Bonjour,
Chacun de nous a pu lire ou voir à la télé les souterrains VM abritant des hôpitaux, des manufactures d'armes etc surtout en moyenne et haute région du TONKIN et le long de la piste HO CHI MINH.
Voici un cas, certes moins "kolossal" mais qui en dit long sur l'ingéniosité des viets.
Vers le 15 juin 1954, j'étais avec mon équipe de gonio mobile basé à NAM DINH pour relever les émetteurs VM qui pullulaient surtout après NINH BINH en direction de VINH.
Chaque matin, à l'aube au moment de quitter la banque désaffectée qui nous logeait et était également le siège d'une grande partie de l'état major du sous secteur, nous nous mettions sur la fréquence d'un émetteur viet situé à la sortie de NAM DINH en direction de PHULY.
Cette station VM,dont nous connaîssions parfaitement l'emplacement soit un village situé à 3 ou 4 km de cette route.
La mission de cet opérateur était de transmettre à son PC situé dans les calcaires près de PHULY sur la RC 1 le trafic qu'il avait observé et noté la veille.
Par exemple, dans le sens NAM DINH vers PHULY, HANOÏ: 50 GMC transportant environ 1.000hommes, 5 canons de 105 etc.
Donc chaque matin, nous le relevions afin d'être certain que notre gonio fonctionnait normalement car nous connaîssions au millième près son azimuth.
Il aurait été facile de se saisir de la station mais elle aurait été remplacée aussitôt par un autre émetteur qu'il aurait fallu localiser et beaucoup plus méfiant.
Alors que nous rentrions de mission en fin d'après midi, le patron du 2éme bureau de NAM DINH me dit: est ce que cela vous intéresse de nous accompagner demain matin à l'aube pour assister à la saisie de la station VM ?
Il faut dire que la situation tournait au vinaigre dans le delta et que le repli sur HANOÏ était déja en cours.
Je donne mon accord bien entendu, trop heureux d'être en face de c radio qui opérait de façon remarquable.
A l'aube, nous suivons une section de vietnamiens embarqués dans 2 GMC et nous les suivons, le casque du récepteur gonio sur les oreilles pour être certains de sa présence, ce qui était le cas.
Arrivés à la hauteur du village, le convoi stoppe et l'opérateur radio viet également. Il avait été prévenu par un guetteur.
Nous arrivons sur les lieux par une diguette et le chef de village arrive en ne ménageant pas ses courbettes et affirmant qu'il n'y avait aucun viet dans ce village etc.
Nous commençons la fouille, la pagode et les paillotes ne sont pas épargnées mais rien, pas la moindre trace d'un émetteur ou d'une antenne alors qu'il n' y avait aucun doute sur leurs présences.
Au bout de 2 heures environ, un sergent partisan remarque un bambou asséché au bord de la mare alors que tous les autres étaient verts.
A l'aide d'un coupe coupe, il entame le bambou et apparaît une antenne "fouet".
Nous interrogeons le chef de village et la population qui ne veulent pas nous dire où est planqué l'émetteur et l'opérateur.
Le sergent enlève la totalité du bambou et nous apercevons le feeder reliant l'émetteur à l'antenne disparaître dans la terre, protégé par un bambou de très faible calibre.
Ce sous officier se met à l'eau et disparaît dans les bambous pour réapparaître en nous disant qu'il avait trouvé l'entrée de la cache invisible de l'extérieur.
L'officier français qui commandait la section, un sous lieutenant, lui demande de leur dire de se rendre ! il devait arrivé de FRANCE et ne connaîssait encore pas la mentalité des viets !
Finalement, il est décidé que le sergent pénètre dans le souterrain, aucun européen en général,ne pouvait se prêter à cet exercice vu notre morphologie.
Le sous officier lance deux grenades F 1 et rampe alors que nous étions pratiquement tous dans l'eau pour suivre la manoeuvre.
Subitement, des coups de feu de pistolets sont tirés par l'opérateur viet, ce qui oblige notre castor à revenir!
Le sous lieutenant donne l'ordre à une partie de la population rassemblée de creuser un trou à l'emplacement supposé de la station radio.
Après avoir creusé pendant 2 heures environ, nous voyons deux viets sous les gravats, impassibles et silencieux.
Nous descendons et avec stupeur, je vois un émetteur saboté, ce qui est de bonne règle, d'origine japonaise certainement et une génératrice GN 45 modifiée du SCR 284 pour alimenter l'appareil.
Cette génératrice était installée dans une cavitée pratiquée sur une grosse branche d'arbre et au lieu de fonctionner à l'aide de 2 manivelles, les viets avaient instalé un pignon de bicyclette avec une chaîne et deux pédales ! le "cycliste" était l'un des deux viets".
Des documents avaient été brûlés, donc irrécupérables.
Sur le sol, un pistolet allemand dont je ne me souviens plus de la marque et dont je voulais m'emparer mais le sous lieutenant m'a donné l'ordre de lui remettre pour le donner à qui de droit ???
Le radio viet se fait connaître, parlant parfaitement le français et nous confiant qu'il savait être écouté par les stations d'écoutes mais ignorait être "gognoté".
Honnêtement, j'admirais ce viet qui travaillait dans une cellule de 1m50 de haut environ avec un matériel obsolète et sous la menace permanente d'être capturé.
Pendant des années, des milliers de soldats français sont passés à 2 ou 3 mètres de lui sans se douter de quoique ce soit!
Je lui ai dit qu'il serait conduit à HANOÏ et serait PIM jusqu'à la fin de la guerre, ce qui allait se produire quelques jours plus tard.
Il n'a jamais voulu nous dire où il avait effectué son stage d'opérateur, vraisemblablement en CHINE ?
Voila le récit de cette aventure un peu longue terminée.
Bien amicalement.
Gantheret