvenir jusqu’à nous ? > interrogea Mathon.
<< Non, les promesses ont été tenues. Nous n’avons vu personne. >
Les deux émissaires français ne pouvaient s’empêcher de penser à l’accueil que l’on fait au début d’un week-end à quelques invités peu familiers. Questions sans importance sur le temps et l’état de la route, histoire de briser la glace et d’échanger quelques mots.
<< Nous n’avons rencontré ni militaire ni patrouille, rechérit le responsable local. Tout s’est passé comme nous l’a dit le cadi. Très simplement. >
Mais pour que tout se déroule "très simplement" il avait fallu mettre Ie général Roy, commandant la zone de Médéa, dans la confidence ! Delouwier, Challe et Jaquin, les trois seuls hommes qui à Alger soient au courant de la mission extraordinaire avaient rassuré Tricot à son propos.
<< Le général Roy est un homme très droit, très intelligent, très fin politiquement. Il comprendra et fera en sorte qu’aucun chef d’unité ne déclenche une opération malheureuse. >
Il suffisait en effet du zèle intempestif d’un sous-lieutenant à la tête d’une patrouille pour tuer ou arrêter les envoyés du F.L.N. et mettre fin à tous les espoirs de paix !
Challe avait donc recommandé à Roy de suspendre toutes les opérations dans son secteur puis les envoyés de Paris avaient mis au point avec le commandant de Médéa un itinéraire que les émissaires du FLN pourraient emprunter en toute sécurité ... "
« Je ne suis pas abattu, je n'ai pas perdu courage. La vie est en nous et non dans ce qui nous entoure. Être un homme et le demeurer toujours, Quelles que soient les circonstances, Ne pas faiblir, ne pas tomber, Voilà le véritable sens de la vie ».
Athos79 modérateur
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Sujet: Re: DOSSIER : UNE AFFAIRE D'ETAT. - L'affaire Si Salah Lun Juil 13 2020, 09:49
AFFAIRE SI. SALAH - 2éme Partie ( a suivre)
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Partie 2 : les contacts secrets
Jeudi 28 février 2008, par TOTO , popularité : 19%
L’affaire SI SALAH |
Dossier du mois
[(
L’affaire SI SALAH
)]
(second extrait de l’œuvre de Yves Courrière "La guerre d’Algérie" tome IV - Les feux du désespoir- Fayard Editeur 1971)
" Protéger des hommes que l’on considère depuis bientôt six ans comme des ennemis n’était pas chose facile à expliquer à un militaire. Mais le général Roy avait très bien "compris". Et les trois responsables F.L.N. étaient là, sains et saufs, dans un secret presque absolu.
<< Avant que nous discutions en détail de possibilités d’un cessez-le-feu, commença l’un des trois maquisards, je voudrais tout de suite préciser un point. une chose très importante et qui engage tous les combattants de la willaya que nous représentons. >
C’était le responsable politique qui avait pris la parole. Il se posait ainsi en chef de la délégation aux yeux de ses interlocuteurs français.
<< Nous voulons la paix, poursuivit-il, mais il ne s’agit pour nous ni d’aman,
ni de reddition. Encore moins d’une trahison personnelle.
Nous représentons nos camarades combattants du maquis de la willaya 4
et notre volonté sera, dans toutes nos discussions, de les associer à tous
les points sur lesquels nous pourrions nous mettre d’accord . >
Mathon et Tricot acquiescèrent, satisfaits.
L’homme exprimait avec aisance et clarté tout ce qui était sous-entendu lors des contacts établis par le cadi. Le dialogue pouvait commencer. Bernard
Tricot rassura ses interlocuteurs.
Personne n’entendait assimiler ces conversations à une reddition.
Il s’agissait uniquement d’établir de bonne foi les conditions d’un cessez-le-feu, d’une paix raisonnable. Au cours de ce premier contact, l’envoyé de l’Elysée proposa aux trois chefs rebelles un plan de discussion.
D’abord évoquer l’aspect technique des négociations : comment arrêter les combats et maintenir ce cessez-le-feu jusqu’à l’autodétermination.
Et ensuite parler de l’avenir de l’Algérie. Appuyé par ses deux compagnons, le chef politique F.L.N. expliqua que seuls les hommes de l’intérieur voulaient la paix et que seuls ils étaient capables de l’imposer.
Puis il laissa entendre que l’idée d’indépendance découlant directement de celle d’autodétermination, les combattants de l’intérieur avaient atteint leur but. Il suffisait de se mettre d’accord sur des zones de regroupement des maquis.
<< Et les armes ? > interrogea le colonel Mathon.
<< C’est en effet un problème, concéda le chef politique. Mais il n’est pas
insoluble. Elles pourraient être déposées auprès d’une autorité civile et
placées sous une garde mixte. >
Les combattants étaient donc prêts à déposer et à rendre leurs armes du moment que l’arrêt des combats ne ressemblât pas à une reddition. L’information était de taille. Il fallait vraiment que les maquis soient à bout de souffle pour envisager pareille mesure. Quant à l’avenir politique de l’Algérie, le chef de la délégation le concevait dans une étroite coopération entre Algériens d’origine musulmane et européenne.
<< Nous ne désirons pas couper les ponts ni avec la France, ni avec
l’occident, dit-il d’une voix douce. Chacun a droit de vivre en paix
dans son pays. ce que nous désirons c’est la fin de la domination
européenne. Que nous soyons maîtres de nos affaires sans que
les Européens en décident pour nous. >
Voilà un langage que comprenait Bernard Tricot. Pour lui l’avenir de l’Algérie ne pouvait que passer par là. Décidément cette première réunion ne se déroulait pas mal.
<< Ce que nous désirons, poursuivit le chef politique, une fois réalisées les
conditions d’arrêt des combats, c’est une cohabitation étroite avec les
Européens et une coopération importante avec la France. Les combats
ont été trop durs, le peuple a trop souffert. Il est à bout de souffle.
Nous-mêmes n’avons presque plus de relations avec l’extérieur qui est
censé nous représenter. plus de liaisons radio, plus de messagers
réguliers. Il nous faut parfois plus d’un mois pour recevoir des nouvelles
de Tunis. Le prix de la réalisation de notre idéal initial est trop élevé.
Arracher l’indépendance coûterait trop cher. Nous ne voulons plus
continuer dans cette direction.
La conception de la Paix des Braves nous convient .>
<< Convient-elle à vos troupes ... ? >
++++
Le colonel Mathon savait, d’après les informations des services du colonel Jaquin, qu’il ne devait rester en willaya 4 qu’environ 250 hommes armés. "Troupes" était donc un bien grand mot. Mais les contacts ne pourraient être menés à bien que si ce noyau d’où tout pouvait repartir se ralliait sans réticence à la politique de son chef.
<< Nos commandants de secteurs, répondit celui-ci, sont tous au courant de
notre rencontre. Ils l’ont approuvée. Nous devons maintenant rendre
compte de nos conversations à notre chef de willaya, Si Salah, ainsi
qu’au responsable militaire, Si Mohamed. Il est temps de vous dire
maintenant que mon nom est Si Lakhdar, responsable politique et adjoint
de Si Salah. Le responsable de Médéa ici présent est Abdelhatif, et Halim
fait partie du conseil de willaya comme chef de la zone d’Aumale. >
Lakhdar exprimait ainsi sa confiance et son désir de poursuivre des négociations qui n’en étaient qu’à leurs balbutiements malgré des preuves certaines de bonne volonté. Les cinq hommes convinrent de se retrouver trois jours plus tard au même endroit et dans les mêmes conditions.
<< Il serait bon, souligna Bernard Tricot, qu’après avoir consulté votre chef
et vos collègues de la willaya, vous soyez en mesure - à notre prochaine
réunion - de définir les conditions de mise sur pied d’un cessez-le-feu
efficace et réel. >
L’ordre du jour de la réunion suivante étant ainsi fixé, les cinq émissaires secrets se saluèrent, toute gêne effacée. Ils n’étaient que des hommes de bonne volonté résolus à mettre fin à un combat fratricide.
Le jeu était dangereux mais en valait la chandelle.
C’est le 31 mars que se joua I’avenir de ce qu’on allait appeler l’affaire Si
Salah.
Un avenir plein d’espoir mais aussi de déceptions et de drames qui allait provoquer des catastrophes et influer considérablement sur le destin d’hommes aussi différents que le commandant en chef de l’armée française en Algérie ou que le triumvirat qui présidait aux destinées de la willaya algéroise.
Le chef militaire couvert de gloire et d’honneurs y perdra sa liberté en entrant en rébellion contre le gouvernement de son pays tandis que les chefs rebelles prêts à mettre fin à la guerre disparaitront dans la tourmente, happés, broyés par l’implacable tourbillon des rivalités et des haines, éliminés dans la course pour le pouvoir.
Mais ce 31 mars 1960, c’était encore l’espoir.
Entre 19 et 23 heures les représentants de la willaya 4 acceptèrent toutes les conditions présentées avec beaucoup de souplesse et de doigté par le colonel Mathon et Bernard Tricot.
C’est le général Challe qui - en rapport étroit avec les représentants de I’Elysée et de Matignon ainsi qu’avec le Premier Ministre, Michel Debré - avait établi les modalités d’une < reddition qui n’en ait pas les apparences mais tous les effets >, comme le dira plus tard Paul Delouvrier.
Qu’on en juge : Il était entendu que tous les combattants de la willaya déposeraient leurs armes dans des endroits fixés par accord mutuel - de préférence les préfectures pour que les djounoud n’aient pas le sentiment de remettre leurs armes à des militaires.
Ainsi l’honneur serait sauf. En échange de quoi la France reconnaitrait à ces "fellaghas" le titre de combattants réguliers.
Dès lors chaque djoundi pourrait soit regagner son village soit s’engager dans l’armée française au sein des harkis ou dans une formation de promotion sociale. Les cadres F.L.N. seraient envoyés à l’école d’officiers et de sous-officiers cte Cherchell ou bien rejoindraient eux aussi leurs familles.
Le gouvernement français s’engageait à n’exercer aucune poursuite contre ces anciens rebelles à condition ... qu’ils n’aient pas "de sang sur les mains".
Les "tueurs" et les terroristes seraient jugés. Mais les négociateurs de Médéa convinrent que ces cas particuliers seraient réglés "entre eux". Comme une loi d’amnistie interviendrait très rapidement après l’autodétermination, Mathon et Tricot pourraient "fermer les yeux" et aider à l’exil temporaire des "tueurs" vers l’étranger.
Ayant accepté toutes les conditions matérielles du cessez-le-feu Si Lakhdar entreprit de clarifier la situation politique.
Les négociateurs de la willaya 4 prônaient la constitution d’une sorte de parti politique dont ils seraient les leaders et qui s’insèrerait dans une cohabitation avec la France.
En fait ils réclamaient une autonomie interne dans laquelle ils auraient une place privilégiée.
<< Mais tout cela ne sera valable, précisa Lakhdar, que si nous avons l’accord
des autres régions. Le pouvoir des willayas est beaucoup plus fort,
beaucoup plus important que celui que peut détenir l’Organisation
Extérieure, peu consciente des réalités intérieures.
Nous devons désormais agir en deux temps.
Dans un premier temps nous allons mettre au courant de notre accord
tous nos chefs de zone, puis, après leur acceptation, nous entreprendrons
d’amener à nos vues les willayas voisines.>
<< Et Tunis ? > interrogèrent les Français.
<< Nous nous expliquerons également avec Tunis. Mais plus tard.
Que pourront faire les membres de I’Extérieur si toutes les willayas
-c’est-à-dire les combattants et par suite tout le peuple qui nous soutient-
décident de négocier avec la France ? Rien. Si ce n’est suivre. Et traiter.
Ils s’apercevront enfin de la véritable situation qui règne à l’Intérieur et
sentiront l’opportunité, si ce n’est la nécessité, d’adopter nos plans. >
Décidément la négociation s’avérait favorable. Tricot et Mathon ne pouvaient qu’abonder dans le sens de leurs adversaires d’hier, bientôt des alliés.
Il fallait mettre à exécution le plus vite possible la première partie de ce plan. Avertir les chefs de zone ne paraissait pas être bien difficile. Pourtant Lakhdar, Halim et Abdelhatif demandèrent un délai de huit semaines.
<< Tant que cela ! > s’exclama le colonel Mathon.
<>
<< Et les troupes de secteurs ? > demanda le colonel.
<>
Mathon en prit l’engagement.
<< Nous verrons plus tard ce qu’il faudra faire lorsque nous contacterons les
willayas voisines, > ajouta Si Lakhdar.
<< Quand nous reverrons-nous ? >
<>
L’affaire prenait une telle importance que, pour garantir le secret, le colonel Mathon écrivit lui-même au stylo à bille les comptes rendus de ces deux réunions et en fit six copies tirées au papier carbone pour le général de Gaulle, Michel Debré, Paul Delouvrier, le général Challe, Bernard Tricot et lui-même.
En dehors de ces six documents manuscrits il n’existe pas une note, pas un papier, pas un compte rendu qui fasse seulement allusion à I’affaire.
Chaque ligne de ce compte rendu était du baume au cœur de Challe, qui y voyait la justification de toute sa politique.
Il interrompit pratiquement toutes les opérations qui se déroulaient dans l’algérois. Avec la reddition de la willaya 4 c’étaient les trois quarts de I’AIgérie qui étaient pacifiés.
En effet non seulement la willaya de Si Salah couvrait de Palestro à Tenès - c’était la plus riche d’Algérie - mais en outre, depuis les affaires Bellounis, Si Chérif et Si Haouès 1, elle avait barre sur la willaya 6 et ses arrières.
++++
Quant à l’organisation F.L.N. oranaise elle était littéralement à genoux.
Aux frontières les barrages est et ouest étaient efficaces à 95 % et les rares djounoud chargés d’armes qui passaient vers le Sud étaient vite repérés grâce à une surveillance aérienne intense et aux pisteurs arabes que Challe avait décidé d’utiliser dans cette chasse à l’homme.
Ils étaient fantastiques. De véritables devins. Quelques traces de pas, quelques éraflures et ces Sherlock Holmes du désert vous disaient quand le "fell’ était passé, quel était son signalement, s’il était chargé ou non, quelle était sa direction.
Un hélicoptère et une mitrailleuse suffisaient alors à anéantir les djounoud qui avaient passé la frontière...
La rébellion, privée de moyens de communication, de ravitaillement, d’armes, de recrutement, traquée par les opérations et les embuscades, était à bout.
Les négociations de Médéa le prouvaient.
Aux yeux de Challe cette affaire Si Salah était le coup de grâce porté aux maquis de l’Intérieur.
Dès lors on comprend mieux sa déception devant l’inflexibilité du général de Gaulle à son égard.
Challe voulait rester non seulement pour VOIR sa victoire, en goûter les fruits les plus doux, en tirer les honneurs qui sont la récompense de la vie militaire, mais aussi, mais surtout, pour surveiller le déroulement de l’affaire Si Salah - car le commandant en chef se méfiait de l’envoyé de l’Elysée.
Pour lui, Bernard Tricot était le mauvais génie de de Gaulle.
L’homme qui ne voyait qu’un avenir pour l’Algérie : l’indépendance.
Il craignait que l’éminence grise du Général ne se serve du ralliement de Si Salah pour manœuvrer le G.P.R.A. et l’amener à traiter. Car déjà, en ce mois de mars 1960, l’affaire Si Salah est une source d’équivoques.
Pour Challe et les quelques officiers du B.E.L. qui sont dans la confidence le cessez-le-feu partiel signifie le ralliement des hommes de Si Salah.
Comment appeler autrement une manœuvre qui aboutit au dépôt des armes, au retour des rebelles dans leurs foyers ou à leur entrée dans les rangs de l’armée française ? L’affaire Si Salah réussie, c’est l’intégration tant rêvée qui devient enfin possible, le maintien définitif de cette Algérie française que l’on a juré de préserver.
Ce qu’ils oublient - volontairement ou non - c’est que les cadres et les djounoud épuisés physiquement par une lutte démesurée, écœurés par le "lâchage" de Tunis, n’en restent pas moins très attachés à l’idéal de l’indépendance. Ils acceptent d’autant mieux "la Paix des Braves" qu’elle conduit au référendum d’autodétermination.
Et si celui-ci se déroule librement il proclamera le désir du peuple algérien d’être indépendant. Le délégué général Paul Delouvrier en est persuadé.
Tous les rapports qu’il reçoit concordent.
En Oranie par exemple "cette Oranie où la rébellion est à genoux" - comme dit Challe - où le général Gambiez a fait un effort considérable pour éliminer la torture et les corvées de bois, où la paix semble revenue, la population musulmane libérée du joug du F.L.N. n’en exprime pas moins son désir d’indépendance.
La rébellion a reculé jusqu’à disparaitre mais son empreinte politique reste indélébile sur la population.
L’armée, chefs en tête, nie obstinément cette évidence. Et de bonne foi !
Dans le bled elle est au contact d’une population qui vit au Moyen Age et ne sait que rendre hommage au plus fort.
Dans cette optique, la réussite de l’affaire Si Salah ne peut conduire qu’à une Algérie définitivement française. Mais une page est tournée. La rébellion, commencée dans les campagnes, a bouleversé la façon de penser des villes. Désormais le pouls de l’Algérie musulmane se prend dans les faubourgs des grandes villes. Et là, le désir d’indépendance manifesté par le peuple s’y fait jour avec force. L’armée ne peut ni ne veut l’admettre.
Elle a vaincu son adversaire sur le terrain, donc elle a gagné. Sans rébellion on ne peut remettre l’Algérie française en question.
Dans ce contexte, Challe qui savait pouvoir réaliser cette décolonisation par promotion dont il s’était fait le champion, ressentait encore plus profondément l’amertume de son départ.
D’autant plus profondément qu’il était désormais persuadé que de Gaulle et "la bande à Tricot" voulaient larguer l’Algérie, et torpiller les chances de réussite de l’affaire Si Salah.
Quittant l’Algérie l’ancien commandant en chef se promettait bien de suivre, de Fontainebleau, le déroulement de cette affaire mystérieuse.
A ses yeux elle était la dernière chance de l’Algérie française et fraternelle dont il rêvait depuis deux ans.
« Je ne suis pas abattu, je n'ai pas perdu courage. La vie est en nous et non dans ce qui nous entoure. Être un homme et le demeurer toujours, Quelles que soient les circonstances, Ne pas faiblir, ne pas tomber, Voilà le véritable sens de la vie ».
Athos79 modérateur
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Sujet: Re: DOSSIER : UNE AFFAIRE D'ETAT. - L'affaire Si Salah Mer Juil 15 2020, 16:37
L'AFFAIRE. SI SALAH. - LE VOYAGE. ( EPISODE 3)
DE LA WILAYA 4 A PARIS ......
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Partie 3 : L’incroyable voyage..
Dimanche 2 mars 2008, par TOTO , popularité : 24% L’affaire SI SALAH | 2 |
L’affaire SI SALAH ( troisième extrait de l’oeuvre de Yves Courrière "La guerre d’Algérie" tome IV - Les feux du désespoir- Fayard Editeur 1971)
Tout avait réussi. Les cadres de la willaya étaient d’accord.
Un cessez-le-feu était désormais possible mais ne serait réellement profitable que s’il était admis et suivi par les autres willayas. Telles étaient en bref les nouvelles qu’apportaient le 31 mai 1960 les émissaires de la willaya 4 à leurs homologues Tricot et Mathon à nouveau réunis à la préfecture de Médéa.
Cette fois les cinq hommes devenus de vieilles connaissances ne perdirent pas de temps en approches subtiles ni en précautions de langage. Ils étaient cinq dans la même galère. Deux mois s’étaient écoulés et il ne s’agissait plus de perdre de temps. Les résultats étaient positifs et le secret entourant leurs contacts avait été préservé.
Chacun des deux partis avait joué le jeu. Un miracle. Il fallait profiter du courant de confiance établi entre les ennemis d’hier pour faire aboutir aujourd’hui le projet de cessez-le-feu. Pourtant, après que Lakhdar eut expliqué les contacts avec les différents commandants de zone, Bernard Tricot et le colonel Mathon, rompus aux discussions de cabinet et aux sous-entendus, décelèrent chez leurs interlocuteurs une certaine gêne.
Malgré les nouvelles optimistes la machine grippait. Mais où ?
Si les commandants de zone étaient tous favorables c’était de l’état-major que provenaient d’éventuelles réticences. Il fallait en avoir le cœur net. Faisant preuve d’une psychologie rare de la part d’un maquisard descendu de sa montagne, Lakhdar prit les devants :
<< Nous avons deux problèmes, avoua-t-il, le premier vient d’un homme : Si Mohamed, l’adjoint militaire de Si Salah, l’autre est un problème d’attitude générale. Nous sommes conscients de l’intérêt que représentent ces discussions à l’échelon le plus haut mais en même temps nous craignons de donner à certains, peu familiarisés avec les subtilités des contacts secrets, l’impression de trahir, de jouer pour notre propre compte et dans notre intérêt personnel. >
<< Si Mohamed est opposé à nos entretiens ? > interrogea Mathon.
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Si Lakhdar semblait embarrassé. Aucun des deux émissaires français ne releva l’allusion aux terribles purges qui avaient décimé quelques mois auparavant les cadres intellectuels de la willaya.
Si Mohamed était donc de ces adeptes sanguinaires d’Amirouche. Il faudrait compter avec son intransigeance. Pour l’heure il s’agissait de rassurer Lakhdar, lui donner bonne conscience.
<< Il n’y a pas traitrise, plaida Tricot, lorsqu’on tente de mettre honnêtement sur pied les conditions d’un cessez-le-feu qui ne sera pas uniquement applicable à la willaya 4 mais à tous les combattants de l’Intérieur. Quels qu’ils soient. En outre vous ne traitez pas avec l’armée mais avec le gouvernement. >
<< C’est pourquoi, enchaîna Si Lakhdar, il sera indispensable qu’une fois définies les conditions d’arrêt des combats, nous amenions les autres willayas à partager notre point de vue. >
Le chef politique s’arrêta un instant, passa la main sur son visage, comme pour se donner les secondes d’une ultime réflexion, puis se lança :
<< Pour convaincre Si Mohamed, pour persuader les willayas voisines nous avons besoin de traiter notre affaire à un haut niveau. C’est pourquoi nous n’avons voulu rencontrer que des représentants du pouvoir parisien. Maintenant que nous sommes sur le point d’aboutir il faudrait frapper un grand coup, d’une portée psychologique importante. Nous vous faisons personnellement confiance, vous représentez directement le général de Gaulle et M. Debré, mais si nous pouvions rencontrer une haute personnalité politique de Paris qui conclue avec nous les accords que nous avons étudiés cela faciliterait énormément notre travail. Vis-à-vis des autres willayas, et aussi vis-à-vis de Si Mohamed, nous serions plus représentatifs. >
L’idée était bonne. Tricot et Mathon l’avaient d’ailleurs évoquée à Paris et Michel Debré ne s’y était pas opposé.
<< Je crois que cela peut se faire, répondit Bernard Tricot. Laissez nous quarante-huit heures. Après demain vous aurez la réponse.>
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Le 2 juin tout était réglé.
Des émissaires de la willaya 4 étaient attendus à Paris "par une haute personnalité" qui récapitulerait avec eux les différents points de l’accord de cessez-le-feu et s’engagerait au nom du gouvernement français.
<< Si vous donnez suite à cette proposition, dit le colonel Mathon, prévenez-nous deux jours à l’avance de la date que vous aurez fixée. >
C’était le maximum de ce que pouvaient faire les représentants français. Ils ne voulaient pas non plus donner à leurs vis-à-vis l’impression de trop "pousser à la roue".
Après tout, c’étaient les willayas qui étaient en position de faiblesse.
Mais qu’est la force, qu’est la faiblesse dans une guerre subversive où tous les rapports, toutes les valeurs sont bouleversés ?
Lakhdar, Halim et Abdelhatif avaient l’air très satisfaits :
<< Nous vous préviendrons bientôt > assura le chef politique en prenant congé de ses hôtes.
Le soir du 2 juin, en faisant son rapport au stylo à bille - en appuyant bien fort pour que les cinq carbones impressionnent les caractères - le colonel Mathon dégagea l’intérêt de l’opération, intérêt mutuel où il n’y avait ni gagnants ni perdants mais surement des chances de paix. Pourtant il ne put s’empêcher de noter que pour certains officiers français, dont il ne citait pas les noms, ces contacts s’assimilaient à un véritable ralliement.
Dans leur esprit c’était la victoire militaire totale et écrasante. Le colonel Mathon, se souvenant des cuisantes expériences de "ralliement forcé" - comme celui d’Azzedine qui s’était terminé dans la déroute la plus complète - souligna le danger d’une pareille interprétation qui, une fois de plus, pouvait provoquer d’amères "déceptions".
Les fenêtres du premier étage du pavillon de chasse des tirées de Rambouillet étaient grandes ouvertes sur la forêt dont la nuit d’été exaltait le parfum frais et léger.
Bernard Tricot, étendu sur un lit, écoutait le bruissement soyeux de la brise dans les hautes futaies. Qu’elles semblaient lointaines les nuits précédentes, lourdes, odorantes, chargées des parfums épais de la Mitidja !
Savourant le calme qui l’enveloppait, "l’homme de l’Elysée" faisait le point. Si la journée avait été fertile en surprises et rebondissements le lendemain pouvait être essentiel dans le déroulement de l’affaire et influer sur la durée de la guerre. La Paix tenait peut-être entre les mains des cinq hommes étendus dans ces deux chambres du pavillon de chasse de Rambouillet, car cette fois ils étaient en France ces fellaghas dont on parlait tant depuis des années !
Quarante-huit heures auparavant - le 7 juin - le cadi avait transmis le message de la willaya 4. Les émissaires du F.L.N. étaient prêts à se rendre à Paris. Tricot et Mathon avaient fixé le rendez-vous au 9 juin à 15 heures 30 à Médéa. Ils "jouaient" un horaire très précis.
En partant en hélicoptère de Médéa vers 16 heures et compte tenu du transbordement dans le S.O. Bretagne qui attendait à Maison-Blanche, ils arriveraient à Villacoublay à la nuit, protégés des regards indiscrets.
Le colonel Jaquin, patron du B.E.L., avait "récupéré" les responsables de la willaya à ? la limite du bled et des faubourgs et les avait conduits en camionnette bâchée à la D.Z. (Drop Zône) de Médéa.
A 15 heures 40 ils entraient dans le bureau où ?les attendaient Bernard Tricot et le colonel Mathon.
Lakhdar était le premier, mais deux inconnus l’accompagnaient.
<< Messieurs, dit Lakhdar, je vous présente Si Salah notre chef, et Si Mohamed, chef militaire de la willaya. >
Avec Si Lakhdar c’était tout l’état-major de la willaya 4 qui se déplaçait, prouvant ainsi l’importance que ces hommes attachaient à la tentative de cessez-le-feu ! L’affaire suivait une progression logique.
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Dans un premier temps ils avaient voulu traiter avec des représentants directs du pouvoir parisien, ensuite ils avaient demandé à être reçus par une personnalité importante du gouvernement, et aujourd’hui ils "mettaient le paquet" en se pré ?sentant tous trois - le chef suprême, son adjoint politique et son adjoint militaire - à ? l’heure du de ?part pour Paris.
Si Lakhdar expliqua que Halim resterait à la willaya pour s’occuper des affaires courantes. Quant à Abdelhatif il ne parlait pas suffisamment le français pour participer à une "conférence au sommet".
Très habilement le chef politique profitant de sa connaissance des deux émissaires français cherchait à mettre à l’aise les deux nouveaux venus.
Pour Si Salah cela semblait facile. L’homme, très grand - environ 1,90 m - paraissait très sympathique et parlait facilement. Le visage clair était agréable. Des yeux bruns, intelligents, dirigeaient alternativement leurs regards sur les délégués français comme pour mieux les connaitre et les jauger. Une fine moustache surmontant une bouche gourmande faisait élégamment oublier un nez trop grand. L’aisance des gestes, la taille élancée rendaient plus rustaude encore l’allure de son voisin Si Mohamed.
C’était donc là l’homme avec lequel ou plutôt ’contre lequel’, il faudrait jouer !
Le chef militaire de la willaya 4 n’était pas gâté par la nature. Le front bas, les oreilles décollées encadrant des pommettes larges et saillantes, des yeux bridés et très enfoncés et par là-dessus, une moustache soulignant d’un trait noir et épais le teint basané donnaient à sa physionomie un air à la fois fruste et sournois. Si Mohamed avait à peine salué et se tenait dans une réserve hostile qui n’augurait rien de bon.
Pourtant dans le S.O. Bretagne qui les menait à Paris le chef militaire s’était détendu, parlant un peu de sa vie. Il avait expliqué à Bernard Tricot qu’il ne connaissait de l’Europe que les mines belges où il avait travaillé dans les années 50.
Et puis le survol d’Alger, le bouleversant panorama de la ville blanche l’avait surpris. Les trois maquisards n’avaient pas revu Alger depuis cinq ans. Pour Si Lakhdar et Si Mohamed c’était la première fois qu’ils survolaient la cité.
<< C’est notre baptême de l’air >, avait confié Lakhdar.
Et, avec une nuance d’admiration dans la voix, il avait ajouté :
<< Mais Si Salah, lui, est déjà monté en avion. >
Le repas lui-même avait été une source d’étonnement pour ces soldats des maquis. Les gendarmes de l’air en civil - ils étaient quatre, deux à l’arrière, deux à l’avant de la carlingue - les avaient vu déchirer à belles dents les tranches de viande froide qu’on leur présentait. A l’heure du fromage, Lakhdar qui ne connaissait pas le camembert l’avait mangé tout entier croyant que c’était l’usage. Et sans une goutte de vin !
Les trois hommes respectaient strictement l’orthodoxie musulmane, ils ne fumaient ni ne buvaient d’alcool.
Au fil des heures Tricot et Mathon n’avaient pu s’empêcher d’une certaine sympathie pour ces hommes qui les avaient durement combattus et qui, l’heure de la négociation arrivée, se trouvaient littéralement arrachés à leur pays, à leurs habitudes simples et rudes de coureurs de djebel, pour se trouver plongés dans un monde inconnu, au contact de coutumes et d’habitudes nouvelles.
Il leur fallait un réel courage pour entreprendre seuls une pareille aventure, en opposition avec leurs chefs de l’Extérieur et sans même le soutien des willayas voisines.
Après le repas, dans l’avion, les cinq hommes avaient abordé les thèmes politiques. Si Salah avait exprimé un nouveau désir : il voulait s’entretenir avec Ben Bella.
<< Il est en prison chez vous, expliqua-t-il, ce sera très facile de le rencontrer.>
Les trois chefs de la willaya 4 voulaient bien passer au dessus de ce G.P.R.A. qui à leurs yeux ne représentait plus rien, mais ils désiraient tout de même rencontrer le leader emprisonné qui déjà faisait figure de martyr.
Ben Bella au courant, ils ne pourraient être accusés de traitrise ! Le plan était habile mais Bernard Tricot savait que le général de Gaulle refuserait cette éventuelle visite au prisonnier de l’Ile d’Aix. Il entreprit de les de ?courager.
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<< Voir Ben Bella ne me semble pas une bonne idée, expliqua-t-il. Vous avez le souci de ne pas jouer en solitaires. Vous ne voulez pas apparaitre comme des traitres mais comme des chefs conscients de la qualité de ce que vous entreprenez. Si vous rencontrez Ben Bella, il préviendra le G.P.R.A. Et là vous apparaitrez comme des traitres car il sera facile aux membres du gouvernement provisoire d’expliquer ainsi votre tentative de discussion séparée. >
Les trois hommes parurent convaincus. Convaincus mais désemparés.
<< Si vous avez des doutes sur l’importance que le gouvernement français attache à cette affaire, poursuivit B. Tricot, ils seront balayés quand vous verrez la qualité de celui qui discutera avec vous au nom du gouvernement français. >
Jusque-là les hommes de la willaya 4 n’avaient prononcé aucun nom. Ils avaient simplement manifesté le désir de rencontrer une "haute personnalité ". De leur côté, ni Mathon ni Tricot ne pouvaient leur dire qui les recevrait. Rien à Paris n’était décidé et la qualité - imprévue - des émissaires du F.L.N. autorisait tous les espoirs.
Celui de Tricot - peut-être le seul homme dont le général de Gaulle entendait les suggestions sur le problème algèrien - était de les faire recevoir par le Pre ?sident de la République lui-même.
L’impact serait si fort qu’il pourrait accélérer la bonne marche d’un plan de cessez-le-feu subtil mais non exempt de risques et de dangers. Il s’agissait de "gonfler" des hommes, certes importants, mais qui pour l’heure ne représentaient que les deux cent cinquante ou trois cents ’fells’ armés qui tenaient encore le maquis algérois.
<< De toute façon, conclut Tricot, je poserai la question à propos de Ben Bella. >
Au cours du voyage un courant de confiance s’était établi entre les envoyés de l’Elysée et de Matignon et les deux nouveaux venus dans la ne ?gociation. Les pre ?cautions prises pour conserver leur anonymat, l’absence de mesures de sécurité exprimant une quelconque défiance à leur égard, les avaient bien disposés.
A l’arrivée à Villacoublay seules trois voitures attendaient garées en bout de terrain, tous feux éteints. Le sous-préfet de Rambouillet ignorant l’identité des Algériens avait été prié de venir avec sa voiture personnelle et sans chauffeur. En outre il avait reçu l’ordre d’assurer l’hébergement de cinq personnes, pendant une ou deux nuits dans une résidence située de telle façon que leur présence restât secrète. Il s’était acquitté de sa mission et avait servi de chauffeur à Bernard Tricot et Si Salah. Le général Nicot, chef du cabinet militaire de Michel Debré, était aussi au rendez-vous et avait conduit Si Mohamed tandis que le colonel Mathon s’ètait glissé derrière le volant de la troisième voiture avec, à ses côtés, Si Lakhdar.
Les trois véhicules avaient pris la route de Rambouillet dont le château sert de résidence d’été aux présidents de la République, et étaient arrivés sans encombre au pavillon de chasse isolé au cœur de la forêt. Seuls le garde chasse et sa femme les avaient accueillis et s’étaient retirés après avoir préparé le repas. Pas la moindre surveillance, nulle sentinelle à l’horizon. Les trois chefs F.L.N., séduits par la confiance que leur faisaient leurs interlocuteurs français, leur avaient même demandé de ne jamais être séparés d’eux. Que toujours, pendant le temps que durerait leur séjour en France, le colonel Mathon ou M. Tricot restât avec eux. Même la nuit.
Pour répondre à leur désir on avait installé trois lits dans une chambre réservée aux hommes du F.L.N. et deux dans la pièce contigüe dont on avait laissé la porte de séparation grande ouverte.
Bernard Tricot pouvait ainsi entendre un souffle fort et régulier provenant de la pièce voisine.
Qui dormait aussi profondement ? Si Salah, Si Mohamed ou Si Lakhdar ?
Pour une plus grande tolérance dans la plus stricte indépendance
Athos79 modérateur
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Sujet: Re: DOSSIER : UNE AFFAIRE D'ETAT. - L'affaire Si Salah Mer Juil 15 2020, 16:50
VOIR CARTE DE LA WILAYA 4
EPISODE 3
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Les acteurs de l’affaire Si Salah
Commandant Si Salah (Mohamed Zamoun, 32 ans) :
Né en 1928 à Aïn Taya d’une famille Kabyle, il a participé aux opérations du 1er novembre. Il venait du MTLD, ancien de l'OS. Célébré par la direction du FLN comme le prototype du maquisard valeureux et pur. Sensible, scrupuleux, pondéré, de santé fragile, grand, mince, Salah avait fait partie du CSICE (Commission de sécurité, d'investigation et de contre-espionnage) ; suivant à la lettre les consignes de Si M'Hamed il avait réclamé des purges en W6 pour punir l'assassinat du colonel Tayeb Djoghlali et cosigné un gros rapport sur les purges en W4 avec le commandant Si Mohammed (Djilali Bounaama).
Zone 1 (Palestro-Tablat) ; Capitaine Halim (Hamdi Benyahia, 28 ans) : Originaire de Sidi Aïssa, dans le Sud Algérois, ancien zaytûnien, le seul du comité de wilaya à avoir une sérieuse culture arabe. Il était un chef de valeur qui était devenu capitaine sans franchir la hiérarchie tant ses capacités l'avaient imposé sans difficulté. Fin septembre ou début octobre, Halim fut jugé par un tribunal dont le président était le capitaine Lyès, le procureur Bencherif et l'avocat... le commandant Mohammed. Il fut condamné à mort et exécuté.
Zone 2 (Médéa-Aumale) ; Capitaine Si Abdellatif (Othmane Mohammed Telba), chef de la mintaka 42. : Né à Koléa, d'une famille 'ulamâ, très dynamique, chef hors pair très aimé de ses hommes, venait du commando Ali Khodja. Il fut exécuté le 11 août sous l’instigation de Bencherif, envoyé par le GPRA. Adjoint militaire : Lakhdar Bouragaa, chef de la katiba Zoubiria : Né en 1933 au douar Ouled Turki, près de Champlain dans la région de Médéa, Lakhdar Bourèga a été formé dans les écoles coraniques de l’Atlas blidéen (Ouled Turki, Sidi al Mahdi, Zérouala...). Chasseurs alpins à Briançon avant d’être envoyé à Safi au Maroc d’où il s’est évadé en mars 1956 avec un groupe d’appelés algériens. Promu sous-lieutenant, il est devenu commandant de la katiba Zoubiria à laquelle faisait appel le colonel Si M’hamed pour l’escorter dans ses longs déplacements.
Zone 3 : Commandant Si Mohammed (Djilali Bounaama, 34 ans), chef de la zone 3 : Né en 1926 à Molière, dans l’Ouarsenis, fils d’un instituteur Kabyle, il a été mineur à Bou Caïd et avait fait la Deuxième guerre mondiale dans les tirailleurs algériens. Ancien de l’OS, organisateur né, était plus carré, plus robuste, plus dynamique, plus brutal. Il avait facilité la promotion de Hassan/Youssef Khatib pour orchestrer l'épuration à la tête du CSICE. Il ressentit avoir été doublé par le comité de wilâya qui avait agi sans lui demander son avis. Il prit mal, notamment, une lettre au Monde dans laquelle Lakhdar et Salah annonçaient que la wilâya 4 n'entreprendrait plus d'actions terroristes. Il plaida avoir toujours milité pour rester en accord avec le G.P.R.A. il devint donc l'homme privilégié de la direction dans la 4. Le 14 juillet 1960, il procéda à la dissolution du comité de wilâya et nomma un " Comité militaire de coopération et d'exécution " dirigé par lui, et qui ne contenait, de l'ancien conseil de wilaya, que le capitaine Abdellatif. Le C.M.C.E. engagea les junud et les cadres à la vigilance pour " enrayer la trahison ". Le commandement de la W4 revint au commandant Mohammed. Capitaine Hassan : Si Hassan, Youcef Khatib, successeur de Si Mohammed , il a dirigé la wilaya IV d'août 1961 à l'indépendance en 1962. Ce natif de Chlef, né en 1932, sportif accompli, avait rejoint l'ALN en 1956 à la suite de la grève des étudiants décidée par le FLN, abandonnant ses études médecine qu'il a reprises plus tard, à l'indépendance, pour décrocher son diplôme de médecin et se spécialiser en chirurgie.
Zone 4 : Capitaine Lakdar Bouchemaa, 29 ans : Né au début des années trente près de Ténès, il fait des études de lettres à Alger. Chef politico-militaire de la zone4. Promu commandant, chargé des Renseignements et liaisons lors du conseil de wilaya du 14 janvier 1960. Ancien employé des PTT, originaire de Cherchell où il était allié aux familles notables de la ville. Davantage en rondeur que ses collègues, calme, réservé, il était l'intellectuel du comité de wilaya. Adoré de ses subordonnés, menant, menant une vie exemplaire, il avait été l'enfant chéri du colonel Si M'Hamed. C'était un vrai musulman animé d'une conception ouverte de l'Islam, et anticommuniste parce qu'il imaginait que le GPRA était noyauté par les communistes. Il fut l'aile marchande de "l'affaire Si Salah". Il fut exécuté le 22 juillet 1960 par Si Mohammed.
Zone 5 (Boghari-Aumale) : Baba Ali Bachir. Capitaine Hadj ben Aïssa
Organigramme de la Wilaya 4
La zone quatre est devenue wilaya IV après le congrès de la Soummam d’août 1956. Elle s’étendait sur le centre du pays, de l’Ouest de la Kabylie à la région de Chlef, sur près de 250 Km d’Est en Ouest sur 200 Km du Nord au Sud. Elle englobait notamment Alger, avant que celle-ci ne soit érigée en zone autonome, avant d’être à nouveau rattachée à la wilaya IV. La wilaya IV a été divisée, dans un premier temps, en quatre zones : Zone une : à l’Est d’Alger, elle englobe Bouzegza, Zbarbar, Tablat, avec comme principales villes L’Arbâa, Meftah, Palestro, Ain-Bessem, Menerville, Rouiba, Fort-de-l’Eau jusqu’à Maison-Carrée. Zone deux : elle comprend l’Atlas blidéen, les montagnes du Chénoua, la Mitidja et le Sahel. Les principales villes en sont Blida, Médéa, Berrouaghia, Boufarik, Koléa, Mouzaïa, El-affroun, Hadjout, Cherchell, Chéragas et Birkhadem. Zone trois : elle comprend les monts de Dahra, le Zaccar, l’Ouarsenis, la plaine du Chéliff, avec comme principales villes Orléansville, Miliana, Khemis-Miliana, Ain-Defla, Theniet-el-had, Ténès, Tissemsilt, Mahdia.
A / en 1958 : La zone 3 a été divisée en 2 parties séparées par la route nationale (Alger, Chlef) : Au nord ce fut la zone 4 et le sud est resté zone 3. - La zone 4 nouvellement crée comprenait également la région de Tipaza-Cherchell qui dépendait de la zone 2 auparavant. Cette zone 4 englobait les monts du Chenoua, de Cherchell, Zaccar, Dahra et ses principales villes étaient : Tipaza, Cherchell, Hadjout, Miliana, Ténès.
B/ en 1959 : Création de la zone 5, cette zone qui dépendait de la wilaya 6 (Z1W6) fut organisée par la W4. Elle comprenait des montagnes tels que : Dira, Bougoûdéne et une steppe alfatière du sud avec comme villes importantes : Sour el Ghozlane (Aumale), Bir Ghabalou, Sidi Aissa, Ain Bessam, Ain Boucif.
C/ en 1960 : La zone 6 fut créée en juillet 1960 avec l’accord du GPRA. Elle englobait le Grand Alger et une partie de la Mitidja avec comme villes: Boufarik, Douéra, Staoueli, Saoula, Cheraga, Birkhadem, Birtouta, Baba Ali.
Sources : Gilbert Meynier : Histoire intérieure du FLN 1954-1962, Fayard, 2002, pp. 425 à 430 . http://sahnounberrouaghia.blogspot.com/2008/09/medea-historique-de-la-wilaya-4-iv.html http://wilaya4.org/presentation_w4.php
« Je ne suis pas abattu, je n'ai pas perdu courage. La vie est en nous et non dans ce qui nous entoure. Être un homme et le demeurer toujours, Quelles que soient les circonstances, Ne pas faiblir, ne pas tomber, Voilà le véritable sens de la vie ».
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Sujet: Re: DOSSIER : UNE AFFAIRE D'ETAT. - L'affaire Si Salah Ven Juil 17 2020, 18:04
L'AFFAIRE. SI SALAH - dernier volet -
ZONES D'OMBRES SUR DES NEGOCIATIONS SECRETES
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artie 4 : Visite nocturne à l’Elysée ...
Partie 4 : Visite nocturne à l’Elysée ... Mardi 4 mars 2008, par TOTO , popularité : 14% L’affaire SI SALAH |
Dossier du mois
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[( L’affaire SI SALAH
)]
( quatrième extrait de l’oeuvre de Yves Courrière "La guerre d’Algérie" tome IV - Les feux du désespoir- Fayard Editeur 1971)
Le 10 juin 1960 Bernard Tricot se rendit à l’Elysée. A 11 heures 30 il était de retour pour permettre au colonel Mathon de gagner Matignon.
Chacun devait faire son rapport à son patron respectif.
Ce n’est que lorsque les deux hommes retrouvèrent leurs trois compagnons pour un déjeuner tardif qu’ils leur annoncèrent la nouvelle.
<< Vous serez reçu ce soir à 22 heures par le général de Gaulle. >
La promesse de Tricot était tenue au-delà de leurs espérances.
De Gaulle effaçait Ben Bella.
Le premier moment de surprise passé, après qu’ils eurent marqué leur satisfaction -plus modérée chez Si Mohamed que chez ses deux compagnons - les chefs de la willaya 4 demandèrent à leurs interlocuteurs français de les aider à résumer dans un"topo" d’ensemble les points sur lesquels ils s’étaient mis d’accord lors des quatre réunions de Médéa.
L’après-midi se déroula dans une atmosphère de "bachotage" assez touchante. Guidés par Tricot ils travaillèrent à la préparation de l’entrevue.
Son déroulement les préoccupait. Les trois chefs F.L.N. ne montraient pas tant une réelle inquiétude qu’une certaine recherche de bienséance à l’égard du général de Gaulle.
<< Comment faut-il le saluer ? demanda Si Salah. On lui dit Monsieur le Président ou mon Général ? >
Bernard Tricot les rassura.
<< Appelez-le mon Général.>
<< Et qui assistera à cette entrevue ? s’enquit Lakhdar.>
<< Personne en dehors du colonel Mathon et de moi-même. >
A 2l heures ce 10 juin 1960 trois voitures sortirent de la forêt de Rambouillet. Le général Nicot conduisait la première, Tricot la seconde, Mathon la troisième. La traversée des Champs-Elysées,la vision de l’Arc de Triomphe éblouissant sous les projecteurs, les mille lumières des boutiques et des voitures qui se pressaient les unes auprès des autres, la succession des feux rouges et verts, furent autant d’émerveillements pour ces hommes simples qui découvraient Paris.
Un Paris lumineux, gai, riche, insouciant. Une foule joyeuse, avide de son plaisir. Bien loin de la guerre et de ses préoccupations.
Un monde nouveau. Insoupçonné. Insoupçonnable pour ces combattants dont l’horizon se limitait depuis cinq ans aux âpres djebels, aux mechtas misérables, aux caches obscures et qui n’avaient connu jadis que la vie biblique de leur douar natal ou les faubourgs misérables où se terrent, la nuit venue, la foule des travailleurs Nord’Af.
<< Pourquoi passe-t-on au feu vert ? interrogeait Si Mohamed, à chaque signal automatique. Qui le fait fonctionner ?>
<< Est-ce les Invalides ? > demandait Si Salah devant I’Arc de Triomphe illuminé.>
A 2l heures 50 les trois voitures pénétrèrent dans l’Elysée. Elles avaient emprunté une discrète entrée latérale située dans la rue du même nom. Sur les visages les sourires et l’émerveillement avaient fait place à une gravité tranquille chez Si Salah et Si Lakhdar, sombre chez si Mohamed.
Les six hommes traversèrent une succession de couloirs, de salons, de bureaux déserts. Ils ne croisèrent âme qui vive. Bernard Tricot, familier des lieux, avait soigneusement repéré son itinéraire et donné ses ordres.
Personne ne devait rencontrer les mystérieux visiteurs.
Quelques minutes avant dix heures ils se retrouvèrent dans le vaste bureau des aides de camp où seul les attendait le colonel de Bonneval. Un Bonneval plus anxieux, plus tracassé que jamais. Torturé par l’idée d ’un possible attentat. Après tout ces hommes pouvaient avoir monté un plan machiavélique à l’issue duquel ils abattraient la "haute personnalité" qu’ils devaient rencontrer. Tricot et Mathon n’avaient pas négligé cette hypothèse, surtout depuis qu’ils avaient rencontré Si Mohamed. Mais il fallait jouer le jeu.
L’opération psychologique qui allait se dérouler entre le général de Gaulle et les trois chefs F.L.N. ne pouvait réussir que si l’on établissait un climat de confiance réciproque et complète. Qu’on les fouille pour s’assurer qu’ils ne portaient pas d’armes et tout était fichu ! En accord avec le Général, Tricot avait pris le risque.
Aucune mesure de sécurité apparente ! Toutefois on avait à l’avance fixé les places. Le général de Gaulle derrière son bureau, Tricot à sa droite sur le côté du bureau, Mathon à sa gauche. L’un et l’autre tournés de trois quarts vers les chefs rebelles qui se trouveraient en ligne, face au Président de la République. A leur hauteur derrière une tenture dissimulant les hautes croisées du bureau, la mitraillette armée à la main, l’un des "gorilles" du Général, Henri Djouder, se tiendrait prêt à tirer. Il pourrait à travers la fente des lourds doubles-rideaux suivre les faits et gestes des visiteurs. En outre, sans pouvoir l’affirmer, il est pratiquement sur que Tricot et Mathon portaient chacun un pistolet.
A 22 heures précises les cinq hommes pénétrèrent à pas lents dans le bureau du Président de ta République.
Le généial Nicot demeura avec le colonel de Bonneval dans le bureau des aides de camp.
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Le général de Gaulle se tenait debout derrière son bureau. L’instant était solennel. D’un geste large il désigna à ses hôtes les trois fauteuils.
Si Salah prit place au centre, Lakhdar à sa droite. Si Mohamed à sa gauche.
<< Messieurs, dit le général de Gaulle, asseyez-vous je vous prie.>
Les trois chefs de la willaya raidis, tendus, saluèrent militairement puis s’assirent. Le général de Gaulle tout comme le colonel Mathon était en civil. Il sortit ses lunettes de la poche poitrine de son veston gris foncé puis se mit à jouer avec.
<< Messieurs, dit-il, je voudrais avant que nous commencions cette discussion situer à nouveau ma position qui est celle de Ia France.>
En un monologue d’une dizaine de minutes il résuma les termes de l’accord établi à Médéa. Il promettait aux djounoud qui déposeraient leurs armes dans des endroits fixés en accord avec eux la reconnaissance de leur statut de combattant, la possibilité de regagner sans encombre leurs villages ou de s’engager dans l’armée française, ou encore d’entrer dans des centres de promotion en attendant le référendum d’autodétermination. Le Général insista sur la dignité qui devait être reconnue par tous aux hommes du djebel.
<< L’Algérie, ajouta-t-il, doit se bâtir avec le concours de tous. >
C’était au tour des Algériens de parler. Si Salah et Si Lakhdar, parfois Si Mohamed, exposèrent leurs points de vue. Ils étaient prêts à cesser des combats "qui se traînaient et ne menaient à rien".
Ils acceptaient l’autodétermination ainsi que les conditions fixées. Si Salah insista particulièrement sur le souci qu’ils avaient de ne pas traiter pour leur compte personnel, de ne pas se désolidariser de leurs frères.
<< Il faut que le plus grand nombre possible de wiliayas cessent le combat en même temps que nous, précisa-t-il.>
<< Oui, intervint Lakhdar, et pour cela il nous faut pouvoir convaincre leurs chefs. Il faut qu’un cessez-le-feu partiel nous permette de nous déplacer.>
De Gaulle très attentif les rassura sur ce point.>
<< Vous aurez ce cessez-le-feu durant tous vos déplacements que nous faciliterons au mieux. >
On en arriva au G.P.R.A. Le Général annonça qu’il allait à nouveau faire appel dans une allocution radio-télévisée à l’organisation extérieure et intérieure.
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Les trois hommes n’exprimèrent aucune surprise.
<< De notre côté, réaffirma Si Salah, nous mènerons nos contacts avec les willayas voisines. Si le G.P.R.A. répond à vos offres de paix vous n’entendrez plus parler de nous. S’il les rejette nous poursuivrons nos entretiens- avec cette fois les représentants des willayas qui partagent notre point de vue. Ensemble nous essayerons de mettre sur pied un cessez-le-feu séparé à partir des conditions que nous venons d’établir. >
L’entretien était terminé. Le Général se leva, imité par ses visiteurs.
<< Messieurs, leur dit-il, je ne sais si nous nous reverrons. Je l’espère. J’espère aussi que je pourrai alors vous serrer la main. Vous comprendrez que je ne puisse le faire aujourd’hui car nous restons, pour l’instant, des adversaires. Mais si je ne vous serre la main, messieurs, je vous salue. >
(Propos rapportés par I’un des assistants à R. Tournoux qui les cite dans son Histoire secrète (Plon).)
Les trois chefs F.L.N. paraissaient très émus. Ils saluèrent à nouveau militairement et, flanqués de leurs "anges gardiens" Tricot et Mathon, ils gagnèrent la porte du bureau.
Immobile, debout derrière sa table de travail, de Gaulle les regarda sortir. La rencontre la plus secrète de la Guerre d’Algérie venait de se terminer.
Pour la première et la dernière fois le Général avait parlé face à face avec ces ennemis insaisissables dont la révolte avait provoqué la crise la plus grave qui ait ébranlé la France depuis quinze ans.
Pour la première fois aussi, depuis le 1" novembre 1954, une solution était en vue. La Paix se profilait à l’horizon des mechtas.
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Le 14 juin à 20 heures le général de Gaulle, dans la deuxième partie de son discours radio-télévisé consacré aux questions sociales et économiques et à la Communauté, renouvela ses offres de paix à l’organisation rebelle. En apparence il ne disait rien de plus qu’au 16 septembre : collège unique, cessez le feu par la "Paix des Braves", autodétermination, libre référendum par lequel les Algériens choisiraient leur destin.
<< Il est garanti que le choix sera entièrement libre > ,dit le Président de la République.>
Et chacun put remarquer qu’il insistait sur chacun de ses mots, martelant et détachant chaque phrase, les ponctuant du poing sur la table. << Les informateurs du monde entier, poursuivit-il, auront pour le constater, pleine et entière latitude. >
Pas un mot de la rencontre secrète de l’Elysée. Pas un mot et pourtant celui qui savait le détail de son entrevue avec les trois chefs de la willaya 4 pouvait retrouver les thèmes, les termes même de la discussion, dans l’appel adressé par le président de la République au G.P.R.A. :
<< Une fois de plus, je me tourne, au nom de la France, vers les dirigeants de l’insurrection. Je leur déclare que nous les attendons ici POUR TROUVER AVEC EUX UNE FIN HONORABLE AUX COMBATS QUI SE TRAINENT ENCORE, REGLER LA DESTINATION DES ARMES, ASSURER LE SORT DES COMBATTANTS. Après quoi, tout sera fait pour que le peuple algérien ait la parole dans l’apaisement. La décision ne sera que la sienne. Mais je suis sûr, quant à moi, qu’il prendra celle du bon sens : accomplir, en union avec la France et dans Ia coopération des communautés, la transformation de l’Algérie algérienne en un pays moderne et fraternel. >
Cet appel au G.P.R.A. scandalisa les militaires d’Alger qui étaient dans la confidence. Pour eux de Gaulle torpillait froidement l’affaire.
Il sabotait une paix séparée possible avec Si Salah et les willayas, une paix au sein de laquelle, à leur idée, l’Algérie resterait française, pour traiter avec le G.P.R.A. dont le but avoué était l’indépendance de l’Algérie. Leur thèse, et ce sera celle de Challe - alors à Fontainebleau - celle de Nicot - alors chef du cabinet militaire de Debré - celle des hommes du B.E.L. dans le secret, était que Si Salah et ses compagnons n’avaient accepté de traiter qu’à condition que de Gaulle s’engageât à ne pas discuter avec le G.P.R.A. dont ils ne voulaient plus entendre parler. C’était la scission complète avec l’Extérieur. Dans cette optique, Si Salah se ralliait purement et simplement. Et tous les espoirs étaient permis, << si ce Machiavel de l’Elysée ne livrait l’Algérie pieds et poings liés aux tueurs de Tunis ! >
Cette attitude, cette équivoque sur les termes échangés entre le Général et les chefs de la willaya 4, est le point de départ de ce qu’on appellera moins d’un an plus tard la révolte des généraux.
Pour eux dès la rencontre avec Si Salah, le 14 juin 1960, de Gaulle trahit.
D’autant que l’affaire de la willaya 4 va se terminer dans le drame et la confusion.
Après la rencontre avec de Gaulle, Si Salah, Si Lakhdar et Si Mohamed toujours "cornaqués" par le tandem Tricot-Mathon regagnèrent le pavillon de chasse des tirées de Rambouillet.
Ils semblaient très satisfaits, en proie même à une certaine émotion d’avoir vu le Général, y compris Si Mohamed pourtant moins prolixe que ses compagnons.
<< Pour nous, confia-t-il à Bernard Tricot, cette entrevue est très importante c’est une garantie que d’avoir entendu le général de Gaulle. >
Dans la bouche de cet homme dur et farouche la réflexion prenait une singulière résonance...
Il s’agissait maintenant pour les trois émissaires F.L.N. de "convaincre" les willayas voisines. Le 11 juin ils étaient de retour à Médéa. Tricot-Mathon et le colonel Jaquin, patron du B.E.L., convinrent d’un rendez-vous pour le 18.
Il fallait bien une semaine pour donner les ordres nécessaires à un cessez-le-feu partiel qui permettrait aux chefs de la willaya 4 de se déplacer sans encombre dans les willayas voisines.
Pour le commandant en chef, le général Crépin, qui avait succédé à Challe au cours de l’affaire Si Salah, il n’était pas question de donner aux généraux commandants de région et aux colonels commandants de secteurs en Kabylie et dans l’Algérois les raisons d’un cessez-le-feu partiel et temporaire.
Le B.E.L. fut donc chargé de le faire appliquer sans explication. Le capitaine Heux pour l’Algérois et le capitaine Léger pour la Kabylie furent désignés pour suivre les émissaires F.L.N. "à la trace" et pour les protéger durant leur mission.
L’opération Si Salah reçut comme nom de code TILSITT -l’humour militaire ne perdant jamais ses droits - et Léger, Heux et Jaquin eurent seuls le droit d’en consulter le dossier, bien mince puisqu’il ne contenait aucun des comptes rendus manuscrits du colonel Mathon.
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Le 18 juin à Médéa eut lieu la dernière réunion franco-algérienne de l’affaire Si Salah. Seul Lakhdar s’y présenta au côté de son chef. Ni Si Mohamed ni Halim ni Abdelhatif n’y assistèrent. Si Salah confirma son désir de se rendre en Kabylie pour y rencontrer Mohand Ou El Hadj.
<< Avant notre visite à l’Elysée, confia Si Salah, j’ai déjà reçu un accord de principe. Il m’a écrit une lettre qui nous laisse beaucoup d’espoir. Je suis Kabyle comme lui, j’en fais mon affaire. >
De leur côté le colonel Jaquin et le capitaine Lêger qui tenaient le fils de Mohand ou El Hadj, avaient fait écrire par ce dernier une lettre expliquant au vieux chef de la willaya 3 que dans l’Algérois le calme revenait, qu’il n’y avait plus de combat, que la Paix des Braves recevait un bon accueil. Bref un véritable travail de sape que le voyage de Si Salah compléterait à coup sûr.
Le chef de la willaya 4 paraissait très optimiste. Il ne semblait pas du tout penser que de Gaulle dans son discours prononcé quatre jours plus tôt avait trahi leurs accords. ( Bien mieux Si Salah quittera l’Algérois en direction de la Kabylie le 21 juin alors que la veille le G.P.R.A. a accepté de venir discuter à Melun des modalités du voyage à paris de Fehrat Abbas.)
<< J ’ai besoin d’être déposé à quelques Kilomètres de Tizi-ouzou, expliqua Si Salah. un agent de liaison me mènera alors à Mohand Ou El Hadj. >
Le chef de la willaya kabyle se terrait dans le massif de l’Akfadou. Il faudrait quelques jours à Si Salah pour gagner sa retraite. Jaquin promit un hélicoptère pour le 2l juin. Si Salah précisa que les contacts avec les willayas 5 et 6 s’établiraient parallèlement.
<< Et avec les willayas de Constantine et des Aurès ? interrogea Mathon.>
<< Cela se fera à partir de la 3, répondit si Lakhdar. Il faut procéder par ordre.>
Le 18 juin au soir tout était réglé. Les "Français" assuraient le transport de Si Salah à Tizi-ouzou et lui garantissaient l’arrêt des combats dans les zones qu’il traverserait.
En outre le colonel Jaquin lui donna le nom de deux postes français ainsi qu’un mot de passe.
<< Avec ce mot, expliqua le colonel, le chef de poste vous accueillera, quel que soit le résultat de vos conversations avec Mohand ou El Hadj, et me préviendra. On vous fera récupérer en hélicoptère et déposer où vous voudrez dans l’Algérois.>
Cette fois les dés étaient jetés. Si Salah et Si Lakhdar saluèrent chaleureusement les émissaires français qui leur souhaitèrent bonne chance.
Quelque temps plus tard "on" racontera au général Challe à Fontainebleau que Bernard Tricot aurait dit à Si Salah :
<< Prenez garde à ne pas gêner la politique du général de Gaulle par des négociations latérales.>
Réflexion qui bien sûr viendra encore étayer la thèse "militaire" déjà exposée.
Quoi qu’il en soit, le 21 juin Si Salah quitta l’Algérois pour ouvrir en Kabylie la première de ces fameuses "négociations latérales" sans se soucier le moins du monde de la "mise en garde" de l’envoyé de l’Elysée .
( Pour autant qu’elle ait été prononcée. Mais l’auteur est résolu à exposer ici les thèses de chacun des partis sans lesquels la suite de cette histoire tragique serait inintelligible ou franchement partisane. Note de Y. Courrière)
Pour les émissaires français la longue et angoissante attente commençait.