Jean-Yves Barbedor : Robert Surcouf, le chevalier des mersUn de mes ancêtres a acquis sur les mers une renommée qui s’étend bien au-delà de sa Bretagne natale et du port de Saint-Malo en particulier.
Robert Surcouf, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est en effet le grand-père de la grand-mère de ma grand-mère (je laisse au curieux le plaisir de compter le nombre de générations).
Robert Surcouf est aux corsaires français ce que Bayard fut aux chevaliers : le modèle culminant en apothéose un modèle qui allait disparaître.
Statue de Surcouf sur les remparts de Saint Malo
Alfred Caravanniez – Fin XIXe siècleNé le 12 décembre 1773, le jeune Surcouf descendait par sa mère de Dugay-Trouin, immense capitaine corsaire, le seul à pouvoir s’enorgueillir d’avoir capturé une ville, Rio de Janeiro. Bravant le désir de ses parents d’en faire un prêtre (curieuse idée connaissant sa fougue et sa vitalité), le jeune Robert s’engage à 13 ans comme mousse sur un navire en partance pour les Indes. À 20 ans il est déjà capitaine d’un navire qui participe au trafic d’esclaves. C’est à cette époque un “commerce“ qui enrichit en toute bonne conscience les armateurs de Saint-Malo et plus encore de Nantes.
Mais Robert Surcouf passe rapidement à la guerre de course et sous ses ordres, les navires corsaires : la Clarisse, la Confiance et le Revenant, brillent de ses exploits. Les lettres de marque encadraient strictement l’activité corsaire et ne permettaient d’attaquer que les navires, y compris marchands, des nations en guerre contre la France.
Attaque du navire anglais le Kent
par la Confiance, le 7 Octobre 1800
Un pays plus que les autres, souffrit de l’audace et du talent de Surcouf : la Grande-Bretagne.
À seulement 23 ans, Surcouf frappe un grand coup qui le rend célèbre des deux côtés de la Manche. Avec un équipage de 30 hommes et sur un navire armé de seulement 2 canons, il arraisonne plusieurs navires anglais dont on retiendra le Triton, navire armé par la Compagnie des Indes de 26 canons et 150 hommes d’équipage ! Une ruse digne de Bertrand Duguesclin lui avait permis d’approcher sa proie en cachant son équipage avant de le faire jaillir et de tout emporter avec furie.
Dès lors, les proies de Surcouf sont trop nombreuses pour être toutes décrites. On ne peut cependant passer à côté de son trophée le plus beau car le plus incroyable : la prise le 7 octobre 1800 du Kent, vaisseau de commerce à plusieurs ponts et 40 canons portant 400 hommes d’équipage plus une troupe d’élite de 200 hommes armés.
Robert Surcouf ne disposait que de 18 canons (plus petits) et de 150 hommes d’équipage. Les officiers anglais qui se riaient de la petitesse du bateau français et invitaient leurs passagères à assister à sa capture changèrent d’humeur devant la résolution avec laquelle les manœuvres du capitaine malouin l’amenèrent audacieusement jusqu’à l’abordage. Un corps à corps sanglant, tel qu’il pouvait se développer sur des espaces réduits comme le pont d’un navire, permit la conquête du bâtiment au prix de nombreux morts anglais. C’est cette victoire que les Français commémorent encore de nos jours, mais sans le savoir, quand ils entonnent la chanson « le 31 du mois d’août » et crient «
Merde au roi d’Angleterre qui nous a déclaré la guerre » !
Un tel enchaînement de réussites concourt à enrichir prodigieusement Robert Surcouf. S’il ne prend plus lui-même la mer après 1809, il financera et armera plusieurs navires corsaires et mettra sur pied de grandes opérations commerciales. En 1813, sa fortune est estimée à plus de 3 millions de francs. Décoré de la légion d’honneur et fait baron d’empire, Robert Surcouf terminera comme colonel de la garde nationale de Saint-Malo.
Caricature de Robert Surcouf, avec, sous ses pieds, l’Union Jack
œuvre de son descendant Jean-Yves BarbedorSeule la maladie eut raison de sa force, et il s’éteignit le 8 juillet 1827 dans sa maison de campagne. Il est enterré au cimetière de Saint-Malo où sa tombe est toujours visible.
Une statue le représente, pointant sans relâche son doigt vers l’Angleterre du haut des remparts de Saint-Malo. Gloire à Surcouf… et
“Merde pour le roi d’Angleterre…“.©Jean-Yves Barbedor