La Flotte Italienne ( 1914-1918 )Le cuirassé Caio Duilio à son entrée en service en 1915. ( Image Wikipedia LDD )
A l'instar de l'Allemagne, l'Italie est issue d'une construction politique unifiée récente. Elle devançait cependant celle de sa voisine du Nord de près de dix années, puisque le Royaume fut proclamé le 17 mars 1861. Dès lors, la marine Italienne était née, fruit du regroupement des unités disparates du Duché de Bourbon, de Sardaigne, de Toscane, Papales et Siciliennes. En 1861 donc, la flotte Italienne était constituée à partir majoritairement de la marine de Sardaigne - de loin la plus puissante avec celle de Bourbon - et de la marine Napolitaine, très bien équipée. Sous l"impulsion du Comte de Cavour, unificateur de la péninsule, appuyé par Garibaldi, la marine Sarde/Piémontaise devient la plus moderne de méditerrannée. On peut mettre à son crédit les premiers cuirassés Italiens. Mais durant les années qui suivent la guerre d'unification, c'est l'Autriche qui devient l'ennemi. La Bataille de Lissa, que les Autrichiens considèrent avoir remporté, reste un souvenir cuisant pur les Italiens, malgré l'énorme potentiel naval dont elle bénéficiait. ( Voir fiche, La flotte Italienne en 1866 ).
Après Lissa, les budgets et surtout la confiance qu'on accordait à la marine furent largement décroissants. On doit à Augusto Riboty en 1871 la volonté de redonner du sang neuf à sa flotte. Il le fit superbement notamment en ordonnant la série de cuirassés Duilio et Italia, armés de pièces d'artillerie formidables ( inégalées ), modernes et rapides, capables de surprendre les Britanniques eux-mêmes. On dit également plus tard, à l'ingénieur Cuniberti d'excellents navires, dont les derniers cuirassés pré-dreadnoughts, faute de n'avoir pu exprimer pleinement ses idées faute de budget. Ses quatre Regina Elena, les derniers pré-dreadnoughts Italiens, furent pourtant considérés comme les meilleurs de la catégorie, grâce à un armement secondaire redoutable. Il exposa dans un article de Jane's fightning Ships* resté célébrissime les plans du navire de ligne Idéal, une sorte de croiseur-cuirassé doté d'un armement très lourd. L'amirauté, après les enseignements de Tsushima, s'y était intérressée, et construisit ce navire: Ce fut le HMS Dreadnought, premier cuirassé monocalibre.
En 1894-95 toutefois, les revers en Afrique se portèrent encore en défaveur de la marine, et il faudra attendre le ministère de Carlo Mirabello pour qu'un nouveau plan ambitieux soit voté. Les fonds étaient encore modestes, et la construction des unités lourdes s'en ressentit, avec des délais de 7 ans parfois, presque dix ans entre les premiers dessins et les essais, ce qui rendait désuets ces navires entrant en service. Toutefois, ils étaient distribués en classes homogènes, et de qualité certaine. Numériquement, L'Italie avait à faire face potentiellement aux Turcs, aux Grecs, aux Autrichiens, mais son tonnage était largement en mesure de faire face à ces trois menaces. Les Grecs n'avaient jamais eu de sérieuses inimitiés avec les Italiens, et de plus ces derniers ne disposaient que d'une flotte de garde-côtes. Il en était tout autrement avec les turcs, dont la marine jadis si puissante était encore une menace pour toute la méditerrannée Orientale, la mer noire. En adriatique, c'était bien entendu l'Autriche-Hongrie la grande rivale, et les Italiens cherchaient depuis Lissa à obtenir réparation de l'outrage qu'ils avaient subi de la part du contre-amiral Tegetthoff. Cette rivalité n'avait pourtant pas lieu d'être sur le plan politique puisque l'Italie faisait partie de la triple entente depuis 1885 ( Allemagne-Italie-Autriche-Hongrie ).
En 1914, cette marine se situait au 7ème rang mondial, devant la Tuquie et l'Autriche-Hongrie, devant l'Espagne et la Hollande, mais derrière les flottes Françaises, Japonaises, Russes, Allemandes, Américaines et Britanniques. Elle pouvait compter sur le papier 17 cuirassés, 32 croiseurs, 33 destroyers, une cinquantaine de torpilleurs et une poignée de submersibles. Toutefois de ces forces il fallait retrancher les plus anciens croiseurs (1885), trop petits et plus vraiment adaptés à la rapidité des opérations navales modernes, les plus anciens cuirassés, utilisés comme gardes-côtes ou même batteries portuaires à quai, ou les torpilleurs, souvent hors d'âge. Ces torpilleurs de seconde classe n'étaient pas de construction nationale, mais provenaient des trois grands spécialistes de l'époque: Vosper-Thornycroft en Grande-Bretagne, Normand en France, et Schichau en Allemagne. Ses croiseurs étaient assez légers pour la plupart, et à part les San Giorgio de 1911, étaient inférieurs en tonnage et armement à leurs équivalents dans les autres marines. Ses Dreadnought par contre, commençés un peu tard par rapport aux autres Nations, excepté l'Autriche-Hongrie, étaient tout à fait modernes et intégraient des tourelles triples, à l'instar des bâtiments Américains et Russes contemporains.
*La revue d'Alfred Jane, sujet Britannique, complémentaire du Brassey's naval annual, le célèbre recueil d'articles de tactique et de stratégie navale, Jan'es figtning ships étant plutôt une sorte d'annuaire des flotte de guerres de l'époque, avec descriptions précises des derniers navires sortis, mais intégrant aussi des articles techniques, dont ceux d'ingénieurs de réputation mondiale dont des Italiens.
Cuirassés: -Pré-dreadnoughts: Dandolo, Classe Ruggiero di lauria (3) (défense côtière), Re Umberto (3), Amiraglio di Saint Bon (3), Regina Margherita (2), Regina Elena (4). -Dreadnoughts: Dante Alighieri, classe Cavour (3), 2 autres en achêvement classe Duilio et 4 super-dreadnoughts ( V. "constructions de guerre" )
Croiseurs: -Croiseurs cuirassés: Marco Polo, classe Vettor Pisani (2), classe Garibaldi (3), classe Pisa (2), Classe San Giorgio (2). -Croiseurs protégés: , Piemonte, classe Umbria (5), Calabria, Libia, 2 autres en construction. -Mouilleurs de mines: classe Partenope et autres (5), légers classes Agordat (2), Quarto, classe Bixio (2). Croiseur-école et GQG flottant Etna.
Destroyers: Fulmine, classe Lampo (6), classe Nembo (6) classe Soldati (10), classe Indomito (6), classe Ardito (2), classe Audace (2).
Torpilleurs: Haute mer: Classe Sirio (6), Pegaso I (4), Condore, Pelicano, Gabbiano, classe Orione (4), classe Pegaso II (16), classe PN I (36), 30 autres en construction.
Côtiers Type Schichau (environ 10).
Submersibles: Delfino, Glauco (6), Foca, Medusa (6), Atropo, Nautilus (2), Pullino (2), Alfa (2).
Canonnières: Guardiano, Brondolo (2), Caboto.
Divers: -Batteries flottantes, QG flottant ( Croiseur Giovanni Bausan )
Constructions de guerre:Sa production de guerre se caractérise surtout par un large recours aux unités légères: Des destroyers, des submersibles, des canonnières de bombardement côtier, mais surtout une véritable horde de vedettes lance-torpilles MAS ( Motoscafi Anti Somergibli ), largement utilisés comme patrouilleurs anti-submersibles, lesquels infestaient l'adriatique et s'offraient impunément de somptueux tableaux de chasse. Ces unités lance-torpilles, célèbres avec leurs moteurs puissants, leur construction légère, ajouté à l'audace individuelle, firent merveille.
Cuirassés: -classe Caio Duilio (2), 2 autres en construction, classe Caracciolo ( jamais achevés ).
Croiseurs: Il s'agit de bâtiments légers, éclaireurs de la classe Alessandro Poerio (3), Carlo Mirabello (3), Aquila (4), et à la fin de la guerre, trois autres furent entamés, classe Leone. Trop petits comme croiseurs mais bien dimensionnés comme destroyers, ils sont classés comme tels après la guerre.
Destroyers: classe Pilo (8), Audace ( ii ), classe Sirtori (4) classe La Masa (10), d'autres en début de construction en 1918, classe Palestro (4), classe Generali (6), et en projet classe Curtatone (4). ( v. NAVIS2GM )
Torpilleurs: Côtiers Type PN II et III (37).
Submersibles: Classe Provana (4), Classe Micca (6), Argonauta, Classe F (21), Classe N (6), Classe H (8), Classe X (2).
Canonnières: 10 réquisitionnés ou achetés ( voir "canonnières" ), 4 autres d'escorte en projet.
Divers: Dragueurs de mines: Classe RD ( 21 durant la guerre, 30 autres en construction )
-Monitors Alfredo Capellini, Faa'di Bruno, Montfalcone, Monte Cucco, Monte Santo (2), Vodice, Carso, Pasubio, Padus, et 4 en chantiers classe Monte Grappa.
-Vedettes lance-torpilles type MAS ( 422 en tout dont plus de 380 pendant la guerre ).
-42 Croiseurs auxiliaires ( paquebots armés ) dont 17 furent coulés
-6 Yacht armés, 9 Daous armés ( Libye ), Porte-hydravions Europa.
Opérations (1914-18):
La question mérite d'être posée: Que ce serait-il passé si l'Italie s'était définitivement engagée aux côtés des empires centraux? En effet, en août 1914, sa position était ambigüe. Elle affichait des revendications du côté de la France ( Nice, la Savoie, la Tunisie ), mais aussi du côté de son allié supposé et voisin, l'Autriche-Hongrie, pour des territoires dans les Alpes et l'Adriatique. Lorsque la flotte combinée Franco-Britannique entra en adriatique, l'amiral de Lapeyrère fit en sorte de faire croiser sa flotte près des côtes Italiennes, afin de jouer un rôle dissuadant. En matière d'équilibre des forces, l'engagement de la marine Italienne au côté de la flotte Austro-Hongroise auarit certainement été difficile à gérer pour les forces alliées présentes: Avant l'affaire des Dardanelles, la Royal Navy ne disposait sur place que d'un poignée de bâtiments ( deux croiseurs de bataille, d'ailleurs sollicités rapidement dans la traque de Von Spee dans l'atlantique, et deux croiseurs-cuirassés, mais pas un seul navire de ligne, même ancien. ) et en vertu de l'accord passé avec le gouvernement Français, la marine Française se voyait confier le commandement en chef des opérations navales en méditerranée, la Royal Navy se réservant la mer du Nord.
Le poids de la marine Italienne était numériquement inférieur à celui de la marine Française, mais en 1915, les deux flottes réunies ( Italie et Autriche-Hongrie ) auraient disposé de 9 dreadnoughts contre 7 pour les Français, et il ne fallait pas compter sur la possibilité que la Royal Navy ne se sépare dans l'immédiat d'un seul de ses précieux dreadnoughts ( ce qu'elle fera pourtant en envoyant le Queen Elisabeth aux Dardanelles en 1915 ). En matière de cuirassés "classiques", les deux flottes auraient aligné 22 unités contre 23 pour les Français. En matière de croiseurs enfin, ils en auraient aligné 35 contre 36 à la France. On le voit, les forces étaient comparables, et les premières araient eu le désavantage de devoir coordonner leurs actions. Toutefois cette question fut tranchée par un traité secret conclu à Londres entre la triple entente et l'Italie, le 26 avril 1915. Ce dernier offrait à l'Italie en échange de son engagement aux côtés des alliés des territoires en adriatique et aux Balkans, pris à l'Autriche-Hongrie et à la Turquie.
Le président du conseil Antonio Salandra aux vues plutôt neutres comme la majorité de la population, en dépit des manifestations de nationalistes portées par le poète Gabriel d'Annunzio, ou de Mussolini qui militent pour reprendre les "terres irrédentes". Le traité secret vient à la connaissance du public en même temps qu'une dénociation de la triplice le 3 mai et Salandra voit son gouvernement renversé par le parlement. C'est le Roi Victor-Emmanuel, favorable à la guerre, qui le rappelle. Le 24 mai 1915, l'Italie s'engage définitivement en déclarant la guerre à l'Autriche-Hongrie. La marine s'impliqua alors largement durant le conflit contre un ennemi localisé sur la côte est de l'adriatique, l'Autriche-Hongrie. Cependant, il n'y eut jamais de véritable bataille rangée entre les deux flottes, sinon des sorties et quelques accrochages ponctuels, ainsi que des actions isolées mais marquantes par leurs résultats spectaculaires.
Faute d'un affrontement décisif, 'amirauté Italienne se rabattit sur les submersibles et surtout sur les unités légères du type MAS dont ils firent un usage considérable. La guerre des mines fut aussi une priorité, et les nombreux "RD" sont là pour en témoigner. De nombreuses tentatives furent faites pour forcer la rade de Pola. Les projets de dynamitage de la flotte des Habsburg, véritable manifeste de bravoure individuelle, fut un défi permanent. Passer notamment les pesants filets en mailles d'acier mouillées en travers des passes nécéssitala construction d'engins singuliers comme la vedettes chenillée Grillo, une sorte de réponse au problème des barbelés à terre pour les Fantassins.
Enfin, la marine Italienne fit grand usage de "monitors", en particulier à la fin de la guerre. Certains en étaient de véritable, comme le Faà di Bruno, équipé des canons du Carracciolo alors en construction suspendue, d'autres étaient de simples pontons ou barges équipées de lourdes pièces de marine. Ils bombardèrent les installations côtières mais aussi appuyèrent les troupes Italiennes sur la ligne de front près de la côte.
http://www.naval-encyclopedia.com/premiere_guerre_mondiale/pages/italie/marine_ital1914b.htm