« Si l’étranger, au mépris de la neutralité dont nous avons toujours scrupuleusement observé les exigences, viole le territoire, il trouvera tous les Belges groupés autour du Souverain, qui ne trahira jamais son serment constitutionnel, et du Gouvernement investi de la confiance absolue de la nation toute entière. J’ai foi dans nos destinées : un pays qui se défend s’impose au respect de tous, ce pays ne périt pas. Dieu sera avec nous dans cette cause juste. Vive la Belgique indépendante ! »
Extrait du discours prononcé par Albert Ier devant les Chambres, le 4 août 1914De 1914 à 1918, le roi de Belgique Albert Ier, à la tête des armées de son pays, maintient allumée la flamme de l’existence de la petite Belgique. Ce résultat n’était pas acquis. En ce début de XXe siècle, le royaume de Belgique, fondé en 1830, est encore jeune et soumis aux convoitises. De part son action déterminée et courageuse, Albert Ier forge l’union de la population belge, lui crée un passé héroïque et donne une légitimité à sa dynastie.
I) 1875-1909 : Albert se forme avec passion à sa future fonctionLe prince Albert naît à Bruxelles, le 8 avril 1875 de l’union du comte de Flandre et de la princesse Marie de Hohenzollern-Sigmaringen. Le 23 janvier 1891, à la mort de son frère aîné Pierre Baudouin, le jeune Albert devient l’héritier direct de son oncle, le roi Léopold II. Sa mère s’attache à transmettre à son fils une grande rigueur morale et la conscience de ses devoirs. Les nombreux voyages de la famille royale lui permettent d’acquérir une excellente connaissance de son royaume, de l’Europe entière mais aussi des Etats-Unis. Discret et quelque peu solitaire, le prince marque un goût prononcé pour les études. Sa curiosité est immense et il se penche sur des domaines aussi variés que : le droit, le latin, la théologie, la philosophie, les sciences et les techniques. Agé de 25 ans en 1900, il prend pleinement le tournant du XXe siècle et se passionne pour toutes les nouveautés du « progrès ». Il s’adonne non seulement à la conduite automobile mais aussi à celle de la locomotive du train royal !
Se préparant assidument à l’exercice de la dignité royale, il parle de nombreuses langues et s’informe des enjeux économiques, politiques et diplomatiques. L’indépendance du pays, particulièrement menacée du fait de la tension franco-allemande, les questions militaires sont prioritaires dans le royaume. Dès 16 ans, il suit l’enseignement de l’Ecole Militaire. La grande fierté des Belges de cette époque est leur prestigieuse possession coloniale du Congo, officiellement annexé en 1908. En mai 1909, le prince Albert entreprend un grand périple à travers ce territoire.
II) 17 décembre 1909 : succéder à un grand souverain dans un contexte international troublé Le 17 décembre 1903, le service de Léopold II auprès de son peuple s’achève dans la 44e année de son règne. Le prince Albert devient le roi Albert Ier. Sa reine est la princesse Elisabeth, originaire de Bavière, sa femme depuis 1900.
Doté d’importants pouvoirs constitutionnels mais souverain de tous les Belges, Albert Ier ne s’engage pas dans les querelles de parti qui animent le pays. Il se consacre prioritairement à la situation internationale et aux menaces de guerre. Convaincu de l’imminence d’une guerre à laquelle la Belgique ne pourrait pas rester étranger, il réorganise l’armée et s’occupe de stratégie défensive. Pour rompre l’isolement diplomatique, le couple royal effectue de nombreux voyages officiels.
III) 1914-1918 : L’épreuve d’un roi et de son peupleAu terme du mois de juillet 1914, l’inévitable intervient. La tension en Europe ne laisse plus de doute sur l’imminence du déclenchement des hostilités.
Si la Belgique veut pouvoir se défendre efficacement, la mobilisation doit être décrétée dans les plus brefs délais. Elle intervient le 31 juillet à la demande du roi, mais Albert Ier espère encore pouvoir éviter d’engager son armée. Il écrit personnellement à Guillaume II pour qu’il confirme son intention de respecter la neutralité du royaume. La réponse se fait attendre et intervient indirectement, le 2 août à 19 heures. A cet instant le ministre d’Allemagne auprès du gouvernement belge remet l’ultimatum demandant le libre passage à travers le territoire belge. A 7 heures le 3 août, le gouvernement adresse un refus catégorique. Bientôt, les premières incursions allemandes sont signalées et il est fait appel aux puissances garantes du traité de 1839, en tête France et Royaume-Uni.
Le 5 août, le roi se place à la tête des armées même s’il est conscient que le temps des victoires sera précédé par celui des échecs. Pressé par une armée allemande au faîte de sa puissance, le roi se réfugie avec ses hommes dans le réduit de la forteresse d’Anvers. Jusqu’au mois d’octobre, son armée reste une nuisance importante sur les arrières allemands. Finalement, la victoire française de la Marne décide le commandement allemand à retourner son attention vers le nord.
Clairvoyant, Albert Ier redoute l’anéantissement de ses troupes et fait le pari d’une retraite jusque derrière l’Yser pour tendre la main aux soldats alliés. Il parvient à mener à bien cette périlleuse manœuvre avec 80 000 soldats. S’accrochant à un ultime lambeau de territoire belge, avec l’aide de troupes françaises et en déclenchant des inondations, il bloque l’avance allemande vers Calais à la fin du mois d’octobre.
Comme tous les belligérants, l’armée belge connaît la guerre de tranchées jusqu’au printemps 1918. Le roi installe son P.C. en bord de mer au village de La Panne. Il visite régulièrement ses hommes en première ligne. Aucune opération de grande envergure n’intervient sur la portion du front occidentale tenue par les Belges. Ceci est dû en partie au refus du roi de placer ses soldats sous un commandement interallié et de prendre part à une quelconque offensive sans importante perspective de succès. Albert Ier pense également au sort de ses sujets placés sous administration allemande. Pour soulager leur misère, il est à l’origine de la création d’un « Comité National de Ravitaillement ».
En juillet 1918, l’initiative passe directement entre les mains de l’Entente. Dans la perspective de la libération du territoire belge, Foch place le 9 septembre 1918 le roi Albert Ier à la tête du groupe d’armées des Flandres. Un premier bond en avant le 26 septembre, donne la maîtrise de la crête des Flandres. Un second permet aux soldats d’Albert Ier de libérer notamment Ostende et Bruges. Un troisième est en préparation lorsque la nouvelle de la signature de l’Armistice parvient à l’état-major du roi de Belgique. Le 22 novembre le roi Albert Ier fait une entrée triomphale dans Bruxelles.
IV) Un pays certes vainqueur mais à reconstruireLes Allemands laissent un pays ruiné à Albert Ier. La vie économique doit repartir quasiment de zéro. Nombre de villes sont réduites à l’état de ruines y compris leurs monuments culturels. Le cas de la cité de Louvain est bien connu mais d’autres villes, notamment celles de l’ancien front, ont connu le même triste sort. Les disputes de partis reprennent de plus belle sur fond de crise financière. Au dessus de ces affrontements, la figure d’Albert Ier reste celle d’un conciliateur. Partisan du suffrage universel, ce dernier est mis en œuvre dès les élections de novembre 1919. Cependant, le thème de la défense nationale lui reste cher et il s’engage au profit du maintien d’une puissante armée de temps de paix. Il soutient également le monde de la recherche scientifique et s’implique dans la reconstruction de vastes infrastructures dont la modernisation du port d’Anvers et le percement du canal qui prend son nom.
V) L’héritage d’Albert IerAlbert 1er alpinisteL’une des disciplines favorites de ce sportif accompli est l’alpinisme. Le 17 février 1934, il entreprend en solitaire l’ascension des rochers de Marche-les-Dames dans la vallée de la Meuse. Victime d’une chute mortelle, la nouvelle de l’accident est connue de tous dans la journée du lendemain. Aimé de son peuple, nombreux sont les Belges à lui rendre un dernier hommage lors de l’exposition de son corps dans une chapelle ardente pendant deux jours. Ses funérailles se tiennent le 22 février devant des représentants officiels venus du monde entier mais aussi d’une foule d’anonyme.
Au moment de la disparition du roi, la Belgique est politiquement dans une situation favorable. L’Allemagne n’est pas encore en mesure, militairement, d’inquiéter l’intégrité de la Belgique, alliée à la France. En quelques années la situation s’inverse. Le fils d’Albert Ier, Léopold III, réoriente en 1936 la politique étrangère belge vers une stricte neutralité. Lui-même soldat pendant la Grande Guerre, le déroulement des événements de mai 1940, ne lui donneront pas la possibilité de suivre l’exemple de son illustre père…
Par Romain SERTELET et Jean-Bernard LAHAUSSE
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